Victoria Stanford - Poupée de chair à l'esprit vif

Quelle serait la mort de ton personnage ?
✗ Tout dépend du futur de Crimson Town. Si les conflits perdurent, Victoria pourrait être la victime malheureuse de tirs manquant leur cible initiale, victime colatérale d'un conflit trop grand pour elle. Sinon, elle vivrait aux côtés de son époux, attendant sa mort pour finalement, s'émanciper dans son veuvage avant de s'éteindre, à son tour.

Quel est ton but à Crimson Town, à court et long terme ?
✗ Un but ? Victoria n'est d'ores et déjà pas ici par choix, efforcée de suivre son époux, le gouverneur, dans son périple, ce dernier souhaitant mettre la main sur la mine mais ne l'impliquant pas dans ses projets. A quoi bon parler de ceux-ci à une femme ? Elle n'y comprendrait probablement rien... Mais en réalité, si elle est forcée de vivre ici, Victoria compte bien s'intégrer à cette petite bourgade pour mieux y étendre son influence. A long terme ? Qui sait... Peut-être aura-t-elle l'occasion de faire entendre sa voix ?

Où étais-tu lors de l'épidémie de dysenterie en 1857 et comment l'as-tu vécu ?
✗ Victoria était en sécurité, loin de Crimson Town et ses environs, préparant ses Noces à venir et se réjouissant d'une vie qui ne serait finalement guère la sienne.

Un premier cri. C’est ainsi que la plupart des Hommes viennent au monde, l’air emplissant leurs poumons inhabitués, forçant le nouveau-né à hurler pour mieux activer cette fonction qui lui sera vitale. Victoria n’avait nullement échappé à cette règle, son minois rose se dévoilant à ses parents dans un instant où la vie, enfin, débutait réellement. C’était un 24 mars 1837, doux jour d’un printemps encore timide. Monsieur et Madame Davis espéraient un garçon, un héritier fort qui saurait reprendre les affaires de son père quand l’heure viendrait. Mais ce fut une fille qui s’était montrée, attisant la déception de son père, la frustration de sa mère. Pour autant, l’enfant ne fut pas mal aimée.

Choyée et chérie, son père bien souvent trop absent, elle grandit entourée par sa nourrice et sa mère, recevant une éducation plus que bonne. Sa famille faisait partie de celles qui avaient su tirer leur épingle du jeu lors de son installation en Amérique, son père se trouvant à la tête d’une entreprise fructifiante, héritage lassé par son père avant lui, où le commerce garantissait un confort de vie certain aux sien. Victoria a toujours connu le luxe, les objets aussi raffinés que précieux, comme construits à son image. Elle était gâtée, princesse sans en porter le titre, sa bouche en cœur permettant d’obtenir des adultes qui l’entouraient ce qu’elle désirait sans le moindre effort.

Son père avait espéré, longtemps, voir naître au sein de ce foyer, un enfant davantage à son image. Mais les années passant, il comprit que jamais il n’aurait ce fils qu’il espérait tant, sa femme semblant incapable de mener une autre grossesse à terme. Victoria, donc, serait son héritière. L’image patriarcal qu’il s’était fait de son existence l’amena à penser qu’elle ne toucherait jamais à ses affaires, mais qu’il lui faudrait trouver mari qui, par extension, saurait lui servir de fils et héritier par procuration. Alors, son comportement auprès de sa jeune enfant avait drastiquement changé. La conviant à des dîners avec d’autres familles de choix, présentant sa fille non plus comme son échec mais comme sa plus belle réussite, la demoiselle et sa grâce suffisait à séduire les diverses assemblées. A ce rythme, il l’espérait, Monsieur Davis obtiendrait des demandes pour la main de sa fille, quand bien même elle n’était alors âgée que de seize années.

Victoria, elle, avait tâché de démontrer à son père sa valeur. Si ses armes n’étaient ni tranchantes ou emplies de poudre, elle avait appris l’art délicat de manier sa langue et les mots, faisant d’elle une demoiselle qui s’investissait, même sur des sujets sur lesquels on ne l’attendait pas. Les sciences, la politique ou l’économie, instruites toutes trois dans les livres de la bibliothèque familiale. Ecrivant également à ses heures perdues, elle n’avait commis qu’une seule erreur. Lors d’un dîner, prenant la parole alors que les hommes discutaient de l’économie de l’entreprise, elle avait contredit son paternel, mettant en lumière des irrégularités dans les finances de l’entreprise. Le soir même, son père l’avait réprimandée. Mais la demoiselle avait mis le doigt sur un nœud qu’il leur fallait désormais démêler. Au pied du mur face à sa femme et sa fille, l’homme confessa les dettes de jeux qui étaient les siennes et la faillite qui menaçait, en conséquence l’entreprise. Ruinés, ils le seraient très prochainement… A moins que… A moins qu’un mariage glorieux ne vienne auréoler sa précieuse fille, son futur mari espéré fortuné pour mieux réparer les torts de son père. Monsieur Davis était prêt, même, à laisser la gestion de l’entreprise à cet homme, le temps que les choses se tassent. Victoria, alors, comprit qu’elle n’avait jamais été dans ses projets, que sa volonté de l’impliquer était inexistante. Si elle voulait voir son père se montrer fier d’elle, alors elle devrait se contenter d’obéir. Ce qu’elle fit, à regret.

Elle avait alors vingt ans quand elle fut présentée à un homme de quatorze ans son aîné. Ferdinand Stanford était alors beau, un sourire carnassier porté fièrement sur les lèvres, laissant à la demoiselle penser qu’il pouvait l’apprécier véritablement. C’était un homme ambitieux, qui touchait du doigt bon nombre de sphères politiques et sociales… Et qui pouvait garantir à la demoiselle un avenir radieux. Ainsi, les choses lui furent présentées. En coulisse, Ferdinand avait lourdement négocié des noces avec le père de Victoria, s’accaparant un nombre de part indécents sur son entreprise, négocié comme dot que la jeune femme n’avait plus réellement. Au change, il gagna une épouse des plus belles, jeune, et à l’esprit suffisamment construit pour ne pas lui sembler ennuyeuse. Les fiançailles furent rapidement annoncées et le mariage prononcé durant l’été 1857. La belle s’était convaincue que ce mariage pouvait être un mariage heureux, couverts par les sentiments. Mais si les siens s’essayaient à la sincérité, ceux de son époux lui demeuraient bien mystérieux.

Leur vie commune se résumait à des dîners, des inaugurations et des sorties mondaines diverses, Victoria étant un trophée fièrement exposé au bras de l’homme, souriant poliment, se gardant de trop en dire quand elle sentait qu’elle n’était pas censée prendre part à la discussion, ou même quand on la rabaissait uniquement pour son sexe. Dans l’intimité, Ferdinand se montrait de plus en plus froid, stoïque… Et distant. Il tramait quelque chose, oui, mais elle n’était pas capable de connaître ses projets, bien éloignée d’eux. Son bonheur, elle le trouvait auprès de quelques amies en ville ou lors de visite qu’elle faisait à sa mère. Les femmes, entre elles, parvenaient à trouver bon nombre de réconfort.

Et puis, contre toute attente, sa vie changea radicalement quand son époux fut nommé gouverneur. Ses manœuvres pour un tel résultat avaient été secrètes, pour elle, et elle ne pouvait que constater que le résultat. L’homme avait mûri, l’homme avait vieilli, mais son ambition, elle, ne s’arrêtait jamais. Victoria, intérieurement, craignait de trop en dire, de le contredire, ne sachant pas même de quoi il serait capable si elle venait à le contrarier. Elle obéissait, sagement, docilement, agissant comme il l’attendait, ne connaissant de la vie aucun plaisir de liberté.

L’argent. Le pouvoir. La gloire. Quelle fut la raison de cette dernière décision qu’il avait prise, ordonnant à son épouse de faire ses bagages pour mieux venir s’enterrer à ses côtés dans la bourgade naissante de Crimson Town. Tenue à l’écart de bon nombre de projets, incapable d’exprimer ses craintes ou sa volonté de rester, elle l’avait alors suivi, se demandant de quoi cette nouvelle vie serait peut-être faite.