22/01/1866

Ma très chère fille,

voilà dès semaines que je me retiens de vous envoyer, à toi et Ferdinand, cette lettre. Depuis votre départ de San Francisco, tout me semble plus sombre. Vous me manquez beaucoup et j'ai hâte que vous rentriez. Passer Noël sans vous deux, pour la première fois depuis tant d'années, m'a fort bouleversée.

Comment vas-tu, ma fille ? Quelles nouvelles depuis ce temps écoulé ? De notre côté, tout va bien. Je viens de parrainer trois étudiants d'un milieu modeste pour qu'ils puissent avoir la chance de s'élever socialement dans un travail gratifiant qui leur plait. Je les ai rencontré, ils étaient si reconnaissants, si émus. Cela m'a fait penser à toi ; as-tu tout ce qu'il te faut ? Des amis, des projets ?

Je suis désolée, je te bombarde de questions ! C'est que j'ai tellement envie de te serrer dans mes bras, te rassurer si tu es peinée, te féliciter si tu es comblée.

Comment se porte Ferdinand ? Malgré sa promesse, il ne m'écrit pas. Je ne voudrais pas lui paraître insistante alors j'attends qu'il vienne à moi. Cette idée de s'en aller si loin de sa famille m'a longtemps terrorisé, tu sais. J'ai toujours su qu'arriverait ce jour où il plierait bagage pour accomplir cette destinée qu'il s'imagine depuis toujours... J'espère simplement que ces rêves grandioses ne te pèsent pas sur les épaules, car je sais ô combien mon fils peut être lorsqu'il a une idée en tête.

Quoiqu'il en soit, je ne te retiendrais pas plus longtemps, tu as certainement beaucoup à faire. J'aimerais t'écrire plus souvent si tu me le permets, aussi brèves seront mes lettres pour ne pas accaparer ton temps.

Je vous embrasse fort et je me réjouis d'avance de pouvoir te lire !

Adelaïde Stanford

Codage par Libella sur Graphiorum

14/02/1866

Vous étiez Miss Davis lorsque je vous ai rencontrée. Une femme pour qui mes sentiments ont jailli au moment où mon regard s'est posé sur vous. Si seulement vous vous rendiez compte à quel point l'explosion de mon amour fut brutal, ma bien-aimée.

Vous m'avez épousé, devenant Mrs. Stanford, la moitié complétant l'homme encore incomplet que j'étais. Vous avez transformé ma vie, Victoria, d'une façon si belle et délicate. A vos côtés, je me sens comblé. Parfois insatisfait de ne pas pouvoir faire tout ce que j'aimerai à votre égard. J'ai conscience que j'ai beau vous offrir tout l'or du monde, ce n'est pas ce qui vous rend heureuse.

Permettez-moi d'essayer encore et encore, jusqu'à ce que j'y parvienne, bien qu'il semblerait que vous m'ayez devancé encore une fois en m'offrant une famille, en mettant sur mes épaules ce nouveau rôle de père que je chérirai volontiers.

Je ne peux vous dire tout cela en vous regardant droit dans les yeux. J'en perdrais mes mots et me noierai sur vos lèvres, pour un de ces baisers divins dont vous seule avez le secret.

Je vous aime,

Ferdinand.

Codage par Libella sur Graphiorum

14/02/1866

Madame,

Ne craignez pas de lire en ces lignes autre chose que l'affection purement fraternelle que je vous porte. Le respect que j'ai pour vous et votre époux m'interdisent ne serait-ce que d'envisager une autre issue que celle-ci.

Cependant, alors qu'il est d'usage dans cette période de fête de remercier le Seigneur des bienfaits du quotidiens, je tenais à vous faire part de la profonde admiration que je vous porte. Je serai fier de savoir que vous me comptez parmi vos amis et n'hésiteriez pas à frapper à ma porte le besoin, le Seigneur nous en garde, s'en faisant sentir.

Votre présence à Crimson est une oasis de délicatesse, d'éducation et d'intelligence qui saura, à terme, nourrir ces terres arides de la civilisation que vous appréciez tant. Sans vous, la ville ne serait pas la même et si je sais que votre époux est trop pudique pour vous le dire, je le devine assez intelligent pour le savoir parfaitement.

Les mots me manquent souvent à l'oral pour exprimer mes sentiments et même le papier me semble trop rude pour les écrire. Je vais cependant me faire violence, pour vous.

Je suis heureux de vous connaître et vous souhaite pour cette année de vous épanouir dans la maternité qui sera bientôt la votre.

Faolan Riagal.

Codage par Libella sur Graphiorum

02/02/1866

Ma chère Adelaide,
Recevoir de vos nouvelles est un baume à l’âme, moi qui trouvait le temps long sans pouvoir converser avec vous ou ma propre mère. Vous me manquez toutes deux terriblement après de si longs mois sans avoir pu vous voir. Je n’ai de cesse de demander à Ferdinand une opportunité de faire le voyage retour, même pour une courte durée, mais il me répète inlassablement qu’il ne pourrait se passer de moi aussi longtemps. J’ai bon espoir que cela puisse se produire, une fois que nous aurons terminé ce pourquoi nous sommes venus ici.

Les fêtes de fin d’année ont eu une étrange saveur, l’absence des nôtres étant un crève-cœur que je n’aurais su supporter. J’ai donc pris la décision de célébrer Noël en notre demeure et en invitant l’ensemble des habitants de notre petite ville en essor. Je sais que certains m’en ont fait un retour des plus enjoué et il n’est pas impossible qu’une telle chose devienne une coutume locale, comme une extension de ce bal que nous donnions pour les domestiques à San Francisco.

Rassurez-vous, je vais bien. Après de longues semaines à me languir dans une triste solitude, j’ai rencontré plusieurs acteurs éminents de Crimson Town qui ont su m’épauler afin de m’aider à trouver mes marques. Ce n’est pas évident : cette ville n’a rien à voir avec ce que je connais. Je n’ai que peu d’amis et je sens bien dans le regard des gens que pèse l’envie de venir à ma rencontre mais que leurs intentions sont faites pour espérer un privilège en retour. La plupart de mon temps, je le passe dans mes appartements, à lire quelques ouvrages apportés depuis chez nous ou prêtés par l’aimable médecin de Crimson. Vous l’apprécieriez certainement, c’est un érudit qui a su parcourir le monde et qui est si dévoué à sa cause qu’il pourrait se tuer à la tâche. D’un certain point de vue, il me rappelle Ferdinand.

Il va également bien. L’absence d’écriture peut s’expliquer par diverses manières. Je suppose donc qu’il n’aura pris le temps de vous informer avoir été agressé au sein même de la mine qu’il a acté comme étant sienne. J’ai bien cru le perdre, Adelaide, et les mots que nous avons partagé ce soir-là, alors qu’il délirait dans son agonie, demeurent un écho étrange en moi. Je vous fais la promesse de toujours veiller sur lui, chose que j’ai évidemment faite en demeurant des jours durant à son chevet. Je crois bien que rares ont été les instants où nous avons pu jouir de tant de temps passé ensemble depuis notre mariage. Cet événement fâcheux a su apporter du bien dans son horreur et, aujourd’hui, votre fils est entièrement rétabli, une cicatrice parcourant son bras demeurant le seul stigmate de cette mésaventure dont il ne parle finalement que très peu.

J’aurais aimé pouvoir vous offrir cette dernière nouvelle autrement qu’en la déposant sur une feuille de papier, mais la distance nous séparant rend tout ceci impossible. J’ai donc le plaisir de vous informer que je porte notre premier enfant. Notre joie est immense et je crois n’avoir jamais éprouvé autant de plaisir qu’à lire le bonheur dans les yeux de mon époux, lorsque j’ai pu lui offrir cette nouvelle. Je crois pouvoir affirmer qu’il est heureux, à cette heure. Il veille sur moi, je peux vous l’assurer, bien que cela puisse parfois sembler étouffant.

A mon tour, je joins à ces quelques lignes mes plus agréables pensées, espérant fortement que vous et votre époux vous portez au mieux. Je tâcherais de rappeler à Ferdinand son devoir d’écriture à votre égard.
Si vous la croisez, embrassez donc ma mère pour moi également. Une lettre a été envoyée à son attention en même temps que celle-ci, afin de les avertir, elle et mon père, de cette nouvelle qui vient consolider ces liens familiaux entre nous.

Victoria

Codage par Libella sur Graphiorum

18/04/1866

Madame,

Madame Stanford,

Je me devais de vous écrire cette lettre car jamais je n'ai autant admiré une femme en ce bas monde ! Au-delà de votre beauté, je ressens tout l'amour et la force qui émanent de vous et je n'ai qu'une envie c'est de vous ressembler !

Vous avez illuminé ma journée hier en arrivant à l'Atelier, pour vous remercier de prêter attention à notre humble enseigne, je me dépasserai pour vous !

En vous souhaitant le meilleur,

Amicalement,

Madelyn Swan

Codage par Libella sur Graphiorum

Ma tendre épouse,

J'ai accusé bonne réception de votre lettre.
Je me suis réjouis de voir que vous n'avez pas attendu longtemps pour m'écrire, bien que le contenu ait tôt fait de me laisser pensif toute la soirée. Les circonstances de mon départ ainsi que les raisons de celle-ci vous ont causé de la peine et j'en suis navré, Victoria. Sincèrement désolé que votre propre demeure vous paraisse si froide.

J'aurai aimé ne jamais quitter le foyer que vous entretenez avec chaleur et amour ; car vous n'ignorez pas qu'il n'y a que près de vous que je me sente en paix. Si j'avais pu vous emmener avec moi, je l'aurai mille fois fait. Vous le savez, n'est-ce pas ?

Cependant, ce voyage est loin d'être de tout repos et je vous suis reconnaissant de comprendre en quoi il était utile, important et impossible à déplacer.

Je ressens le besoin de m'exprimer car il n'y a que vous pour comprendre la détresse qui me prend soudainement, parfois. Je me sens seul malgré que quelques uns de mes partisans m'entourent pour m'épauler. Je vois les regards de mes ennemis me scruter, attendant que je tombe. Mais je savais que cela se passerait ainsi et je me refusais de vous jeter dans la fosse aux lions, mon amour. Ils en auraient profité. Et on ne vous a que trop utilisé à mauvais escient pour me faire plier, cela ne se reproduira plus jamais.

Puissiez-vous vous reposer lors de mon absence, vous changer les idées. Profitez de la protection rapprochée du Colonel pour vous promener sur nos terres, faites déjà découvrir à notre enfant les endroits où plus tard il courra à en perdre haleine ; le champs de fleurs, la lisière du bois, le long du cours d'eau.

Quant à moi je vous reviendrais dès lors que ma situation se sera stabilisée.

Je pense fort à vous,

Ferdinand

Ma bien aimée,

Je prends la plume ce soir pour t'écrire la joie qui m'envahit à l'idée de te retrouver bientôt, je l'espère.

Depuis que j'ai quitté notre foyer pour les devoirs qui m'incombent, chaque jour a été adouci de ta présence en pensée. Ton regard, tes sourires, tes baisers me manquent et suffisent de m'aider à garder la tête haute là où je le sais, on cherche à me nuire. Mes responsabilités sont lourdes à porter, mais ta force et ton soutien ont été mes plus grands atouts. Tu es la lumière qui éclaire mon chemin, même lorsque les ténèbres menacent de m'engloutir alors que je me sens très seul ici.

Je suis soulagé de lire les nouvelles que tu me portes depuis Crimson. Soulagé de lire le retour de monsieur Tiffany, soulagé que notre enfant soit plein de vie. Je n'ai jamais douté de sa bonne santé, comment pouvait-il en être autrement ? C'est notre fils.

A mon retour, je te promets que je ferai tout mon possible pour que notre temps ensemble soit aussi doux et précieux que dans mes souvenirs les plus chers. Je ne peux attendre de te serrer à nouveau dans mes bras, de voir ton sourire éclairer la pièce et de me perdre dans ton regard.

D'ici là, prends soin de toi et de notre foyer. Je presse le temps qui s'écoule, jusqu'à notre étreinte tant attendue.

Avec tout mon amour et mon dévouement éternels,

Ton époux.