El Cazador saluait Tiffany d’un geste de tête, imité par ses hommes. Bambino lui adressait un sourire contrit, pas encore au top de sa forme. Il avait perdu beaucoup de sang, et il devait s’estimer heureux de n’avoir contracté aucune maladie ou infection vicieuse qui aurait pu se glisser dans sa plaie. Cette ultime rencontre devait être de courte durée. Se tournant vers l’italien, Emilio lui intimait de se recoucher, et allait inviter tout le monde à évacuer la pièce.

Avant qu’il n’eut pris cette initiative, il récupérait sans plus de négociations la liasse de billets tendus par son nouvel employeur. Il ne put réprimer un léger sourire à la vue des dollars, qu’il glissait dans son manteau.

« Vous avez misé sur le bon cheval. » dit-il, sûr de lui. Se faisant, il indiquait la sortie à l’assemblée d’un geste de la main, tout en discutant avec Tiffany. Il voulait s’assurer que Bambino se remette au plus vite pour se mettre au travail, et pour cela il lui fallait du repos et du calme. Le gamin n’en avait connu que peu dans sa courte existence. S’ils voulaient la rallonger un peu, autant lui donner cette tranquillité si rare dans leur mode de vie.

Magon hochait doucement la tête. En effet, le patron devait faire comme si tout s’était passé de manière étonnamment chanceuse pour lui et témoigner auprès des shérifs de ses aventures depuis sa disparition du domaine Stanford.

« On peut dire que vous êtes un gringo bien chanceux, eh. » s’amusait le bandit, tout en écoutant la version que l’américain allait donner aux pourritures étoilées.

Un certain Billy Caufield ferait donc le correspondant. Bien, voilà qui faciliterait la tâche de Bambino. Il n’aurait qu’à se mettre en relation avec ce type et s’assurer que la navette était bien faite des deux côtés. Tout semblait bien ficeler. Ne restait plus qu’à s’occuper de Bambino et rassembler ses forces. Dans l’esprit du mexicain commençaient à se dessiner mille plans tordus. Hudson se prenait pour le roi des bandits dans le coin. Et comment lui donner tord, fallait voir le nombre de gangs qui étaient prêts à lui téter les mamelons quand il appelait au regroupement des forces. Il était temps de lui montrer qu’une bande n’en avait que faire de sa terreur. Des indépendants qui ne courberaient pas l’échine. Hudson avait une réputation qui remplissaient les frocs des bourges. La merde et la sueur suintaient de partout à son évocation, là où on le connaissait. Et avec ce qui s’était passé la veille, cela allait croître. Ses griffes allaient se poser sur la région, c’était couru d’avance. Mais d’ici quelques mois, peut-être que Los Cazadores iraient chasser, se battre pour la couronne. Emilio Magon avait toujours eu la fibre princière. Le roi sans couronne. Souverain des filles de joie et des bordels, monarque sans royaume. Régner sur son destin était déjà un combat quotidien pour ce bandit instable. Mais maintenant que tout semblait se préciser, il comprenait, le temps d’un instant, la folie de La Cobra. Son mentor avait été un Hudson de la frontière. Plus sanguinaire peut-être encore. Mais chaque chose en son temps. D’abord, les chemins de fer…

« Prenez soin de vous, señor Tiffany. Nous prendrons soins de vos affaires. Hasta luego ! »

Et sur ces dernières paroles, le mexicain claquait des talons, flanqué de ses acolytes. Il disparaissait bientôt dans les rues de Bodie, allant magouiller Dieu sait quelle combine, faire jouer de ses contacts et comploter pour leur prochain coup. Il était temps de se rappeler au souvenir de cette bonne ville de Crimson.