Le Deal du moment : -14%
Apple MacBook Air (2020) 13,3″ Puce Apple M1 ...
Voir le deal
799 €

 

 Au pied levé [Tao Su]

Aller en bas 
2 participants
AuteurMessage
Isabella Matamoros
En galère mais débrouillarde
Isabella Matamoros
Date d'inscription : 09/04/2024
Messages : 47

Feuille de personnage
Disponibilité RP: Oui
Dialogue: #ff9966
Age: 22
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
En galère mais débrouillarde
MessageSujet: Au pied levé [Tao Su]   Au pied levé [Tao Su] EmptyVen 12 Avr - 23:52


   

   
   
  • Type de RP: Flashback
       
  • Date du RP : nuit du 17 octobre 1860 et les jours suivants
       
  • Participants : Tao Su
       
  • Trigger warning : Violence physique, injures, blessure, hémoglobine, maladie, chirurgie...
       
  • Résumé : Comment Isabella a été amputée par un médecin cantonnais, il y a quelques années.
       

   





Au pied levé




¿Pequeña ? ¿Qué pasa? ¿Adónde vas? souffla Jose Luis Matamoros en levant le nez de l’oreiller.
(Gamine ? Tu vas où comme ça ?)

Dans un coin de la pièce, il avait vu la silhouette de sa fille unique se tortiller pour chausser ses santiags. Il s’était demandé quel diable l’avait réveillée.

J’ai entendu du bruit, papà, avait murmuré la petite. ‘Faut que j’aille voir. Je ne le sens pas.

Jose Luis avait levé le nez de l’oreiller. Le reste du ranch qui les accueillait dormait. La nuit étoilée, à peine perturbée que par le croassement de quelques urubus à tête rouges, paraissait calme et silencieuse. Dans les paddocks, les chevaux paraissaient tourner paisiblement. Les fers ne faisaient pas trembler le sol en signe qu’un bout du troupeau partait au galop. Il ne manquait plus que sa fille aille perturber les hôtes qui, gentiment, les invitait sur leur route vers les mines.  

Comme tous les ans, les Matamoros emmenaient une partie de leur cheptel à l’ouest, où leurs bêtes étaient appréciées pour leur passivité à l’attelage et achetées à bon prix par les gérants des exploitations. C’était l’occasion de délaisser le relais à chevaux pour une excursion. L’oncle, Sébastian, tenait l’affaire en proposant les prestations minimales. Et, quand ils se retrouvaient, les poches peines et avec quelques bouches de moins à nourrir avant l’hiver, ils fêtaient ça à grand renfort de mezcal.

Depuis quatre ans, maintenant, sa petite Isabella l’accompagnait. L’adolescente avait bien grandit depuis qu’il l’avait aidée à se hisser la première fois en selle. Plus elle vieillissait, plus elle ressemblait à sa mère : Jose Luis savait alors qu’il aurait pu essayer de la dissuader, elle se serait quand même faufilée jusqu’à la grange pour vérifier que tous ses protégés sommeillaient debout, à la fois bercés par la fraîcheur de l’obscurité et la douceur de pouvoir se vautrer, à l’abri, dans la paille qu’on avait étalée pour eux. Il ne s’était pas inquiété de la voir partir. Les miles sur les pistes étroites qui allaient vers l’ouest l’avaient complètement lessivé. Il avait bien pensé que rien de grave n’arriverait. Le mexicain avait presque immédiatement renfoncé son crâne dans ses draps en lin, sans aucune peur vissé au ventre.

Et c’était l’une des plus terribles fois de sa vie où Jose Luis s’était trompé.

L’adolescente, enveloppée s’était alors faufilée vers la grange où ses chevaux étaient parqués. Son cœur avait commencé à décoller quand elle avait entendu des bruits suspects. Une balle de paille qui s’éventrait par terre. Un fer qui tintait contre les charnières. Une porte qui s’entrouvraient. Des bruissements dans les ténèbres. Une agitation audible et sourde à la fois. La cavalerie étrangement éveillée alors qu’elle aurait dû dormir debout.

Engourdie par sa courte nuit, l’adolescente avait craqué une allumette pour essayer d’y voir quelque chose, là où le reflet laiteux de la lune ne créait pas assez de contraste pour distinguer quoi que ce fut. La flamme avait dansé au fond de ses pupilles mal réveillées. Elle avait ensuite tourné la clé qu’on lui avait confiée dans la serrure. Les chevaux, de coutume, sont comme les jeunes enfants malicieux : ils avaient laissé le silence incruster le doute d’un mauvais rêve. Ils avaient continué de taper du pied et à tortiller sur place. Une selle s’était renversée dans un grand fracas et la cavalière avait grincé des dents.

Le bras levé, armé de sa pauvre allumette, elle s’était au milieu des ombres, reconnaissant les balzanes qu’elle avait tant de fois décrottées à l’étrille. Du bout du doigts, elle effleura des naseaux effarouchés. Quand un hurlement la fit sursauter à dissocier son corps et son âme :

ON DÉGAGE, LES GARS ! OUVREZ LES PORTES !

Des hommes, derrière elles. Probablement armés. Dans tous les sens, les chevaux bondissaient.

Les yeux à peine habitué à l’obscurité, la cavalière n’avait pas d’où le danger frapperait. Une silhouette avait foncé sur elle sans qu’elle ait eu le temps de penser à fuir. Il l’avait plaqué contre le premier mur de la grange. De toutes ses forces, elle avait essayé de le frapper, hurlant à l’aide, réclamant des secours, implorant la pitié. Un autre homme s’était précipité pour ouvrir l'entrée de la structure, toujours fermée de l’intérieur. Il avait ouvert le loquet et pousser les portes en grand, pendant que la cavalière luttait toujours avec son assaillant. Elle avait senti son corps contre elle, lourd, déterminé ; et son haleine fétide avait glissé dans son cou. Sans pouvoir s’en dépêtrer, elle avait continué d’appeler son père, ou tous les dormeurs qui se seraient levés au son de ses cris. Pour le repousser, elle avait cogné, s’était démenée avec le manche d’un balai, ramassé à la hâte, auquel elle s’était tenu comme on tient le guide du gué. Un dogue coincé dans la fosse au lion. Piégée.

D’un coup, elle l’avait vu, elle avait compris. Ils avaient attelé un cheval. Son cheval. Et ils s’en allaient courir la nuit à bord de la voiture de son père. Sans savoir tenir les guides, un parfait enfoiré se tenait debout, avec le fouet, le faisant claquer pour ordonner le plus brusque des départs.

La rage. Celle qui brûle les tripes et le cœur. Celle qui soulève les hommes avant la belligérance. Il n'y avait eu plus que la rage pour Isabella. Avec toute la sauvagerie de son frêle corps pas encore tout à fait terminé, elle avait donné un vif coup de genoux dans le ventre de son opposant. Elle avait profité de sa faiblesse pour libérer le manche qu’elle avait écrasé sur la clavicule de l’imbécile qui lui bloquait la route. Et elle s’était jetée devant les roues en les insultant.

Le cheval avait pilé sèchement. L’attelage fut bloqué un instant. Elle avait croisé l’œil de son destrier. Celui qu’elle avait fait à sa main des années durant. Celui que lui avait offert son père. Celui qui avait grandi en même temps qu’elle. Elle avait vu sa peur d’animal. Il avait capté toute sa détresse. Un miroir de frayeur. Même si le fouet avait claqué l’animal n’avait pas bougé d’un pouce.

Un temps. Un souffle. Un fragment de vie. Et la douleur. D’abord celle dans la hanche qui la déséquilibre. Puis celle dans le dos. Le sol sur ses vertèbres. Et des coups. Qui tombent en pluie. Durs. La tête entre les bras. Les côtes découvertes. Les jambes repliées sur le ventre pour se protéger. Et le cœur pétrifié à l’idée de mourir. Tout avait sévèrement dérapé.

Pendant une poignée de minutes, après l'avoir dégagée de leur chemin, les voleurs de chevaux l’avaient harcelée. A deux sur la jeune femme, ils avaient un ascendant aussi incontestable que déloyal. Ils l’avaient rouée de tout leur mépris, de toute leur férocité, de toute leur hargne de criminels, affamés par l’appât d’un gain facile et pas assez protégé. Très vite, l’enfant avait eu son compte. Et elle fut laissée pour morte en travers de la porte. Les truands étaient montés à bord, et l'attelage était allé de l’avant.

L’animal, par habitude, avait évité la jambe droite laissée en travers du passage. La voiture n’avait pas le privilège d’une conscience. Sous la première roue cerclée de fer, le tibia et tous les os autours s’était brisé comme des fétus de paille. Sous la seconde, l’os avait jailli au travers des chairs. Un sabre d’ivoire dans une mare d’écarlate.

Mais les cris d’Isabella avaient cessé. Ils s’étaient tus. Éteins. Soufflés, comme la flamme de l’allumette. Quand le señor Matamoros l’avait retrouvée, quelques minutes après le drame, alerté par le raffut de la charrette déplacée, elle était exsangue. Une blessure ouverte, les côtes cassées et le visage tuméfié. Et les yeux d’un père, qui se dépêcha de la garroter, n’étaient pas assez grand pour pleurer tout le malheur qui était venu le bousculer jusque dans sa foi.

Si Dieu existait, alors il avait détourné les yeux, ce jour-là. Il ne pouvait concevoir une autre explication à cela.

Au pied levé [Tao Su] 1420231_dd8cdAu pied levé [Tao Su] 1420231_dd8cdAu pied levé [Tao Su] 1420231_dd8cdAu pied levé [Tao Su] 1420231_dd8cdAu pied levé [Tao Su] 1420231_dd8cd


La douleur peut se manifester de bien des façons. Un petit pincement au cœur, une légère irritation, un mal lancinant, une gêne quotidienne qui est vite affublée de doutes tous les jours, affûtée, et, tous les jours, détestée.

Et il y a le genre de douleur tout bonnement impossible à ignorer. Impossible à oublier, même. Tellement puissante, tellement enveloppante, qu’elle bloque tout le reste. Jusqu’à immobiliser la vie dans une torture innommable. Une douleur qui fait disparaître les contours du monde jusqu’à devenir cette seule et unique pensée qui envahit toute la psyché. Une douleur qui efface tout le reste comme une vague annihile toute trace de passage dans le sable, sur une plage à marée haute.

La manière de gérer cette souffrance dépend des individus. Certains tentent de l’anesthésier, d’autre de la surmonter. Quelques-uns tentent de l’étreindre quand d’autres préfèreraient l’ignorer, en espérant qu’elle disparaisse d’elle-même et s’évapore, que les blessures se referment. Il n’y a pas de remède universel ou miracle contre cette défense de la machinerie sensible de l’anatomie. Rien de plus que de respirer à fond et attendre qu’elle s’estompe.

La plupart du temps, on peut gérer la douleur. Mais, parfois, cette vicieuse repère la brebis la plus isolée et la plus vacillante pour s’abattre dessus au moment le plus opportun, la capturant comme un loup, pour la ramener dans la meute des misérables. Elle attaque en traitre, au moment où on l’attend le moins, et ne desserre jamais les crocs. La seule échappatoire est de continuer à se battre, parce que de toute façon, la morsure se fait inévitable. Et ce qu’il y a de terrible avec cette bête, c’est que le corps se charge d’en produire toujours plus tant qu’on ne parvient pas à la faire taire.

Blanche comme un linge, Isabella vacillait entre la vie et la mort depuis deux jours. Ses draps étaient trempés de sueur pendant qu’elle luttait contre toute la souffrance qui venait de sa jambe, broyée dans l’accident survenu une semaine plus tôt. En miettes, le membre coincé dans un étau trop serrée commençait à sentir la charogne. En même temps que la fièvre était montée. De part et d’autre des deux planches de bois qui l’écrasait, ses chairs avaient commencer à bleuir puis à noircir. Il fallait garder la jambe sous un linge pour espérer que les insectes ne viennent pas pondre leur vermine dedans.

La jeune femme se sentait tout bonnement torturée et commençait à perdre la tête. Impuissant, son père avait quêté de l’aide à toutes les tables qui avaient bien voulu le recevoir. Tout mexicain qu’il était, le cavalier inspirait un certain respect. Et les informations, au compte-goutte, finirent par tomber : la ville la plus proche était Python mais il ne fallait pas faire confiance à l’arracheur de dents qui officiait là-bas. En plus de le délester du reste de sa bourse, ce charlatan n’aurait rien fait de sérieux pour la blessée.

Par contre, tout autours, il y avait des exploitations minières. Cela aurait été un comble de ne pas y trouver un soigneur au milieu de cette gente prompte à se blessée. En creusant un peu, Jose Luis avait entendu parler d’un asiatique qui officiait chez un certain Joshua A. Hermann. Il s’y était présenté en cariole avec une certaine avec cette dignité d’homme qui n’avait pas encore le droit de paraître endeuillé, le visage plissé, marqué par l’inquiétude dévorante d’un père pour son enfant. Personne ne sait comment il trouva les mots juste pour s’attirer la pitié du maître de la mine, mais quand le père Matamoros revint au chevet de sa fille, il ramenait, dans son attelage, deux petits bonhommes bridés. L’un pour soigner et l’autre ... L'autre il ne savait pas pourquoi il l'avait embarqué mais on ne lui avait pas laissé d'autre choix que de prendre le paquet.

Et qu’importe d’où ils venaient : le vaquero priait uniquement pour que ses deux-là soient doués. Pour que la guérison tombe enfin du ciel. Qu’importe si elle puisait dans une médecine d’autres horizons.



Todos los hombres estamos hechos del mismo barro, pero no del mismo molde


Dernière édition par Isabella Matamoros le Mar 14 Mai - 20:57, édité 4 fois
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t855-isabella-matamoros-la-chica-coja https://crimsontown.forumactif.com/t863-les-chevauchees-de-la-chica-coja#9842
Tao Su
L'étranger barbier
Tao Su
Date d'inscription : 31/03/2024
Messages : 26

Feuille de personnage
Disponibilité RP: Non
Dialogue: #d5c478
Age: 23 ans
Métier: Barbier
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
L'étranger barbier
MessageSujet: Re: Au pied levé [Tao Su]   Au pied levé [Tao Su] EmptyLun 15 Avr - 19:56


"我的兒子 醒醒 !"
Traduction:

Émergeant, la tête vaporeuse, l’adolescent sentit une légère secousse sur son épaule… La joue rougie d’avoir ainsi dormi sur la table basse, il fallu un temps avant que le garçon ne perde la sensation de pression persistante qui lui engourdissait la moitié du visage, de la mâchoire jusqu’à la pommette.

"爸爸... 爸爸 ! 你還好嗎 ?!"
Traduction:


D’un signe de tête, l’homme gratifia son enfant de son éternel sourire affecté… Ce masque de tendre – et ô combien mélancolique – bienveillance n’abandonnait que rarement cette figure, marquée tant par le labeur que par les années…

Su s’étira, et se leva brusquement, avant de chanceler quelque peu, encore tout étourdi.

"怎麼迴事 ? 為什麼師父搜索你 ?"
Traduction:

Le Maître… Mr Hermann, avait convoqué le cantonais grisonnant, il y avait… on-ne-savait-combien de temps… Honteux, Su devait en venir à l’évidence que bien malgré lui, sa journée de dur labeur l’avait assommé, lui qui veillait impatiemment le retour du médecin…

Il n’était point dans les habitudes du propriétaires des mines d’ainsi faire appel à Mr Tao. C’était bien la première fois depuis qu’ils avaient mis les pieds dans cet enfer terrestre… Il y avait bien… Cinq ? Six ans ?

La notion du temps qui passe se révélait toujours hasardeuse en de tels lieux… Soit qu’on le voyait défiler avec alanguissement, chaque grain peinant à s’écouler dans le sablier, soit qu’on oubliât sa propre existence, et qu’importaient les semaines, les mois et les saisons, on arpentait toujours le même jour, aujourd’hui

"幫幫我. 我們有很多事情要做."
Traduction:

Au pied levé [Tao Su] Dust10


Le chariot filait à vive allure à travers la rocaille, soulevant dans son sillage un épais manteau de poussière, virevoltant dans une brise contraire. Chemin faisant depuis bien des heures, depuis le petit mâtin, pas un mot n’avait été échangé entre les trois hommes, dans une atmosphère des plus pesantes.

Un inconnu, le teint aussi ocre que le désert qu’ils arpentaient, conduisait. Les cheveux bruns, longs et emmêlés, sous un lourd chapeau, il donnait l’impression de ne point avoir dormi de la semaine. S’il se tenait droit, le regard vif, balayant les environs, la main vigoureusement close sur les rênes, il paraissait évident qu’il tentait de faire bonne contenance… Et tout aussi flagrant était le déséquilibre dans son Chi. Cet homme tenait bon, pour une raison inconnue…

Le praticien se tenait à ses côtés, à l’avant de l’attelage, parfaitement impassible, respectueux du silence instauré par son voisin, et ne tentant rien pour l’en distraire.

Tao fils, lui, dissimulé au milieu des bagages – comprenant la mallette de chirurgie et un large échantillonnage de la pharmacopée du médecin, empaqueté et chargé à la hâte par les hommes de main de l’investisseur – jetait des regards inquiets, tant vers l’immensité des terres désolées qu’envers les deux hommes muets et comme figés dans le marbre à l’avant, et enfin en direction des deux mercenaires à cheval qui les accompagnaient.

Se prêtant au mutisme tacitement institué, bien que n’en comprenant les tenants et aboutissants, le benjamin de l’étrange convoi s’attarda sur la carabine rangée dans le holster de selle le plus proche.

Non, ça ne le rassurait pas. Pas plus que d’être parti aussi précipitamment du cabanon, et depuis, d’être étroitement surveillé par ces deux mufles. Su les avaient déjà surpris à molester un des leurs au milieu des baraquements, pour un motif des plus fallacieux, avant de le laisser pour mort. Ni son père ni lui ne purent rien pour le malheureux. Pas de famille, pas d’amis proches, pas d’argent… Il avait fini dans une fosse commune, et depuis, le garçon craignait de croiser son âme errante, la nuit venue, au détour des abris de fortune du campement chinois.

C’était là une hantise pour le jeune étranger… Mourir si loin de son village, sans personne pour honorer sa mémoire le condamnerait à la perdition éternelle. Point de repos, ni de salut… Juste le désespoir et la disgrâce, en ces terres inhospitalières. Et avec toutes les tragédies qui entachaient la terre de Python, Su s’étonnait du peu de tourmente qu’il subissait de la part des défunts. Sa bonne étoile devait y être pour quelque chose…

Pas un mot ne fut dit, non plus, quand à l’horizon se dessina une masse, déformée par la chaleur. L’automne semblait ne pas vouloir exister, en ces terres… Pourtant, les deux pistoleros se détendirent un peu, et dans l’ensemble, l'ambiance venait de changer.

L’inconnu, préservant sa dignité, n’en n’était pas moins fiévreux, et le gamin sembla enfin percuter. Quelqu’un avait besoin de soins, évidemment ! L’abrutissement de la chaîne perpétuelle qu’était la vie dans les mines avait eu raison de sa sagacité et de son bon sens.

Cependant, la présence de l’escorte pouvait encore être sujette à interprétation. Il se pouvait aussi bien qu’elle ne soit là que pour protéger le convoi, à moins que le charretier n’ait une quelconque importance… Mais l’hypothèse la plus probable, aux yeux du jeune Tao, demeurait le contrat qui liait son père au Tigre Blanc… Il ne s’agissait pas à ce qu’ils prennent la poudre d’escampette à la première occasion.

A mesure que la destination finale prenait forme, le complexe équestre détourna quelque peu le cantonais de ses inquiétudes, tant le lieu le subjugua. Cela ne ressemblait pas aux élevages des frêles souvenirs de son âge tendre… Si tout lui semblait plus massif, colossal, étant petit, ce lieu dégageait une force qu’il n’avait rarement pu constater ailleurs.

Les cowboys sur place paraissaient en pleine ébullition, comme animés par un orage sur le point de s’abattre… A moins qu’il ne vienne de tomber… On les accueilli dans une langue qu’il n’avait que peu fréquenté, et qui se distinguait de l’anglais, premièrement par ses intonations et son intelligibilité, ensuite par un vocabulaire totalement distinct.

Tendant l’oreille, cherchant à comprendre la teneur de la brève discussion à laquelle il assistait, l’adolescent peinait à trouver des mots transparents, si ce n’étaient deux termes, plusieurs fois repris, et qui faisaient sens malgré qu’ils soient perdus dans un débit de parole particulièrement expéditif…


Medico                               Sufre


Tout autant que leur descente de l’attelage, et des présentations. En la minute, les deux asiatiques, menés par le conducteur, traversèrent le ranch au pas de course, suivi par quelques garçons de ferme, nus pieds et appesantis des paquetages qu’ils déchargeaient. Seule la mallette restait vissée à la main de son propriétaire. Comme toujours.

Su s’arrêta net, sur le pas de la porte, bientôt bousculé par les jeunes porteurs, qui le forcèrent à se décaler pour libérer le passage.

La demoiselle, en nage, avait changé sa couche en lit de rivière, et, assurément, délirait sous l’emprise de la douleur… Mais ce n’était pas ce qui avait paralysé le jeune homme – quand bien même il s’agissait de leur première patiente. C’était l’odeur.

L’assistant avait suffisamment d’expérience en la matière pour s’imaginer l’horreur tapie sous le drap… Étourdi, il fit un pas en arrière, se raccrochant in extremis à l’encadrure de la porte. Son père s’était tourné vers lui, et lui adressait la parole, mais aucun son ne parvenait au garçon, dans un état second.

La gangrène… Ils allaient devoir charcuter cette innocente…

L’un des cerbères le saisit alors par le col et le secoua vigoureusement, avant de l’envoyer rejoindre son paternel.

"Réveille-toi, gamin ! T’as du boulot !"

Avec toute la bonne volonté du monde, il était difficile de ne pas prêter de mauvaises intentions à cet homme, qui semblait se délecter de la situation. La main posée sur la crosse de son arme, le regard provocateur et la langue caressant sa lèvre inférieure avec une certaine impatience, il n’attendait visiblement que le début du spectacle.

Su aurait été doté d’un plus fort caractère, il aurait sans hésitation mis le soudard à la porte. Il n’en avait pas le courage, et se contenta de plier l’échine, et de se consacrer à ce pour quoi on l’avait fait venir.

Son Père, lui faisant face de l’autre côté du lit, prenait le pouls de la convalescente au poignet, à trois doigts, sans se préoccuper d’autre chose que de sa patiente, et de son second. Un boulet de canon aurait traversé la pièce de part en part, il n’aurait pas plus bronché. Ce fut à cette force que se raccrocha le fils, reprenant ses esprits, et observant.

Comme entourés d’occidentaux, qui hispanisant, qui anglophone, Mr Tao s’en tint à la langue de Shakespeare. Il n’était lieu et circonstances à froisser qui que ce fut, à échanger entre asiatiques en cantonais, que les deux hommes devaient être les seuls à parler dans cette pièce.

"Elle ne manque de Chi, heureusement pour elle, mais son Shen agit comme un fauve blessé, ce qui lui porte préjudice. Et cela, car il y a un vide en son Yang…"

Le docteur Tao savait pertinemment que de telles informations le feraient passer pour un charlatan auprès des témoins, mais ces données étaient cruciales, selon ses traditions, et de par son expérience. S’il voulait sauver la jeune fille, il devait avant toute chose se baser sur ce diagnostic.

"Bien, Père."

Sans en demander plus, Su fit signe à l’assistance de dégager la table du fond. Ce n’était plus le gringalet craintif et effacé ; son regard, sa posture, son attitude, tout avait changé en lui, comme s’il ne s’agissait plus de la même personne…

Parcourant les différents paquets entassés, et y remettant de l’ordre avec une efficacité féroce, il transféra dans un bol en bois des ingrédients, piochés de ci de là en des quantités bien distinctes et dans un calcul savant, tel s’il préparait une recette de ces différentes plantes, de ces minéraux réduits en poudre et autres extraits d'animaux séchés.

"Faites bouillir de l’eau. Il faudra aussi une bassine d’eau fraîche, et des compresses propres, mais ce sera moins urgent. Ceux qui ne se sentent pas d’aider ou d’assister à l’opération, qu’ils débarrassent le plancher."

Les chinois n’avaient pas eu besoin de voir l’état du membre atteint pour savoir qu’une amputation était la seule alternative viable, père et fils en étaient venus aux mêmes conclusions d’une simple inspiration… Dorénavant, il fallait voir à quel point ils devraient délester la pauvrette d’une partie de son anatomie, et si le médecin avait soulevé le drap pour s’en assurer, Su se focalisa sur sa tâche, appréhendant le moment où il en aurait le cœur net.

*Une base d’astragale et de… 紫錐花屬, pour rétablir l’équilibre du Shen… Du sureau noir, pour apaiser la fièvre… Du camphre, du 伊格南 et du géranium pour pallier aux saignements… Du 茯苓 et du 硃砂 pour réduire la sudation...*

A mesure que les ingrédients se montraient éxotiques, pour le sol américain, les noms anglo-saxons se perdaient, à moins qu’ils ne soient jamais arrivés aux oreilles du garçon. S’il maîtrisait autant l’anglais que son père, sinon mieux, il ne s’agissait guère de sa langue maternelle, qui demeurait le cantonais…

Son bol plein, l’assistant passa à côté de l’homme qui les avait conduits jusqu’à ce ranch, et croisa son regard. Du peu qu’il avait pu contemplé le visage tuméfié et en sueur de la patiente, on pouvait déceler un lien de parenté certain entre eux. Et le regard – baigné d’espoirs et de doutes – que venait de jeter l’inconnu à l’immigré fut soutenu l’espace d’un souffle par des yeux bridés, emplis d’autant d’assurance que de bienveillance.

Devant la table en question, Su demeura dos au lit, repoussant l’instant de la découverte, vérifiant une dernière fois ses calculs, ses choix en terme d’ingrédients et leurs proportions. Son père passa à ses côtés, et acquiesça sans un mot, avant de demander à l’un des gamins au chevet de la victime de mener son fils en cuisine.




Tout le monde retenait son souffle, dans un silence seulement brisé par la faible complainte de la demoiselle alitée. On lui avait fait boire la préparation près d’un quart d’heure plus tôt, et déjà la douleur semblait plus supportable. La jambe infirme, découverte, avait forcé la pièce à se vider, tant le spectacle se montrait insoutenable.

Même le mercenaire – toujours présent – avait perdu son air narquois, sa curiosité mal récompensée. Assister à l’opération ne lui assurerait pas la moindre satisfaction, mais il paraissait d’ors et déjà manifeste qu’il gardait un œil sur la famille Tao, tel un geôlier néophyte surveillant fiévreusement des prisonniers en attente de leur transfert. L'observation ne devait pas être ce pour quoi il avait été recruté...

Le chirurgien, ayant échangé en aparté quelques mots avec le père de l’invalide, et suite à son consentement, préparait une pipe à opium – tige de bambou à peine travaillée et ornementée, à l’embout de corne, et au fourneau en pierre – qui témoignait d’un usage purement pratique, et non récréatif… L’opération s’avérerait des plus éprouvantes, et rien d’autre n’aurait la force de maintenir la belle endormie, sinon assommée.


Tao Su's Theme:
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/f1-fiches-de-presentation https://crimsontown.forumactif.com/f16-carnets-d-aventure
Isabella Matamoros
En galère mais débrouillarde
Isabella Matamoros
Date d'inscription : 09/04/2024
Messages : 47

Feuille de personnage
Disponibilité RP: Oui
Dialogue: #ff9966
Age: 22
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
En galère mais débrouillarde
MessageSujet: Re: Au pied levé [Tao Su]   Au pied levé [Tao Su] EmptyMar 16 Avr - 12:47


L’adolescente, fiévreuse, presque délirante, voyait passer, terrifiée, les ombres devant ses yeux. Incapable de distinguer les sons et les contours, elle fixait avec angoisse ceux qui se présentaient devant sa couche. Elle les scrutait comme si elle s’attendait à voir la grande Faucheuse apparaître sur la face de l’un d’entre deux.

Il y a longtemps, son père l’avait amenée fêter la Día de los Muertos au nouveau Mexique. Dans les rues étroites du pueblo où ils avaient atterri, elle se souvenait des visages des vivants qui s'étaient transformés en toiles simiesques, où chaque trait, rehaussé de tons vibrants, était devenu un hommage vibrant à ceux qui étaient partis. Les poudres chatoyantes et les pigments vifs se mêlaient sur la peau, créant un ballet de couleurs éclatantes et joyeuses. Sur les joues, des pétales de fleurs grandissaient au rythme des sourire, s'étalant dans des nuances de rose, de rouge et de pourpre, rappelant l'éphémère beauté des végétaux qui ornaient alors les autels des ancêtres. Les orbites des yeux étaient souvent encadrées de noir profond, comme des portails vers un autre monde, tandis que des lignes délicates de blanc et de bleu traçaient insidieusement des chemins vers l'au-delà. Isabella se souvenait aussi des lèvres parées de rouge écarlate, évoquant la passion de la vie et la chaleur du sang qui coulait dans les veines de tous. Des motifs complexes de crânes et de squelettes qui dansaient sur les fronts et les mentons se dressaient comme le témoignage de la coexistence entre la mort et la célébration, l'ombre et la lumière. Dans ce souvenir, chaque frimousse tenaient de l’œuvre éphémère. Un hommage vibrant à la mémoire des êtres chers disparus. À travers ces maquillages, les vivants célébraient la vie dans toute sa splendeur, rendant hommage à ceux qui étaient partis avec une beauté qui transcendait, entre les mondes.

Ce jour-là, Isabella s’était dit que, si c’était ça la mort, alors la fête serait belle tant qu’il y aurait encore des gens pour penser à elle.

Mais, aujourd’hui, la cavalière ne voyaient s’agiter que les ténèbres ponctués des trognes déconfites des étrangers. Elle sentit de nouvelles présences arriver pendant que, en boucle, elle chuchotait des prières du bout des lèvres :

Dios te salve, María, Llena eres de gracia, el Señor es contigo. Bendita tú eres entre todas las mujeres, y bendito es el fruto de tu vientre, Jesús. Santa María, Madre de Dios, ruega por nosotros, pecadores, ahora y en la hora de nuestra muerte. Dios te salve…

Entre ses doigts, elle serrait, de toutes ses maigres forces, la croix en argent de sa mère.

Après les heures de silence terrifiantes passées seule, isolée, à sentir le mal dévorer, bouchée par bouchée, le bruits de pas sur le plancher qui craquait, tout autour d’elle, la faisait trembler. Elle savait que quelque chose se préparait. Quelque chose dont elle ne se relèverait pas exactement comme avant. Et, dans sa poitrine son cœur battait dans tous les sens, presque à perforer sa cage thoracique amaigrie. Au coin de ses yeux, un filet d’eau coulait, parfois dévié sur ses cheveux noirs de jais et dans son cou rendu poisseux de sueur et de sel.

Autour d’elle, sur toutes ces faces d’hommes déformées, grimaçantes, elle ne lisait que dégoût et pitié. Le silence revint dans la pièce quand nombre d’entre eux fuirent l’endroit, juste après que celui qui s’était saisi de son poignet pour écraser, contre les veines, ses doigts agiles et froids parla.

De surprise, elle ouvrit grand les yeux pour en montrer le blanc comme un animal terrifié. Elle tomba sur les expressions concentrées des deux cantonnais avec un mélange d’étonnement et de curiosité.

Isabella ne comprit pas tout ce qu’ils disaient. Des histoires de « Chi », de « Shen », de « Yang » ou elle ne savait pas quelle sorcellerie. Sans aucune force pour se débattre, elle devait laisser faire ses inconnus aux yeux plissés qui, autour d’elle, avec un air grave, s’affairaient. A juste titre, elle ne comprenait qu’un mot sur deux quand ils parlaient. Elle comprenait qu’il y en avait un vieux et un jeune. Un père et un fils, un adolescent d’à peu près son âge qui lui firent rechercher la trogne de son père dans la pièce. Elle le trouvait, adossé contre un mur. Il était gris, morne et terne, comme un âtre où la flamme avait cessé de briller. Il posait un œil presque détaché sur tout ce qu’il se passait avec une considération pour les deux étranger que le mercenaires et les gens du ranch oubliaient de respecter. Sa fille ne put s’empêcher de s’en vouloir pour la peine qu’elle lui infligeait.

A ce moment-là, il lui sembla impossible de continuer parce que le mal retournait son ventre en partant de ses tripes. Il usait de tous les maléfices pour arriver à bout de ce qu’elle était et elle eut un moment de recul quand on approcha une préparation près de sa bouche.

Papà, je n’en peux plus, essaya-t-elle d’esquiver en cherchant mollement le contact d’une main sur laquelle s’appuyer. S’il te plait, il faut que ça s’arrête. Je ne vais pas le faire. Je ne vais pas y arriver. Je ne vais pas tenir, ça va faire beaucoup trop mal…

Du fond de la pièce l’ordre sonna, ferme et dur, bien qu’empreint de la douleur latente qui baignait toute la pièce :

Bebe.
(Bois)

Et Isabella but comme un soldat dévoué. Comme un chien bien dressé.

Même chose lorsqu’on lui présenta la pipe à opium. Jose Luis n’avait pas beaucoup hésité : il était prêt à accepter tout ce qui soulagerait le poids du monde qui écrasait son enfant entre le ciel et le sommier de son lit. Les poumons vierges reçurent la fumée difficilement. La blessée toussait mais s’exécutait aussi sagement qu’elle le pouvait juste avant que ses paupières ne se ferment, que son corps arrête de trembler, de lutter, enfin apaisée.

Derrière ses grandes mains calleuses, le père cachait sa bouche, se frottant la barbe, le nez et les yeux pour ne pas exposer au monde combien, lui aussi se sentait déchiré par ce qu’il allait arriver. Il chercha le regard du médecin, pour qui il avait – ça allait sans dire, pour un muchacho des plaines – un respect infini.

Je veux rester tout du long, fit el señor Matamoros en mimant quelques gestes, de peur de ne pas être compris à cause de son fort accent mexicain.

Il tira une chaise pour se placer à côté de sa fille unique et tenir sa main blême, lui retirant la petite chaîne en argent des doigts pour qu’elle ne la perde pas.

On avait ramené de l’eau chaude, de l’eau fraîche, du linge, de l’alcool et même un bâton de bois, au cas où. Les gens du ranch avaient déjà vu des médecins militaires utiliser ça. Et, maintenant, il était temps de trancher enfin la plaie pour la débarrasser de ce bout de cadavre attaché à son corps qui avait cessé de lutter et acceptait la fatalité.



Todos los hombres estamos hechos del mismo barro, pero no del mismo molde


Dernière édition par Isabella Matamoros le Mar 14 Mai - 20:56, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t855-isabella-matamoros-la-chica-coja https://crimsontown.forumactif.com/t863-les-chevauchees-de-la-chica-coja#9842
Tao Su
L'étranger barbier
Tao Su
Date d'inscription : 31/03/2024
Messages : 26

Feuille de personnage
Disponibilité RP: Non
Dialogue: #d5c478
Age: 23 ans
Métier: Barbier
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
L'étranger barbier
MessageSujet: Re: Au pied levé [Tao Su]   Au pied levé [Tao Su] EmptyJeu 18 Avr - 4:02


PEGI 16:


Tao Su's Theme:
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/f1-fiches-de-presentation https://crimsontown.forumactif.com/f16-carnets-d-aventure
Isabella Matamoros
En galère mais débrouillarde
Isabella Matamoros
Date d'inscription : 09/04/2024
Messages : 47

Feuille de personnage
Disponibilité RP: Oui
Dialogue: #ff9966
Age: 22
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
En galère mais débrouillarde
MessageSujet: Re: Au pied levé [Tao Su]   Au pied levé [Tao Su] EmptyJeu 18 Avr - 23:17


Plongée dans les vapeurs d'opium, l’opération fut, pour Isabella, une horde de cauchemars peuplés de monstres aux griffes acérées et aux dents  longues. Elle hurla, parfois. Des cris innommables, rendus répugnants tellement ils étaient chargés d'une souffrance que personne ne voulait avoir à expérimenter. Quelque chose qui venait des tréfonds de la ventraille où réside la force de vivre. Et elle se débattit mollement, à des moments. A chaque fois qu’elle essaya d’échapper aux mains expertes qui la découpaient, son père la remit en place, pressant sa clavicule ou son bassin pour la maintenir fermement au sommier.

L’homme paraissait sévère. Il l'avait toujours été. Il faisait partie de ces gens que le désert avaient fini par abîmer. Pourtant, dans la douleur, il restait digne et gardait une trogne imperméable et fermée. Comme tous les cavalier, il avait cette main dure mais juste, qui sait reprendre et donner les rênes à chaque réponse convenable de son sujet. Pour rien au monde il n’aurait laissé sa fille se dérober. Comme une pouliche effarouchée, elle avait beau cabrer ou ruer, c'était ici son salut qui se jouait et il ne l'aurait pas laisser davantage se blesser.

Tout ce corps si frêle corps, en danger, cherchait juste à se sauver, même ses instincts semblaient complètement altérés par l'opium. El señor Matamoros ne leva pas les yeux sur la boucherie avant que, enfin, le cri fut ravalé. Isabella avait fini par tourner définitivement de l’œil quand l’os avait été scié. Toutes ses dernières forces l’avaient abandonné. Le corps de l'adolescente avait trop donné. Il retomba indolemment dans sa couche, comme celui d'une poupée de chiffon désarticulée.

Les deux cantonnais qui rabotaient la jambe restaient concentrés. L’un découpait. L’autre recousait. Ils avançaient de concert mais c’était bien l’ancien qui menaient cette danse mortuaire. Petit à petit, ils séparèrent les chairs nécrosées de celles qui saignaient proprement. Jusqu’à ce que, enfin, le tibia fut proprement scié. Le morceau se désolidarisa enfin du reste du corps et prit un angle tout à fait interdit par la physionomie. Un haut le cœur souleva le père quand le membre fut posé par terre, prêt à être jeté.

Dès que l’opération fut terminée, le plus jeune fut excusé. Blanc comme une balzane, il alla se prosterner dans le couloir pendant que le plus âgé terminait les soins. Abattu pour le gamin, le mexicain se leva et chercha dans ses poches ce qu’il pouvait bien offrir en gratitude, à ces gens qu’il avait emprunté à des maîtres comme s'ils avaient été des possession ou des objets. Les blancs, ils les avaient déjà payés, mais plus le cavalier entendait comment les hommes de main leur parlaient, plus il se doutaient que rien ne leur reviendrait sur la somme qu’il avait abandonné. Le Matamoros n’était pas riche, et, avec la perte de ses chevaux, ses ressources fondaient comme neige au soleil. Plus ils resteraient ici, plus ils perdraient des plumes. Pourtant, il glissa quelques cigarettes, sa fiole en argent et quelques boutons dorés, fraichement arrachés de ses manches, dans l’attirail de l’asiatique, alors que le guérisseur s’affairait toujours à bander le moignon. Avec un peu de chance, ils les trouveraient peut-être en déballant ça chez eux. En tout cas, c’était tout ce qu’il pouvait faire alors il le faisait naturellement, parce que cela lui semblait plus juste ainsi.

Et comme cet homme veillait sur sa fille, il lui proposa d’aller veiller sur son fils, puisque, à travers la porte close, on entendait que le couloir gueulait :

J’reviens. J’vais voir si vot’ petit va bien, lâcha-t-il à l’attention de l’immigré.

Non sans jeter un dernier coup d’œil sur le visage livide de son Isabella, il sortit. Il trouva le petit dehors, perdu, surplombé par la masse de son geôlier. L’homme tenait un seau qu’il venait manifestement de vider sur le pauvre garçon. Un sourire malsain aux lèvres, le gaillard paraissait ravi d’avoir de la viande à maltraiter sous la main. Le cavalier, lui, n’avait d’yeux que pour le petit immigré cantonnais. Il voyait son visage noyé de larmes, ses pupilles hagardes. On aurait dit un grand géocoucou sonné après avoir été capturé dans des filets.

Les êtres humains ne sont pas faits pour s’ouvrir de la sorte. Ni pour guérir, ni pour tuer. Le mexicain en savait quelque chose et aurait préféré que rien de tout ça ne soit arrivé. Il n'en voulait pas à l'adolescent. Il se doutait qu'il aurait besoin d'un peu de temps.

Avant que le grand rustre ne remette une couche, il l’arrêta, lui demandant poliment s’il pouvait ramener l'assistant dans la chambre changée en salle d’opération. Comme el señor Matamoros en imposait sévèrement par sa carrure à laquelle il fallait additionner le poids de son demi-siècle de labeur qui inspirait le respect, on ne lui trouva rien à lui rétorquer.

Sans trop lui laisser le choix, le mexicain souleva le jeune homme comme s’il ne pesait rien et le ramena vers les bâtiments où il lui offrit sobrement un grand verre d’eau, attrapé sur un plateau qui trainait. Dehors, la chaleur était écrasante. Pas une brise de vent ne venait soulever le crin des chevaux qu’on avait ramené à l’ombre, dans paddock de la cour principale.

Tu crois que ça va aller, pequeño ? demanda le père de la blessée.

Il soutenait son regard sans le lâcher, le scrutant d’un regard noir qui donnait l’impression de savoir se faufiler dans les tréfonds de l’âme.

Tu te sens d’y retourner ? Tu sais ce qu’il faudra que je fasse quand vous serez repartis où je dois demander à ton padre ?



Todos los hombres estamos hechos del mismo barro, pero no del mismo molde
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t855-isabella-matamoros-la-chica-coja https://crimsontown.forumactif.com/t863-les-chevauchees-de-la-chica-coja#9842
Tao Su
L'étranger barbier
Tao Su
Date d'inscription : 31/03/2024
Messages : 26

Feuille de personnage
Disponibilité RP: Non
Dialogue: #d5c478
Age: 23 ans
Métier: Barbier
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
L'étranger barbier
MessageSujet: Re: Au pied levé [Tao Su]   Au pied levé [Tao Su] EmptyLun 22 Avr - 18:20


Après ces douches froides – au sens propre comme au figuré – cette nouvelle réchauffait un tant soit peu le cœur du gamin, qui ne parvenait à réprimer ses tremblements. C’était difficile d’en déterminer la cause exacte, entre la radée qu’il venait d’essuyer, et les émotions qui le submergeaient…

Ainsi, il n’avait pas sabordé l’opération… Pour autant, l’information ne parvenait ni à lui arracher un sourire, ni à lui faire recouvrer une once de mémoire. Son esprit avait tout enfoui… Était-ce pour le préserver de l’horreur, ou bien pour le priver de toute satisfaction ? Non… Il n’y avait aucune jouissance à éprouver d’avoir ainsi mutilé une pauvre créature, quand-bien même sa survie était en jeu.

Su intégrait en conséquence pleinement l’attention que le pistolero lui portait. Dans sa rudesse, il lui faisait preuve d’intérêt et – en dépit de toute apparence – d’une certaine prévenance. Même si ce bain forcé contrissait le jeune homme, il s’agissait d’un mal nécessaire, ne serait-ce que pour tenter de le débarrasser de la souillure pourpre qui empreignait ses vêtements, maculaient son visage et ses mains, et encollaient ses cheveux fins… Et, son réveil pour preuve, pour le forcer à recouvrer ses esprits.

Un troisième assaut fut pourtant avorté, tandis qu’une silhouette imposante venait de s’interposer entre le mercenaire et sa source de divertissement. De dos, Su reconnut immédiatement le père de sa patiente. Il l’avait vu ainsi tout du long du trajet jusqu’à ce ranch, depuis l’arrière de l’attelage, calfeutré entre les bagages… Mais…

La question germa immédiatement dans l’esprit agité de l’assistant chirurgien.

*Pourquoi est-il là ? Y a-t-il eu des complications ?*

Anxieux, il écouta l’éleveur requérir sa présence au chevet de sa fille… Et déjà, la terreur le prit. Qu’est-ce qu’ils avaient fait de travers ?! Tout ce dont l’apprenti parvenait à se remémorer, c’était l’état critique de cette jambe nécrosée, avant amputation.

Accablé, Su se retrouva bien malgré lui arraché au sol, et hissé sur ses pieds. Entraîné vers la bâtisse, il fut pourtant dérouté de ne point être dirigé vers la petite chambre du bout du couloir, mais vers la salle de vie.

Dévisageant le Señor Matamoros, le cantonais se saisit du verre qu’on lui tendait, sans trop savoir quoi en faire. Trop perturbé pour comprendre qu’il lui était destiné, il allait l’apporter dans la chambre, quand le géant interrompit le fil de sa pensée, et son geste.

"Tu crois que ça va aller, pequeño ?"

Le regard de son interlocuteur désarma l’exilé… S’il se sentait comme transpercé par les rayons de l’astre solaire, ni brûlure, ni peur ne le traversa, sinon le lointain souvenir d’yeux de héron qui le scrutaient  de manière analogue. Si cela déstabilisa le gringalet, il y avait un on-ne-savait-quoi de réconfortant dans cette connexion visuelle.

"Tu te sens d’y retourner ? Tu sais ce qu’il faudra que je fasse quand vous serez repartis où je dois demander à ton padre ?"

Repartir… Retourner dans cet éternel recommencement… dans cet enfer. Oui, si l’Enfer existait, il devait ressembler à cela ; une boucle sans fin de souffrances, de souillure et de mort, dans les ténèbres d’une grotte empuantie par l’odeur de la poudre à canon et de la sueur… et du sang.

"Je… Je ne sais pas. Oui, on va y retourner, je veux dire ! Mais… Je ne sais plus..."

Pouvait-il vraiment avouer à cet homme qu’il n’avait plus la moindre idée de ce qu’il était advenu de la chair de sa chair ?! Si ça n’était souhaitable, c’était encore le plus responsable à faire…

"Il… Il faudra voir avec mon père, en effet. J’ai… J’ai tout oublié… Je regrette. J’ai beau me creuser la tête, je suis bien incapable de savoir ce que j’ai pu faire… Veuillez me pardonner…"

Su savait pertinemment qu’un tel aveux pouvait, en tombant dans une oreille peu disposée, l’envoyer valser à travers la pièce, pour ne pas parler du pire… Or, il aurait été irresponsable de sa part de feindre le contraire, et de proposer une marche à suivre.

Toujours encombré de son verre d’eau, l’adolescent soutint un instant le regard de l’adulte, avec humilité et résignation – et s’attendant probablement à une quelconque correction de sa part – avant, la gorge sèche, de l’engloutir d’une traite. Reposant le récipient avec précaution, le gamin attendit la volée de bois vert à laquelle il s’attendait, consentant…


Tao Su's Theme:
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/f1-fiches-de-presentation https://crimsontown.forumactif.com/f16-carnets-d-aventure
Isabella Matamoros
En galère mais débrouillarde
Isabella Matamoros
Date d'inscription : 09/04/2024
Messages : 47

Feuille de personnage
Disponibilité RP: Oui
Dialogue: #ff9966
Age: 22
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
En galère mais débrouillarde
MessageSujet: Re: Au pied levé [Tao Su]   Au pied levé [Tao Su] EmptyMar 23 Avr - 0:28


Tout ce que el señor Matamoros voyait, c’était un petit déconfit, probablement traumatisé parce qu’il venait de se passer.

La scène d'amputation avait été terrible pour tout le monde. Mais, malgré ses airs sévères, l’ancien militaire comprenait que les jeunes esprits se montraient plus perméables aux atrocités. Ce n’était que plus tard que le cœur apprenait à ne plus se soulever. Avec le temps, à force d’être imprégné de la puanteur, le cerveau finit par oublier la présence d’un tas de fumier. Il en allait de même pour les cadavres, les morts ou les blessés et leurs gueules ouvertes comme des puits descendant directement vers les enfers : il fallait en voir, il fallait en manipuler et, le plus souvent possible, s’y confronter pour finir par accepter que Dieu eût créé un monde peuplé de monstres cachés.

Sa fille, Isabella, avait été comme le petit aussi. Les premières fois où il avait fallu mettre le bras dans un utérus de jument pour délivrer un poulain mal engagé, elle avait quitté l’écurie pour rendre ses tripes. Les fois d’après, elle avait presque tout oublié des gestes inculqués. Pourtant, Jose Luis ne l’avait jamais laissé se soustraire à l’exercice ou s’éloigner trop loin de tous les enfers qu’il lui trouvait. Elle était sa seule enfant. Et l’homme croyait dur comme fer qu’à surprotéger, on finissait par affaiblir. Il ne l’avait jamais ménagée, un peu comme le médecin aux yeux bridés faisait avec sa progéniture.

La force se puisait dans des moments comme celui-ci, même s'il marquait au fer rouge la psyché d'une tourment non-sollicité.

Jose Louis regarda le petit jaune avaler son verre d’eau d’une traite, sans comprendre l’air apeuré qu’il prenait. On aurait dit un chiot trop habitué à être attrapé par le collier. El señor Matamoros fronça les sourcils, craignant de n’avoir pas réussi à correctement utiliser l’anglais pour s’adresser à lui.

Ne t’excuse pas, tu as bien fait, dit-il très simplement. En tout cas, ma fille est toujours là, en vie. Et c’est en partie grâce à toi.

Le cavalier à la peau tannée par le soleil et les années ne trouvait qu’humilité et résignation dans le regard de l'adolescent prostrait. Il voyait la même chose que chez ses poulains, la première fois qu’il les manipulait. Inconsciemment, le père d’Isabella eut les mêmes réflexes qu’avec un animal malmené et rétif : il essaya de concentrer son attention sur d'autres sujets. Des sujets agréables, simples, sur lesquels il ne pouvait pas se tromper.

C’est quoi ton nom ? Tu as quel âge ? Ça fait longtemps que vous êtes par ici avec ton père ?

Avec un peu de chance, s’il arrivait à le faire bavasser comme une pie, le père de la blessée lèverait ce blocage qui empêchait le jeune homme de se concentrer sur autre chose que ce qu’il venait de traverser. Précautionneux et, méfiant, il l’observait scrupuleusement comme on garde un œil sur les réactions d’un cheval sauvage pour mieux, petit à petit, l'apprivoiser.



Todos los hombres estamos hechos del mismo barro, pero no del mismo molde


Dernière édition par Isabella Matamoros le Mar 14 Mai - 20:56, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t855-isabella-matamoros-la-chica-coja https://crimsontown.forumactif.com/t863-les-chevauchees-de-la-chica-coja#9842
Tao Su
L'étranger barbier
Tao Su
Date d'inscription : 31/03/2024
Messages : 26

Feuille de personnage
Disponibilité RP: Non
Dialogue: #d5c478
Age: 23 ans
Métier: Barbier
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
L'étranger barbier
MessageSujet: Re: Au pied levé [Tao Su]   Au pied levé [Tao Su] EmptyMer 8 Mai - 13:27


"Ne t’excuse pas, tu as bien fait."

Bien fait… Su peinait à en être convaincu. Tout ce qu’il savait, ce dont il se souvenait clairement, c’était qu’ils auraient dû être là bien avant pour l’opérer. Cette jambe était un gâchis sans nom, et ça n’était pas bien étonnant que sa mémoire ait décidé de se faire la malle. Y avait-il quoi que ce soit de bon à en retirer ?

"En tout cas, ma fille est toujours là, en vie. Et c’est en partie grâce à toi."

Le gamin se sentait soudainement pris d’un malaise. Ne sachant plus trop où il en était, il avait éludé le principe même du devoir qui incombait, à son père comme à lui-même. Effectivement. Il n’y avait rien d’autre à attendre d’une telle opération.

"Oui, je… Je suis désolé !"

Qu’il pouvait être désespérant !

L’état dans lequel se trouvait le gringalet devait être proche de l’Ohio, pour qu’il ne soit autant à côté de ses pompes ! Lui qui avait paru si fiable dans son office, secondant le médecin de chantier avec un naturel déroutant, laissait dorénavant l’impression amère d’un idiot de village en terre inconnue.

"Je veux dire…"

L’oriental se ravisa. Il s’était suffisamment compromis pour ne rien rajouter. Et puis, l’homme lui faisant face ne semblait être fait du même métal que les maraudeurs dont il subissait quotidiennement la présence. Si les coups avaient dû fondre sur lui, cela aurait déjà été chose faite…

C’était probablement cela, le plus perturbant. Méprisé en tant que Jaune par ceux ne l’étant pas, il n’avait guère plus de respect venant de ses pairs, la bride du Confédéré le contraignant à leur être détestable. Acclimaté au dédain et rompu aux civilités de façade, on en oublie que le monde n’est uniquement fait de faux-semblants et de violence.

"C’est quoi ton nom ? Tu as quel âge ? Ça fait longtemps que vous êtes par ici avec ton père ?"

Relevant la tête, perplexe, le levraut, encore détrempé, ne parvenait que fort mal à se faire à ce vif intérêt envers son humble personne… Le señor donnait pourtant l’impression de faire preuve de franchise, et de simplicité à son égard.

"Je m’appelle Su… Tao Su, monsieur."

De tout le voyage depuis Python, cet homme n’avait pipé mot, donnant l’illusion d’être totalement inaccessible, et maintenant il démontrait l’extrême inverse… Oui, c’était cette métamorphose qui troublait le plus le gamin, au final. Or, il pouvait toutefois la comprendre. Il n’y avait rien de plus cuisant que d’aimer une personne en détresse, et de ne rien pouvoir faire pour lui être secourable. Et rien de plus vivifiant que de voir l’orage s’éloigner.

"Je dois avoir… dix-sept ans."

Le timbre de sa voix, teinté d’incertitude, laissait présager de son existence hors du temps. Cela devait faire longtemps qu’il ne comptait plus. Aussi, ce questionnement forçait le cantonnais à puiser profondément en sa mémoire.

"Nous sommes arrivés en Californie… en dix-neuf cent cinquante-quatre. Il y a six ans, déjà…"

L’indication paraissait méduser son annonciateur, tel s’il découvrait en même temps que son aîné tout cela. Enfant, la notion du temps semble être une invention saugrenue des adultes, une idée trop sombre et invasive pour la laisser germer en ces terres vierges. Les années passent, et l’on peut alors découvrir que ce temps nous aura été volé, tout simplement parce que l’on n’y prêtait pas gare…

"Nous avons traversé l’océan, depuis le port de 广州, sur un grand voilier. Vous… Avez-vous déjà navigué ?"

Cette réminiscence – autant que cette question – avait surpris l’émigré. Pourtant, son souvenir le moins périssable de sa patrie demeurait ces dunes hurlantes, mouvantes et impétueuses, semblant s’étendre à l’infini, et dévorer le monde d’une faim et d’une fureur inextinguibles…


Tao Su's Theme:
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/f1-fiches-de-presentation https://crimsontown.forumactif.com/f16-carnets-d-aventure
Isabella Matamoros
En galère mais débrouillarde
Isabella Matamoros
Date d'inscription : 09/04/2024
Messages : 47

Feuille de personnage
Disponibilité RP: Oui
Dialogue: #ff9966
Age: 22
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
En galère mais débrouillarde
MessageSujet: Re: Au pied levé [Tao Su]   Au pied levé [Tao Su] EmptyMar 14 Mai - 21:53

El señor Matamoros paraissait distrait pendant que le garçon répondait. A vrai dire, la vie de ce pauvre diable lui importait peu. L’important était de d’avoir réussi à le concentrer sur quelque chose qui ne le faisait pas trembler. Un peu comme on préfère donner à un jeune chien un os à ronger plutôt que de le voir se ramener avec un morceau de cuir qu’il aurait déchiré quelque part.

Jose Luis était un habitué de la manœuvre. Pragmatique, il avait tendance à mettre les animaux et les gens dans le même panier ; bien qu’il aurait probablement préféré une discussion avec son chien qu’avec un humain. Jamais il ne s’était senti la répartie assez solide pour avoir envie de rentrer dans des joutes verbales. Elles avaient tendance à l’épuiser. A force de côtoyer ses bêtes sur son bout de terre perdu entre deux déserts, il avait gagné en mutisme. Il écoutait d’une oreille, toujours occupé à l’observation de son environnement.

Dans le couloir, les gens du ranch allaient et venaient. Beaucoup s’arrêtaient devant la chambre ouverte où Isabella avait cessé de hurler, motivés par une curiosité morbide. C’était comme ceux qui ralentissent en passant devant le gibet : avec un peu de chance, il verrait une image qui les marquerait. Heureusement, il n’y avait plus rien à voir sinon une enfant totalement shootée à l’opium dont le corps avait préféré sombrer et s’éteindre pour ne pas imprimer toute la douleur qu’elle avait à traverser dans sa bibliothèque de souvenir.

Le père haussa un sourcil à la fois étonné et inquiet quand l’asiatique s’excusa encore. Avait-il fait une erreur sur sa fille pour avoir à s’excuser encore et encore ? Il espérait que non. De toute façon, il avait pris le parti de se fier au calme du père qu’aux émotions incontrôlées du fils.

Le gamin s’appelait Tao Su. Il avait à peine un an de plus que sa fille. Avec sa famille, ils étaient en Amérique depuis six ans maintenant.  Sans surprise, il venait de l’autre côté de l’océan, d’un endroit trop loin pour que l’esprit du mexicain puisse même se le figurer. Alors, lorsque l’adolescent lui demanda s’il avait un jour navigué, il répondit simplement :

No, nunca.
(Non, jamais.)

Il cherchait une autre question à poser au gamin pour le concentrer et l’empêcher de replonger dans son état de frayeur, quand il vit une silhouette se présenter dans l’encadrement de la porte. Le mexicain ne réfléchit pas trop et traîna le garçon vers son père en le tenant par l’épaule.

Est-ce qu’elle s’est réva… révo… Est-ce qu’elle a ouvert les yeux ? demanda le cavalier au médecin en butant lamentablement sur le vocabulaire.

Il passa une tête par l’encadrement de la porte en se rendant compte que la gamine bougeait un peu, toujours bien vaseuse mais assurément vivante.

Il était probablement temps de parler de l’après. Qu’est-ce qu’il advenait maintenant ? Qu’est-ce qu’il fallait faire pour la guérir ? Qu’est-ce qu’il fallait faire pour s’assurer du bon rétablissement de la petite ?

El señor n’était pas né de la dernière pluie : des chevaux en convalescence, il en avait vu toute une tripotée. Et comme c’était douloureux de voir sa fille avec ce morceau en moins, cette dépression sous le drap qui attestait de ce vide d’os et de chair qu’elle devrait maintenant se trainer, il se planta devant les orientaux le regard interrogateur.

Eux seuls savaient de ce que son lendemain serait fait.



Todos los hombres estamos hechos del mismo barro, pero no del mismo molde
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t855-isabella-matamoros-la-chica-coja https://crimsontown.forumactif.com/t863-les-chevauchees-de-la-chica-coja#9842
Contenu sponsorisé
MessageSujet: Re: Au pied levé [Tao Su]   Au pied levé [Tao Su] Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
Au pied levé [Tao Su]
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Crimson Town  ::  :: Ailleurs-
Sauter vers: