business in the american west

Le mois d’octobre était assez doux, cette année. Même si notre tribu gérait très bien la fraîcheur glaciale des hivers, cela ne nous empêchait pas d’apprécier un beau temps qui tardait à plier bagage. Dans mon tipi que je m'affaire à nettoyer le mieux possible, mes mains s’agitaient dans tous les sens tandis que je ramassais les peaux de bêtes tannées par mes soins. Ce n’était pas un travail que j’aimais spécialement faire mais il était nécessaire pour garder un bon niveau de vie. Les moissons n’étaient pas toujours bonnes et les animaux sauvages détruisaient souvent les récoltes qu’on s’évertuait à cultiver. On n’pouvait pas leur en vouloir, c’était la nature qui dictait nos faits et gestes. Le visage d’un bambin se dévoila à l’entrée de mon tipi, et je regardais l’invité surprise en haussant un sourcil amusé. Va donc jouer avec les autres, petit fourbe, je vous rejoindrai plus tard ! lançais-je à l’intention du petit bonhomme qui voulait absolument me courir après en s’imaginant être un buffle enragé. Les gamins étaient toujours surexcités lorsqu’ils me voyaient préparés les peaux, car ils savaient que cela annonçait l’arrivée de Mr. Seagraves. Il n’était pas l’homme le plus démonstratif avec eux et pourtant, ils l’appréciaient, parlant d’une aura attirante et bienveillante. J’étais d’accord avec eux, c’était une des raisons pour lesquelles j’acceptais de traiter avec lui… en dehors du fait qu’il soit un des rares citoyens américains blancs à accepter de faire affaire avec les natifs. C’était une optique que je visais, pour la tribu tolowa et toutes celles qui existaient ; une communion avec l’homme pâle qui ne serait jamais tâchée de rouge. Cela paraissait être un rêve, j’en étais consciente. Je n’étais pas aussi naïve que ma cadette, je savais qu’il serait extrêmement compliqué de concilier nos deux modes de vie. Je refusais simplement de me laisser abattre en baissant les bras.

Les minutes défilaient et je faisais mes perpétuels allers retours entre mon tipi et l’entrée, où j’étalais les peaux sur la structure en bois horizontale qui permettrait à Mr. Seagraves de les voir dans leur entièreté. En dehors des négociations de prix, je n’étais que rarement bavarde avec lui. Son regard le trahissait pourtant, on pouvait y lire qu’il en avait des choses, à raconter. Mais que rien ne franchissait cette épaisse barrière scellant ses lèvres. Mes observations sur sa personne était discrète et furtive ; j’avais remarqué son amour pour les bêtes rien qu’à la façon que Mr. Seagraves avait de les regarder. Aujourd’hui d’ailleurs, mon cheval était présent, broutant l’herbe où la rosée du matin n’était plus depuis quelques heures.

Au loin, alors que je finissais de tout mettre en place, les cris excités des enfants et leur rire m’alertaient de la présence imminente de mon acheteur. C’était toujours comme ça que cela se passait. J’accueillais l’homme solitaire en affichant un sourire délicat à son égard, les mains sur les hanches. Les squaw présentes le saluaient avant de reprendre leur tâche respective, celle qui consistait à l’entretien des tipis, de la préparation du diner, de nourrir les feux et les bêtes, s’occuper des petits. En somme, la vie dans la tribu. En tant que femme, je faisais également partie des squaw, fille du chef ou non. C’était un honneur d’être une femme, au sein des tolowa et de la plupart des tribus natives. Sans elles, rien ne tournerait comme il le faudrait ; elles faisaient tout et étaient indispensables à la bonne gestion de toute une communauté. Le Chef lui-même l’avait dit de sa propre bouche ! Mais je me sentais appelée à autre chose, sans que je ne puisse encore mettre les mots dessus.

Han, Mr. Seagraves, le saluais-je tandis qu'il était tout proche. Sois le bienvenu aujourd'hui encore. Près de mon feu de camps, se dressait la boisson chaude et alcoolisée que j'avais préparé pour mon invité. Je lui tendais son verre, une hospitalité qu'il savait être malpoli de refuser. je fis signe aux enfants de laisser le bonhomme tranquille, et ils s'en allèrent sans protester pour certainement revenir plus tard à la charge. La route a été bonne jusqu'ici ? je demandais sérieusement, car les délits et meurtres qui reprenaient de plus belle ne nous avaient pas échappé. Il était certain que mon interlocuteur saurait se défendre en situation complexe mais aucun homme ne pouvait rivaliser avec toute une bande de hors-la-loi.