Résumé : Cachée dans ce ranch abandonné, Tabitha se remet de sa rencontre avec le démon Miwok, lorsqu'elle reçoit une visite inattendue.
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Dim 7 Avr - 20:30
Elle n’est pas morte. Pas encore en tout cas.
Victor lui a sauvé la vie, encore une fois.
- Ça fait, quoi ? demande-t-elle d’une voix enrouée alors qu’elle se réveille doucement. Vic’, assis auprès d’elle, pose son regard sur elle, ni surpris, ni ravi de la voir retrouver ses esprits. La troisième fois que tu me sauves la vie ?
- Au moins… Je dirais même quatre si tu comptes aussi la fois où j’ai empêché John de t’arracher un œil, dit-il en désignant la cicatrice au-dessus de son sourcil droit.
Tabitha grimace en essayant de se relever. Tout son corps lui fait mal : ses côtes, son flanc, son épaule, sa tête. Du bout des doigts, elle parcourt sa tempe douloureuse, là où le sauvage l’a frappée. Du sang séché reste sous ses ongles.
- Je me suis occupé de la flèche en priorité, dit-il en désignant le bandage qu’il a noué autour de sa taille. Ta tête a arrêté de saigner le temps qu’on arrive ici et ta blessure à l’épaule est superficielle. Par contre, t’as un sale hématome là, dit-il en désignant ses côtés droites. Là où le Natif l’a frappée à deux reprises.
Posée sur l’âtre de la cheminée éteinte, Tabitha remarque alors la pointe de flèche ensanglantée. Elle est cassée.
- J’ai dû la briser sur place. C’était pas simple avec une main infirme, mais c’était ça où te trimballer avec une flèche longue comme le bras qui sort du ventre.
- Ça veut dire que le reste de la flèche est resté là-bas ? Avec les soldats ?
Vic’ acquiesce.
- J’ai pas vraiment eu le temps de nettoyer la scène : vu le raffut que t’as fait, c’était qu’une question de temps pour qu’une autre patrouille nous tombe dessus. Fallait que je fasse vite, j’ai eu le temps de leur piquer un peu de bouffe et quelques munitions. J’ai pris le revolver du gars à qui t’as bousillé le crâne aussi, je l’ai mis dans ton holster gauche.
- Merci, fait-elle simplement. Elle a l’habitude d’utiliser deux revolvers, mais en a perdu un lors de son affrontement avec la loi, près de Bodie, il y a de ça trois jours.
- J’ai rencontré un voyageur, après être allé laver ton sang vers la rivière. D’un geste de la main, il désigne leurs chemises respectives qui sèchent sur la rampe de l’escalier cassé. On est pas loin d’une petite ville, Crimson.
- Celle qu’Hudson a attaqué ?
- Ouais, je vais y faire un tour, acheter de quoi nous ravitailler et te soigner : les soldats avaient un peu d’argent sur eux, ils n’en ont plus besoin. Il m’a dit aussi de ne pas traîner dans le coin, ce ranch se trouve entre deux territoires Indiens. L’une des tribus n’est pas très tendre avec les blancs.
- J’ai remarqué, ironise-t-elle. Vic’ ne semble pas amusé.
- T’as traversé ce qu’ils appellent “la frontière” dans le coin, lorsque tu t’es aventurée en forêt. Pas étonnant que t’aies fait leur rencontre. Qu’est ce qui s’est passé ?
Elle soupire, trop fatiguée pour rentrer dans le détail de ces dernières heures. La journée a été éprouvante :
- Je te raconterai demain.
Et elle sombre de nouveau dans le sommeil. Un sommeil rythmé de cauchemars, hanté par le Natif, ses trois dernières victimes, les jumeaux, puis John.
Elle est réveillée au petit matin par le bruit des sabots contre le sol sec et poussiéreux des plaines. Il n’y a plus que sa chemise, désormais sèche, sur la rampe d’escalier. Elle se relève difficilement. Si son corps est toujours douloureux, il l’est un peu moins aujourd’hui. Du coin de l'œil, elle croise son regard cerné dans un miroir brisé. Son reflet n’est pas beau à voir. Il est, de toute façon, rarement beau à voir. Sous son sein droit, un lourd hématome oscille entre le violet et le bleu. Sur son flanc gauche, le bandage recouvre une plaie salement cautérisée. Du même côté, son épaule est marquée par une plaie peu profonde, là où la balle l’a effleurée. Puis, enfin, elle aperçoit une entaille au-dessus de sa tempe droite, où le sang a coagulé, séchant le long de sa joue et se mêlant à ses cheveux blonds.
Tabitha se détourne de cet affreux reflet et enfile sa chemise, déchirée par la flèche et la balle là où elle a été touchée. Sur cette même rampe d’escalier, sa ceinture pend également, deux revolvers sagement rangés dans leurs étuis, tout comme son couteau de chasse, que Vic’ a dû ramasser. Elle les laisse là. Son fusil, lui, est posé près de la cheminée. Elle s’en approche, mais son attention se pose sur la pointe de flèche. Sa vision l’agace au plus au point, rappel de sa rencontre avec le sauvage et de la façon dont il s’est si aisément joué d’elle. Elle la jette dans l’âtre de la cheminée, puis l’enterre rageusement sous les cendres et la poussière afin de ne plus jamais la voir. Elle essuie ses mains noircies sur son pantalon en jean.
Sur la table qui tient seulement sur trois pieds (dans un équilibre fort précaire), Vic’ a laissé quelques tranches de venaison séché, sûrement dérobé aux soldats décédés. Tabitha le remercie silencieusement et s’empresse de dévorer ces quelques bouts de viande. Un maigre repas pourtant bienvenu pour celle qui n’a pas mangé depuis plus de deux jours maintenant. Ce n’est pas assez pour l’aider à reprendre des forces, mais cela lui permettra de tenir le temps que Vic’ revienne de Crimson. Ne reste plus qu’à l’attendre, maintenant.
Et putain qu’est ce que le temps est long quand on attend. Les secondes s’écoulent à la vitesse de minutes, les minutes à la vitesse d’heures. Elle a pour seule compagnie sa jument, qu’elle ne parvient pas à monter seule sans que son corps endolori ne proteste. Elle ne peut donc aller nulle part et ne peut rien faire. Elle tourne en rond dans ce ranch abandonné, à en devenir folle. Posée sur le porche, elle observe tour à tour l’horizon ou sa jument brouter l’herbe des plaines.
Puis, enfin, au loin la silhouette d’un cavalier se dessine. Au fur et à mesure qu’il approche, Tabitha doute. Ce n’est pas Vic’. Alors, elle rentre, referme la porte derrière elle et s’enfonce dans un coin de la pièce à vivre, près d’une fenêtre pour observer l’avancée du nouveau venu, fusil en main. Elle ne se laissera pas avoir une deuxième fois.
C'était son adjoint qui avait accouru jusqu'au bureau pour le prévenir : Fort Crimson avait un message pour le sherif ; des soldats n'étaient pas rentrés de leur ronde depuis plus de 48 heures maintenant. L'armée était focalisée sur l'affaire d'Horace Hudson et demandait à être épaulée sur cette inquiétante disparition.
Il n'en fallait pas plus à Owen pour que ses bottes poussiéreuses ne foulent déjà le sol rouge la ville, en direction de l'écurie pour récupérer sa monture. Il avait prévenu Allen de son départ précipité pour fouiller les environs et expliqua que son absence pourrait durer au moins deux jours si cette histoire se changeait en quelque chose de plus sérieux. Les contrées n'étaient plus sûres, plus maintenant que des hors-la-lois vagabondaient impunément après le massacre causé sur le territoire. Qui pouvait bien dire ce qu'ils étaient capables de faire, en se pensant au-dessus des lois ? Owen aussi était sur la traque d'Horace, mais si des frères d'arme étaient dans le besoin et que cela pouvait être lié au reste, alors il n'hésiterait pas. En plaçant ses affaires sur les côtés de la selle, il se disait bien content de ne pas être tombé ivre mort hier soir alors que la bouteille se vidait dangereusement dans son gosier. Cette sollicitation était une aide plus pour lui que pour le Fort, Owen avait un besoin vital de se tenir occupé pour ne plus penser à sa vie personnelle, à ce qu'il avait perdu ces dernières années, à ce que la guerre lui avait arraché brutalement. Le monde n'était pas tendre mais la tendresse n'était-elle pas, finalement, ce qui l'avait rendu si faible ? Lorsque ses doigts tremblaient pour quelques gouttes, il se dégoûtait. Lorsque ses pensées étaient rivées sur l'armoire du bureau qui contenait quelques vicieuses liqueurs, il se répugnait. De même lorsque sa gorge brûlait de sentir l'alcool couler pour apaiser cette inextinguible soif, Owen ne se reconnaissait plus.
A travers les plaines, la silhouette solitaire chevauchait. Par chance, il reçut l'itinéraire des tuniques bleues disparues, cette information allait alléger considérablement son voyage et ses recherches. Le sherif pouvait ainsi biffer les zones inutiles sur la carte et se concentrer sur celles où, normalement, les soldats seraient. Sa propre expérience sur le terrain, en Virginie, lui avait appris qu'il n'était jamais de bon augure qu'un militaire n'atteigne pas un point B. Les ordres étaient les ordres, à moins de déserter, c'était qu'ils avaient fait une mauvaise rencontre. Owen prit sa gourde et but l'eau rafraichissante qui soulagea ses efforts. Il était seul, ne parlait pas si ce n'était qu'à lui-même au fond de son esprit et il aimait ça. Avec son étoile brillante accrochée à sa poitrine et le regard déterminé qui observait l'horizon, il était la figure emblématique d'une justice au milieu d'un chaos qui cherchait à engloutir toute civilisation et bienveillance. Il n'était pas de ceux à croire qu'un beau jour, le mal serait évincé. Au contraire, Owen pensait dur comme fer que plus les siècles s'écouleront, plus il se déchaînera.
Faisant route vers le sud-ouest, ce n'était qu'après plusieurs bonnes heures qu'il rencontre âme qui vive et non des moindres. Clarence était là avec son âne, accroupi près d'un cours d'eau à se laver les pieds et abreuver sa bête. Cela faisait des mois qu'il n'avait pas croisé le vieux dit fou par ses pairs, aussi il s'avança vers lui sans descendre de sa monture. Le vieil homme l'entendit et tourna un visage souriant vers l'autorité des lieux. Shérif ! Shérif ! dit-il en bondissant sur ses frêles gambettes tel un lièvre dans la fleur de l'âge. Lorsque les géants oiseaux de fer voleront, on apprendra que chaque empreinte de doigt est unique ! UNIQUE ! Owen lui sourit, approuvant de la tête sans trop croire aux délirs de Clarence. On l'avait prévenu que sa folie ne faisait de mal à personne mais qu'il délirait d'un monde où la lune serait à portée de l'Homme. Ok, Clarence... tu traines depuis un moment par ici ? questionna-t-il rapidement pour aller droit au but, t'aurais pas vu quelque chose... d'inhabituel ? Comme des corps de tuniques bleues ? Le shérif écarquilla les yeux, surpris par cette réponse, exactement celle qu'il avait espéré. Oui, par là-bas. Clarence montrait de son index déformé le frontière entre les natifs. Mais n'y vas shérif, ça sent la mort et la ruse. Bien sûr, il s'y rendrait. Il ne demanda rien de plus concernant cette pile de cadavres, qu'ils reposent en paix. Clarence... passe en ville de temps en temps, ne reste pas seul, hm ? Sur ces mots qui se voulaient bienveillants, Owen rebroussa chemin. Le territoire était vaste et il pourrait ne jamais tomber sur les soldats, sauf peut-être par hasard... La journée passa à une vitesse ahurissante et le soir tomba, son manteau d'étoiles surplombant les petites gens. Il arrêta ses recherches, mangea quelques en-cas et se coucha près d'un feu crépitant. Au matin, la chaleur des braises fumait leur grise essence. Il faisait frisquet malgré le décors des grandes plaines qui laisseraient penser le contraire. Ce fou de Clarence aurait-il tout inventé et vu juste par pur hasard ?! Remballant ses affaires, le shérif reprit place sur son cheval, tenant la bride d'une main sûre et arpentant les zones non visitées. Une bonne heure de patrouille lui suffit à voir au loin un ranch, à vue d'oeil abandonné mais semblant reccueillir quelqu'un. Il y avait un cheval entretenu et il appartenait certainement à une personne. Dans le but d'approfondir son enquête, il s'en approcha pour un autre interrogatoire qu'il espérait fructueux.
Ici le shérif Cooper de Crimson, se présenta Owen d'une voix ferme et forte, tandis qu'il longeait les alentours du ranch. Il y a quelqu'un ? Le silence lui répondait d'aller voir ailleurs, mais il était un homme têtu qui descendit de sa monture. Son regard guettait les moindres recoins sans rien apercevoir de prometteur ou d'inquiétant, mais toute personne qui le connaissait savait qu'il insisterait et entrerait, ne serait-ce qu'à cause de la présence du cheval en extérieur. Il est à vous, le ch'val ? Toujours ce pénible silence qui semblait le narguer. Comme Owen Cooper détestait, qu'on le nargue. Quique ce soit, je vais entrer ! Si vous êtes là, faites-vous connaître ! Une main près de son holster, il entama ses premiers pas lourds dans ses bottes de cuir poussiéreuses, vers l'entrée de la bâtisse...
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Lun 15 Avr - 13:46
- Ici le shérif Cooper de Crimson.
Merde, merde et encore merde. Elle n’a jamais eu beaucoup de chance, mais à ce point… Le bon Dieu doit lui en vouloir personnellement. Trois soldats morts, et maintenant le Shérif qui vient pointer son nez ici, ce n’est pas une coïncidence. Elle reste silencieuse et guette ses pas par la fenêtre. Les rayons du soleil font briller son insigne alors qu’il s’approche. Elle songe un instant à lui tirer dessus depuis sa position. Se débarrasser rapidement de ce type avant qu’il ne découvre son identité, ce serait si simple… Mais stupide. Buter le Shérif du coin est la meilleure façon d’attirer l’attention, tout le contraire de ce qu’elle souhaite.
Elle a le sentiment que rester silencieuse ne le fera pas partir, pas alors que sa jument broute paisiblement à l’extérieur, signe d’une présence humaine dans ce ranch inhabité. Ses craintes sont confirmées par l’annonce du Shérif et ses pas qui se font entendre sur le porche.
- Putain de merde, jure-t-elle sous sa barbe.
Dans quelques secondes, il passera la porte. Elle n’a pas le temps de fuir et l’attaquer dans son état serait une terrible idée. Quelle option lui reste-t-il ? Elle se redresse lentement et laisse son fusil près de la fenêtre. Son silence est suffisamment suspicieux, elle ne veut pas lui donner de raison d’être plus encore sur les nerfs en lui pointant une arme dessus. Elle s’approche de la porte, chaque pas lui tirant une grimace de douleur. Elle progresse lentement, plus lentement qu’un homme qui a eu la chance de ne pas croiser la route d’un Natif belliqueux. Elle n’est qu’à mi-chemin lorsque la porte s’ouvre. Dans l’encadrement se tient un (très) grand rouquin, prêt à dégainer. Face à lui, Tabitha affaiblie s’appuie contre la rambarde de l’escalier qui fait face à l’entrée, les mains en évidence. Elle n’est pas une menace, voici le message qu’elle veut lui faire passer.
- Bonjour Shérif, sa voix est faible, mais posée. Excusez ma tenue, j’aurais pris le temps de me pomponner si j'avais su que j’aurais de la visite aujourd’hui, ajoute-t-elle sur un ton ironique.
C’est qu’elle en a de l’allure, avec son visage poussiéreux et ensanglanté, sa chemise déchirée et encore tâchée de sang au niveau de l’abdomen, et son pantalon couvert de cendres sur le haut des cuisses.
- Je peux vous être utile ? demande-t-elle avec une curiosité polie.
Il savait pas dire si ça sentait mauvais ou pas. Il pouvait y avoir mille et une explications pour que la personne qui se terrait dans ce lieu abandonné, ne sorte pas ou ne réponde pas à ses appels. D'un naturel pessimiste, du moins depuis la guerre, Owen envisageait toujours le pire. Ca l'aidait à mieux se préparer et rester en vie, un automatisme né sur le front. Lui savait qu'il allait certainement pas décamper d'ici sans avoir vu âme qui vive. Ou alors il prendrait le cheval qui broutait tranquillement, ça ferait sans doute sortir la souris de son trou ! Les sourcils froncés, il avait déjà monté la première marche menant vers l'entrée du ranch à l'allure pitoyable. C'était triste de voir un endroit pareil sans mains expertes pour lui redorer le blason ; lui aurait bien voulu reprendre du service. Son métier de bûcheron l'avait rendu heureux, à l'époque. Aider à la ferme était un travail physique mais il avait adoré ça.
Le grincement de la porte d'entrée entama sa mélodie tandis qu'il ouvrit le battant. Owen s'arrêta net, sans écarter ses doigts du holster. Il était toujours prudent, au début, peu importe qui était en face de lui. Enfant, femme, vieillard. L'habit de faisait pas le moine, y'avait qu'à voir comment Charlotte le prenait pour ce qu'il n'était pas ! Bonjour Shérif. Une femme se tenait à la rambarde d'un escalier qui menaçait à tout moment de céder. Il était cependant en bien meilleur état que l'inconnue qui lui avait parlé, d'une petite voix. Ses mains étaient en évidence, sans même qu'il eut besoin de le lui demander. Soit elle était intelligente et savait qu'il valait mieux se montrer inoffensive... soit elle était mal en point après une mauvaise rencontre et l'idée d'une baston était totalement mal venue.
Dans le premier cas l'inconnue saurait se servir d'une arme, dans la seconde elle était au mauvais endroit, au mauvais moment.
Je peux vous être utile ? Le shérif s'étonna de cette question. Il ne répondit pas tout de suite, son regard balayant la pièce avant de revenir sur la femme et ses vêtements tâchés de sang. J'ai l'impression que c'est plutôt moi qui peux vous être utile ? renchérit Owen sur un ton toujours méfiant tant qu'il n'avait pas assez d'informations. Il fallait préciser également que ce fusil reposant près de la fenêtre lui donnait raison de croire, pour l'instant, qu'il n'était pas totalement à l'abri. Vous êtes blessée ? Après tout ça pouvait ne pas être son sang. Il approcha d'un pas, lâchant la porte qui se referma dans ce même grincement désagréable à l'ouïe. Que vous est-il arrivé ? Il n'attendit pas la réponse pour prudemment s'approcher de l'arme qui trônait non loin, l'empoignant pour vérifier la cartouche et la désarmer. Vous êtes seule, ici ? Ce ranch m'a tout l'air d'être laissé à l'abandon, rajouta le shérif qui s'avança vers la table à trois pieds. Il y déposa le fusil lentement et ce ne fut qu'à ce moment là qu'il détendit sa main, celle qui était prête à dégainer à tout moment.
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Mar 14 Mai - 22:03
Tabitha se laisse glisser le long de la rambarde pour s’appuyer contre le pied de l’escalier. La marche usée grince sous son poids. Elle observe le Shérif d’un œil attentif, qui inspecte la pièce. Son regard se pose finalement sur elle et ses vêtements tâchés.
- Ça dépend, répond-elle quand il lui fait remarquer qu’il était celui qui pouvait lui être le plus utile. Vous avez une boisson assez forte pour calmer la douleur ?
Un ricanement ironique traverse ses lèvres lorsqu’il lui demande si elle est blessée. Elle s’interrompt et grimace de douleur en se tenant le ventre, la main posée sur cette blessure qui la lance de nouveau.
- Rien ne vous échappe, hein ?
Elle le surveille alors qu’il s’approche de la fenêtre où elle se tenait quelques minutes auparavant, fusil en main. Il le désarme.
- Un sauvage m’a attaqué, répond-elle enfin. Parait qu’ils sont pas commodes dans le coin.
Elle le suit du regard et remarque la façon dont sa main se détend lorsqu’il dépose le fusil sur la table, désormais inoffensif. Même dans son état déplorable, il ne baisse sa garde que lorsqu’il est certain qu’elle n’a pas accès à une arme. Il a sûrement remarqué aussi la ceinture de laquelle pendent deux revolvers, encore rangés dans leurs étuis respectifs. Elle ne doute pas qu’il se pose des questions sur la raison pour laquelle une femme armée se retrouve seule et blessée dans un ranch abandonné. Il y a plusieurs explications raisonnables, mais le moment viendra où il lui demandera son histoire et elle a intérêt à se montrer convaincante. Le Shérif semble méfiant. D’habitude, les hommes se détendent quand ils se retrouvent face à une femme, d’autant plus face à une femme blessée, mais pas lui. Jouer la carte de la demoiselle en détresse ne suffira pas.
- Temporairement seule, oui. Mon associé est parti ce matin en ville, je l’attends ici. Je suis pas en état de vagabonder et c’est le premier abri qu’on a trouvé.
Elle reste aussi près que possible de la réalité, sans se perdre dans des détails qui pourraient la trahir. Elle n’en dit donc pas plus pour le moment, pas tant qu’il ne lui pose pas d’autres questions.
- Vous avez pas une cigarette, par hasard ? demande-t-elle, son paquet vide depuis hier. Ça commence à lui manquer.
- Qu’est ce qui vous amène dans le coin ? fait-elle sur le ton de la conversation, comme s’ils étaient en train de discuter tranquillement autour d’un verre.
L'esquisse de son sourire creusa cette fossette, sous sa barbe, tandis que l'inconnue cherche à savoir s'il disposait d'une "boisson pour calmer la douleur". Elle ne l'avait sans doute pas fait exprès, mais les mots choisis étaient exactement ce qu'Owen lui-même aurait pu dire, vu qu'il s'agissait exactement de la marche suivie pour détendre son esprit. Les pensées maladives remplies de "et si", manifestation d'une torture lente et dévorante. "Et si je n'étais jamais parti en guerre ?" La honte l'aurait poursuivit toute sa vie de n'avoir pas aidé son pays à combattre un mal qui menaçait d'étendre sa gangrène dans tous les états. Même s'il était revenu vivant de ces années pénibles, le véritable Owen était mort sur ces champs ensanglantés. "Et si à mon retour j'étais allé la chercher malgré tout ?" Une idée folle qui lui avait traversé l'esprit, vite balayé par le déshonneur que ça aurait causé aux Olsen, sa seconde famille. Et si Margaret ne l'avait pas attendu, c'était que l'amour ne suffisait plus...
Ouais. Dans mon sac, répondait le shérif en parlant de son whisky qui arrachait les gorges les moins habituées au liquide doré. Sur ma selle. Mais il n'allait pas le partager. Pas tout de suite, peut-être pas du tout ; il ne la connaissait pas et elle sortait de nulle part, sans jamais s'être présentée. Quelqu'un qui s'identifiait pas dans les premières secondes ça le pesait, car il devait creuser. Mais quelqu'un qui s'identifiait pas les premières minutes, c'est qu'il voulait pas qu'on le connaisse. Vous tremperez votre bouche dans le goulot lorsque j'aurai votre nom, m'dame, déclara Owen très sérieusement. J'me suis présenté. Vous savez exactement qui j'suis, et j'aimerai aussi savoir exactement à qui je parle. Cette situation paraissait invraisemblable car Owen la trouvait extrêmement ordinaire, mais à la fois étrange. Il se rembobinait tout dans la tête, un exercice qu'il adorait faire et c'était tant mieux au vu de son métier qui ne s'arrêtait pas en claquant la porte de la maison. Et puis quelle maison au juste ? Un sauvage m’a attaqué. Parait qu’ils sont pas commodes dans le coin. Owen émet un léger grognement qui ressemblait à un "hm". Il disait "hm" pour tout et rien, ça voulait dire autant oui, que non, que peut-être. Parfois il l'utilisait pour meubler son silence, lorsque le travail lui demandait d'être sociable. Au moins c'était clair, elle n'était pas du coin ! On a deux tribus qui se divisent le territoire, dit le shérif à titre informatif pour qu'elle ait conscience que se balader partout c'était pas l'idéal, par ici. Cependant, elle l'avait visiblement appris à ses dépends, se dit Owen dont le regard s'attarde sur les faiblesses de la dame. Je n'ai rencontré que les natifs pacifistes. Enfin, j'imagine. Après tout j'me tiens debout devant vous, donc...
Un jeu de regard s'était installé, comme si tout deux étaient sur le qui-vive, l'un et l'autre jaugeant son interlocuteur, observant vers quoi ses yeux s'attardaient pour évaluer son intérêt ? sa dangerosité ?
Elle parlait d'associer, de ville, de vagabondage, d'abri. Un lexique de mots soit choisi par habitude à force d'errance, soit pour objectif de mener la conversation sur un sujet autre. Si oui, lequel ? Cette ville, c'est Crimson, informait l'homme de loi qui s'avança d'un pas, non vers elle, mais dans le sens des aiguilles d'une montre. C'est de là que j'viens, comme j'vous l'ai déjà dit. Il haussa un sourcil, la femme ne semblait pas avoir peur de lui. Non pas qu'elle le doive, mais la plupart des dames n'optaient pas pour cette attitude, ces réactions, ces paroles bancales et pour le moins flous. Mais en même temps la plupart des femmes ne se promenaient pas en pleine cambrousse avec une arme comme seule compagnie ? Une arme et "un associé".
Vous avez pas une cigarette, par hasard ? Owen inspirait longuement. Passer du coq à l'âne c'était pas son truc, il aimait aller au fond des choses, et cette discussion était comparable à une surface plate et superficielle. Comme la catin qui se faisait appeler Cherry Cherry au saloon ; aucune personnalité à recenser chez cette jeune femme mais douée de ses cinq sens pour enivrer n'importe quel homme en mal d'amour et quête d'attention. Si. Owen se mit une clope au bec et l'alluma d'un geste précis et efficace, de son allumette. Il tira une première bouffée. C'est troublant que je me mette à chercher des tuniques bleues disparues, et que ma recherche me mène... ici, là où vous êtes. Le shérif dans ces lourdes bottes, se dirigeait vers l'inconnue à chaque mot prononcé. Arrivé près d'elle, il la toisa de son regard qu 'on décrivait généralement de dur, si ce n'était pas de triste. La cigarette finit entre son pouce et son index, tendue vers la blonde qui de plus près, dévoilait les traits d'une femme dont chaque petite ride naissante racontait une aventure ; une mésaventure ?
Et si vous me racontiez l'attaque de ce sauvage en détail ? L'interrogatoire sous forme de question directe, qui était la signature du shérif bourru, débuta.
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Lun 20 Mai - 21:10
- Ouais, dans mon sac, lui répond-il. Sur ma selle.
Un sourire sans joie se dessine au coin de ses lèvres à cette réponse. Elle n’est pas amusée, mais elle ne cherche pas à le contrarier et ne rétorque donc pas. Cooper est décidément bien méfiant et l’intime de décliner son identité, ce qu’elle fait sans nervosité, aucunement déstabilisée par le ton sec et le regard sévère du Shérif :
- Tabitha Jones.
Elle ne détache pas son regard de son interlocuteur. Elle l’étudie, remarque la façon dont son regard s’arrête sur ses blessures : le sang séché contre sa tempe, sa chemise tachée et déchirée là où la flèche a pénétré son abdomen, puis là où la balle a effleuré son épaule. Il lui explique ce qu’elle sait déjà, mais elle note avec intérêt qu’il n’a jamais croisé la route de ces Natifs belliqueux. Elle ignore depuis combien de temps il est Shérif, mais cela lui semble surprenant que jamais il n’ait fait leur rencontre. Cela signifie certainement qu’ils refusent tout contact avec les autorités locales. Il y a donc peu de chances qu’ils se laissent interroger, ce qui lui laisse suffisamment de latitude pour tourner l’histoire comme elle l’entend. Une bonne nouvelle.
Après l’avoir longuement jaugée, l’homme de loi s’avance pour faire le tour de la pièce, sans que Tabitha le lâche des yeux. Son expression est parfaitement neutre, à l’exception de quelques grimaces contenues lorsque la blessure causée par la pointe de la flèche la lance. Elle a déjà connu pire, mais elle serre les dents pour ne pas gémir.
Elle lui révèle qu’elle n’est pas vraiment seule, qu’elle a un associé parti en ville ce matin. Il est préférable de lui dire la vérité sur ce point, car elle ne sait pas quand Victor reviendra. Le Shérif se montre particulièrement méfiant, il vaut mieux éviter de se retrouver inutilement dans une situation où ses mensonges pourraient facilement être découverts. Quelque chose lui dit que la moindre incohérence dans son discours prolongerait cet interrogatoire déplaisant. Elle n’a pas besoin qu’il fouille plus que nécessaire.
- Cette ville, c'est Crimson, précise-t-il.
- Oui, j’en ai entendu parler, répond-elle d’un air grave. Tragique, ce qui s’est passé, elle secoue la tête, prétendant être désolée des événements du trente et un mars. Au moins, elle n’a rien à se reprocher pour ça, il ne peut la lier à aucune des bandes présentes ce soir-là.
Alors que le silence s’installe, Tabitha demande une cigarette et cherche à savoir ce qui l’amène par ici. Il soupire longuement, apparemment agacé. Peut-être comprend-il qu’il ne tirera rien de très utile d’elle, c’est en tout cas ce qu’elle espère. Mais quelque chose lui dit que cet homme aime aller au fond des choses et qu’il ne partira pas tant qu’il ne trouvera pas les réponses à ses questions. Elle se fera un plaisir de le mettre sur toute autre piste que celle de Lady Tennessee.
- C'est troublant que je me mette à chercher des tuniques bleues disparues, et que ma recherche me mène... ici, là où vous êtes.
Il lui tend la cigarette tout juste entamée. Imperturbable, Tabitha la prend entre son index et son majeur et la porte à ses lèvres, inhalant la fumée et la recrachant dans un soupir d’aise, les yeux brièvement clos. Lorsqu’elle les rouvre, son regard retrouve immédiatement l’homme de loi. Elle hausse les épaules :
- Troublant, répéte-t-elle, mais ils ne sont pas passés par ici. Elle désigne la pièce occupée d’eux seuls.
- Et si vous me racontiez l'attaque de ce sauvage en détail ?
De ses coudes, elle s’appuie sur la marche au-dessus de son assise pour se stabiliser alors qu’elle se redresse autant que le permet la douleur, et commence :
- Je me souviens de pas grand chose, admet-elle en pointant sa blessure à la tête. Je traquais une biche dans les forêts aux alentours, puis une flèche est sortie de nulle part, puis une autre, de son index, elle indique son flanc blessé. J’ai tiré comme j’ai pu, mais la forêt est dense, impossible de viser. C’est là qu’un sauvage est sorti de nulle part et m’a foutu un coup à la tête. Tout ce que je sais après ça, c’est que je serai morte si mon associé, Phineas Rolland, n’était pas dans le coin. Il chassait de son côté et il a dû entendre les coups de feu. Il a fait fuir le sauvage. J’ignore s’il l’a touché - en tout cas moi il m’a pas raté, elle désigne la blessure par balle qui a effleuré son épaule, mais ce serait sacrément ingrat de lui en vouloir.
Tout le long, son regard est resté planté dans celui de son interlocuteur. Elle essaye d’y déceler le moindre doute. L’histoire est suffisamment proche de la réalité pour être crédible, mais elle a dû apporter quelques modifications : elle n’a pas envie qu’il relie la disparition des trois soldats à elle. Avec un peu de chance, il mettra ça sur le dos des Natifs et la laissera tranquille. Elle tire une nouvelle fois sur la cigarette, avant d’ajouter :
- Je vous conseille pas d’aller en forêt tout seul, ces connards font pas un bruit avant d’attaquer. J’ai de la chance d’être encore vivante.
Une mise en garde pour lui montrer qu’elle ne lui veut pas de mal, même si au fond, ça ne la dérangerait pas trop que l’un de ces sauvages s’occupe du Shérif pour elle. Elle sent qu’elle aura du mal à gagner sa confiance.
Tabitha Jones, se répétait le shérif en tête. Jones était courant, Tabitha aussi, mais les deux ensemble nope, jamais entendu. En même temps elle avait bien dit ne pas être du coin. Il inspira par les narines, parfois agacé par lui-même ; la perte de confiance envers lui-même et les autres le rendaient parfois paranoïaque, à suspecter tout le monde, jusqu'à aller fureter dans les ranch avoisinants au cas-où un citoyen du coin n'hébergerait pas des hors-la-loi. Il deviendrait bientôt fou et irait s'isoler en ermite dans les montagnes, faisant ami-ami avec Clarence qu'il avait rencontré il y a quelques heures d'ailleurs. On le prenait pour un cinglé mais il l'avait quand même mis sur la bonne voie, ce bougre aux cheveux grisonnants ! Quoiqu'il en soit, la dame avait pas froid aux yeux. Elle ne quittait pas le regard d'Owen et il en déduisit qu'elle en avait vu des plus effrayants que lui, ou alors qu'elle avait des choses à se prouver. Peu importait la raison exacte, la seule à retenir c'était que madame Jones semblait porter les couilles d'un homme à la fleur de l'âge et ça, ça plaisait au shérif. Oui, j'en ai entendu parler. Tragique, ce qui s’est passé. C'était un avis donné sur un ton désolé. Il n'avait pas évoqué Crimson pour souligner la récente attaque, et ça l'incommodait d'entendre les condoléances et la compassion des autres. Ca l'empêchait de tourner une page déjà trop marquée par le sang, dans ce chapitre qui comptait un nombre de morts élevé... trop élevé. Owen ne commenta pas la remarque, ça n'aurait fait qu'inviter Tabitha à s'exprimer davantage sur le sujet. A la place, il vira la discussion sur ce qui l'intéressait principalement, là et tout de suite ; le cheminement belliqueux entre la recherche de ces soldats et le ranch paumé qui abritait une blessée.
Avec un plaisir non dissimulé, elle tira sur la cigarette comme s'il s'agissait d'un acte vital. Et au fond il pouvait aisément saisir cette délicatesse au creux des lèvres, si éphémère tandis qu'elle se consume, qu'on profite de chaque seconde.
Elle affirma que les soldats n'étaient pas passés par ici et il la croyait sur parole, car les tuniques n'auraient pas laissé une femme blessée sur place. Ce qui ne répondait toujours pas à l'interrogation principale, cela dit... Pourquoi ne pas suivre votre ami jusqu'en ville pour vous faire soigner ? pour faire savoir qu'un sauvage vous a attaqué ? Vous n'êtes pas sans savoir que les répercussions existent, que l'ouest soit encore sauvage ou pas. Owen lui laissa la cigarette et s'en procura une autre. Lorsque le bout de sa clope crépita, il reprit. Beaucoup de choses ont changé et change continuellement, depuis la fin de la guerre. Tabitha lui raconta son périple et le sherif écoutait attentivement. Lorsqu'il était pleinement dans son rôle d'enquêteur, il ne laissait rien lui échapper, du moins autant qu'il le pouvait ; après tout il n'était qu'un homme avec ses failles, l'une d'elle étant la douleur qui le faisait se sentir vivant et le manque d'ivresse. Owen n'était pas l'alcoolique qui tremblait rien qu'à penser à sa bouteille, mais sa gorge brûlait en effet d'une soif inextinguible.
Je vous conseille pas d’aller en forêt tout seul, ces connards font pas un bruit avant d’attaquer. J’ai de la chance d’être encore vivante.
Le sherif hochait de la tête. Elle n'avait pas tort, seul il se risquait au danger, mais néanmoins la mission qui pesait sur ses épaules étaient aussi importantes que toutes les autres. Il la mènerait à bien et jusqu'au bout. Ok, ok. Mais j'irais pas seul, tu vas m'accompagner. Ton ami aussi. Owen tira une bouffée. Je reste ici cette nuit, demain on retournera sur les lieux. Je veux récupérer cette flèche, on verra de quelle tribu est le natif qui t'a attaqué. Selon la tribu concernée, pourquoi ne pas aller voir le chef et exposer les faits ? Les meurtres et tentatives de meurtre, même commis par un natif, devait être jugé. Ils n'étaient pas exempts de justice. Il avait parlé d'une manière qui ne suggérait nul débat. Owen avait l'habitude d'ordonner et qu'on s'exécute, une déformation professionnelle mais qui partait d'un bon sentiment. Tournant les talons vers la fenêtre pour vérifier que sa monture allait bien, il reprit. Bon, m'dame Jones. Cette blessure ? Elle a été un peu soignée ? A quel point c'est grave ? Au front, Owen en avait vu des centaines, des blessures anodines comme bien plus conséquentes. Il savait soigner certaine plaie pour peu qu'il y ait du bon matériel et un feu, voire de l'alcool, pour la désinfection.
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Ven 31 Mai - 23:16
Pourquoi ne pas être allée en ville ? Pour plusieurs raisons, mais elle ne peut en dévoiler qu’une :
- Parce que je peux pas monter à cheval dans mon état. Ça fait un mal de chien. Elle désigne ses blessures d’un geste vague. Et je comptais sur lui pour rapporter ma mésaventure au shérif du coin, mais vous m’avez trouvé avant qu’il vous trouve.
Elle n’y croit pas trop, aux répercussions. Elle est certaine que son agresseur ne se laissera pas sagement arrêté. S’il ne craint pas les soldats, il ne craint pas non plus le Shérif, elle n’a aucun doute là-dessus. Mais s’il veut essayer, alors qu’il y aille, et que le meilleur gagne. Elle ne sera attristée par la mort d’aucun des deux, c’est certain.
Pour répondre à sa demande, Tabitha décrit sa rencontre avec le Natif en apportant quelques modifications, nécessaires si elle veut se laver de tout soupçon. Elle conclut avec un conseil amical, qu’elle regrette bien vite, car aussitôt il annonce qu’elle l’accompagnera et qu’il compte bien passer la nuit ici avec elle. Et Vic’ quand il reviendra. S’il revient. Elle serre la mâchoire pour retenir un soupir. L’idée ne l’enchante pas, d’autant plus dans son état. Elle n’a pas envie de faire une nouvelle rencontre avec la tribu locale. Le ton du Shérif laisse peu de place à la discussion, alors elle répond par un vague signe de tête, qui ne veut pas dire grand chose. Elle ne compte pas s’engager là-dessus, mais elle ne veut pas non plus se mettre à dos le Shérif. Pas encore, en tout cas. Même si ça veut dire supporter le fait qu’un inconnu lui donne des ordres, ce qu’elle déteste particulièrement. Cela se voit sûrement à son expression, car elle prend conscience que ses sourcils sont froncés. Elle s’oblige à détendre son visage.
- Bon, m'dame Jones. Cette blessure ? Elle a été un peu soignée ? A quel point c'est grave ?
- Eh bien… commence-t-elle sans trop savoir comment répondre.
Ses plaies n’ont pas été convenablement soignées, Vic’ n’avait pas les outils pour et avec sa main blessée, il ne pouvait pas faire de miracles. Sans pudeur, elle ouvre sa chemise pour dégager l’accès à son ventre tout en faisant en sorte que sa poitrine reste couverte par le tissu. Elle retire le bandage tâché pour dévoiler une plaie pas bien jolie à voir, que Victor a tenté de cautériser, brûlant la peau autour de la blessure. Il est parvenu à stopper l’hémorragie, c’est au moins ça, et fort heureusement, la flèche du Natif n’a touché aucun organe vital. Malgré son âge, la peau de son ventre, creusé par la faim, est encore tendue, signe typique des femmes n'ayant jamais enfanté. Près de son nombril, une longue cicatrice est visible, causée par ce qui semble être un vieux coup de couteau. Au niveau des côtes, de l'autre côté, un imposant hématome aux couleurs oscillant entre le violet et le bleu est apparu là où le sauvage l’a frappée à quelques reprises de ses poings massifs. Et puis, il y a sa tempe qui a pris un sacré coup, le sang séché n’a même pas été nettoyé et, sans alcool, Vic’ n’a rien désinfecté. Le rafistolage laisse à désirer, mais il a fait ce qu’il a pu avec les moyens du bord, et pour ça elle lui est reconnaissante.
- Je te laisse constater par toi-même. Tu te balades pas avec un peu d’alcool à désinfecter par hasard ?
Elle écrase sa cigarette contre la marche de l’escalier, laissant une marque noirâtre et quelques cendres sur le bois, avant de dégager le mégot encore chaud d’une pichenette, puis reporte son attention sur ses blessures.
La dame avait l'air d'être solide comme un roc, mais elle avait préféré poireauté dans un endroit reculé et dangereux au lieu de chevaucher jusqu'à la ville la plus proche ? Le shérif pensa que son instinct de survie ne volait pas haut. Ca fait un mal de chien mais c'est mieux que d'être morte, tu crois pas ? rétorqua Owen qui connaissait l'effet d'une douleur lancinante, toutefois préférable à la mort, qui elle seule aurait pu le séparer de sa moitié. Enfin, c'était ce qu'il avait pensé naïvement à l'époque où la guerre se jouait sur plusieurs théâtres. Tant qu'à parler de la blessure, Tabitha déboutonna une partie de sa chemise pour la montrer. Le sherif tira une tête en voyant la bête sous le bandage. Bon sang, lâcha-t-il, il t'a pas ratée. Son corps portait une cicatrice qui n'était pas récente. Il n'allait pas lui demander d'expliquer d'où elle venait, mais par sa simple existence prouvait que c'était pas la première galère que Tabitha vivait.
Tu te balades pas avec un peu d’alcool à désinfecter par hasard ? Il faillit répondre "bien sûr que si, pour qui tu me prends ?" mais poussa un soupir à la place. Se dévoiler ivrogne à ces heures perdues n'allait pas redorer l'image de Crimson auprès des passants. J'ai du whisky. J'avais prévu qu'ça serve à autre chose que ça, enfin bon... ça f'ra l'affaire. Puis ils avaient eu un deal ; un nom contre des gorgées, aussi. Elle écrasa sa cigarette, comme si ce geste sonnait la fin de la conversation. Owen préféra croire que c'était à lui de décider d'y mettre un terme ou non. Pour l'heure, en revanche, il n'en avait pas eu assez. Pas très glorieux, hein ? Il pouffa légèrement, que Tabitha prenne sa situation avec humour était étrange mais pas complètement fou. On réagissait tous différemment aux petits tracas de la vie, pas vrai ?
J'reviens, souffla le shérif en rebroussant chemin. Il laissa la porte grande ouverte, comme pour garder une oreille attentive à ce qui pourrait s'y passer. Car femme désarmée ou non, il en avait vu de toutes les couleurs que pour se laisser marcher dessus.
Owen retrouva son cheval et avisa encore l'autre étalon, tandis qu'il s'emparait de son sac. Il y avait de l'alcool, du peu de stock de secours qu'il possédait, un nécessaire de survie basique composé de viande séchée, de gourde d'eau. Il y avait aussi quatre pommes et il était sûr de ne pas les avoir mises là. Allen ou Reeves, un des deux était coupable de cette bienveillance. Un des fruits fut mangé par sa monture alors que la seconde, le shérif la tendit vers ce bel animal qui broutait. La main de l'homme ne lui était pas inconnue, aussi il s'en approcha sans hésiter, reniflant la pomme avant de la mordre et la finir en trois fois. Cette parenthèse prit fin lorsqu'il reprit la direction du ranch, franchissant cette porte grinçante sur son passage. Ta plaie a déjà été cautérisée, mais on peut en remettre une couche, puis sur ta tempe aussi. La majorité pensait à l'époque que l'utilisation d'une boisson alcoolisée aidait à guérir plus vite une plaie, mais c'était au contraire l'effet inverse qui se produisait. Quoiqu'il en soit, Owen n'en savait que c'qu'on lui avait toujours appris ! Sur le front, c'était le premier moyen de bord qui avait sauvé pas mal de vies, l'air de rien.
Le shérif posa lourdement le sac sur la table, juste à côté du fusil. Il proposa à Tabitha la chaise en bois d'un regard, pour l'inviter à s'asseoir ; c'était le maximum qu'il puisse faire en tant que gentleman, sans parler qu'il fit glisser la bouteille jusqu'à elle, dévoilant un goulot prêt à être happé par des lèvres assoiffées.
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Dim 16 Juin - 22:11
Pour toute réponse, Tabitha hausse les épaules. Se raccrocher à la vie qui lui reste, est-ce que ça vaut vraiment mieux que d’être morte ? Le gang est en morceaux, ils ne font plus que courir pour échapper à la loi, et voilà qu’elle se retrouve seule, en tête à tête avec le Shérif du coin. Elle n’est de toute évidence pas très douée pour éviter la loi. Et ce n’est qu’une question de temps avant qu’il ne commence à se douter de quelque chose. Il a certainement entendu parler des crimes du gang Tennessee, même si ceux-ci n’ont pas eu lieu dans cet État. Braquages de banques, de trains, de diligences… Même si ses exploits appartiennent maintenant au passé, ils n’ont pas été oubliés. Et puis il y a eu le meurtre du Shérif de Stillwater, dans le Nevada, l’année dernière… Elle ne doute pas que l’information est arrivée jusqu’à ses oreilles. Elle doit tout faire pour qu’il ne fasse pas le rapprochement entre Tabitha Jones et Lady Tennessee, sinon c’est la potence assurée.
- Bon sang, il t'a pas ratée, commente Cooper quand elle expose ses blessures.
Elle confirme d’un hochement de la tête en jetant un coup d'œil à ses plaies. C’est moche, vraiment moche. Et douloureux. Heureusement, le shérif a du whisky pour la soulager. Elle l’observe quitter la pièce, en prenant bien soin de laisser la porte ouverte. Elle ignore s’il n’a simplement pas pris la peine de la refermer ou si c’est une façon pour lui de garder un œil sur elle. Tabitha reste pourtant sagement assise sur la marche en patientant. Elle n’est pas en capacité de fuir et l’attaquer dans son état serait une grave erreur. Le mieux qu’elle puisse faire, c’est essayer de l’amadouer en se faisant passer pour une simple victime.
Il revient avec son sac entre les mains, qu’il dépose la table bancale en l’invitant à s’installer près de lui. Tabitha se relève avec peine. Elle grimace, titube, mais parvient à le rejoindre et se laisse tomber lourdement sur la chaise en bois. Elle ne se fait pas prier lorsqu’il lui tend la bouteille de whisky : elle pose ses lèvres sur le goulot et en prend trois bonnes gorgées qui brûlent agréablement le gosier.
- Merci, fait-elle en reposant la bouteille sur la table, prête à affronter la suite.
Elle le jauge un instant. Il a plus la carrure d’une brute que d’un soigneur, mais elle est suffisamment désespérée pour le laisser s’occuper d’elle. Vic’ a fait ce qu’il a pu, mais sans matériel il n’a pas pu faire de miracle et ses blessures n’ont pas été correctement nettoyées. Il est allé en ville chercher de quoi désinfecter ses plaies, mais elle ne sait pas quand il reviendra, et si le Shérif peut lui être utile, elle ne compte pas refuser l’aide.
- Avant de commencer, tu sais t’y prendre ? Ça t'arrive souvent de rafistoler les demoiselles en détresse ?
L’ombre d’un sourire se dessine sur ses lèvres crispées par la douleur. Ils ne sont pas nombreux à comprendre son humour, mais ça ne l’empêche pas de faire de mauvaises plaisanteries : si elle est certainement en détresse, elle n’a rien d’une demoiselle.
C'était pas prévu au programme, de tomber sur ce qui ressemblait de loin, à une femme en détresse. Mais dans son métier, rien n'était prévisible. Le sherif savait que son travail pouvait le mener dans des endroits reculés, rocailleux, isolés, dangereux. Il savait que les rencontres se faisaient au gré de ses enquêtes, certaines plus profitables et agréables que d'autres. Néanmoins il lui était impensable de faire marche arrière, de la laisser à son sort entre les mains de ce Phineas Rolland qui ne reviendrait peut-être jamais. Excepté l'aide envers un citoyen dans le besoin, il était surtout intéressé par ce qu'elle avait raconté de sa mésaventure. Une piste pouvait en amener une autre...
Tabitha Jones reposa la bouteille sur la table. L'homme de loi la dévisagea d'un air à moitié surpris et amusé ; elle avait bu comme un homme. Sans faire plus de commentaire que nécessaire, il hocha simplement de la tête lorsqu'elle le remercia. Mais c'était pas la peine de dire merci. Son travail, c'était désormais sa vie et l'une des facettes qu'Owen appréciait beaucoup dans le fait de porter l'étoile était contre toute attente, la confiance qu'il lisait dans le regard des habitants. Ceux-ci remettaient leur vie entre ces mains. Une lourde responsabilité à laquelle il avait déjà failli et pour laquelle chaque jour était une goutte de culpabilité en plus, dans ce vase déjà trois fois trop plein.
Avant de commencer, tu sais t’y prendre ? Après qu'Owen plaça son sac entre eux, il haussa un sourcil et chercha le regard de la dame. Elle était donc vraiment sérieuse, à en croire le ton qu'elle employait ! Il fut partagé entre un sourire en coin et un soupir las, mais ne sachant quoi choisir entre ces deux alternatives tentantes, il fit les deux. Ça t'arrive souvent de rafistoler les demoiselles en détresse ? Cette fois-ci, il laissa un rire lui échapper. Elle, une demoiselle en détresse ? Seulement de loin ! Mais le shérif n'avait pas envie de le lui dire, préférant la laisser croire qu'il trempait dans cette grotesque vérité.
Même si j'savais pas m'y prendre, répondait Owen en ouvrant son sac et en y sortant ses composants, tu es en trop mauvaise posture pour faire la difficile, tu n'crois pas ? Il chercha du regard la flèche qui avait causé la plaie. T'es sûre que ton associé a tout retiré ? S'il a oublié même un tout petit bout dans ta blessure, ça va s'infecter. Une fois infecté c'est entre les mains de Dieu, moi j'pourrais plus rien. La guerre était terrible, mais il se rappelait de tout ce qui avait pu le sauver, lui ou les autres soldats. Mettre ces faibles connaissances à profit n'était pas rare dans son quotidien, alors le strict nécessaire, il se promenait avec lorsqu'il se savait parti pour plusieurs jours. T'as de l'eau boullie ou pas ? demanda-t-il afin de rincer la plaie sur la tempe. Ne voyant rien aux alentours qui ressemble à ce dont il avait besoin, il imbiba de whisky un bout de coton. Owen glissa sa chaise de celle de Tabitha, faisant un boucan monstrueux au passage. Entre son pouce et son index, le tissu sentait maintenant l'alcool fort et gouttait toutes les trois secondes vers le sol. Il approcha ses doigts du crâne, où les traces de sang avaient séché mais teintaient toujours sa peau et ses cheveux.
Sans prévenir le contact imminent de l'alcool contre le plaie, Owen commença à tapoter...
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Mar 25 Juin - 22:20
- Même si j'savais pas m'y prendre, tu es en trop mauvaise posture pour faire la difficile, tu n'crois pas ?
- J’en ai rencontré, des charlatans : ils amputeraient une jambe pour soigner une cheville foulée, alors le prends pas mal mais je préfère être sûre de pas finir manchot quand t’en auras fini avec moi, rétorque-t-elle, sans animosité, le ton légèrement moqueur.
Cooper semble chercher quelque chose, son regard balaye la pièce sans trouver satisfaction. Elle comprend qu’il recherche la pointe de la flèche quand il cherche à savoir s’il n’en reste aucun fragment dans son corps. Tabitha hésite. La pointe est enterrée sous les cendres, elle lui a semblé complète, mais elle ne l’a pas analysée avec une grande attention. Si elle la sort maintenant et qu’il retrouve les corps des soldats et le reste de la flèche à côté, il pourrait facilement comparer les morceaux et faire le rapprochement entre elle et leur mort. Un risque qu’elle ne peut pas prendre. Elle espère que Vic’ a au moins fait l’effort de planquer le reste de la flèche.
- J’en sais rien, j’étais pas consciente. Mais j’ai confiance en lui, il a fait ce qu’il faut.
Ce n’est pas la première fois qu’il la sauve, alors elle ne craint pas de laisser sa vie entre ses mains.
- Et s’il a merdé, alors y aura plus que Dieu pour me sauver, conclut-elle avec fatalisme, sans que la peur ne vienne troubler son regard.
Dieu n’a pas l’air de vouloir d’elle. Peut-être estime-t-Il qu’il serait dommage d’écourter ses souffrances sur terre avant de la condamner à une éternité de damnation. Il trouve certainement bien plus drôle de la faire payer pour ses crimes dès maintenant.
Elle secoue la tête quand il lui demande de l’eau bouillie. Il lui reste bien quelques gouttes dans sa gourde, mais bien peu et faire un feu leur prendrait du temps, car il n’y a aucune bûche dans l’âtre de la cheminée. Que de vieilles cendres. Il se résout à utiliser du whisky à la place et, sans prévenir, presse le coton imbibé contre sa tempe. Tabitha grimace. La sensation n’est pas agréable, mais elle a connu pire alors elle ne se plaint pas. Elle se contente de le regarder, d’explorer son visage marqué. Les rides sur son front, celles qui encadrent ses lèvres, ces autres ridules au coin des yeux : comme elle, il n’est pas tout jeune. Et comme elle, il n’a pas eu une vie bien tranquille, elle peut le lire dans chaque expression de son visage. En même temps, Shérif de Crimson, au vu des événements, ce ne doit pas être de tout repos. Et elle n’est pas là pour lui rendre la tâche plus facile. Il ignore encore tout d’elle, mais il saura un jour qui elle est et, ce jour, elle ne pourra plus l’approcher de si près. C’est maintenant qu’elle doit essayer d’en savoir le plus possible sur son futur ennemi. Il est temps de briser le silence :
- J’ai jamais mis les pieds à Crimson, dit-elle sur le ton de la conversation. T’es né là-bas ? Ça fait longtemps que t’es Shérif ?
Elle n’a jamais beaucoup aimé tourner autour du pot et la subtilité n’est certainement pas son fort, mais ça peut très bien passer pour de la simple politesse. Rien de suspicieux à essayer d’en savoir un peu plus sur la personne qui essaye de vous aider.
Ha, des charlatans ! Owen aussi en avait rencontré, de toutes sortes et vêtus de tous les habits. Cela revenait à la fameuse phrase qui disait, que l'habit ne faisait pas le moine et qu'on ne pouvait se fier à n'importe qui. C'était d'autant plus vrai lorsqu'on était une femme, physiquement plus fragile qu'un homme mais pas plus bête, ça c'était certain. Celle-ci, de femme, n'avait pourtant pas l'air de craindre quoique ce soit. Peut-être était-ce l'étoile sur sa poitrine qui offrait cette confiance naturelle ? Pourtant, des sales types au service de la loi, il en avait connu. C'était un autre genre de charlatan...
Tandis qu'il tamponne la blessure de la dame, Owen se sent scruté. Il n'aimait pas ça et pour le montrer, croisa brièvement d'un œil au sourcil froncé, le regard de son interlocutrice. C'était lui qui d'habitude, analysait les gens, mais l'inverse était on ne peut plus désagréable. Les autres aussi ressentaient ça ? Cette impression d'être mis à nu contre sa propre volonté, parce que fatalement, un visage et un regard en disait long sur la personne. J’ai jamais mis les pieds à Crimson. La voilà qui faisait la conversation, l'air de rien. Le shérif haussa un sourcil avant de jeter le coton à terre et d'en imbiber un autre. Dans deux siècles, ce simple bout de coton disposant du sang d'une criminelle aurait pu être ramassé, analysé et mis dans une base de données informatiques pour faciliter le référencement des recherchés avec casier judiciaire. Un outil magique qui aurait bien servi à Owen ces derniers temps mais qu'il n'imaginait même pas puisque ça paraissait impossible. T’es né là-bas ? Ça fait longtemps que t’es Shérif ? Il pouffa légèrement, amusé. Qui interrogeait qui, maintenant ? La question ne lui sembla pas essentielle, alors il répondit. En s'ouvrant à elle, serait-elle peut-être plus bavarde ? J'suis arrivé ici en 65 et j'ai d'abord été l'adjoint du shérif. Comme quoi, ça ne faisait pas bien longtemps que les citoyens le voyaient déambuler dans les rues, sur son cheval, ou qu'il levait le coude avec les habitués du Wild West. Crimson est un bon patelin. Il s'est juste trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment, si j'puis l'dire ainsi, déclara Owen en pensant aux derniers évènements. Puis tout à coup foudroyé par une éventualité, il s'arrêta d'appliquer l'alcool sur la plaie et leva les yeux vers Tabitha Jones. Il y avait eu des femmes, parmi les hors-la-loi présents cette nuit là. L'intérêt qu'il lui porta changea légèrement, sans pour autant le faire virer dans la paranoïa que tout le monde était coupable. Il ne dit rien, et jeta le second tampon devenu rouge, au sol. Avec la blessure nettoyée, le visage de madame Jones ressemblait un peu plus à une femme convenable, se disait Owen. Je viens de Virginie, et toi ? t'as pas spécialement d'accent mais tu m'as l'air bien loin d'chez toi... Le reste des blessures ne pouvaient être soignées ici. Pour l'hématome, à part lui filer à boire en guise de rafraichissement pour le corps et l'âme, il ne pouvait pas faire grand chose. Elle devrait prendre sur elle et se reposer. Mais après qu'elle lui ait montré le lieu de l'attaque, évidemment... Un coup d'oeil vers la fenêtre donnant sur l'extérieur inquiéta le shérif. Cet associé dont elle avait parlé devrait être rentré, depuis. La route entre ce ranch perdu et la ville n'était que de quelques heures, alors où était-il, si seulement il existait bel et bien ?
Owen s'alluma une nouvelle cigarette à son bec et en proposa une à m'dame Jones.
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Dim 21 Juil - 16:26
Tabitha ignore le regard mauvais qu’il lui lance, visiblement dérangé par cette inspection qu’elle continue sans gêne. Elle s’en fout de le mettre mal à l’aise, mais elle fait en sorte que ses questions ne ressemblent pas à un interrogatoire. Faudrait pas qu’il se braque. Si elle doit rester dans le coin, autant en savoir le plus possible sur celui qui est le plus à même de se mettre en travers de sa route.
Elle l’écoute attentivement, sans cacher totalement la surprise d’apprendre qu’il a mis les pieds à Crimson il y a près d’un an. Elle se demande ce qui est arrivé au précédent shérif pour qu’il ait pris sa place en si peu de temps, mais elle n’a pas vraiment le temps de poser la question. Elle perçoit dans son regard une lueur qui ne la rassure pas. Qu’est-ce qui a bien pu lui traverser l’esprit ?
- Je viens de Virginie, et toi ? t'as pas spécialement d'accent mais tu m'as l'air bien loin d'chez toi…
La question semble innocente, mais la Lady a appris à ne pas baisser sa garde face à un homme de loi. Ces gars-là sont habitués à creuser et un rien peut leur mettre la puce à l’oreille. Tabitha évite de se demander quel piège l’attend en répondant à cette question et maintient cette expression neutre et impassible, acceptant sans hésitation la cigarette tendue.
- J’ai grandi dans le Missouri. Personne ne connait cette facette du passé de Lady Tennessee, alors il n’y a aucun risque à dire la vérité. Tous pensent à tort que, comme l’indique son surnom, elle est née et a grandi dans le Tennessee. Mais j’ai passé la plus grande partie de ma vie dans le Nevada. C’est faux, évidemment, mais elle ne compte pas raconter en détail toutes ses péripéties. Elle veut lui faire croire qu’elle a vécu une vie classique, du moins jusque là : j’y ai suivi mon mari.
Une bouffée de fumée s’échappe lentement de ses lèvres. Tabitha se donne un air légèrement peiné pour convaincre le Shérif de la suite :
- On avait un ranch. Quand il est mort, j’ai dû vendre nos terres pour payer les dettes qu’il m’a laissé. Après ça, fallait bien que je gagne ma vie. Vu que je m’en sors bien avec un flingue, plutôt que de faire le tapin ou jouer les boniches, je me suis associé avec son cousin, Phineas. Il est chasseur de prime : quand il a entendu ce qui s’est passé ici, il a pensé qu’y aurait du travail dans le coin.
Mieux vaut passer pour un vautour intéressé uniquement par l’appât du gain que pour une criminelle, c’est ce qu’elle pense. Et c’est aussi la seule idée qui lui vient en tête pour justifier l’arsenal ici présent sans qu’il ne s’en méfie.
Elle tire une grande bouffée sur sa cigarette, puis continue :
- Phineas aurait sûrement voulu se présenter lui-même, mais tu m’as trouvé avant qu’on mette les pieds à Crimson. Tant pis pour les formalités.
Elle reste silencieuse quant au fait que la journée touche bientôt à sa fin et qu’il n’est toujours pas rentré. Vic’ est un habitué des vagabondages, il lui arrive de disparaître plusieurs jours pour revenir comme une fleur, sans jamais expliquer ses absences. Peut-être a-t-il vu le cheval du Shérif au loin et a-t-il décidé de rester en retrait. C’est l’option la plus crédible selon Tabitha qui ne s’inquiète pas encore de son absence.
- Qu’est-ce qui t’a amené à Crimson ? Une femme ? Ou simple envie de changer d'air ? Passer de la Virginie à la Californie, t’as fait encore plus de chemin que moi, commente-t-elle. Si elle a pris la peine de lui raconter sa vie (certes, inventée), alors il devrait en faire de même. Après tout, c’est une conversation, pas un interrogatoire.
Le shérif écoutait attentivement, ses traits impassibles trahissant peu de ses pensées. Il hocha la tête de temps en temps, émettant de petits sons d'approbation pour l'encourager à continuer. Pourtant, un observateur attentif aurait pu noter l'éclat sceptique dans ses yeux et la légère crispation de ses mâchoires. Malgré l'attention apparente, il semblait peser chaque mot de Tabitha, cherchant des incohérences ou des signes de mensonge. Quel piètre homme de loi il serait de la croire sur parole, pour ses beaux yeux ! "J'y ai suivi mon mari" avait-elle dit. C'était ce que n'importe quelle femme dirait, après tout. Une épouse se devait de suivre son époux, où qu'il aille car elle ne serait malheureusement rien sans lui. Owen n'était pas de cet avis, il en avait connu des femmes capables de se suffire à elle-même, de subvenir à leur propre besoin... mais elles étaient soit catins, soit criminelles. Vu que je m’en sors bien avec un flingue, plutôt que de faire le tapin ou jouer les boniches, je me suis associé avec son cousin, Phineas. Il est chasseur de prime : quand il a entendu ce qui s’est passé ici, il a pensé qu’y aurait du travail dans le coin. C'était comme si Tabitha avait entendu sa pensée et y répondait avec grand plaisir. Tout était parfait dans son histoire, tout s'emboitait si bien. Le shérif tira une bouffée. C'était donc ça ; l'argent, l'appât du gain, faire fortune... Il aurait du s'en douter plus subtilement en voyant avec quoi la dame pouvait se défendre autant qu'avec son franc-parler et l'absence de peur dans son regard. Ces blessures auraient mis k.o. une femme dite à sa place tandis que cette chasseuse de prime en avait déjà vu des belles.
Ok, je vois... murmura Owen qui se disait que l'arrivée de ce Phineas ne devrait plus tarder. Ca faisait quand même long pour aller chercher de l'aide, sa cousine par alliance aurait eu le temps de crever la gueule béante qu'il sera toujours pas en route. Quoique cette Tabitha avait l'air d'être une de ces forces de la nature forgée dans le fer. Il se présentera lui-même lorsqu'il viendra. Car tu t'en doutes, je ne peux partir sans te laisser entre de bonnes mains, fit le shérif sur un ton qui la mettait presque au défi de lui avoir possiblement menti. Il n'en savait rien, bien sûr, mais Owen ne rechignait pas à tester. Les histoires comme celles qu'elle venait de lui conter ne l'attristait plus depuis longtemps. C'était l'avantage d'avoir un cœur endurci. La tension serait amusante si l'homme débarquait et se présentait comme tout sauf le cousin d'un mari défunt... mais si Tabitha prenait l'initiative elle-même de présenter le bonhomme, Owen allait se poser encore plus de questions.
Qu’est-ce qui t’a amené à Crimson ? Une femme ? Ou simple envie de changer d'air ? Passer de la Virginie à la Californie, t’as fait encore plus de chemin que moi.
Il n'aimait pas qu'on lui pose trop de questions, le shérif préférait largement se retrouver de l'autre côté de la table. Il jaugea la femme d'un air pensif, donnant presque l'impression de n'avoir pas entendu ces interrogations. Puis finalement, il ouvrit la bouche. La Virginie n'avait plus rien à m'apporter et je n'avais plus rien à lui donner. Puis, tu sais ce qu'on dit sur les opportunités de l'Ouest, pourquoi je m'en serai privé ? Seul le début de sa réponse était une vérité absolue. L'autre partie, du flan, déblatérée avec la même conviction. Sa question étant rhétorique, l'homme de loi enchaîna de but en blanc. Redis-moi comment s'est passé l'attaque ? Il n'avait rien oublié de ce qu'elle avait pu dire. Mais lorsqu'on mentait, les détails étaient ôtés, omis ou rajoutés. Aussi, on répétait exactement tout, avec les mêmes mots. Si ce sauvage avait été touché mais pas tué, Tabitha et son associé devaient s'attendre à être traqués. Elle avait du en verser des tas, de ses gouttes de sang jusqu'à ce ranch. Après notre balade demain matin, je vous ramène tous en ville.
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Jeu 1 Aoû - 23:33
Le Shérif doit être bon au poker, car elle n’arrive pas à savoir s’il gobe son histoire ou non.
- Il se présentera lui-même lorsqu'il viendra, fait-il en parlant de son prétendu cousin par alliance. Car tu t'en doutes, je ne peux partir sans te laisser entre de bonnes mains.
De toute évidence, il ne lui fait pas encore confiance, mais il ne trouve pour l’instant rien à redire à son histoire. C’est au moins ça. Elle hausse les épaules pour toute réponse, car elle n’a rien d’autre à dire. Elle préférerait qu’il parte sans se soucier d’elle ou de son état de santé, car la présence du Shérif est source de stress, même si elle ne le montre pas. Il ne faut pas paniquer face à un homme de loi, elle l’a appris très vite. Elle sait garder son sang-froid, elle ne craquera pas sous la pression de son regard suspicieux ou de ses questions intrusives. Alors, plutôt que de laisser Cooper mener son interrogatoire, elle continue la conversation en lui posant des questions elle aussi, sur ce qui l’a amené en Californie. Cela ne semble pas lui plaire, car pendant un instant, elle a l’impression qu’il va simplement les ignorer. Finalement, il répond, sans s’étaler sur sa vie. Insatisfaite, Tabitha fronce les sourcils, mais n’insiste pas. Elle n’en a pas le temps de toute façon car aussitôt, il enchaîne :
- Redis-moi comment s'est passée l'attaque ?
- Des problèmes de mémoire, Shérif ? répond-elle du tac au tac, sans qu’aucun trouble ne vienne perturber cette expression neutre. Elle tire sur sa cigarette, puis répète son récit : Je me souviens que je chassais quand une flèche a fusé près de moi, suivie d’une deuxième que j’ai reçue en plein dans le bide. Puis le sauvage m’a foutue un bon coup à la tête et pour la suite, faudra demander à Phineas à son retour, c’est lui qui s’est pointé juste à temps pour me sauver la vie. S’il était arrivé quelques secondes plus tard, c’était mon cadavre scalpé que tu retrouvais.
D’une main, elle écrase ce qu’il reste de sa cigarette contre la table bancale et frotte ses yeux fatigués de l’autre. Tenir une conversation en son état est déjà bien compliqué, alors un interrogatoire… Il faut qu’elle y mette fin.
- Après notre balade demain matin, je vous ramène tous en ville, déclare Cooper.
Elle acquiesce d’un air distrait, avant de se lever difficilement de la chaise.
- S’il faut voyager demain, j’ai besoin de repos. Préviens-moi si tu vois quelqu’un arriver au loin. Y a de grandes chances que ce soit Phinn, mais on sait pas qui d’autre traîne dans le coin.
Et sur ces mots, elle part s’allonger dans un coin de la pièce où sa veste a été repliée plusieurs fois sur elle-même pour lui servir de coussin. Elle s’y allonge et s’endort presque aussitôt malgré la présence de l’homme de loi.
-
Le sommeil de Tabitha est agité. Le Natif hante une partie de ses cauchemars, mais sa carrure monstrueuse est vite remplacée par celle de son défunt époux. Il vient lui rendre visite toutes les nuits et la prive d’un vrai repos. Ainsi, à plusieurs reprises, on peut l’entendre gémir dans son sommeil et supplier un certain John de la laisser en paix.
-
Lorsqu’elle se réveille, le Shérif est déjà debout. Soit il n’a pas dormi de la nuit, soit elle a dormi plus que d’habitude. Elle n’est habituellement pas une grande dormeuse, mais ce ne serait pas surprenant qu’elle ait eu besoin de plus de repos au vu de ses blessures. Elle se sent un peu mieux ce matin, même si c’est avec une certaine difficulté qu’elle se redresse. Son regard parcourt la pièce. Pas de trace de Vic’... Son absence commence à l’inquiéter, mais peut-être qu’il n’y a pas de raison. Il est possible qu’en ayant vu la monture de Cooper, Vic’ ait décidé de rester en retrait. Ce ne serait pas idiot.
- Bien dormi, Shérif ? demande-t-elle, à peine réveillée. Phineas est revenu ?
Sa jambe claudicante n'était pas le seul cadeau laissé par la guerre. Les insomnies aussi faisaient parties de son nouveau bagage d'après guerre et cette nuit ne fut pas épargnée. La dame s'était endormie bien vite et lui, méfiant malgré tout, avait fumé tout au long de la nuit. Plusieurs fois, Owen était sorti de la grange pour faire le tour du propriétaire abandonné, sans jamais apercevoir âme qui vive. Il trouvait ça très étonnant en vérité, que ce Phineas n'ait pas montré le bout de son nez. Pourtant il était sûr que ce personnage, parti cherché de l'aide pour sa complice, existait. Elle en avait parlé avec une spontanéité qui ne laissait pas de place au doute... Pourquoi ne revenait-il pas ? C'était un des points noirs de sa rencontre avec l'inconnue. Elle avait beaucoup parlé mais Owen sentait qu'il manquait quelque chose, sans pouvoir dire quoi. Un mystère en plus s'ajouta à tout ça, quand durant son sommeil, Tabitha se mit à parler. Le shérif avait posé sur elle son regard interloqué, sans qu'il ne cille cependant, attendant d'en entendre plus. Tout ce qu'il eut, c'était un prénom, John. Des John, ça couraient à chaque coin de rue, chaque ville et chaque désert. C'était qui ? son mari défunt ? pourquoi la hantait-il ?
Tout bon shérif se devait de profiter d'être seul, d'une certaine manière, pour commencer à fouiner un peu plus en profondeur. Il avait vérifier de près l'arsenal ici présent, entre les fusils et les revolvers, les lames. Bien sûr, ça corroborait avec l'histoire fournie par Tabitha, qu'il n'avait visiblement pas à mettre en doute. Mais c'était sa nature, de douter...
Au petit matin, la jeune femme s'était réveillée tardivement. Ses blessures demandaient d'être soignées et surtout du repos, mais Owen ne pouvait pas ignorer la scène où Tabitha fut agressée. Ils devaient s'y rendre, même pour un instant. Bien dormi, Shérif ? Phineas est revenu ? Un sourire en coin se dessina sur ses lèvres. Elle posait une fausse question, voyant bien que non, le cousin n'était pas revenu. Ca le titillait, à Owen, d'approfondir tout ça mais le temps pressait. Il avait prévenu ses adjoints qu'il s'absenterait pas plus d'une journée et une nuit. J'ai dormi comme un bébé, rétorqua-il malgré qu'il eut passé une nuit blanche. Ton acolyte n'est pas revenu... mais pas lieu de s'alarmer, puisque t'as pas l'air si inquiète que ça ? Le shérif rassemblait le peu d'affaires étalés sur la table durant cette nuit, il en avait profiter pour nettoyer son arme. Il parlait en sous-entendu et était certain qu'elle le remarquerait. Elle n'était pas bête ; une femme qui n'avait pas peur de se retrouver seule face à un inconnu, avait plus d'un tour dans son sac. On va partir, t'auras qu'à lui laisser un mot pour dire où tu te trouves. Et Owen ne raterait pas l'occasion de la pister, si ce moment opportun viendrait à s'annoncer. Quelque chose lui disait que Tabitha était du genre à se tirer en catimini, mais il pouvait se tromper. Il sortit de la bâtisse en décomposition et se dirigeait vers son cheval pour y déposer son sac, avant de rebrousser chemin.
Besoin d'aide pour tout rempiler ? dit-il en bectant sa dernière cigarette, sans l'allumer. Il aida à transporter les affaires de Tabitha, puis une fois prêt et montés en selle, annonça de sa voix grave. Dernier tour là où tu as croisé le sauvage, et on rentre. J'te suis ! Ses armes étaient chargées, sa ceinture lourde des balles alignées. Si ce sauvage devait réapparaître, ou quoique ce soit d'autre, il serait prêt.
Les chevaux avançaient depuis plusieurs longues minutes quand Owen posa sa question, de but en blanc. C'est qui, John ?
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