La nuit avait été ardue tant elle avait pu être courte. Victoria eut beau être de celles qui s’étaient hâtivement échappées face à la présence du Diable personnifié, elle n’avait su trouver la quiétude nécessaire au repos. Le lieutenant Harris eut beau avoir œuvré pour son bien-être rien n’eut fait de l’apaiser et ce fut bien rongé par l’angoisse de se savoir veuve au matin qu’elle avait fini par sombre dans la noirceur de ses cauchemars. A son réveil, qu’elle ne fut pas sa surprise de se retrouver face, non pas à son mari, mais au Colonel Anderson qui lui avait certes assuré qu’elle était libre de rester encore un peu, mais aussi que son époux se portait bien. Alors, tant parce qu’elle avait besoin d’être rassurée par la vue de l’homme qu’elle avait su épouser devant Dieu que parce qu’il lui semblait complexe de ne pas céder à une tentation fugace en demeurant au Fort, elle avait demandé à ce qu’on la ramène chez elle. Forcément, en raison des événements récents, l’escorte autour de la diligence fut renforcée et ce fut avec inquiétude qu’elle quitta le Fort, priant pour que ce voyage jusqu’alors trivial se passe sous les meilleurs auspices.
Assise sur la banquette matelassée et tapissée de velours, elle sentit quelques coups portés sous le rebond de son ventre, le caressant avec tendresse, se sachant soutenue et non esseulée comme elle avait pu l’être par le passé. « Tout ira bien, cher ange… Nous irons bien… Ton père a su me le promettre, il veillera sur nous… » Et il lui offrirait ce qu’elle méritait : une vengeance équitable, aveugle de justice trop légère à son cœur. Une part d’elle était morte, cette nuit-là, à travers les cris d’agonie, le sang versé et les larmes qui avaient su rouler sur ses joues, noyant le chêne du bureau du Gouverneur. Une solution simple existait à tous ces problèmes et au fond d’elle, elle espérait que Ferdinand pourrait entendre raison et concéder à la jeune femme le droit de s’en retourner à la civilisation, loin de cette barbarie ambiante où leur enfant semblait n’avoir nul autre avenir que la mort.
Somnolente, elle ne perçut pas réellement le voyage qui, pourtant, s’étira dura plusieurs dizaines de minutes. La mine de l’épouse portait des traits tirés, témoins de l’épuisement qui était le sien. Pourtant, les nuits sans sommeil ne faisaient bien que commencer tant la présence avérée de Hudson à leurs portes viendrait réveiller l’horreur de cette nuit sombre qui avait entamé le mois d’avril. Nul repos ne serait accordé tant que le danger existait, tant qu’il était capable de venir les réveiller en pleine nuit. Le Domaine, alors, lui sembla terriblement peu sûr et une part d’elle désirait déjà commander au cochet d’opérer un demi-tour pour la ramener entre les épaisses murailles du Fort. Mais, à l’intonation qu’il prit, réclamant aux chevaux de ralentir leur cadence, elle sut qu’il était déjà trop tard. Cillant, elle se redressant pour mieux tirer sur les tentures qui assombrissaient les fenêtres de l’habitacle, contemplant la façade intacte de sa maison. Au moins, nul désir d’y mettre le feu n’avait habité ces malfrats et à ce jour, un toit se trouvait toujours au-dessus de sa tête.
La porte s’ouvrit et une main lui fut tendue. Dans un soupir, elle élança son corps vers la sortie, laissant ses doigts trouver ceux du domestique qui lui accorda un maigre sourire, Victoria lui répondant de la même manière. Les apparences pouvaient être trompeuses mais, dans cette tentative bien fine de lui montrer que tout allait bien, Victoria fut d’ores et déjà soulagée d’un poids. Sa robe au tissu rose semblait tout aussi lasse qu’elle ne l’était, les plis marqués rappelant comme elle avait dormi dans cette tenue inadaptée. Cela, mademoiselle Swan ne devrait probablement jamais l’apprendre sans quoi, pour sûr, elle lui en voudrait fortement, n’en déplaise aux circonstances. Traînant sa carcasse lasse jusqu’au perron, elle releva le regard vers un Jenson qui s’avança vers elle d’un pas pressé. « Madame… Qu’il est bon de vous revoir et de vous savoir sauve et en sécurité. » Naturellement, elle vint glisser ses doigts dans la main qu’il lui tendait. Cette simple étreinte remplaçait aisément celle d’un corps venant l’envelopper pour mieux lui faire part du soulagement réel que le majordome éprouvait mais qu’il ne pouvait décemment pas étaler au grand jour dans un geste aussi paternel que déplacé. « Tout va bien… J’ai été placée entre de très bonnes mains, rien ne pouvait m’arriver Jenson… Mais je n’ai eu de cesse de penser à vous et à… Où est Ferdinand ? » Il était étonnant pour elle de ne pas voir son époux l’accueillir, ne pas le voir se ruer à ses côtés pour mieux l’embrasser dans des retrouvailles heureuses. La mine du domestique se fit doucement plus sombre et il soupira. « Monsieur n’a… Pas fermé l’œil de la nuit. Il avait des choses à ordonner et régler et depuis l’aube, il est installé devant le piano et… » Tendant l’oreille, Victoria finit par percevoir les gammes mineures qui s’exprimaient plus que ne l’auraient fait des mots. Faisant fi de sa fatigue, elle soupira à son tour avant de sourire au majordome. « Je vais m’en occuper… Pourriez-vous nous amener du thé ? J’ignore si c’est le manque de sommeil mais je suis transie de froid… Demandez à Louisa de préparer la salle d’eau, je ne vais pas pouvoir garder cette robe encore bien longtemps et… Préparez ce qu’il faut également pour mon époux. Il va devoir prendre du temps pour cela… » Ile n’eut guère le temps d’en dire davantage que, déjà, elle grimpait les dernières marches avant d’entrer par la large porte de bois massif dans sa demeure.
Le piano se fit entendre plus encore, la porte entrouverte du petit salon de musique la guidant aisément jusqu’à lui. Sans grande cérémonie, elle poussa le battant sur ses gonds, un léger grincement permettant à Ferdinand de comprendre qu’il n’était plus seul. Pour autant, elle demeura immobile et silencieuse, ne souhaitant pas l’interrompre dans l’exécution de l’œuvre agitée qu’il exprimait avec dextérité. Ce ne fut que lorsque la cadence parfaite annonçant la fin du morceau tomba qu’elle s’avança jusqu’à lui. Glissant ses doigts délicats sur ses épaules, elle fit aller ses mains sur le tissu de sa chemise froissée qu’il avait probablement porté toute la nuit durant, à demi défaite car il s’était débarrassé des entraves que pouvaient-être son nœud papillon. Soupirant longuement, elle se pencha doucement vers lui, venant glisser le bout de son nez froid contre sa joue, l’étreignant comme elle le pouvait dans cette posture. « J’ai eu si peur… J’étais si inquiète de ne pas te retrouver ce matin, si tu savais… » Fermant les paupières, leur lourdeur devenant alors affreusement pesante, elle finit par déposer ses lippes sur sa joue dans un baiser tendre. « Je suis désolée de ne pas avoir été assez forte pour me tenir à tes côtés… » Mais elle s’était montrée obéissante face à l’ordre qu’il avait formulé de l’évacuer aussi, elle espérait qu’il ne puisse lui en tenir rigueur.
Messages : 516 Feuille de personnage Disponibilité RP: Oui Dialogue: #ffff99 Age: 42 Métier: Gouverneur de la Californie Caractéristiques:
Gouverneur de la Californie
Ven 1 Nov - 18:38
La veille, Ferdinand avait fait face à son ennemi. Une silhouette arrogante, détendue, comme si la ville du gouverneur lui appartenait. L'homme était arrivé sous les regards des curieux, avec cette assurance impertinente gagnée par une simple et risible signature sur un bout de papier. Horace n’avait pas même pris la peine de dissimuler sa présence, bien au contraire ; il s’était montré là, au cœur de la cité, sous les yeux de tous. Sûr de lui, fort de cette grâce qui le rendait intouchable. Son arrivée avait été une dernière injure, cruelle et délibérée, s’ajoutant aux humiliations déjà portées. Cette apparition s'était gravée dans l'esprit de Ferdinand. Quand la nuit était tombée, il avait essayé en vain, de chasser cette image de son esprit. Hélas chaque fois qu'il fermait les paupières, il revoyait cette ombre dont il n'avait plus peur mais qui ravivait une rage sourde et âpre dans sa poitrine. Les heures s'étaient égrenés avec lenteur, attisant une colère qui avait explosé dans son bureau. A défaut de n'avoir rien pu faire sur le moment, Ferdinand avait saccagé sa bibliothèque personnelle et détruit une partie de son service. Marchant comme un lion en cage sous les regards inquiets de monsieur Jenson, le maître imaginait mille scénarios de revanche qui s'étaient succédés dans son esprit, chacun plus impitoyable que le précédent mais chacun vengeant Victoria.
Quand l’aube pointa ses lueurs pâles, Ferdinand était éreinté mais résolu. Il était sorti de son bureau la chemise défaite et les cheveux peu soignés tant il s'était décarcassé le crâne à la réflexion. Le majordome avait donné ses directives pour que tout soit rangé dans l'espace du maître avant son retour, lui qui rejoignait le rez-de-chaussée. Machinalement, il avait marché jusqu'à la salle de musique. Son regard erra dans la pièce jusqu'à tomber sur le piano, fidèle compagnon de ses moments de repli. Il s’en approcha et posa doucement ses mains sur les touches noires et blanches, comme on retrouve une vieille amitié après un long silence... Car il s'était passé déjà un moment depuis la dernière fois qu'il avait laissé ses doigt effleurer l'instrument. Ferdinand jouait, mais ses pensées malgré ses efforts, restaient prises dans les méandres de la veille. Des notes lourdes, des mélodies sombres ; il suffisait de l'écouter pour constater de son état d'âme. Il joua longtemps, fermant parfois les yeux, emporté. Il s'abandonna tant à sa musique qu'il en oublia la réalité, où l'étreinte de Victoria le ramena. A sa présence, il inspira, une main se portant contre elle. J’ai eu si peur… J’étais si inquiète de ne pas te retrouver ce matin, si tu savais… Etait-il réellement là, autrement que physiquement ? Il avait, parfois, du mal à le savoir. Je vais bien, répondit-il. Mieux qu'Eugene, pensa-t-il pour lui-même. Il n'avait pas parlé au comptable en le ramenant au domaine, ses directives étaient simples ; l'homme devait se reposer, se soigner et se laver. Ensuite, ils allaient devoir parler. Les papiers donnés par Horace avaient fini dans la cheminée sans même que Ferdinand ne les lise. Son geste avait été impulsif, dans le désir de ne plus rien accorder à cet infame individu, pas même la lecture de ces quelques pages. Je suis désolée de ne pas avoir été assez forte pour me tenir à tes côtés… L'époux tourna doucement son visage et fit volte face sur le siège. Il enlaça Victoria à sa taille, posant son oreille contre son ventre. Tu étais avec notre fils, là où je voulais que tu sois. Ne t'excuse pas. Il leva lentement les yeux vers elle. Victoria, j'y ai réfléchi toute la nuit... je sais quoi faire pour l'arrêter. Cette fois Ferdinand se mit debout, joignant les mains de son épouse auprès de ses lèvres, pour un tendre baiser. Quand le colonel Anderson est arrivé, il m'avait dit que je ne devais m'occuper de rien. J'ai pourtant insisté pour lui offrir mon aide, mais il m'a poliment demandé de m'occuper de mes affaires. Hors il n'y a rien de plus personnel pour moi que de voir cet homme mort ! La colère menaçait de pointer à nouveau. Je n'en ai plus rien à faire de ses promesses... Non, je vais créer ma propre milice. Des hommes compétents triés sur le volet qui n'ont pas peur de faire ce qu'il faut. Ce colonel a trop de valeur et de plus il n'a pas à m'obéir, et il le sait... Ferdinand avait le regard d'un fou partageant son idée d'évasion avec une personne saine d'esprit et pourtant, il était sérieux, pourtant toute l'idée tenait la route dans ses plans. Alors, qu'en dis-tu, hm ?
Je vais bien. Et elle loua intérieurement le Seigneur pour cette bonne nouvelle, fermant un instant les paupières, rassurée de le savoir entier et vivant à ses côtés. En quittant la Foire, elle avait craint découvrir dès le lendemain un statut de veuve qui aurait tout autant fait de son enfant à naître un orphelin de père. Hudson était arrivé et alors, elle avait commencé à imaginer les pires horreurs, celles qui faisaient douloureusement écho à ce qu’ils avaient déjà dû affronter par le passé quand le Diable avait su franchir le seuil de leur porte.
S’écartant légèrement de lui, son buste se redressant alors qu’il se tournait vers elle, étreignant son corps entre ses bras, posa sa joue contre ce ventre rond qu’elle portait encore hautement, Victoria glissa une main douce dans les mèches blondes de son époux, les caressant avec tendresse, comme si elle cherchait à l’apaiser. Tu étais avec notre fils, là où je voulais que tu sois, ne t’excuse pas.« Notre place sera toujours à tes côtés, tu le sais… Si je n'étais pas présente avec toi, mon cœur et mes pensées t’ont accompagnés jusqu’à ce que le sommeil ne m’emporte… » Et à son réveil, son nom fut bien hâtivement sur ses lèvres, comme pour mieux s’assurer de sa survie, de son bienêtre. Il était son époux. Il était sa moitié devant l’Eternel.
Doucement, il releva son regard vers elle, Victoria plongeant ses yeux bordés de fatigue dans ceux de son époux. Victoria, j’y ai réfléchi toute la nuit… Je sais quoi faire pour l’arrêter. Elle frissonna. Avait-elle réellement envie de discuter de tout ceci sans avoir durement sommeillé ? Et pourtant, la promesse qu’il avait sue lui faire prenait vie dans ce regard embrasé qu’il possédait. Sans crier garde, il se releva, saisissant les mains de l’épouse qui l’observa longuement avec inquiétude tendis qu’il réchauffait ses doigts glacés de ses lèvres chaudes. Quand le colonel Anderson est arrivé… Elle tâcha de ne rien laisser percevoir et pourtant, déjà, ce qu’elle avait pu échanger quelques heures auparavant avec ce même homme qu’il désignait était une forme de trahison à ses yeux. Qu’il touche si justement son épouse sans même le savoir la poussa à froncer ses délicats sourcils, comme désireuse d’en savoir davantage, de comprendre ce que tout ceci allait bien pouvoir engendrer. … Il m’avait dit que je ne devais m’occuper de rien. J’ai pourtant insisté pour lui offrir mon aide, mais il m’a poliment demandé de m’occuper de mes affaires. Hors il n’y a rien de plus personnel pour moi que de voir cet homme mort ! Elle déglutit, baissant ses yeux délicats devant cette volonté, ce désir bouillonnant qu’il avait pour la haine, pour la mort d’Hudson. Et cela, elle le lui avait autorisé bien qu’intérieurement, elle détestait toujours le voir rongé par ses ténèbres. Je n’en ai plus rien à faire de ses promesses… Non, je vais créer ma propre milice. Des hommes compétents triés sur le volet qui n’ont pas peur de faire ce qu’il faut. Une armée de chiens enragés, à l’image de l’ignoble molosse qu’il avait ramené de son long séjour à Sacramento. Victoria craignait déjà être mordue par ce monstre à quatre pattes alors… Pourrait-elle seulement endurer la présence d’une meute prête à la dévorer dès lors que leur maître détournerait le regard ? « Ferdinand… »Ce colonel a trop de valeur et de plus, il n’a pas à m’obéir et il le sait… » A nouveau, elle se sentit gênée car dans son for intérieur, elle avait espéré que l’homme gradé puisse la soutenir et l’aider à convaincre son époux de se montrer raisonnable. Mais la raison n’tait plus et c’était le regard d’un fou qui se reposa sur elle.
Alors, qu’en dis-tu, hm ? Elle avait le sentiment d’être Perséphone, destinée à tempérer Hadès pour que l’Enfer ne dévore le monde et ne l’embrase. Du bout des doigts, elle vint caresser la joue de son mari, son regard oscillant d’une pupille à une autre. « J’ai besoin de sommeil, Ferdinand… » Ce n’était pas la réponse qu’il espérait et elle s’en doutait aussi, elle tenta de tempérer son propos. « Le colonel Anderson a des comptes à rendre, également, et il ne peut malheureusement faire fi de la justice… C’est ce qu’il a tenté de me faire entendre également, quand j’ai pu évoquer avec lui le sort réservé à… » Relevant le regard, elle se retint de prononcer ce nom abject. Au lieu de cela, elle déglutit à nouveau. Machinalement, elle se glissa dans ses bras, venant poser sa tête contre son épaule. Et, comme s’il formulait là un secret qu’il lui confiait, elle choisit de lui répondre en chuchotant, ne sachant pas réellement si elle n’avait souhait d’être entendue par le reste de la maisonnée ou bien par le Seigneur lui-même. « Nous pourrons reparler de tout cela quand nous aurons dormi quelques heures… J’aurais… Des doléances à te soumettre, vis-à-vis de cette idée que tu viens de formuler… » Elle humecta ses lèvres avant de soupirer longuement. Doucement, elle se détacha de lui, le regardant avec profondeur. « Ne vaudrait-il pas mieux pour nous… Avancer notre départ à San Francisco ? Il ne pourra rien nous faire, là-bas… Pourquoi est-il venu, hier ? » Après tout, elle n’avait pas eu vent des revendications du Monstre, elle qui avait fui avant qu’il n’entre véritablement en scène.
Messages : 516 Feuille de personnage Disponibilité RP: Oui Dialogue: #ffff99 Age: 42 Métier: Gouverneur de la Californie Caractéristiques:
Gouverneur de la Californie
Mar 12 Nov - 13:11
Bien des alternatives à sa question avaient jailli dans son esprit mais Ferdinand n'avait en aucun cas songé à ce que sa femme réponde de manière si évasive. Qu'elle ait besoin de sommeil était une chose normale, après la nuit qu'ils venaient tous les deux de passer. Mais le discours qui suivit, n'avait fait qu'augmenter cette palpitation gênante au niveau de sa tempe et cette main bien qu'offrant une agréable caresse, ne pouvait la calmer. Le colonel Anderson a des comptes à rendre, également, et il ne peut malheureusement faire fi de la justice… C’est ce qu’il a tenté de me faire entendre également, quand j’ai pu évoquer avec lui le sort réservé à… Ferdinand fronça des sourcils et d'une voix plus grave que de coutume, il termina la phrase de son épouse. Hudson. Dis son nom. Il n'est qu'un homme, fait de chair et de sang, c'est clair ? Il n'est rien qu'un homme et je te le montrerai. C'était une promesse qu'ils avaient déjà tout deux scellés. Alors que sa bien-aimée se faufila dans ses bras, il se laissa envelopper par sa douce présence en inspirant profondément. Peut-être qu'elle avait raison et qu'il devait fermer l'oeil, lui aussi. Mais son cerveau était en ébullition, il réfléchissait désormais à toutes les tâches à accomplir avant que la grande faucheuse ne se joigne à lui pour les festivités. Nous pourrons reparler de tout cela quand nous aurons dormi quelques heures… J’aurais… Des doléances à te soumettre, vis-à-vis de cette idée que tu viens de formuler… Des doléances ? Ferdinand posa son index sous ce menton, relevant le visage de sa muse pour pouvoir la fixer de ces yeux clairs qui dégageaient pourtant tant d'obscurité. Si tu as quoique ce soit à me dire par rapport à mon projet, fais le tout de suite, Victoria. Sinon l'ignorance va me torturer jusqu'à ce que tu te décides à parler. Et il ne pouvait supporter davantage pour l'instant. Il frôla son cou avec la pointe de ses doigts, brûlant de l'envie de les y enrouler mais résistant quant à son désir insatiable de posséder tout ce qui lui appartenait déjà. Pour lui prouver sa bonne foi, il se lança dans une simple explication pour satisfaire les curiosités de son épouse avec les maigres informations qu'il possédait. Contournant Victoria pour aller fermer la porte, il croisa Jenson à qui il demanda du café. Les battants se refermèrent sur la silhouette du vieil homme qui partit accomplir sa tâche.
Il est venu nous dire qu'il était maire de Calico et en tant que tel, il demande à ce que les trois villes avec Bodie, soient alliées. Via Eugene il m'a fait parvenir des documents, mais... Il haussa les épaules, fatigué. Je les ai brûlé cette nuit sans même les lire. Ferdinand se tourna à nouveau vers sa femme, le regard un peu plus doux. Une alliance voudrait dire qu'ils côtoieraient cet individu jusqu'à ce que tout explose, il en était bien sûr, hors de question. Hors de question d'infliger ça aux habitants, de le faire subir à Victoria, qui devait déjà le voir tous les jours au travers de sa cicatrice. Mais je te demande de ne pas t'inquiéter, Victoria, je m'en occupe. Et si partir plus tôt à San Francisco te rassurerait, alors nous le ferons. Puisqu'il ferait n'importe quoi pour elle, n'est-ce pas ? S'il arrivait à monter rapidement sa milice, il pourrait partir le cœur un peu plus léger, conscient que ses propres affaires sur place continuaient d'avancer. Tu pourrais finir ta grossesse là-bas et il naîtra là où nous nous sommes rencontrés, lui sourit-il, les cernes couvrant ses yeux. L'idée de revoir ses parents, ou ceux de Victoria, ne l'enchantait absolument pas mais son manque d'affection envers madame Davis n'avait jamais échappé à sa femme. Et sa mère... sa propre, tendre et chère mère. Il ne lui avait plus écrit depuis des lustres mais savait qu'avec Victoria, ils s'échangeaient des lettres alors cela ne lui pesa pas tant que ça sur les épaules.
Hudson. Elle frissonna bien malgré elle à la mention du nom de celui qui hantait ses cauchemars, qui venait se glisser dans ses draps la nuit, chuchotant encore et encore les mêmes atrocités, jouant avec sa quiétude et sa peur pour mieux en faire l’esclave de ses terreurs. L’homme avait gravé sa chair en y apposant ce nom ignoble à travers des initiales qui défiguraient sa peau tendre. Il avait gravé son âme, faisant d’elle une propriété qu’il viendrait clamer comme telle à un moment donné, elle en était certaine : le Diable viendrait la chercher pour la conduire en Enfer. Dis son nom. Il n’est qu’un homme, fait de chair et de sang, c’est clair ? Il n’est rien qu’un homme et je te le montrerai. Elle souffla longuement, ses mains venant caresser ce visage qui lui faisait face, ses prunelles océanes se relevant vers lui, cers cette force qu’il avait dans la noirceur, dans les ténèbres. Hochant simplement la tête, à nouveau, elle lui offrit l’accord tacite et silencieux qui existait déjà entre eux. Ferdinand ferait couler le sang de cet homme pour lui montrer qu’il n’a rien de plus qu’un autre.
C’était plus fort qu’elle : elle voulait ressentir sa présence, son contact, ses bras autour de sa taille tandis que ses mains le cajolaient avec tendresse, la peur de le perdre se faisant ressentir à travers l’empressement de ses gestes. Elle avait cruellement besoin de sa chaleur pour se sentir en vie, elle qui l’aimait à s’en maudire. Mais alors qu’elle le suppliait presque de trouver le repos, il vint délicatement chercher son menton pour la forcer à relever le regard vers lui, pour mieux se soumettre aux émeraudes empreintes de froideur et d’ombres. Si tu as quoique ce soit à me dire par rapport à mon projet, fais le tout de suite, Victoria. Sinon l’ignorance va me torturer jusqu’à ce que tu te décides à parler.« J’aimerais être capable de t’offrir quelques peines pour que tu puisses mesurer celles qui furent les miennes dans d’autres circonstances… » Un silence pour un autre. Ferdinand avait laissé des jours s’étendre avant de la retrouver, avant de lui annoncer froidement son départ, l’abandonnant à nouveau. Quelle torture ne fut-ce donc pas, pour elle ? Un instant de sommeil n’était rien, à côté de cela… Mais le cœur de Victoria était pur et elle n’aspirait qu’à la sérénité de l’homme qu’elle avait épousé, se blâmant déjà de bien des peines qu’elle avait pu lui causer, sans le vouloir. « Mais je ne veux pas te voir souffrir par ma faute… Aussi, je n’aurai que peu de demandes : Je ne souhaite nullement que cette milice ne trouve foyer sous ce toit. Je n’y ai vu que trop d’hommes armés et je n’ai pas souhait d’en croiser d’autres. Et je veux que tu m’assures que tu veilleras personnellement à l’intégrité de ces hommes que tu souhaites sous tes ordres… Des incidents ont déjà eu lieu par le passé parce que des employés n’étaient pas ceux que l’on croyait… » Elle pensait à cette terrible nuit où Brown l’avait attaqué. Où il était rentré, le bras ensanglanté, le visage blême. Cette nuit là aurait pu la faire veuve et elle n’avait nullement souhait de le devenir, dans les semaines à venir. « Jure-moi que ta soif de vengeance ne mettra pas en péril ta sécurité… Ainsi que la nôtre. » Elle vint cueillir la main de Ferdinand, la glissant sur ce ventre arrondi, sur leur enfant chéri.
Après quoi, il s’éloigna d’elle, fermant la porte du salon de musique après avoir exhorté Jenson de lui amener du café. Elle espéra que la cuisine comprendrait qu’il n’était alors nullement utile de faire monter deux tasses de thé. Il est venu nous dire qu’il était maire de Calico et en tant que tel, il demande à ce que les trois villes avec Bodie, soient alliées. Elle blémit alors qu’il énonçait cette terrible vérité. Alliés ? Comment pouvait-on s’allier à cet individu, comment pouvait-on l’envisager après ce qu’il avait pu faire… ? Via Egene, il m’a fait parvenir des documents mais… Je les ai brûlés cette nuit sans même les lire.« Eugène ?! … Il est en… Vie ? » Les parasites avaient ce don de survivre, n’en déplaisent à leur hôte. Cette nouvelle n’était pas bonne de bien des manières et l’ire flamboyante qu’Hudson avait fait naître dans le cœur de la mère en devenir sembla s’animer à nouveau. Elle ne voulait pas le voir. Elle ne voulait pas entendre comment ce rat avait pu s’en sortir… Elle ne désirait que l’entendre soupirer pour la dernière fois, lui qui avait rendu toute cette nuit d’horreurs vécus bien inutiles.
Je te demande de ne pas t’inquiéter, Victoria, je m’en occupe. Justement, cela ne faisait que nourrir son angoisse. Tout semblait leur échapper et elle ne parviendrait plus à dormir désormais. A moins que… Et si partir plus tôt à San Francisco te rassurerai, alors nous le ferons. Avait-elle imaginé ces mots ? Ou les avait-il réellement prononcés ? Le regard de l’épouse du Gouverneur s’illumina alors qu’elle l’observa longuement, considérant l’instant, considérant ses mots. Tu pourrais finir ta grossesse là-bas et il naîtra là où nous nous sommes rencontrés. Un soupira de soulagement lui échappa dans un sourire, les larmes venant faire briller ses prunelles claires. Sans mot dire, elle vint attraper sa nuque d’une main, l’embrassant avec passion, le sentiment d’être entendue et comprise, enfin, s’exprimant à travers ces gestes aimants, à travers la chaleur de son étreinte. Il avait fini par comprendre. Il rendait les armes. Et ensemble, ils rentraient chez eux. Malgré la fatigue, elle sentit tout son désir pour lui croître à cet instant, capable de le chérir plus encore maintenant qu’il entendait raison et qu’il acceptait de la ramener chez eux, de s’en retourner à San Francisco. Rompant le contact entre leurs lèvres, elle reprit doucement son souffle, l’enfant chahutant dans son ventre comme pourrait le sentir Ferdinand, probablement dérangé par l’emballement de ce palpitant qui résonnait dans ses entrailles. « Tu n’aurais pu me faire plus beau cadeau que réaliser cet unique souhait, mon époux… Voilà tout ce que je désirais : partir d’ici et nous en retourner auprès de nos familles, afin d’offrir à cet enfant la chance de naître en sécurité. » Parce qu’ici et à présent, que pourrait faire Hudson s’il apprenait qu’un être plus faible et fragile encore habitait ces lieux et pourrait faire fléchir le Gouverneur dans ses demandes ? Loin de ces cauchemars, loin de cette maudite terre rougie… Grand Dieu, que la civilisation lui avait manqué… « Quand ? Dis-moi quand nous pourrons partir… Demain ? Je peux assurément arranger cela, et tu le sais très bien… » Car losqu’il s’agissait de gouverner son propre Royaume, Victoria était une Reine des plus impitoyables…