Quelle serait la mort de ton personnage ?
Une retraite bien méritée et une mort douce auprès de sa famille.
Ou une mort au combat en se donnant corps et âme à son pays.

Quel est ton but à Crimson Town, à court et long terme ?
Le Colonel avait été envoyé ici en mission. A court comme long terme, il s'agirait d'arrêter les hors-la-loi, de maintenir la paix et l'ordre entre colon et natif, comme dans les précédents territoires où il avait été dépêché en tant que soldat. Aujourd'hui, c'était lui au commande.

Où étais-tu lors de l'épidémie de dysenterie en 1857 et comment l'as-tu vécu ?
En mission sur tout le territoire américain.

Au cœur de l'Oregon, dans une vaste étendue de terres fertiles. Là même où le soleil caressait de ses rayons, chaque matin, les champs dorés. A cet endroit précis, se dressait une humble ferme où entre les murs de pierres et de bois, la famille Anderson vivait modestement. Mais pour rien au monde, ils n'échangeraient cette vie contre celle plus confortable d'un tiers se vantant d'aisance et de quiétude au jour le jour... Car l'amour et le respect étaient présents, et c'était dans cet encadrement privilégié humainement, que Jamie avait grandi. A sa naissance, il était ce bébé maigrichon dont on doutait qu'il survive, mais le lait maternel l'avait très vite remplumé. De nourrisson chétif, il devint un petit garçon bien portant et joyeux. Un sourire s'étendait toujours sur ce visage encadré par une coupe au bol, que sa mère arrangeait tous les quelques mois d'un coup de ciseaux. Un moment de complicité parmi tant d'autres, dans les souvenirs du garçon.

Une maman comme la sienne, il n'y en avait qu'une. Jamie la regardait avec des étoiles dans les yeux, admirant chaque trait qui composait ce qu'elle était. Cette femme était la première qu'il avait aimée de tout son cœur. Elle s'appelait Mary. Quand il pensait à elle, c'était à ces longs cheveux blonds toujours coiffés en un chignon parfait. A ce regard maternel posé sur lui, à ces histoires merveilleuses contées pour s'endormir, aux prières adressées au Seigneur pour le remercier d'être à l'abri du besoin et en bonne santé. Du mieux qu'elle put, Mary avait éduqué son enfant dans les valeurs chrétiennes. Une éducation moins stricte que ce qu'elle avait pu subir jadis avec force. Une vision partagée avec son époux David, un homme qui savait manier autant les outils de construction que de destruction. En temps de guerre, il était un soldat loyal. En temps de paix, un mari et un père attentionné qui prenait soin de sa famille. A son petit, il lui apprit les bonnes manières en plus de savoir traire une vache et déplumer une poule. Entre les sillons fraîchement tracés par le soc de la charrue, le jeune garçon apprenait le labeur et la fierté de voir ses efforts porter leur fruit.


Alors que le feu dans l'âtre réchauffait cette froide nuit, des pleurs déchiraient le silence. Jamie était âgé de six ans lorsqu'il s'était faufilé à travers le petit salon jusqu'à la porte entrouverte de ses parents. Il n'était pas étonné de voir un minuscule bébé dans les bras de son père, qui le berçait lentement pour calmer ses cris. Le jeune garçon n'osa pas entrer et ce fut quand il éternua bruyamment que sa présence n'était plus un secret. Mary lui fit signe de s'approcher et il s'exécuta timidement, les mains dans les poches. David s'accroupit pour que son fils puisse mieux apercevoir le visage encore tout fripé de la fillette. Elle a une peau bizarre et aussi une couleur de cheveux bizarre, avait dit Jamie sans cacher son large sourire, mais je l'aime quand même. Le père rit, amusé par la première réflexion du bambin. C'est parce que ta petite soeur vient de naître que sa peau est comme ça. Toi aussi, tu étais comme ça. Ses cheveux sont roux, comme ta grand-mère. Mais tu ne l'as pas connue, répondit David sur un ton pédagogue. Il aimait toujours expliquer les choses car il estimait que c'était comme ça que ses enfants comprendraient le monde qui les entoure.
Comment elle s'appelle ?
Olivia.
Curieux, le grand frère se prit d'un élan de tendresse pour la nouvelle née. Il déposa un baiser sur son petit front, caressant avec délicatesse sa tête un peu déformée. Et ton rôle dès à présent, c'est de toujours la protéger. Un jour ce sera toi, l'homme de la maison, fiston.

Et ce rôle, Jamie le prit très à coeur. Un jour où son père labourait et que sa mère partit vendre ses oeufs, il était tenu de surveiller la ferme pour quelques heures. Devant la maison, les deux enfants nourrissaient les poules. La petite fille jetait les graines sur le sol en vérifiant bien que tout le monde avait droit à sa part. Les volatiles picoraient en suivant Olivia partout où elle allait, avec ce panier chargé de délicieuses friandises.
Cependant, au loin, des ombres étaient apparues comme dans un mauvais rêve. Il y avait un homme grand et barbu qui marchait vers eux, accompagné de chiens tout aussi menaçants. Ses yeux brûlaient d'une lueur inquiétante, et si cela n'était pas suffisant à alerter le jeune Jamie, l'arme apparente à sa ceinture l'était. Comme ces cabots mal léchés, l'inconnu avait l'apparence de ces criminels qu'on dessinait sur ses affiches placardés au bord des routes et à l'entrée des villages. Il s'approchait d'abord à pas lent, et Jamie qui se rappela sa mission d'aîné de fratrie garda son sang froid. Du haut de ses onze ans, il attrapa la main d'Olivia pour regagner la petite maison. Le panier fut lâché, déversant par terre son contenu sur lequel se jetèrent toutes les poules, formant un nid idéal où se jeter la gueule ouverte. Le garçon referma derrière eux la lourde porte et cacha Olivia dans le minuscule garde manger en lui disant de ne pas faire de bruit...
Les secondes ressemblaient à une éternité. Jamie avait couru à la fenêtre, ne laissant dépasser que ses yeux pour observer l'indésirable. L'homme avait atteint leur seuil et les deux chiens s'attaquaient aux pauvres poules sans défense qui se firent déchiqueter entre ses crocs affamés. Son coeur battait à cent à l'heure, ses mains étaient moites, et un cri s'échappa du garde manger quand on tambourina à la porte. Les larmes commençaient à monter dans ses yeux, son corps devenait lourd lorsque la porte s'ouvrit et que le géant se tenait devant lui. Sa mine était sombre, une cicatrice disgracieuse la traversant. Jamie avait perdu sa voix et priait pour qu'Olivia se taise.


Où est la petite ? Cette voix ressemblait à celle des démons de l'enfer que décrivait le révérend, les dimanches. Toujours incapable de parler, Jamie faisait des signes de négation de la tête. Mais même s'il jurait qu'il était seul, ils avaient été vu à deux. Des pleurs commençaient à se faire entendre depuis la cachette d'Olivia. Sans plus de regard pour le garçon, l'inconnu défiguré s'y dirigea et découvrit la fillette qui se cramponnait à ses genoux. Jamie ne put récupérer sa voix que quand la main sale du criminel tâcha la robe verte de sa petite soeur. Il l'attrapa comme s'il s'agissait d'une poupée sans importance, la calant dans son bras et ressortant comme si tout ça était normal. Jamie hurla alors, se tenant au long manteau de l'individu, qui lui asséna un coup à la figure. Il retomba lourdement en gémissant de douleur, il avait l'impression que son nez avait été brisé en mille morceaux. Le sang giclait de ses narines, et pour ses yeux d'enfant il lui paraissait en voir des litres quitter son corps. D'abord le choc le saisit, pendant qu'il se relevait en se tenant à la porte d'entrée. Sa vision brouillée par le sang et les larmes rendait la vue pénible, mais il distinguait le tas de cadavres de poules laissé par les chiens. La voix d'Olivia l'appelant à l'aide se faisait alors de plus en plus en lointaine, et quand Jamie pensa que bientôt il ne l'entendrait plus jamais, la paralysie qui l'avait figé se dissipa instantanément. Il se précipita dans le salon pour prendre l'arme de son père et ressortit en courant. Il courait comme jamais il ne l'avait fait, il courait plus vite qu'à ses stupides courses entre amis pour prouver qui était le meilleur. Il courait pour la vie d'Olivia.

Tout ce brouhaha avait alerté David, qui au loin courait vers ses enfants jusqu'à ne plus pouvoir respirer.
Jamie n'avait eu à utiliser qu'une seule balle pour tuer le hors-la-loi, plus tard reconnu comme Wyatt Stone Le Solitaire, celui qui enlevait les petites filles pour les revendre au plus offrant. Les deux chiens qui s'étaient repus de viandes fraiches avaient filé au bruit du canon, laissant à la scène la fin qu'elle méritait.


Son avenir était tout tracé dans l'esprit de Jamie. Il savait depuis dès années qu'il serait un militaire, un soldat défendant son pays et ses citoyens. Depuis le sauvetage in extremis de sa soeur, où il avait dû tuer un homme pour la mettre en sûreté, le petit garçon qu'il avait été jadis s'était envolé en une seconde. Juste le temps d'appuyer sur la détente et de voir le crâne exploser sous ses yeux. Le sang s'était répandue sur la robe de sa cadette, sur leur visage, puis tout autour du cadavre. Jamie se souvenait que son père était arrivé tout haletant, les yeux sortant de leur orbite, injecté de ses filaments rouges à cause de l'extrême angoisse que son corps venait de subir. David avait pris sa fille dans les bras, pour tenter de calmer les pleurs qui l'égosillaient. Durant toute la scène, Jamie avait fixé le corps massif étendu sur l'herbe. Il était resté ainsi autant de temps que son père eut besoin pour se remettre lui-même de ses émotions. Ce jour là, on lui avait expliqué qu'il avait bien fait. Le shérif d'Oregon City était même venu à leur porte pour retirer le cadavre et remettre la somme de la récompense à la famille Anderson, car le criminel était recherché depuis dès mois. L'homme de loi lui avait ébouriffé les cheveux, tout sourire sur sa vieille tête ridée par la fatigue, l'expérience, l'horreur. C'est des gars comme toi dont on a besoin !

A présent, Jamie Anderson se sentait être un homme. Son père n'avait pas refusé à lui apprendre l'art de tirer, parce qu'il avait admis que c'était une nécessité. En plus du travail de la ferme, l'adolescent mettait toute son énergie à ce nouveau but. Il n'en avait pas encore parlé à ses parents, mais il avait choisi ce saint dimanche pour le faire. Ils étaient tous rassemblés autour de la modeste table garnie pour le jour du Seigneur. Les mains jointes, Jamie disait les bénédicités.
Mon Seigneur, je te remercie pour la grâce de pouvoir boire et manger à notre faim. Bénis ce pain, bénis cette eau et procure en à tous tes enfants de par le monde entier. Je prie pour la santé de ma famille, et pour sa sécurité, car je sais que Tu veilles sur nous. Mais il y a nombreuses autres familles dans ce pays qui ont besoin d'être protégées... Je serai ton serviteur.
Devant cette étrange prière, David et Mary levaient les yeux vers leur fils. Olivia savait déjà de quoi il en retournait car son grand frère lui avait parlé la veille. Entre eux, il n'y avait pas de secret. Que veux-tu dire ? demandait le père. Je ne reprendrais pas ta ferme, papa, je suis désolé. Quand j'aurai dix-huit ans, je m'engagerai.


La diligence qui le menait vers le camps d'entrainement des nouvelles recrues s'éloignait de la ferme familiale.  Assis sur le banc de bois, Jamie se tenait droit, le regard rivé par-dessus son épaule. Ses yeux étaient empreints d'une mélancolie profonde, trahissant une part de lui-même qui restait prisonnière du foyer qu'il quittait derrière lui. Il y avait cette joie d'accomplir enfin un devoir, mais quitter sa famille avait été plus dur qu'il n'aurait cru.
Quand il regarda à nouveau vers l'horizon des nouvelles opportunités qui se profilaient, un cri le fit se retourner brusquement. Olivia s'était mise à courir dans sa direction, les longues boucles au vent. Elle avait déjà treize ans mais Jamie ne cesserait jamais de la voir comme sa petite protégée. S'il vous plaît, un instant, arrêtez-vous... ! On lui accorda sa minute. Le jeune homme descendit et courut les derniers mètres qui le séparaient d'Olivia. Elle tomba dans ses bras, les spasmes déformant ses traits. Chhht, Ollie, ne pleure pas. Je vais revenir. Seuls les pleurs lui répondirent. Il sourit, puis remit en place toutes ses mèches rousses éparpillées sur ce visage mouillé. Mais après tu vas repartir encore !
Oui, et ensuite je vais encore revenir. Je reviendrai toujours et toi, tu finiras par devenir une femme avec sa propre vie en main. Mais on ne s'oubliera jamais.
Derrière, les hommes s'impatientaient. Jamie dut se forcer à écourter les au revoir.


Recrue fraîchement engagée, Jamie fit ses preuves dès le début de sa formation militaire. Dès les premiers jours, il prit goût à cette vie millimétrée. Il s'appliquait avec ardeur à l'apprentissage des manœuvres militaires, à l'entretien de son équipement, et montra une discipline exemplaire. Ses supérieurs remarquèrent rapidement son dévouement et son sens aigu du devoir.
Trois ans plus tard, en 51, arrivait la guerre de l'Arizona. C'était un conflit entre l'armée américaine et diverses tribus amérindiennes dans le sud-ouest, qui s'opposaient à l'expansion des colons blancs sur leurs terres. Cette sombre période où Jamie se distingua sur le champ de bataille par son courage, prit fin en 1853. Ces exploits lui valurent d'être promu au rang de Caporal. Après cette nouvelle médaille portée fièrement sur son uniforme, il rentra en Oregon rendre visite à sa famille. Cette parenthèse qui le remit d'aplomb prit rapidement fin étant donné sa nouvelle prise de fonction. Elle consistait principalement au commandement de petits groupes lors d'exercices militaires, à l'encadrement et la formation des nouvelles recrues, à la communication des rapports de ses soldats et d'un soutien sur demande aux sergents.
La promotion vers le rang de Sergent se fit deux ans et demi plus tard, à la fin des opérations d'expédition militaire menées dans tout l'Oregon. L'armée américaine déploya ses hommes pour résoudre les tensions croissantes entre les colons américains et les tribus amérindiennes de la région. Les Cayuses et les Walla Wallas étaient de plus en plus tendus en raison des désaccords sur les droits territoriaux, les chasses et les échanges commerciaux. Les attaques des natifs locaux contre les colons et les représailles des colons contre ces amérindiens contribuèrent à l'escalade des hostilités. Jamie fut capturé par l'ennemi durant plusieurs jours. Il était réapparu de lui-même, amoché mais libre, au campement. Il avait proposé de défier le meilleur guerrier de la tribu native en échange d'un traité s'il arrivait à neutraliser son adversaire, afin d'éviter que le sang de ses soldats ne coulent plus que de raison. Ce traité avait pour but de reconnaître officiellement les droits territoriaux des tribus amérindiennes tout en cédant la majeure partie des terres de l'Oregon aux colons américains. Cette énième preuve de bravoure qui préserva nombreuses vies le hissa une nouvelle fois au grade de Lieutenant.


Son nom était maintenant de plus en plus connu, sa présence requise dans les hautes sphères, et ainsi il accepta l'invitation de son Général au bal de San Francisco tenu par de proches connaissances de son supérieur. Cet évènement était un cadeau qui lui avait été offert pour ses bons services. Il était présenté à l'aristocratie comme un futur joyau qui déjà brillait plus que les autres. Jamie était humble mais jamais gêné, car il savait que sa place était ici. C'était ce qu'il avait désiré, gravir les échelons d'une gigantesque famille, et il y parvenait avec honnêteté. Il n'était pas à l'aise dans ces endroits où les boissons coulaient à flot alors qu'il avait vu la misère. Où les rires insouciants faisaient écho sous les lustres de cristal, alors que des amérindiens finissaient égorgés par la haine de l'homme blanc et où les femmes étaient violées et scalpées par vengeance. Un cercle vicieux qui n'avait pas de fin. Mais ces soirées étaient importantes pour ces supérieurs, alors Jamie se tenait droit dans son uniforme. Si droit et si figé sur un point fixe qu'il se surprit à détailler cette ravissante jeune femme que personne n'avait encore invité à danser. Elle se tenait près de ses parents et Jamie déglutissait, laissant s'écouler les secondes en se demandant s'il aurait le courage de demander une danse. Avant qu'un autre ne lui vole sa chance, le Lieutenant Anderson s'avança d'abord vers le patriarche, qui ne rata pas les distinctions ornant sa poitrine. Puis-je vous demander l'autorisation d'une danse avec Mademoiselle ? Il tendit la main vers celle qu'on lui présenta alors comme Victoria Davis.
Après les quelques semaines où Jamie Anderson avait sérieusement envisagé d'épouser Victoria Davis, celle-ci accorda son Oui pour la vie, à un autre homme. Il avait été heureux que Miss Davis trouve sa moitié et il ne put que lui souhaiter le meilleur, bien que ce pincement dans la poitrine était persistant.

le Lieutenant se vit confier d'autres tâches qui exigeaient sa présence partout sur le territoire des Etats-Unis, mais principalement dans l'Ouest. La fin d'année 1865, où il fut promu colonel au mois d'octobre pour ses services exemplaires lors de la guerre civile, tournait une nouvelle page de sa vie.