Correspondances

Owen,

Mon survivant, mon soldat, tu resteras pour toujours à mes yeux le plus grand des champions... Comment te portes-tu? Je n'ose pas imaginer dans quel état tu dois être, moi je n'ai pas à me plaindre, tout ce que je vais te dire c'est que ta mère, la mienne et tout le monde ici sont extatiques d'avoir enfin reçu ta lettre. Tu ne sais pas à quel point je suis soulagée de lire ton écriture, même si je remarque dans la courbe de celle-ci une petite différence de précision; de la fatigue, de la douleur... Je prie très fort pour que tu sois bien, guérisses bien. J'aimerais vraiment pouvoir me déplacer à grande vitesse afin de t'apporter soin où tu es et ne plus jamais quitter tes côtés. Car je le jure, au nom de ma mère, de mon père et même de ceux de nos enfants, que le jour où je te reverrai, je ne te lâcherai plus.

Tu as fait tout ça pour une grande cause, et je sais que la victoire sera nôtre, un jour ou l'autre. Le plus important pour l'instant est de prendre grand soin de toi et de tes compagnons, vous avez été parfaits, je suis certaine. Je m'occupe de mon côté d'offrir mes sympathies aux familles de la région, celles touchées par la tragédie. Je pensais faire du porte à porte ici pour apporter du soutien à tous ceux et celles ayant perdu un proche à la guerre... Nous pourrions même organiser et construire des mémoriaux publiques aux noms des tombés, en plus de funérailles privés déjà envisagés par les familles.

Mon amour, mon héro du ciel, je t'aime à la folie. Soigne-toi bien.

20 septembre 1862ta Maggie

Ma Maggie,

Ta lettre m'a fait chaud au coeur. Ne m'en veux pas, je l'ai lue à quelques camarades qui n'ont pas la chance d'avoir eu des mots aussi doux et chaleureux pour se réchauffer en cet hiver glacial.

As-tu pu lire les nouvelles de Fredericksburg ? C'est là que je suis. Notre ancien commandant a été démis  de ses fonctions pour "incompétence" et le nouveau chef, je l'admets, est plus stratège. Il anticipe là où mon ancien commandant battait en retraite après avoir perdu des centaines d'hommes. Je ne peux pas m'empêcher de lui en vouloir pour ce laxisme qui a pris la vie de tant de soldats. Mais assez parlé de tout ça.

Margaret... 1863 arrive, ainsi que les fêtes de fin d'année. Rien ne semble s'apaiser du côté de la guerre. Je ne veux pas être un poids que tu te traineras pendant peut-être quoi, dix ans ? Et si je meurs, tu auras attendu pour rien ? C'est insensé. Tout est insensé et même si au fond de moi je me dis qu'il faut que je sois raisonnable, et bien non, c'est hors de question. Je t'aime trop que pour te dire que tu n'as pas à m'attendre si je tarde à rentrer. Moi je veux être égoïste, je veux que jamais tu ne perdes l'espoir de porter mon nom. Dans mon coeur, tu es mienne depuis toujours.

Notre oui devant Dieu ne sera qu'une formalité car quand je parle de toi à mes frères, je parle déjà de ma femme.

Bonnes fêtes à toute la famille. Bonne année.

                               

Owen  

Mon époux de coeur,

Je suis désolée de te réécrire aussi tard, lorsque j'ai reçu ta lettre, j'ai réalisé à quel point elle datait de loin. Je crois que la poste rencontre certaines difficultés dûes à la guerre, mais je ne suis pas au courant de tous les détails. Pour Fredericksburg, j'ai vu sur le nouveau commandant, mais rien de pertinent sur la guerre n'y semble affiché, pour le mieux, puis pour éviter de compromettre des informations se voulant sensibles. J'ai vu néanmoins qu'il y a de l'activité au parlement de Virginie, je sens la tempête politique arriver... J'espère que cette fois-ci ce sera pour célébrer notre victoire. Soit, je ne suis pas là pour te raconter sur l'actualité lorsque tu dois déjà être bien au courant, je suis simplement heureuse de recevoir encore du courrier à ton nom. Je prie toujours très souvent pour que dieu puisse te donner la chance de te rétablir, même si parfois j'ai le sentiment qu'il nous a un brin oublié. Dieu ne prend pas parti, hélas. Dans tous les cas, je veux savoir si tu guéris bien, dans ton coeur comme dans ton corps, et que tes camarades en font de même. Restez fort, j'ose assumer que le plus gros a été fait. C'est un moment difficile pour tous, mais surtout pour vous. Aussi, je n'ai pas festoyé comme l'an passé, car les heures deviennent plus douloureuses que les précédentes, sans ta présence ici, mais je prie pour toi et plonge ma tête engourdie dans mes livres jusqu'à m'endormir. Il n'y a que dans mes rêves que je peux encore te voir et te parler, c'est là où je m'y sens le plus près de toi.

Tu me manques, terriblement.

15 février 1863ta femme

Ma chérie,

Je n'ai jamais autant été charrié par mes frères qu'avec ta dernière lettre où tu clames être ma femme.
J'en ai souri toute la soirée et pour passer le temps dans la bonne humeur, quelques rigolos ont improvisé une pièce de théâtre qui parlait d'un mariage impossible.

Tu aurais du les voir amuser la galerie, ça a été une belle soirée...

Notre brigade est actuellement dans le Comté de Spotsylvania. Ca me laisse toujours à trois jours de toi, Maggie. Oserais-je défier les ordres du Commandant pour venir te trouver et t'aimer toute une nuit avant de repartir ? Je suis certain que tu trouverais ça romantique. C'est impossible, mais nous pouvons l'imaginer dans nos rêves, là où toi aussi tu es là pour me tenir debout.

Margaret, sois toujours auprès de moi pour que je te revienne.
                               

je t'aime
Owen

Mon cher Owen,

Je veux que tu saches que je t'attendrai toujours, c'est une promesse.

Pour le reste, je t'avoue que cela m'a fait rire, cette idée de théâtre, ça me réchauffe le coeur de savoir que tu as au moins quelques moments légers, même à la guerre. Ici, c'est plutôt routinier; même si nous arrivons à passer d'heureux moments en famille, il reste très douloureux de te savoir potentiellement en danger et loin de nous. Mes parents et moi allons très souvent à la ferme, maintes nuits je me suis endormie dans ta chambre jusqu'au levé du soleil. Je crois que ça fait du bien à ta mère de sentir une jeune présence dans la maison, pour se rappeler de toi, quand tu y étais... Parlant de ta mère, elle ne me semble pas très en forme, récemment?

Sinon, je deviens officiellement maîtresse à compter de septembre prochain, M. Ferguson m'a déjà référée et présentée à l'un des instituteurs du village qui m'a offert d'emblée son contrat. Il pratique à la Chapelle New Hill, tout près du cimetière Oak Grove; ce dernier quitte pour un autre métier l'an prochain et je serai sa remplaçante. C'est si excitant!

J'ai hâte de te revoir,  

17 mai 1863Mag

Maggie,

J'espère que tu recevras rapidement cette lettre, j'ai demandé à ce qu'elle te parvienne le plus vite possible. Comment va ma mère ? Qu'est-ce qu'elle a ? Y a-t-il de meilleures nouvelles la concernant depuis le mois dernier ? Oh Margaret... je sais que tu es occupée, je n'ai pas à te demander tout ça, mais ne la laisse pas seule si elle dépérit. Elle est la seule mère que je n'aurai jamais, et je ne peux même pas la serrer dans mes bras.

Je suis cependant heureux que tu atteignes les objectifs de ta vie. Margaret Olsen maîtresse d'école, enfin après tout ce temps où tu en parlais comme d'un rêve lointain.

Je suis fier de toi.

Et moi, je couperai du bois pour toi et tes élèves quand les périodes hivernales arriveront en force à Morgantown. Sans doute que je resterai bucheron toute ma vie, ça te convient, hein ? Je suis à un point où je remets tant de choses en question... quand on côtoie ainsi la mort, tout semble si différent.

Ma seule constance, c'est toi.                               

Owen

Owen,

Ne t'inquiète pas, ta mère va bien. Le docteur a dit qu'il n'a rien vu d'alarmant, peut-être une petite faiblesse dû à la charge de travail et l'angoisse, j'ai décidé de prendre la relève à la ferme pour cette semaine, qu'elle puisse prendre du repos. Ton père m'a dit de te saluer pour lui, il espère que tu vas bien.

Je suis également navrée que tu recoives cette lettre après ton anniversaire, j'aurais aimé te souhaiter tes 28ièmes années en bonne et due forme, mais soit. Le temps passe trop vite, tu dois avoir changé depuis.

Tu me manques énormément, je pense à toi chaque jour, chaque soir. J'ai même cuisiné ton repas préféré hier; de la volaille et des pommes de terre, mais nous avons découvert une nouvelle recette qui vient d'Europe, par Giovanni Nelli. Ce sont ces même pommes de terre, mais vidées de leur chair, cuites dans du bouillon et du beurre puis garnies d'asperges, de pois et de haricots. C'était très bon, mais j'aurais souhaité que ce soit toi pour me le dire.

Joyeux anniversaire mon vieil ours, je t'aime à la folie.  

22 juillet 1863Margaret

Margaret,

Tu penses réellement à tout. J'avais complètement oublié mon anniversaire, c'est devenu si futile. Mais le tien arrive à grand pas aussi, et je t'ai bricolé un petit quelque chose, qui lui se ne fanera pas comme la fleur qui doit déjà être en poussière à l'heure qu'il est. Je l'ai fait avec un des boutons de mon sac et du cuir. Tu recevras sans doute cette lettre après le 22 août.

Merci pour ma mère.

Il ne me reste plus beaucoup de feuilles de ton carnet. Certaines sont inutilisables car j'ai dû traverser une rivière à pied et utilisé quelques unes pour me réchauffer.

Après plus de deux ans, les mots me manquent, Maggie.

Je t'aime.
                           

Owen

Owsie,

Ta fleur de cuir est magnifique. Je t'avoue que depuis le temps, celle que tu m'as envoyée il y a de cela des mois a dépérit, pourtant je l'ai aimée jusqu'à la dernière minute... Je ne sais pas comment tu as réussi celle-ci, elle semble plus délicate encore que la vraie. Je vais tenter de la conserver pour toujours, celle-là. Ça doit être le meilleur cadeau d'anniversaire que tu m'as offert, considérant les conditions dans lesquelles tu me l'as fabriqué. Par ailleurs, je dois t'annoncer quelque chose, mon cher, mais Artémis a mis au monde un adorable bébé. Nous l'avons prénommée Hope, en ton honneur, mais aussi parce qu'elle a goûté à la vie avec tant d'énergie malgré l'adversité qu'a connu sa mère. Je suis si heureuse d'avoir eu cette chance d'en être témoin, la naissance est véritablement un cadeau de dieu. J'essaie de profiter pleinement des petites choses de la vie, car vois-tu, la situation financière est devenue un peu plus délicate par ici; les moyens manquent, mon père rencontre quelques problèmes de santé et le pauvreté commence à tranquillement gagner le chemin sur notre confort. Je n'ai pas osé t'en parler avant, car je me suis dis que ça s'améliorerait, mais voilà. Ne t'inquiète pas, cependant, j'écrivais surtout ces détails dans l'idée de me confier à quelqu'un, mais j'assume que tout ira bien d'ici ton retour. Puis tes parents vont bien, ta mère retrouve une énergie d'antan, monétairement ça va, même qu'ils nous ont aidés maintes fois, mais nous savons qu'ils ne sont pas eux-même riches, et mon père n'accepte plus de charité d'autrui. Tu le connais. Je sais aussi que tu leurs envoies une partie de l'argent de l'armée, personne ici ne veut profiter en aucun cas de tous tes sacrifices. Finalement, ne crains pas pour les mots, occupe toi seulement de ton bien-être et reste fort, car j'écrirai pour nous deux. Mon amour pour toi,

23 septembre 1863Maggie

Mon amour,

je suis content que ça te plaise. J'ai tellement imaginé ton sourire qu'il reste figé dans ma mémoire. Mais trop de temps a passé, tu ne dois plus ressembler à la Maggie que j'ai quitté pour le front. Comment es-tu maintenant ? En voyant la façon dont ces deux dernières années m'ont changée, je me pose la question. Tes magnifiques cheveux sont-ils toujours aussi longs ? J'adorais y plonger ma main, et sentir cette bonne odeur qui en émanait. Mais qu'importe les changements, je te reconnaitrais entre mille, Margaret Olsen.

Ca fait dès mois que je suis à Gettysburg. Il y a quelques jours, j'ai assisté au discours du Président Lincoln. Tu t'en rends compte ? Il est venu jusqu'à nous et a prononcé ce discours qui je suis sûr traversera le temps. C'était un moment historique et j'ai survécu pour pouvoir le vivre. Je me sens terriblement chanceux et je suis fier de me battre pour sa cause, c'est un homme bon. Je t'ai joint un papier journal pour que tu puisses le lire.

En revanche tu me connais, et je ne peux pas accepter que ta condition de vie se dégrade, c'est hors de question. Mes sacrifices sont pour le pays mais avant tout pour toi, pour vous.
Désormais l'autre partie de l'argent te revient dès ce mois-ci.
                   
Avec tout mon amour,           

Owen Cooper  

Owen,

Je suis désolée, véritablement navrée de ne pas t'avoir écrit avant.

Je suppose que tu as reçu le télégraphe pour te prévenir des plus récentes nouvelles. Je ne te surprend pas lorsque je t'annonce ici que ton père est décédé. Nous sommes tous encore sous le choc, surtout ta mère, mais elle a dit qu'il était parti doucement, dans la nuit. Je suis profondément chagrinée, je ne peux même pas imaginer comment le vit Mme Cooper, et toi.

Mes condoléances, mon amour, je ne voulais vraiment pas te partager ça en correspondance, mais je prie pour lui, pour l'ange qu'il est devenu au ciel.

Je t'aime, en t'exprimant tout mon support via cette lettre, car ça doit être terriblement difficile pour toi.


Les mots me manquent à moi aussi, finalement... Je n'arrive pas à penser à autre chose, mais je dois me souvenir que dans tous les cas, maintenant, il est en paix.

31 décembre 1863Margaret

Mon Owen,

Sans savoir si tu as reçu ma dernière lettre, ou peut-être n'as-tu jamais rencontré la force de me répondre, mais je voulais quand même venir te souhaiter une prospère nouvelle année, qu'elle puisse mettre un baume invisible sur ton coeur très probablement charriée par le fortuit incident de septembre. Je suis encore bouleversée par les nouvelles, mais je ne pourrai, pas encore, comprendre entièrement la douleur que toi et Mme Cooper traversez. Dans tous les cas, je suis de tout coeur avec vous deux.

Je te souhaite, ceci dit, beaucoup de succès par où tu dois être maintenant, en étant très fière de toi pour te donner à notre pays. Le président a raison, mais j'espère quand même que tu puisses voir beaucoup de pays, malgré les raisons, que cela puisse te changer les idées et alléger tes bagages mentaux. Je prie pour toi et ta mère, pour la prospérité, la santé et la chance. Je voulais te dire que tu dois rester fort, mais tu l'es déjà, car dieu ne mettrait pas autant d'épreuves sur ton chemin si ça n'avait pas été le cas, mais surtout parce que je t'ai vu et je le sais, au fond de moi.

Je t'aime, la saison s'est refroidie, mais je peux encore sentir ta chaleur me hanter la nuit, même si mon souvenir reste engourdi.  

15 janvier 1864Ta Maggie

Margaret,

J'ai bien reçu le télégramme. Merci de m'avoir mis au courant.

Nous ne savons pas encore vers où ma brigade est déployée pour les prochains mois, mais beaucoup de nouvelles batailles se profilent. C'est loin d'être fini, je n'y arrive plus

Au rev


A bientôt

         

Owen

Mon amour,

Je ne sais pas comment je dois prendre ta lettre, mais il ne faut pas baisser les bras. Je prends également le temps de t'écrire que je suis soulagée de recevoir de tes nouvelles et de lire à nouveau tes mots, même si clairsemés.

J'aimerais te partager que j'ai pris du temps pour aller travailler à la ferme afin d'apporter soutien à ta mère, puis celle-ci m'a en échange proposé de me refiler quelques sous pour que mes parents puissent subvenir un peu mieux à leurs besoins. Mme Cooper semble reprendre un peu du poil de la bête, ou bien c'est seulement selon ses dires, car en moi je sens que quelque chose a brisé en el Je ne devrais pas te partager ce genre de chose, tu en as bien assez sur les épaules. Ne te soucis pas pour elle, elle va bien. Sa santé va... Comme d'habitude, la seule chose que tu devrais savoir c'est qu'elle semble moins en forme, mais un coeur brisé n'est jamais bon pour la santé. Avec un peu de temps, cela va revenir. Elle m'a même avoué hier que ma présence l'aidait pour beaucoup, autant mentalement que physiquement, et m'a même invité à emménager avec elle. J'y réfléchis encore, mais je crois intérieurement que c'est une bonne idée, qui fait du sens. Les chances sont de ce côté.

Je t'aime énormément, bientôt, tout ça ne sera plus qu'un mauvais souvenir.  

05 mars 1864Maggie

Owsie?

Tu dois simplement manquer de papier, ou la guerre rend les choses beaucoup plus compliquées de ton côté. Dans tous les cas, je vais continuer de t'envoyer mes lettres, que tu puisses les lire peu importe où tu te trouves. Je n'abandonne pas, je suis certaine que tu m'attends, quelque part. Bien certaine.

Tu Je suis allée voir Hope, ce matin, pour lui caresser l'échine, lui souffler mon amour et lui donner un peu de foin. Elle est si bien, réunie à sa mère. Je ne me verrai jamais la vendre à un autre fermier ou bien un abatteur. Dans les plaines, comme ça, au frais et à l'air libre, elle ne peut pas demander mieux.

Je crois bien que je me plairais, à être épouse de fermier. Je pourrais vivre comme ça jusqu'à mes vieux jours. Nous pourrions reprendre la ferme, l'entretenir et même éventuellement la remettre à neuf. Deux enfants pour nous aider dans nos tâches, une petite fille, un garçon. Je ne suis pas encore certaine des prénoms, mais nous pourrions décider ensemble lorsque tu reviendras. Qu'est-ce que tu en dis?

Que mon étreinte boueuse et puante puisse se rendre jusqu'à toi (avec cette odeur, y'a de meilleures chances)

10 avril 1864ta p'tite Mag

Soldat Cooper!

Je vous ordonne de me répondre! Non, c'est une blague, même si j'avoue que j'aimerais bien revoir ton écriture maladroite et les traces de charbon sur tes lettres. Tu dois être bien occupé à la guerre... Ta maman va bien, Hope et Artémis aussi. Les chèvres sont malicieuses, comme à l'habitude, mais suffisamment affectueuses pour que je les pardonne. Le coq, Colonel Spike ne cesse de me crier dans les oreilles le matin pour réveiller tout le village bétail, puis la maisonnée. Je l'aime quand même, lorsqu'il n'essaie pas de me pourchasser à travers le terrain entier... Il commence à tranquillement faire chaud, mais l'été me fait peur, car tu n'es toujours pas rentré à la maison... Quoiqu'il en soit, tout va bien ici, comme à l'habitude. J'aime bien cuisiner pour Mme Cooper, c'est un passe-temps que je découvre à la ferme, cette année plus particulièrement. Ah! Puis, avant que je n'oublie, petite anecdote pour mon homme favori; je suis allée faire les emplettes cet avant-midi, et cet... Individu vêtu de tutus m'a accosté pour me dire qu'il voudrait me voir dans les robes de la bourgeoisie. Quelle sottise! Il n'a même pas prit le temps de connaître mon nom qu'il a indirectement insulté mes nippes de fermière avant de me souffler à l'oreille quant à considérer le mariage pour une vie plus "somptueuse". C'est flatteur de comprendre que des gens s'intéressent à moi, même dans mes guenilles, mais tous ces aristocrates s'enflent beaucoup trop la tête. Ils ne seront jamais purs de coeur comme toi. J'aurais aimé que tu sois avec moi, ce jour-là, je crois l'avoir surpris à me suivre jusqu'à la maison, mais je ne suis pas certaine. Je ne me sens pas tellement en sécurité, sans ta présence par ici.

6 mai 1864future Mme. Cooper

Mon ours, mon doux,

Ces crétins ne savent pas à qui ils s'en prennent Comment vas-tu? Je ne veux pas sonner agressive, mais ça n'a pas tellement été rose ces derniers temps. J'ai beau dire non qu'ils Bon, c'est pas très important en somme, je voulais juste te faire savoir que je t'aime, et que mon coeur sera toujours tiens. Tu me manques beaucoup, je ne sais pas où tu as disparu, si même seulement tu reçois et lis encore tout ce que je t'ai envoyé. Tu es le plus courageux des courageux, tu as toujours été brave pour nous deux, à mon avis.

La ferme va...Bien. Je ne sais plus quoi penser de tout ce qui se passe, je ne sais même pas quoi te partager de plus...

Tout mon amour, aussi simple soit-il,

27 mai 1864Maggie

Mon chéri,

Mon amour? Je ne veux pas croire le sens des mots sortis de la bouche de cet homme, ce matin même, je suis certaine que c'est faux... Je t'en supplie, réponds-moi, ils n'ont pas retrouvé ton corps, je refuse de penser que tu nous as quitté. Prouve-leurs qu'ils disent des bêtises... Je ne vais jamais accepter cette spéculation sans preuve.

Tout semble tomber, dans mon monde. Dieu m'a abandonné, je n'ose plus croire que tout se terminera, je ne sais même pas où s'arrêtera cette lettre, si ta lumière est telle qu'ils l'annoncent; éteinte, loin de moi. Loin de tous ceux qui t'ont aimés. Je ne sais plus quoi ressentir. Ils me forcent à prendre une décision qui n'est pas mienne.

Pitié, dieu, pitié.

Enlève-moi tout, mais pas Owen.

8 juin 1864