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 Spectre de soigneuse [Judith Henley]

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Isabella Matamoros
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MessageSujet: Spectre de soigneuse [Judith Henley]   Spectre de soigneuse [Judith Henley] EmptySam 13 Avr - 0:12


   

   
   
  • Type de RP: Normal
       
  • Date du RP : 15 avril 1866
       
  • Participants : Judith Henley
       
  • Trigger warning : Mort, sang, blessures.
       
  • Résumé : Une blessée qui se fait soigner par une autre blessée après l'attaque du 31 mars 1866.
       

   





Spectre de soigneuse





La nuit était noire comme le ventre d’un four. Le silence précédait les cris. Ceux des gens qui se mettaient à l’abris, qui prévenaient, qui hurlaient pour quérir les secours. Personne ne viendrait mais nul ne le savait encore.

Puis, le son des marteaux qui s’abattaient sur les portes pour les clouter. Juste avant qu’elles ne soient éclatées dans une pluie d’échardes. Les coups de feu qui perçaient les tympans, à ne plus savoir d’où venait le danger. Chaque douille qui faisait trembler l’âme et sursauter le cœur.

Et puis, le poids des bottes s’écrasait sur l’escalier. Les chambres qui s’ouvraient sur les gueules baveuses des malfrats réclamant l’or aux voyageurs. Sebastian n’eut pas le temps de dégainer son colt : une balle lui traversait déjà la gorge.

Il tombait au ralenti alors qu’on lui tirait son arme des mains. Le jet de sang partait de sa carotide et couvrait les murs. Cachée sous le sommier du lit, Isabella étouffait son cri. Un hurlement avalé qui lui retournait le gosier et les tripes sans pitié.

Et, même si les meurtres et les vols avaient continués, les oreilles de la boiteuse n’avaient plus capté aucun bruit. Du moins, jusqu’à ce que la carcasse de son oncle ne s’écrase devant elle, la face tordue de terreur et les yeux déjà vitreux. Isabella eut l’impression que son cœur allait s’arrêter.  

Cette détresse cardiaque la tira de son sommeil peuplé de mauvais rêves. Chaque nuit, depuis qu’elle était arrivée à Crimson Town, l’horreur se glissait à nouveau sous ses paupières pour la tourmenter. La scène revenait sans cesse. Impossible de l’éviter.

Cela faisait vingt jours que Sebastian avait été tué dans la nuit du 31 mars. Cela faisait au moins dix-sept jours qu’on l’avait mis en terre. Avec sa jambe manquante, elle avait creusé elle-même la tombe parce qu’elle n’avait pas pu payer le fossoyeur. Elle avait vendu Dandelion, la jument de Sebastian pour payer un prêtre afin qu’il lui donne les dernières bénédictions d’usage. Jusqu’au crépuscule, elle s’était tenue devant la tombe, incapable d’avalé ce morceau répugnant de réalité.

Résignée, elle avait erré dans Crimson Town, détestant l’idée de rester et encore plus celle de partir. Elle s’était concentrée sur le nécessaire en oubliant certain essentiel. Elle avait payé une chambre et avait aidé comme elle pouvait les habitants, ne se rendant pas compte qu’en forçant comme un mufle sur sa prothèse, elle était en train de se blesser. Et, entre eux moment à atteler et désatteler Tehuano pour les travaux, elle avait achevé ses genoux sur les prie-dieu de l’église, à prier pour l’âme des siens, pleine d’abnégation.

Alors, si elle se réveillait en sueur, les cheveux collés à la nuque et puante de cauchemars, ce n’était pas uniquement parce que le deuil la brisait : le corps aussi craquait. Autour de son moignon, les sangles qui maintenaient la prothèse avaient rouvert des cicatrices qui peinaient à se consolider. En fouillant dans les draps, elle se rendit compte que ça suintait épais. Elle devait avoir de la fièvre mais refusait de l’accepter. Mais elle ne voulait pas suivre son oncle dans la tombe : il n’y aurait personne qui s’occuperait d’elle pour la mener jusqu’à Dieu.

Il était hors de question de mourir bêtement, sans tenter de se débattre un minimum. Alors, comme une truite à peine sortie de la berge se tortillant pour retourner dans l’eau, la boiteuse compta ses pièces. On lui avait déjà parlé d’une maison où un docteur officiait. Elle s’y traina en serrant les dents. Même pour monter en selle, elle fit coucher son cheval.

Rendue devant l’hôpital, il y avait déjà des gémissements, il y avait de gros râles. A l'intérieur, un peu perdue, au milieu des blessés, Isabella reconsidéra l’idée s’additionner à ces gens qui avaient été traversé par des balles, d’éclats de bois ou de lames. Blême, la demi-mexicaine allait repartir, ne se sentant pas à sa place à cet endroit. Pourtant, à peine avait-elle tourné les talons, elle se trouva face à face avec celle qui officiait ici-bas.

C’était un fantôme. Une face livide, blanche comme la craie, au milieu de laquelle deux yeux de glace brillaient. Des cheveux de feu autour d’une mine inquiète couronnait une expression lasse de voir encore des blessés rappliquer. D’autant plus que son bras gauche paraissait bien raide. L’aidante devait avoir à peu près son âge et pourtant une béquille la soutenait. Elle aussi devait avoir bien des pièces de cassées.

Trop tard pour prendre la fuite. Trop tard pour essayer d'esquiver. Difficile d'expliquer maintenant qu'elle aurait probablement préféré ne pas s'additionner à la horde de malades qu'on entendait.

Avant qu'on ne vienne la questionner, Isabella prit les devants en baragouinant :

Ma jambe. C’est… Creo qué c’est pas génial. Vous avez le temps d’regarder, vous savez ?

Quand elle était épuisée de la sorte, son accent du sud ressortait. Les langues aussi, un peu. Hagarde et désolée de déranger, elle ne pouvait, de toute façon, plus prendre ses jambes à son cou.

Tout ce qu’elle espérait, c’était que la blafarde ne lui demande pas de se dévêtir au milieu de ce hall d’entrée pour la laisser apprécier la gravité de la plaie. La cavalière n’aurait pas craché sur un peu d’intimité au milieu de ces malades à peu près aussi amochés que celle qui parcourait les rangs pour les soigner.



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MessageSujet: Re: Spectre de soigneuse [Judith Henley]   Spectre de soigneuse [Judith Henley] EmptyMer 8 Mai - 1:19



Le chaos. Debout, appuyée avec force sur cette béquille calée sous son épaule, Judith resta là de longues secondes, observant l’hôpital du docteur Riagal soudainement plein à craquer. Les lits étaient tous occupés et des paillasses avaient été installées à même le sol. Les patients les moins atteints avaient été renvoyés chez eux et le médecin s’évertuait à visiter tous les jours ou presque, s’épuisant un peu plus, lui qui portait pourtant si vaillamment son bras en écharpe, son épaule en lambeaux ne se soignant que trop lentement à son goût. C’était bien parce qu’elle était au moins aussi têtue que lui que Judith avait fini par braver sa recommandation de garder le lit coûte que coûte. Elle entendait les gens geindre, au rez-de-chaussée et Tom, aussi dévoué soit-il, n’en demeurait qu’un petit garçon terrassé par la fatigue de toutes ces tâches qu’il entreprenait, désireux de suppléer le médecine t de remplacer son employée.

Il y avait des visages plus connus que d’autres dans ces gens alités, terrassés par la douleur, se plaignant en gardant les dents serrées. La mine soucieuse, Judith s’était raccrochée avec plus de force encore sur sa béquille, tentant de jouer le culbuto avec son équilibre pour mieux se frayer un chemin dans la large pièce qui ne sentait que trop la mort, quand bien même les fenêtres étaient ouvertes. Des yeux s’étaient clos entre ces murs, les premiers jours. Le médecin, lui-même, avait été incapable de quoique ce soit et c’avait été son collègue de Bodie qui s’était aventuré jusqu’ici, n’ignorant pas l’appel de l’argent de ceux qui n’en avaient pourtant déjà plus. Faolán, lui, ne demandait toujours rien de plus que ce qu’on pouvait lui donner et c’était bien la générosité de l’homme qui faisait sa douce réputation au sein de la petite bourgade.

Judith, naturellement, s’était dirigée vers la cuisine de la demeure, son fief et son cocon, lieu dans lequel sa présence prenait tout son sens. Pourtant, en en franchissant le seuil, les souvenirs douloureux de son propre retour vinrent la faire tressaillir, son regard se posant sur la large table de bois sur lequel on avait dénudé son corps pour mieux contempler l’ampleur de ses blessures. Soupirant longuement, elle boita tant bien que mal jusqu’aux divers placards, s’interrogeant sur leurs contenus. Elle devrait missionner Tom pour quelques emplettes si elle espérait pouvoir reprendre le contrôle de ses fourneaux. Jusque-là, les assiettes avaient été garnies par quelques volontaires qui avaient tenté de mettre la main à la pâte mais aucun n’était à la hauteur des mets fameux dont elle était capable. Aujourd’hui, elle tenterait bien de rester en action suffisamment longtemps pour relancer les fourneaux bien qu’elle sentait que chaque pas était un effort couteux qui se solderait par une rechute de son état, si elle ne prenait pas garde. Le docteur avait été plus qu’insistant sur le sujet et elle en comprenait le propos, sentant ses maigres forces lui coûter bien cher en l’espace d’une poignée de temps.

S’en retournant dans le couloir principal, son regard s’accrocha alors à un visage plus qu’un autre. Les traits tirés et pâles étaient encadrés par de longues mèches d’un noir d’encre. Il ne fallait que peu de temps pour comprendre les origines mexicaines de la jeune femme, Judith ayant vogué parmi ses semblables durant quelques temps et sa traversée du sud du pays depuis le Texas. La rousse cilla, la dévisageant un instant, elle et sa démarche bancale, similaire à celle de Judith, accoudée à sa béquille, son bras opposé en écharpe et maintenu par une attelle au poignet. Vraiment, elle n’avait pas été épargnée. Et la brune non plus, si elle en croyait sa mine défraîchie. « Merde… » Elle pesta entre ses dents car le vrai responsable de la demeure et le plus apte à la soulager était sorti dans sa tournée, s’aventurant, si elle avait bien retenu, jusqu’au domaine du Gouverneur pour mieux tenir compagnie à son épouse. Elle était seule, Tom se trouvant certainement dans les parages à apporter de l’eau à qui la quémandait avec douleur.

Ma jambe. C’est… Judith fronça les sourcils, baissant le regard machinalement vers la principale désignée sans pouvoir la voir, ainsi cachée derrière les drapés de ses vêtements. Creo qué c’est pas génial. Vous avez le temps d’regarder, vous savez ? Judith avisa l’hôpital, l’ensemble de ses occupants avant de soupirer. « Viens. » Jouant de ses appuis sur le sol, entre pied valide et béquille, elle l’invita à la suivre dans cette même cuisine qu’elle venait de quitter. Au moins, ici, elles auraient la paix et Judith se sentirait plus en confiance. Même si elle n’avait pas prévu de cuisiner la jambe de cette pauvre demoiselle, à proprement parler… « Le docteur Riagal est sorti… Tu peux soit l’attendre, soit… Je ne suis pas du tout dans tout ça, moi, mais je l’ai déjà vu faire et… J’ai quelques consignes sur les plantes à donner… Je te promets rien, mais je vais faire de mon mieux pour t’aider, d’accord ? Assieds-toi là. » Elle lui désigna un tabouret, commençant rapidement par aller remplir un gobelet d’eau. « T’as de la fièvre ? » Elle lui tendit le breuvage frais, doucement inquiète de la gravité de la situation et de ses maigres capacités à la gérer.
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Isabella Matamoros
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MessageSujet: Re: Spectre de soigneuse [Judith Henley]   Spectre de soigneuse [Judith Henley] EmptyLun 13 Mai - 21:02


Partout où Isabella posait le regard se jouaient des drames silencieux. Il y avait ceux qui attendaient en se tenant les côtes où le flanc, blancs comme des cachetons. Il y avait les râles qui venaient des étages. Une jeune femme s’était adossée au mur du couloir. Elle avait amené avec elle ses deux jeunes garçons qui se canalisaient en jouant sagement parce qu’ils savaient que personne n’était vraiment en mesure d’accueillir leurs immatures coups de tête d’enfants. Cet endroit était de ceux qui rapprochaient de la mort et faisaient vieillir prématurément.

Même la soigneuse qui œuvrait pour le confort et la prise en charge de tous se déplaçait avec une béquille calée sous le bras.

Isabella ne se sentait pas à sa place. Elle accaparait une attention qui aurait été plus judicieuse ailleurs. Cependant, la douleur dans sa jambe lui rappelait ce qui l’amenait. Maintenant qu’elle suivait la rousse, elle se concentrait pour faire rapide, direct et efficace pour ne surtout pas accaparer plus de temps que ce que son infection demandait.

L’estropiée fut accompagnée dans une cuisine où on lui expliqua que le docteur était absent et que, en son absence, celle qui devait être son aide donnait simplement quelques recommandations et quelques décoctions. En tout cas, elle faisait ce qu’elle pouvait et c’était à prendre où à laisser.

La cavalière s’assit dans le tabouret qu’on lui désignait et commença à enlever sa prothèse. Elle détacha ses chaps pour soulever le pantalon au niveau du genoux. Là, elle décrocha les sangles en cuir qui rentraient dans son moignon, faisant prendre à sa jambe un angle parfaitement inhumain qui aurait probablement fait tourner de l’œil quelqu’un qui aurait cru en la supercherie. Elle aurait peut-être dû annoncer qu’il lui manquait un bout avant de rapidement s’exhiber mais elle n’avait pas vraiment réfléchi, pressée par l’idée qu’elle ne voulait pas abuser du temps compté de la pauvre guérisseuse.

Autour du moignon libéré des sangles et des boucles qui avaient une fâcheuse tendance à s’y ficher ou, pire, à glisser, les chairs à vif, rouges, formaient des sillons bossus et profonds qui suintaient à des endroits. Elles ne nécrosaient pas encore mais ça ne saurait tarder si elle ne pouvait pas trouver quelque chose pour éviter la prolifération de la vermine.

Une fois la prothèse détachée et le moignon honteusement exposé, elle releva le museau vers la rousse avec un air désolé. Elle attrapa sans réfléchir la boisson qu’on lui tendait et répondit à la question de la rousse à la volée :

Pas de fièvre. Pas trop.

En fait, si, elle avait un peu de fièvre. Mais c’était bien moins que ce qu’elle avait pu connaître par le passé alors elle ne voyait pas l’utilité de s’en inquiéter.

Prenant le bord du gobelet entre ses lèvres, elle but pour étancher la soif rehaussée par le climat étouffant de Crimson. Dehors, il faisait lourd. C’était comme si orage aurait pu éclater à tout moment.

Merci, souffla poliment l’amputée en cherchant le regard clair de la rousse.

Bizarrement, elle plaçait bien plus de confiance en ses capacités qu’elle-même. De toute façon, elle n’avait pas le choix : l’expérience lui avait appris à ne pas laisser la douleur s’installer pour la ronger. Pour une raison qu’elle n’expliquait pas, elle préférait que ce soit une femme qui se penchât sur son cas. Peut-être parce que la dernière fois que des bonhommes l’avaient regardée d’aussi près, ils l’avaient charcutée. l

Si vous avez une idée… Ça m’arrangerait de ne pas embêter le docteur Riagal, fit Isabella aussi sincère que mal à l’aise.

Elle ne voulait pas mettre la pression d'aucune façon. C'était juste sa manière de lui laisser une carte blanche pour les soins qu'elle songerait à administrer.

Il vous est arrivé quoi ? ajouta-t-elle en fixant la béquille de la pauvre soigneuse aussi - voire plus - esquintée que les blessés qu'elle aidait.

Peut-être qu'elle aurait pris ça pour de la curiosité mal placée mais ça paraissait de étrange de continuer sans chercher à crever l'abcès.



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Dernière édition par Isabella Matamoros le Jeu 16 Mai - 12:54, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Spectre de soigneuse [Judith Henley]   Spectre de soigneuse [Judith Henley] EmptyMer 15 Mai - 23:24



Qu’il était coûteux de réaliser le moindre mouvement. Le bras gauche en écharpe, la jambe droite endolorie par les plaies qui se trouvaient au niveau de sa hanche, elle se laissait aller sur sa béquille, puisant dans ses forces pour mieux avancer, serrant les dents avec la rage de ceux qui sont déterminés à vivre. Elle aurait trompé la mort par trois fois, déjà. Combien de chances lui restait-il seulement ?

Lui tendant le gobelet d’eau, ce fut à cet instant qu’elle baissa réellement le regard sur… Mais qu’est-ce que… ? « Bon Dieu de merde ! » Elle était déjà si pâle qu’il était difficile pour elle de perdre davantage de couleur mais son sang, lui, ne fit qu’un tour alors qu’elle posait le regard avec plus d’insistance sur ce qui ressemblait à une jambe, laissée à terre. Quelle horreur était-ce là ? Venait-elle de la perdre ? Il fallut plusieurs secondes pour la rousse pour comprendre qu’il ne s’agissait pas de chair et d’os mais bien de fer, de bois et de cuir. Cillant, reprenant contenance, elle prit une profonde inspiration. « Je… j’ai cru que… » Oh merde, elle ferait mieux de s’asseoir, elle aussi.

Frappant un autre tabouret de sa béquille de bois, elle se laissa aller sur l’assise avec douceur, grimaçant alors que son séant s’appuyait sur le bois dur. Les points de suture de son bas dos tiraillaient et elle espérait bien ne pas faire plus de folies qu’elle n’en était réellement capable. Soufflant un coup, elle finit par comprendre que la jambe que lui présentait la jeune femme n’était pas complète. Il s’agissait là d’un moignon et de… Sa jambe de bois ? Cela devait bien porter un nom plus digne mais l’instruction de Judith n’était pas celle des savants et elle n’aurait su trouver un nom si complexe dans son vocabulaire. Fronçant les sourcils, elle grimaça à la vue des chairs rougies et inflammées. « Ca a une sale gueule. » Pas de fièvre, avait-elle dit ? Ça ne saurait tarder, le suintement étant les prémisses mêmes d’une infection à venir.

Elle n’était ni médecin, ni infirmière. Elle n’était que celle qui cuisinait et faisait le ménage, n’assistant le docteur qu’en cas d’extrême nécessité, ne supportant ni la vue du sang, ni la souffrance des autres. Vivre dans cette maison l’avait au moins forcée à travailler sur ce point mais, soudainement, Judith aspira à tout autre chose : à une vie plus paisible, moins bordée par la douleur et la mort. Croisant plusieurs fois le regard plus sombre de la brune, elle se mordilla la lèvre inférieure quand elle lui proposa d’énumérer des idées pour l’aider, espérant ne pas avoir à déranger le docteur Riagal. « Croyez-moi, c’est pas ça qui va le déranger plus que de raison… Et il faudra probablement que tu ailles le voir malgré tout : Je ne suis pas qualifiée moi… » Elle eut une moue insatisfaite, comprenant bien que les choses seraient plus simples si tel était le cas. Soupirant, elle délaissa un instant sa béquille, venant se pincer l’arête du nez en fermant les yeux. Que ferait le docteur ? Une décoction pour la fièvre. Nettoyer avec une eau bouillie infusée de thym et de… La voix de l’étrangère l’interrompit dans le fil de ses pensées et elle releva la tête vers elle. Vraiment ? C’était elle, sa préoccupation première ? « Longue histoire… » Tout le monde, en ville, avait vaguement entendu parler de sa mésaventure encore floue et inexpliquée sur bien des aspects. D’un autre côté, l’ibérique ne lui semblait pas des plus familières… « Une balle dans le bras gauche. Une autre dans la hanche droite. Cautérisée tant bien que mal dans le désert où on m’a trouvé. Sans le docteur Riagal, je serais morte… Déjà que j’ai failli finir avec un bras en moins… » Elle avisa la jambe factice sur le sol, se relevant péniblement pour aller remettre une marmite d’eau sur le feu. Il faudrait que ça bout. Il fallait toujours que ça bout. « Et toi ? Ça date de… ? » Les événements récents n’auraient pas permis une cicatrisation si avancée, quand bien même elle n’était pas parfaite. « Désolée de te demander ça comme ça mais… J’t’ai jamais vu à Crimson… Et les derniers étrangers qui sont passés dans le coin ne nous ont pas laissé un bon souvenir… » Elle était seule ? Ne pouvait-elle pas être revenue pour constater les dégâts ? Pour mieux évaluer de quelle manière frapper au mieux la prochaine fois ? Comment pouvait-elle lui faire confiance… ?
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MessageSujet: Re: Spectre de soigneuse [Judith Henley]   Spectre de soigneuse [Judith Henley] EmptyJeu 16 Mai - 14:21


Voir le corps de ses semblables marqué par la maladie ou le douloureux souvenir d’un membre mutilé, arraché, produit souvent une sensation de vertige ou de cauchemar. Avec la soigneuse, Isabella n’avait pas pris de pincettes et, devant sa réaction de surprise, elle s’en voulut : elle détestait entendre quelqu’un user vainement du nom de Dieu devant elle parce qu’elle ne pouvait s’empêcher de faire un petit signe de croix du bout des doigts, comme pour détourner l’attention du Seigneur afin qu’il pardonne à la guérisseuse l’expression qui était sortie sur le coup de la surprise.

C’est vrai, l’estropiée aurait pu prévenir un peu. Elle était partie du postulat que la rousse en avait vu d’autres. Ce n’était peut-être pas vrai. Dans tous les cas, l’aide du docteur Riagal admettait que la plaie présentait mal. La cavalière hocha doucement la tête, habituée à ce genre de remarque. Ses lèvres légèrement pincées trahissaient à peine que, malgré la récurrence de ce regard plein de dégoût qu’on pouvait porter sur son corps, elle n’avait jamais complètement accepté cette condition. Elle se sentait monstrueuse et était désolée d’avoir à exposer sa monstruosité à ses semblables sur deux pattes.

La rousse avouait que ses compétences ne couvraient pas un spectre aussi large que le médecin aurait pu le faire. La brune lui assura que ça n’avait pas d’importance pour elle :

Je suis sûre que ça sera très bien, fit-elle en dévissant le sombrero de sa tête pour le poser précautionneusement sur la table, juste à côté.

La soigneuse ferait ce qu’elle pourrait et, si par miracle ça clamait un peu l’infection, ça laisserait un peu de temps à l’endroit pour se dégager de ses malades et de ses mourants. Elle ferait ce qu’elle pourrait, d’autant plus dans sa condition : avec stupeur, Isabella l’écouta lui confier qu’elle s’était pris deux balles, qu’elle avait été cautérisée à vif dans le désert, qu’elle avait failli perdre son bras…

La gorge serrée, la patiente ne savait pas où se mettre en la voyant se relever pour mettre de l’eau à bouillir. Est-ce qu’elle avait assez récupéré ? N’avait-elle pas besoin de davantage de repos avant d’entreprendre de porter assistance aux autres ? Pourquoi ?...

Mais Isabella savait. Si ce bout de femme était taillé dans le même bois qu’elle, elle savait. Après avoir été amputée, dès qu’elle avait pu prendre appui sur une béquille, elle avait réussi recommencer à crapahuter cahin-caha pour reprendre son travail, garder sa tête occupée et, surtout, ne pas conforter dans un statut de victime. Les drames du passé déteignaient assez sur le présent pour ne pas avoir envie de leur laisser le débattement de gâcher la vie qui, coûte que coûte, continuait.

Et, présentement, la soigneuse, suspicieuse, l’interrogeait sur l’accidence qui lui avait coûté sa jambe et sur sa présence à Crimson Town.

On m’a amputée il y a six ans. Un accident avec des voleurs de chevaux qui a mal tourné, avoua-t-elle assez sobrement.

Elle n’avait pas envie de trop s’étendre. Elle n’avait pas envie de voir de la pitié dans les yeux de celle qui la soignait. Mais elle voulait encore moins s’attirer ses soupçons ou sa défiance, alors, quand la rousse lui fit remarquer qu’elle ne l’avait jamais vue avant, elle s’empressa d’expliquer plus en détail :

Je suis arrivée à Crimson juste avant l’attaque, avec mon oncle. On venait de perdre notre affaire. On allait rejoindre un de ses amis à l’Ouest, je ne sais pas trop où. Sauf que mon oncle est mort dans l’attaque du 31 mars, et que je l’ai enterré ici et que je ne sais pas trop où aller désormais.

Les derniers mots étaient sortis vites, tous bousculés les uns par les autres, comme si elle craignait qu’on ne lui laissât pas le temps donner la justification. Mais, dès que la boiteuse eut fini, elle se sentit un peu vulnérable, d’un coup. Une petite moue déforma son museau plus par appréhension de ce qu'on penserait que par réel soucis de recevoir de la compréhension.

Pour ne parler trop d’elle, elle préféra relancer la conversation du côté de cette soigneuse aux airs guerrier qui, avec attention, l’avait écoutée :

Qui vous a fait ça ? Pourquoi ?  



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