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Gila Monster [Xander Tyree]
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Isabella Matamoros

Inscris le : 09/04/2024

Messages : 262

Feuille de personnage
Disponibilité RP: Oui
Dialogue: #ff9966
Age: 22
Métier: Cavalière au Ranch Beauchamp
Caractéristiques:
Isabella Matamoros
En galère mais débrouillarde
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Lun 15 Avr - 13:32
Rappel du premier message :


   

   
   
  • Type de RP: Flashback
       
  • Date du RP : Février 1862
       
  • Participants : Xander Tyree
       
  • Trigger warning : Meurtre, mort, attaque, sang, suicide, tentative d'agression, armes à feu ...
       
  • Résumé : Comment un sergent de la Confédération a subtilisé toutes les montures formées par une vendeuse estropiée de chevaux dans l'année.
       

   






Vol légal




Devant l’éboulement qui leur barrait le chemin vers le Sud, Isabelle ne cachait pas sa mine pensive et grave. Elle était dépitée.

Sur le chemin étroit et sinueux, un obstacle inattendu barrait abruptement la route. Un amoncellement massif de cailloux, arrachés à la montagne par le passage du temps ou à cause de quelques intempéries, bloquait le chemin avec une obstination implacable. Les pierres, de tailles variées, s’emmêlaient dans la terre et avec les débris de roches et de buissons éventré, formant un mur infranchissable qui obstruait tout passage.

Le tas de cailloux s'élevait tel un rempart naturel, défiant quiconque oserait s'aventurer à travers cette voie autrefois ouverte. Les rochers, usés par les éléments et polis par les vents décollant le sable rouge de ce pays aride, semblaient raconter l'histoire des collines et de leur longue et tumultueuse existence.

À la base de l'amoncellement, la route était éventrée, les racines des arbres déchirées par la force brute des pierres dévalant la pente. Des éclats de roche brisée jonchaient le sol, témoignant de la violence de l'impact initial qui avait créé ce monticule imposant. Autour du tas de cailloux, le silence régnait, brisé seulement par le murmure du vent dans les arbres et le doux clapotis d'un ruisseau caché en contrebas. C'était comme si la nature elle-même avait décidé de barrer le chemin, rappelant aux voyageurs la fragilité de l'homme face à la puissance indomptable des éléments.

Devant cette barrière naturelle, Isabella ne voulait pas se résigner. Avec sa monture, elle essayait de passer, d’un côté et de l’autre, sans trouver assez de place pour que le grand hongre alezan puisse poser ses pieds.

Il n'y avait pas de choix autre que de trouver un autre chemin. Rassembler les forces nécessaires pour surmonter cet obstacle imposant n’aurait servi à rien : ils étaient au milieu de nulle part et ils n’auraient rien trouvé pour les aider.  

On ne peut pas passer, Bella, il n’y a pas moyen, grommela Jack.

Isabella détestait quand on l’appelait comme ça. Mais les quelques mots du fils du fermier dont les terres jouxtaient le relais eurent le mérite de précipiter son acceptation de cette leçon humble que lui faisait les terres reliefs californiens. Une invitation à la prudence et au respect envers la force brute de la nature, qu’elle digèrerait, en attendant d’être confrontée à la violence des hommes.

Le problème était qu’elle ne connaissait pas d’autres routes. Depuis des années, c’était la seule qu’elle empruntait avec son père pour vendre les poulains de l’annéef sur le marché qu’elle connaissait. Depuis quelques mois, elle n’avait plus de père. Disparu, envolé alors qu’il était parti entrainer des animaux. Quelque chose au fond d’elle ne put s’empêcher de penser qu’il avait peut-être confronté à une difficulté similaire et elle sentit sa gorge se serrer.

En lâchant un soupir agacé, l’estropiée initia un demi-tour avec le troupeau d’une douzaine de chevaux qu’ils guidaient. Sans prendre la peine de donner les indications au fermier, elle réorganisa rapidement les animaux à coup de claquement de langue et quelques petits cris. Tous ensemble, ils amorcèrent la descente qu’ils venaient de gravir sous un soleil de plomb.

Le visage fermé, la boiteuse remettait tout en question : ses capacités à mener le cortège puisque c’était la première fois qu’elle prenait la route sans son père, mais aussi la fiabilité de son sens de l’orientation. Selon elle, pour aller plus au Sud, elle n’avait pas d’autres choix que de s’écarter de la piste pour essayer de franchir le cour d’eau qui lézardait au fond de la vallée. Elle ne s’attendait pas à ce que ce choix ne dévie autant sa trajectoire de l’objectif qu’elle cherchait à atteindre pour vite retourner aider au Sébastian qui devait gérer à lui seul le relais.

A côté, Jack bavassait. Il racontait avec des mots un rien simplet son quotidien peu trépident, se plaignant de tout, quand la cavalière avait l’impression d’avoir bien plus à faire et que l’idée de geindre n’aurait pas effleurer son esprit concentré sur le trajet. Pour ne pas paraître désagréable auprès de celui qui s’était gentiment désigné pour aider, connaissant la douloureuse passe que les Matamoros traversaient, elle ponctuait le bavardage de quelques petite interjections dénuées d’une grande considération, en gardant un œil sur les abords de la piste qu’ils empruntaient maintenant. Pourtant, taraudé par la peur de se tromper, elle finit par lui demander son avis pour se rassurer, le coupant au milieu d’une énième énumération de son quotidien :

Dis-moi, Jack, la direction de Fort Yuma, c’est bien par-là, tu crois ?
Ah oui, oui, c’est bien par là-bas, avait insisté le garçon d’une vingtaine d’année en revissant son chapeau sur son crâne blondinet.

Isabella hocha la tête, recueillant précieusement l’information avant de laisser reprendre ses déblatération.

Le seul truc qu’elle ne savait pas, c’était qu’il y avait deux Forts Yuma.

Avec l'hier, le vallon avait perdu toutes ses teintes ocres et rouge des feuillages autrefois flamboyants. Le ciel gris paraissait bas et pesant. Les températures glaçaient le sang mais le sol restait dense, gelé là où la végétation n’avait pas les ressources pour lutter. Heureusement, près de la rivière qui courrait, les équidés pouvaient serpenter entre les troncs dénudés. Les branches vides de feuilles zébraient, de rayons de lumière frêles et obliques, leurs croupes dodues quand les reliefs ne leur faisaient pas de l’ombre. Le parfum boisé de la terre mêlé à l'odeur acre des feuilles en décomposition imprégnait l'atmosphère, créant une ambiance qui apaisait un peu Isabella. Elle aimait voir les chevaux qu’elle avait passé les derniers mois à former piaffer dans l’eau et jouer, avant que les plus anciens du troupeau ne viennent les reprendre à l’ordre. Tant que la piste enclavée restait suffisamment large pour passer, elle poussa le troupeau en subissant, malgré elle, les délibérations de son assistant sur la meilleure façon de racler les fientes de poulets.

Au bout de quelques heures, la piste disparue, avalée par un pan rocheux, sur le côté. Heureusement, juste à côté, la rivière s’élargissait en un gué, qui semblait praticable à pied. Les vendeurs de chevaux ralentirent les montures, tracassés par toute cette eau qui bouillonnai, chargée de terre ocre. Non contente de masquer son fond sous une couleur brune peu engageante, la rivière avait quitté son lit et empiétait sur les berges. Au moins, la teinte diluée laissait dépasser quelques pierres et rochers pour rassurer les voyageurs sur la praticabilité du passage. D’ailleurs, ils ne seraient probablement pas les seul à l’emprunter : un marquage en corde permettait de repérer une voie recommandée.

A vu de nez, Isabella estimait que les chevaux devraient avancer avec de l’eau jusqu’au poitrail, au centre, là où le lit mineur était le plus profond ; ce qui fut très vite confirmée par un premier essai avec sa monture. La cavalière ne quitta pas des yeux les animaux à l’arrière et l’amont de lu torrent, craignant les débits charrié par les flots. Des bouts de rameaux et autres branches mortes détachées flottaient à la surface. Ils devaient tremper dans l’eau depuis le dernier hiver.

Une fois la traversée testée, elle revint pour demander à Jack de se positionner en aval et encadrer le troupeau. Les bêtes qui n’étaient pas lestées de quelques bagages hésitèrent moins que ceux qu’on avait chargé mais sous le regard attentif de leur dresseuse, tous s’étaient engagés. Tour à tour, elle les détailla, perchée sur sa monture, le pied éclaboussé par l’eau qui ricochait avec grand fracas sur le flanc des aventureux équidés. Le courant faisait tellement de raffut qu’elle n’avait pas entendu que d’autres chevaux montés de l’autre côté du gué. C’est le fermier qui lui fit un signe du menton pour l’avertir.

Sur la berge qu’ils cherchaient à gagner, elle vit des uniformes gris alignés. Tous à cheval, les mains posées sur le pommeau de leur selles, voûtés, probablement exténués. Dieu miséricordieux, des confédérés.

Isabella n’avait pas de raison de prendre la fuite. Elle n’avait pas l’énergie de déguerpir. Au fond, ils attendaient probablement que le troupeau ait traversé pour enjamber le torrent à leur tour. Il ne fallait probablement pas s'inquiéter.

De toute façon, ces gens étaient armés et elle ne voulait pas d’embrouilles, alors, elle fit signe à Jack d'enlever les mains du Remington qu'il portait, et de continuer. Elle ignorait totalement ce qui les attendrait de l’autre côté du gué.



Todos los hombres estamos hechos del mismo barro, pero no del mismo molde

Isabella Matamoros

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Mar 4 Juin - 16:39
Les ombres des hommes épaississaient la nuit. Et la présence tapie des ennemis donnait à chacun un sursis.

On ne les entendait plus. Mais personne ne se prêtait à penser qu’ils avaient lâché l’affaire et étaient partis.

Le groupe, passablement prostré, attendait ainsi l’aube et ses reflets bleuté sur le sable rouge. Les hommes s’étaient éparpillés dans leur dernier bastion en restant bien aux aguets. Ils discutaient un peu entre eux, à voix basse. C’était surtout le sergent qui naviguait d’un soldat à l’autre, avisant les blessés et expliquant ce qu’il allait se passer. Seule Isabella, dans son coin, se tenait isolée. Ses yeux se perdaient dans les flammes qu’on avait rallumées pour les aider à sécher après leur petite trempette nocturne inopinée.

Tétanisée comme une petite proie malmenée, elle essayait de repousser le sentiment d’humiliation qui la gagnait maintenant que Tyree l’avait rassurée. La peur ne l’avait pas abandonnée mais elle était un rien plus maîtrisable : les confédérés n’allaient pas simplement la livrer. Ils auraient pu. Ils ne se seraient pas mouillés. Mais, non, ils n’allaient pas la trainer devant les apaches pour être sûrs de leur en échapper. Alors elle se sentait idiote d’avoir paniqué et d’être allée à un endroit où elle n’était jamais allée. Elle récupérait en silence, le regard toujours posé sur le foyer. Il n’en décrochait que pour observer les âmes amasséesm autours.

Près de l’âtre, Davey ajustait nerveusement les vêtements de la boiteuse pour dissimuler son malaise. Il était serré dans ses frusques de la cavalière, plus fine et plus courte mais peut-être que l’illusion fonctionnerait sur un malentendu. Isabella culpabilisait de voir quelqu’un d’autre se substituer à elle pour prendre des risques qu’elle aurait probablement acceptée si elle avait laissé le sergent exposer son plan avant de hurler. Là-dessus, elle ne pouvait qu’avoir des regrets.

Avant de donner les vêtements au garçon, elle avait récupéré dans son manteau sa pipe et son tabac. Maintenant, elle fumait en continue pour calmer ses nerfs, remplissant la chambre à en bourrer la tige. Elle avait envie de s’excuser auprès du gamin tout comme elle aurait voulu s’excuser auprès du blessé qui n’a pas arrêté de pester quand le gibus a pansé ses plaies. Mais à, force de serrer les dents, c’était toute sa mâchoire qui tremblait dès qu’elle essayait de se motiver à aligner deux mots.

Des excuses, elle en devait aussi au caporal au képi jaune qui, un peu plus loin, assis en silence, serrait une montre d’argent argentée dans ses mains. Il ouvrait et refermait le couvercle de l’objet avec une régularité presque rituelle. Isabelle se doutait qu’il y avait un petit portrait à l’intérieur. C’était là aussi que Sebastian cachait une minuscule esquisse du visage de son épouse décédée. Ses lèvres murmuraient généralement des mots tendres ou des excuses en espagnol. De temps en temps, il portait la montre à ses lèvres pour l’embrasser doucement. Pour lui aussi, elle s’en voulait qu’il prenne le risque d’y passer. Même chose pour le vaquero mexicain qui, comme elle, tripotait une croix. Il tenait un crucifix avec la ferveur d'un mourant.

Chacun avait sa méthode pour appréhender l’issue de cette vilaine rencontre. Il y a ceux qui essayaient d’en rire, ceux qui priaient en repensant aux proches qu’ils voulaient retrouver. Et puis il y a ceux qui préparaient de quoi grailler.

L’odeur des morceaux de lard ne faisaient que donner la nausée à Isabella. Une nausée renforcée par la présence de celui qu’ils appelaient Burroughs, le blessé. Elle avait vu de loin mais elle avait vue assez pour comprendre que c’était bien moche et que peut-être bien que son bras ne refonctionnerait jamais.

A l’instant, il parlait avec le sergent dans une messe basse qui paraissait bien mouvementée. Isabella avait cherché du regard quelqu’un pour essayer de comprendre. Elle avait trouvé l’œil de l’homme au gibus qui s’était préparé à la bataille comme on se prépare à une fête du village. Quand le ton monta entre le sergent et le blessé, il fit signe à la californienne de ne pas insister et de laisser tomber. Ça ne devait pas être important. Ou alors, ça faisait partie de son plan. Et elle retourna tirer une longue bouffée sur sa pipe pour ne pas avoir à trop penser.

Elle ne saura pas à quoi elle a réchappé ce soir-là. Elle n’aurait pas cru de toute façon. Jamais elle n’aurait cru le fermier capable de la livrer et de la menacer : au pays, avec les autres adolescents de son âge, ils avaient passé les dernières années à se moquer et la traiter de viande avariée. Ils auraient dû s’en tenir à cela et tout se serait normalement passé.

Quand le sergent s’approcha d’elle à son tour, Isabella haussa un sourcil. Elle se tendit. A force de serrer les dents, ses molaires finiraient lisses comme l’écorce d’hêtre. Pas qu’elle fut particulièrement rancunière : elle craignait juste de le voir encore en colère, à la secouer comme un prunier.

Elle n’osait pas le regarder directement et son regard fuyait quand il s’accroupit devant elle pour se mettre à sa hauteur. Dans ses mains, elle vit le Remington du fermier. Les bras croisés, elle mit quelques secondes de trop à comprendre qu’il venait le lui remettre et non pas la menacer avec.

Il prit le temps de lui expliquer respectueusement. Il détailla pourquoi il lui confiait l’arme décrivant le châtiment qu’elle devrait endurer si les apaches arrivaient à mettre la main sur elle. Il ne lui demandait pas de se battre à leurs côtés. Il voulait juste lui donner une échappatoire dans le cas où il n’y aurait plus d’espoir.

Une balle dans la tête, sans faire d’histoire.

Dans la bouche ou sur la tempe ? demanda Isabella d’une voix blanche.

C'était quoi le mieux ? La gamine ne se l'était jamais posé la question. Une question pratique, très factuelle et directe. Pas la peine de tortiller autant : elle avait besoin d’une réponse pour se préparer. Et, en bon petit soldat qui avait retrouvé ses nerfs, elle ferait exactement ce qu’on lui dirait. En désobéissant à cet homme qui lui semblait sensé et raisonnable, elle avait trop à perdre et rien à gagner.

Inexpérimentée, elle prit le fusil par la crosse. Elle tira la culasse et vérifia que l’arme était chargée, s’assura qu’elle savait enlever la sécurité et trouver la détente du bout des doigts. Ses gestes étaient peu assurés et la taille de ses mains minuscules à côté de celles pour lesquels l’instrument avait été créé mais elle saurait se débrouiller.

Le sergent lui tendit ensuite un papier plié en quatre. « Au cas où il ne revenait pas », qu’il disait. Elle l’ouvrit sans comprendre. Elle essaya de le lire laborieusement dans sa tête et elle s’arrêta dès qu’elle lut « bon de réquisition » et « indemnisation » pour que ça ne prenne pas la nuit entière étant donné son piètre niveau scolaire.

Pourquoi vous faites ça, Alexander ? finit par murmurer Isabella avant de relever : Vous ne me devez rien...

Elle l’avait appelé par son prénom parce que ce n’était pas le gradé qu’elle invoquait, mais bien l’individu qui se cachait derrière les gallons. Elle voulait comprendre ce qui le motivait à agir de cette façon.

La boiteuse déglutit, incapable de le regarder dans les yeux, en fixant les mains du chef des confédérés avec humilité. Elle aurait préféré qu’il en revienne parce que, dans le peloton de dégénérés, il était le seul à avoir un peu sa confiance. Lui et l’homme au gibus, même si la veille, il avait bien rousté le fermier maintenant décédé. Dommage que ce soit les deux désignés pour accompagner le jeune Davey.

Il n’y a rien que je puisse faire pour aider un peu ? proposa-t-elle, pleine de bonne volonté comme si elle s’était adressée machinalement à un client du poste à chevaux. Avec les chevaux ou … ?

Ou avec quoi que ce soit à sa portée ?

Dans son travail comme ailleurs, l’éclopée détestait l’idée d’être mise sur le côté et spectatrice sans pouvoir aider. Certes, elle ne maîtrisait pas grand-chose à la situation, mais si elle pouvait aider qu’importe la manière, elle n’hésiterait nullement. Une petite pierre à l’édifice qui aurait pu faire la différence.

Quand elle ne se sentait pas trahie et livrée à l’ennemi, Isabella pouvait faire du bon travail. Élevée par un ancien militaire, elle pouvait, d’ordinaire, mieux tenir la pression que ce qu’elle avait pu montrer. Pas sûr que le sergent l’aurait cru juste parce que ses yeux, éclairés par les braises rougeoyantes de sa pipe, reluisaient de sa bonne volonté.

Bientôt, l’aube serait là. Et, avec elle, la cavalière en était certaine, le cauchemar reprendrait.



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Xander Tyree

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Mer 12 Juin - 22:05
« - Dans la bouche ou sur la tempe ? »

Il plonge au sein des yeux noirs tristes et résolus.
La question le surprend autant qu'elle le trouble. Tellement directe, tellement déstabilisante, tellement résignée...

Il hésite, indécis. Ce n'est pas qu'il ne sait pas comment  y répondre, seulement il ne se voit pas expliquer à une gamine qui doit avoir quoi ?, la moitié de son âge, comment elle va devoir procéder pour mettre fin à ses jours. Une gosse qui aurait dû, qui aurait pu avoir toute la vie devant elle si elle n'avait pas eu la malchance de s'égarer et de croiser quelques-unes des hordes de prédateurs qui hantent ce désert... Elle et son troupeau...

Il fourrage dans ses cheveux, frotte ses joues piquantes d'une barbe de deux jours, irrésolu, puis décide qu'il lui est préférable d'éluder la question, pour l'instant, tandis qu'elle manipule l'arme.
Les gestes sont maladroits et peu assurés, mais au moins elle semble connaître les bases de fonctionnement.
Elle pointe le revolver dans une direction sure vers le ciel, le chien à demi-armé placé en position de sécurité. Déverrouille et abaisse le refouloir, puis fait pivoter le cylindre du barillet afin de contrôler que chaque chambre est correctement chargée et graissée, et les amorces bien en place.
Un mince sourire s'étire sur le visage fatigué du soldat lorsqu'elle s'assure que son petit index peut atteindre la détente. Le Remington parait énorme dans le petit poing. Pour ce petit gabarit, un Derringer serait certainement plus pratique, mais il n'en dispose pas.

Le parfum odorant et marquée du tabac les enveloppe. Il se surprend à tenter d'identifier l'origine de la flagrance. Un souvenir de jeunesse. Une nuance de tabac de Virginie à moins que ce ne soit un périque de Louisiane.

Elle déchiffrer laborieusement les syllabes du papier, le front plissé sous la concentration. Un souci ?


« - Pourquoi vous faites ça, Alexander ? Vous ne me devez rien... »

« - Xander ! On m’appelle plus souvent Xander, c'est ma...ma sœur aînée qui m'a nommé ainsi. Il n'y a que le pasteur au Temple quand j'étais enfant, ou à l'armée qu'on m’appelle Alexander... » souffle t-il.


Pourquoi je fais ça ?

« - Ne croyez pas que c'est parce que je suis en quête de rédemption. Non ! Je le fais parce qu... »

Il laisse un silence s'installer.

Qu'est ce qui me motive en fait ? Pourquoi je fais cela ?
Je ne sais pas. Pas du tout
L'éducation que mon vieux m'a inculqué à coup de ceinturon... Ce que m'a enseigné dans son bordel,  mon patron et ami : que l'on doit toujours protéger les filles quoi qu'il en coûte... Parce que le dois à celles, vivantes ou mortes, qui m'ont aidé, protégé, soutenu autrefois... qui se sont sacrifiées parfois comme Tammy, appréhendée parce qu' identifiée comme ma compagne attitrée, et qui a dû suivre les policiers venus m'arrêter pour interrogatoire. J'ai su qu'elle était revenu plus tard, rouge, en larmes et échevelée. Elle n'avait pas parlé...
Parce que je le dois à Tiitiia qui je dois et ma jambe et ma vie et qui a su m'aimer...
Elles apprécieraient certainement de me voir vous rendre la pareille...
Parce que j'ai une part de responsabilité dans les actes qu'on commet...  Parce que je peux par moment être en pleine confusion... Parce que je peux décider de choisir un camp ou parce que j'ai le droit de décider de ne pas choisir un camp... Parce que je pouvais décider de ne pas faire un choix... Parce que j'aurai pu faire le choix de ne rien décider...
Parce que j'ai décidé de conserver le respect que je me dois à moi-même...

Il frôle la joue satinée, saisit une mèche de cheveux noirs qui oscille le long de la pommette, le fait rouler entre ses doigts, songeur, passe la boucle rebelle derrière l'oreille de la jeune fille...


Il se redresse : « - Je le fais parce qu'il faut bien que quelqu'un le fasse... »

« - Il n’y a rien que je puisse faire pour aider un peu ?  …Avec les chevaux ou … ?

« - Oui. Vous, vous avez la main avec les chevaux. Vous savez les mener... Ils sont nerveux, parce qu'ils ressentent d'instinct notre nervosité et notre stress. » Il lève les yeux quelques secondes au ciel. « - Nous devons encore patienter un peu avant de passer à l'action.  S'ils ne sont ni sereins ni concentrés, j'ai peur que les circonstances ne les conduisent à plus d'inquiétude, d'excitation et à des réactions incontrôlables. J'ai besoin qu'ils soient tous calmes pour l'instant, pas sous pression. Aidez-nous à les tranquilliser. »
Il désigne les restes de sa chemise déchirée, polluant le sol : « - Autrement, vous pouvez toujours nous aider à faire de la charpie, on va certainement en avoir besoin dans pas longtemps... »

Xander baisse la tête un instant. Cherche ses mots : « - Señorita Matamoros ... cette guerre, ni moi ni vous ne l'avons choisi, elle nous est imposée. » Ses yeux errent sur la muraille derrière elle. « - Si vous obtenez le bon de réquisition, je ne suis pas sur que la garnison ait les fonds pour vous payer. Au dernière nouvelle, le trésorier-payeur était encore à Mesilla... alors gardez les papiers... peut-être que les yankees accepteront de vous rembourser au titre des dommages de guerre. »

D'un geste du menton, il indiquent le grand rouquin, puis Burroughs par dessus son épaule : « Merrill et le blessé, ne leur faites jamais confiance. Ce sont deux salopards. Ce n'est pas parce qu'il vont aider à vous sortir de cette merde qu'il vous veulent forcément du bien. Si vous avez besoin de sécurité, réfugiez vous près du caporal ou de Gibus, les autres vous protégeront aussi, même le gros... »

Il balance un second coup d’œil par dessus son épaule vers le blessé : « S'il est inconscient, la première balle pour lui !»

Même si le soldat blessé est un fumier, il ne peut se résigner à le laisser tomber vivant entre les pattes de leurs adversaires.

Il se lève, l'examine quelques instants, puis observe le ciel d'un bleu roi intense.
C'est l'heure entre chien et loup.
Les roches au relief tourmenté qui les environnent, semblent exister depuis la nuit des temps, indifférentes au drame à venir. La voie lactée mouchette encore le firmament d’un bleu sombre profond qui s’étire à l’infini. Progressivement, les étoiles semblent disparaître. Une lumière cendrée révèle des ombres qui se dessinent lentement.
A l'horizon, mais là où ils se trouvent, ils ne peuvent le voir, doit apparaître un mince dégradé de couleurs allant du rose à l’orange. Le moment où les premières lueurs du Soleil se manifestent.
Les contours des objets vont se faire de plus en plus nets, les silhouettes se découper sur le ciel bleu et l’horizon s'éclaircir de teintures presque chaudes.
Une belle journée d'hiver en perspective.

De nouveau ils plongent le regard dans les yeux tristes et résignés :


« - Dans la bouche, et vers le haut ! »

Au-dessus de la cuvette rocheuse, le ciel prend des teintes qui se précisent de plus en plus et vont des tons rosés ou violets vers les couleurs de plus en plus chaudes, orangées et jaune doré, à mesure que le globe solaire croît à l’horizon.

Isabella Matamoros

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Ven 14 Juin - 14:36
Xander. Il fallait l’appeler Xander. Alors, de grâce, qu’il arrête avec ses « Señorita Matamoros », s’il voulait qu’elle l’appelle comme ça, pensa-t-elle… Mais elle ne releva pas, ne voulant pas le couper pendant qu’il semblait tâtonner avec la réponse qu’il avait à formuler. Pour se donner du temps, il rangea une mèche échappée de son chignon et la petite mexicaine ne se sentait pas suffisamment en danger avec lui pour reculer.

Après la douche froide, la chaleur qui émanaient des mains calleuses et abîmées du sergent ne fit que mieux l’ancrer dans cet instant qui avait la saveur des cauchemars. D’un moment à l’autre, il pouvait y avoir les apaches et la mort. Si elle avait perdu ses moyens quelques minutes plus tôt à cette idée, cette information devait être intégrée par la vendeuse de chevaux, maintenant. Un peu comme la première piqûre de mouche fait sursauter un cheval avant qu’il ne finisse par placidement fouailler de la queue, une fois le nuage d’insectes ameuté autour. Isabella comme le reste de la compagnie se trouvaient exactement dans cette bulle d’appréhensions qui n’arrivaient plus à les atteindre vivement.

L’homme au galure blanc avoua juste qu’il lui apportait cette aide parce que c’était à faire. Point. Pas de grande palabre. Elle avait bien compris que ça ne lui ressemblait pas.

Une réponse vague, qui, dans l’état où elle était, étrangement, lui convenait. Il s’était quand même appliqué à insister pour qu’elle ne se mette pas dans la tête qu’il s’agissait d’une rédemption. Une précision inutile et futile : Isabella savait que le sergent n’avait pas les épaules pour ce type de rémission.

Elle le soupçonnait d’être du genre à avancer sans jamais trop regarder en arrière. Parce que, au fond, ça aurait été un peu comme reculer. Elle comprenait.

Pour le reste, les indications du cavalier étaient claires.

De un, elle aiderait pour gérer les chevaux et, ça, c’était dans des ses cordes. Appréhender les vives réactions. Garder leur attention. Eviter qu’ils ne se dispersent et mettent en péril son plan. Reçu : elle ferait attention.

De deux, préparer des bandelettes de vêtements. Il ne fallait pas être un grand érudit pour comprendre que les morceaux serviraient rapidement de bandage ou de garrot. A cet effet, elle penserait d’ailleurs à récupérer sur des selles et dans les structures de bâts des sanglons, bien plus efficaces pour cet exercice. Reçu : elle préparerait le carnage à sa petite échelle comme elle le pourrait.

De trois, à Merrill et Burroughs, les deux enfoirés de la bande, elle ne devait pas faire confiance. Si elle devait se tourner vers quelqu’un, ce serait le caporal, le gros ou celui qu’il appelait Gibus. Reçu : si elle le pouvait, elle ferait en sorte de se trouver parmi les bons coéquipiers et d’éviter les fumiers.

De quatre, si le blessé venait à perdre connaissance, il lui confiait le soin de le terminer. Même si elle eut un haut le cœur, elle se convaincu que, pour elle, ça ne serait pas différent que de tuer un lièvre pour le manger ou mettre une balle dans le chanfrein d’un de ses protégé trop malade ou esquinté pour être sauvé. Reçu : elle ne laisserait pas un homme inutilement agoniser.

De cinq, le remington, dans la bouche sur le palais avant d’appuyer. Reçu : elle tâcherait de ne pas se tromper.

Pour le bon de réquisition, se faire rembourser et tout ça… Il fallait déjà sortir de là. Et c’était loin d’être gagné.

Elle hocha la tête, faisant s’incliner le chapeau de paille de Davey.

Oui, sergent Tyree, acquiesça-t-elle sobrement, comme si elle s’était adressée à son militaire de père.

Elle rangea le courrier dans la poche intérieure de son veston. Elle ne dit rien d’autre parce qu’il n’y avait rien de plus à dire. Il lui avait donné toutes les consignes qu’il pouvait pour survivre et elle devait maintenant les appliquer. C’était comme au relais à chevaux, il n’y avait pas de secrets : si elle suivait les consignes, ça devrait bien se passer. En tout cas, elle essayait de s’y raccrocher pour ne pas partir en vrille et continuer d’espérer s’en sortir.

Même si la porte de sortie sortait du bout d’un fusil fatigué.

Et Isabella suivit les ordres comme un pantin à l’esprit creux. Restant avec le troupeau, elle trouva les sanglons, morceau de croupières ou de collier de chasse qui pouvaient servir de garrot. Et elle débita en grandes lanière la chemise de Xander mais aussi quelques morceaux de vêtements qu’elle trouva dans les bagages accessibles pendant que l’aube rampait et tardait à venir.

Pour le moment, une lumière blafarde et hésitante suintait entre les montagnes lointaines comme une promesse à peine ébauchée. Le monde émergeait des ténèbres avec une lenteur torturante. Chaque contour s’affublait, d’abord, d’une ombre menaçante avant que la réalité cruelle et impitoyable ne se dessinât au complet. Entre chien et loup, le silence se montrait toujours plus oppressant. Un silence de cimetière à ciel ouvert en devenir, chargé de l’angoisse d’un jour encore suspendu aux limbes de la nuit.

Sur le sable glacé par la nuit, quelques buissons de créosote et de cactus saguaro s’extirpaient de plus en plus. On ne les voyait pas, à peine quelques minutes plus tôt. Ils avaient des allures de spectres figés dans une attente infinie. Les premières lueurs peignaient le paysage de ton funestes. Ils effleuraient les crêtes des sommets pour mieux réveiller la texture écorchée des rochers. Le vent du matin, aussi froid qu’un cadavre, portait avec lui l’odeur métallique de la pierre qui ne porterait pas d’épitaphe.

Au loin, la boiteuse vit un coyote solitaire tracer son chemin, sa silhouette efflanquée et spectrale se mouvaient comme un présage sinistre de la lumière naissant. A peine eut-elle posé le regard sur lui qu’il s’arrêta un instant, les oreilles dressées, captant la tergiversation des hommes agglutinés depuis des heures derrière le même bastion. Puis, inquiet pour lui plus que pour eux, il disparut à nouveau dans les plis des ombres alanguies de l’arroyos en contrebas.

Enfin, le globe solaire s’étira enfin douloureusement, avec une lenteur insupportable, pour répandre sa lumière grise dans le désert.

Avec lui, Isabella le savait, l’offensive serait périlleusement lancée. Même si elle comptait rester en retrait, elle tiendrait son poste comme on lui avait demandé.



Todos los hombres estamos hechos del mismo barro, pero no del mismo molde

Xander Tyree

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Sam 15 Juin - 0:57
Elle avait de l’allure cette môme, malgré son handicap.
Du cran aussi, un vrai petit soldat, même s'il est transparent qu'elle crève de frousse à l'intérieur.

Il l'a bien jugé : elle a vite su gérer avec compétence, l'ensemble du troupeau, mélange de ses propres bêtes et des montures des soldats.
La voix féminine tance les chevaux trop excités, encourage ceux trop anxieux ou trop contractés en détournant leur attention de ce qui les perturbent par des caresses sur le chanfrein, le garrot ou l'encolure, par des paroles douces et une respiration profonde et régulière.
Elle calme ceux qui ont du mal à rester immobiles, fait rentrer dans le rang les plus indociles. Elle n'a même pas hésité à modifier l'ordonnance du cortège en plaçant les leaders en périphérie.
Elle efface leur stress comme la poussière se soulève sous un plumeau.

Débrouillarde. Elle avait vite été pêcher dans les fontes et les bagages tout ce qui pourrait servir à soigner les blessures, avant de transformer les toiles usées en bandes de tissus coupées et roulées par morceaux, et qui serviront à panser les plaies.

Les plaies, s'il y en a. Et Xander escompte bien qu'il n'y en aura pas...



***

Il caresse doucement l'encolure de Tobey.
Xander et Gibus sont tous deux en selle, tête nue, les rênes posées sur le pommeau, au milieu du troupeau.
Le gamin devant eux, les épaules en arrière, le buste droit, monté sur l'alezan se tient rigide sur sa selle, le teint crayeux.
Xander pose une main amicale sur l'épaule du jeune cavalier :

« - Le courage, c'est de rester en selle et d'y aller, même mort de trouille. »
« - C’est pas d’aller là-bas qui me fout la trouille, sergent. C’est plutôt d’y rester. »

« - Qu'est-ce qui va se passer ? » chuchote le rondouillard. Il soulève sa casquette, éponge son front avec son foulard. La sueur imprègne ses vêtements et nombreux sont ceux dont les tuniques s’agrémentent de taches sombres. La sueur aveugle, et les fronts irrités les démangent cruellement à force d’être essuyés par des mains sales et moites ou des manches rugueuses.

« - Je ne sais pas ! Je ne lis pas l'avenir sans marc de café... »

Les gouttes intermittentes de sueur se pourchassent, glacées, le long de son dos. La peur.
La peur, cette maladie qui ronge l'âme de celui qui l'éprouve. Il dévisage à tour de rôle chacun de ses hommes. Ses hommes qu'il va peut-être faire tuer.
Pour se donner une contenance, il vérifie une nouvelle fois les sangles et les sacoches de sa selle, puis ses armes, le colt, le shotgun dans sa fonte, le lourd mousqueton qui se balance au bout du baudrier... Puis il rappelle les consignes :


« - Rappelez-vous : les Apaches n’attaquent pas par ici pour défendre leur territoire mais pour
piller. Évitez de les sous-estimer, ils vont réagir très vite. Ils ne se battront que s'ils ont la certitude de gagner. Dans le cas contraire, ils vont détaler sans honte. Ils ne résisteront et ne combattront à outrance que s'ils se sentent acculés, donc laisser les filer et ne les poursuivez pas... »


Il s’essuie les lèvres d’un revers de main, sa sueur a un goût de sel :

« - Davey, c'est toi qui ouvre le bal. Tu tires, tu te laisses aussitôt tomber au sol et tu te planques au milieu des jambes des chevaux. Ne reste pas en selle surtout. Gibus et moi, on joue notre partition ensuite en deuxième salve. Le reste de l'orchestre, au premier coup de feu, vous sortez. Courrez au ras du sol, inutile de leur offrir des cibles faciles... Bougez sans cesse, faites les danser, mais couvrez-vous les uns les autres... »

Il s'attend à un combat bref mais intense.

« - Nous aurons trois alliés, la surprise, le lever du soleil et notre propre hargne... »


***

L'astre du jour émerge.
La sphère ardente et pourpre semble ramper tout d'abord par dessus la crête des collines et des rocailles, dans une splendeur palpitante de teintes oranges et rouges, qui s'allume au-dessus de la terre désolée. Elle s'élève dans la pureté d'un ciel que ne voilent ni brume, ni nuages.
A l’œil nu, son mouvement parait si rapide que l'on s'imagine voir marcher ce globe.
Puis, à mesure qu'il monte, la couleur de sang dont il est teint s'évanouit, pour faire place, petit à petit, à une douce lumière tenant le milieu entre l'argent et l'or. Alors seulement, l'immense panorama du désert s'illumine, magnifié par la lumière blanche étincelante du soleil.

Les soldats ne peuvent encore le voir, toujours plongés dans la semi-obscurité du canyon orienté plein ouest. C'est le moment que Xander attend, le moment ou le halo diurne de lumière blanche va éblouir tout ceux qui regardent en direction de la saillie rougeâtre de l'énorme monolithe. Celui-ci va dessiner la falaise abrupte en une masse noire pour ceux qui la guettent.


« Agustin ! »

Le vaquero expectore un long jet de salive charbonneuse. C'est le dernier. Il a épuisé sa réserve. Il hurle, les mains en porte-voix :

« ¡APACHES! ¡TE ENVIAMOS LOS CABALLOS! ¡TE ENVIAMOS A LA MUJER! »
Traduction:

Puis à voix basse, à peine audible, en esquissant un rapide signe de croix : « Santísima Virgen María Inmaculada, madre de Dios, protégenos a nosotros, pobres pecadores. »


***

L'astre, les apaches l'ont de face, et ne doivent qu'avec peine distinguer les créatures fantomatiques qui se sont mises lentement en branle. Dominées par la minuscule silhouette du cavalier solitaire, elles surgissent par petits groupes compacts du goulet dissimulé dans l'ombre des énormes blocs de grès.

L'ombre allongée de l'affleurement rocheux se projette à l'infini. Si son plan marche, l'immense boule éblouissante qui pointe en l'enveloppant, va gêner leurs vues en les empêchant de distinguer trop de détails révélateurs.



JET DE DES "CHANCE" - ECHEC (18) – Trop nombreux


Les sabots soulèvent de petits tourbillons chauds de vent et de particules d'une poussière fine, rouge, ocre et cuivre, aide précieuse qui le dissimule.
La face déjà enduite d'une couche cendreuse, il est ballotté par le mouvement de sa monture. Le ventre rebondi du canasson voisin, attaché serré à ses voisins, vient fréquemment heurter son dos. Agrippée au pommeau, sa main s’ankylose déjà. Suspendu au flanc de Tobey, il ne distingue quasiment rien malgré ses yeux grands ouverts. Juste un coin de ciel azur, le dos minuscule du jeunot loin devant, l'écharpe cramoisie sous le sombrero noir, le cul et les queues des chevaux qui bougent en cadence, et la rocaille du sol desséché et crevassé qui poudroie. Les chevaux avancent au pas d'une allure lente et régulière.

Quelques acacias poudrés de poussière jaunâtre et des eucalyptus malingres ponctuent son champ de vision.

Un picotement désagréable lui parcourt la colonne vertébrale.
Cela fait plus d'une minute qu'ils progressent au sein du maquis de buissons, de cardons, de yuccas et de broussailles et les coyoteros ne sont toujours pas manifestés. Ils sont largement hors de portée de tir.
Et le cortège est sur le point d'atteindre l'arroyo asséché, bordé d'une haie de paloverde et d'ocotillo.
Cela commence à ne pas sentir bon.

Soudain les bêtes marquent le bas, le troupeau se ramasse.
Ceux qui arrivent derrière pressent, continuent à avancer. Les chevaux se déploient sur les flancs. Ceux de devant s'écartent de leurs voisins.

Entre deux robes bai, il aperçoit une silhouette brune et trapue, vêtue d'un gilet d'un bleu sale. Les jambes nues trottent vers eux. Les cheveux d’un noir mat, mal peignés, enserré dans un bandeau bariolé, retombent sur les épaules en soies épaisses.
Le large visage cuivré et ridé est barré d'une bande de peinture blanche.
Un rire lubrique et silencieux déchire la bouche...

Le fauve humain hésite subitement, ralentit puis tente de reculer.
BANG ! L'apache boule en arrière, arraché du sol, les bottes de peaux pointées vers l'azur. Le pagne blanc sale flotte comme un étendard, s'enroule sur lui-même...
Davey se coule au sol, se recroqueville sous les sabots, le chapeau roule au milieu des jambes des chevaux qui s’agitent et tirent sur les longes.

D'un coup de rein, Xander se remet en selle, le mousqueton en main. Cherche du regard une cible, l'évalue et tire au jugé sur le corps brunâtre, demi nu, tacheté de terre, qui vient d’apparaître sur la droite et s'est pétrifiée au milieu des épineux.
La silhouette bronzée pirouette, bras en croix, les jambes s’emmêlent dans une danse grotesque, un jet écarlate bariole l'espace, l'arc et la flèche voltige au milieu du chaparral.

Ça tiraille de partout. A gauche. Derrière. Et ça hurle. Des hurlements de bête sauvage...

Xander roule au sol, son canon scié au poing. Se réfugie à l'abri de l'épaule d'un roussin.
Tire à bout portant sur le vieux en gilet bleu et boutons dorés qui se relève en vacillant. L'expédie ramper dans la pierraille. Le corps se convulse quelques secondes, sanglant et désarticulé...
Un regard sous l'encolure. L'air empeste la poudre noire. Le soufre brûlé irrite les muqueuses, répand son odeur caractéristique d’œuf pourri.
Sa main fébrile remplace la cartouche usagée. Des formes indistinctes giclent de buissons en broussailles ou se glissent entre les herbes hautes, les yuccas, les agaves.
Il s'est complètement planté dans son calcul, et ils vont le payer cher...

Les crins d'une queue lui fouette le visage, lorsqu'il s'élance en direction d'un bosquet de cactus cierges. Le mousqueton lui bat les reins. Les épines s’incrustent sans pitié dans sa peau.
Un gros imbécile de scarabée volette lourdement contre lui.
Il se passe le dos de la main sur le menton, s'étale une longue traînée de suie noire sur le visage.

Il interroge du regard la ligne de l'amoncellement rocheux. Là-bas, la silhouette ténue du tejano rampe sur les fesses, les talons plantés dans le sable, un bras ensanglanté. La main gauche pointe alternativement le colt dans toutes les directions à la recherche d'une cible...

Il n’aperçoit personne d'autre.

Le troupeau se disloque. Les canassons assujettis les uns aux autres tournoient comme un seul corps, s'entassent, piétinent, se serrent flanc contre flanc. Les entraves qui les maintiennent calment avec peine les velléités de certains de partir au galop. Un brouillard de poussière impalpable stagne dans l'éther. Le timbre caractéristique du fusil de Gibus tonne, hors de vue.

Il pense entendre un frottement. Ses nerfs se tendent. Les herbes frémissent sur sa gauche. Il lève son shotgun, arme les chiens.

Brandissant une arme comme une massue, l'apache d’une taille gigantesque jaillit du fourré d'arbrisseaux sur sa droite, les jambes épaisses zébrées de cicatrices. Xander pivote, presse sur la détente, mais seul un déclic se fait entendre. Fichues cartouches foireuses ! La fraction de seconde perdue suffit pour que le ciel s’abatte sur sa tête.

La grande forme sombre fond sur lui et écarte d'un geste le canon scié. Le choc frontal, du monstre lancé à pleine vitesse, inévitable, l'expédie en arrière au milieu des jambes des chevaux. Les articulations de son corps craquent sous la violence de l’impact. Les équidés apeurés, ronflent d'inquiétude, s'esquivent. Reculent, se cabrent. Ils sentent l'odeur du sang. Un sabot ferré frôle sa tête...

Il lève le fusil devant son visage en un geste dérisoire de protection. Le tomahawk s'abat dans une gerbe d'étincelles.
Il serait insensé de lutter pour résister, ce serait sa perte. Il laisse son arme partir et tente de saisir le colt. Reçois simultanément un violent coup à l’estomac, puis un second à la tempe et bascule sur le dos. L'apache s'abat sur lui, la main large comme un battoir agrippe son cou. La masse pesante, énorme, l'écrabouille de tout son poids. Il ne peut saisir son couteau.

L'apache, ça doit être le gros de la troupe. Il a un gros avantage sur lui. En outre, il est rapide comme l’éclair. Pourquoi les grands costauds sont-ils toujours pour lui ?

Figure large barbouillée de couleurs criardes, nez aplati, pommettes saillantes, les yeux légèrement obliques, haineux, le sauvage grince des dents et essaye de lui fendre le crâne à coup de hache. Xander lutte furieusement pour se dégager, crispe les mâchoires comme un chien enragé. Le mousqueton, bloqué sous lui, lui broie les reins. Le fer ripe sur une pierre.

Il n'est pas hors de combat. La peur de la mort lui donne une force surhumaine. Il saisit les mèches de cheveux pouilleuses, l’attire brutalement à lui et cogne de la tête. Du nez éclaté de l'indien, le sang ruisselle sur son visage. Xander crache. L'indien, les yeux dilatés, découvre ses dents dans un rictus meurtrier. Sa bouche est empourprée du sang de ses dents brisées, un filet de bave ensanglanté pendille mollement.
Le corps bruni, noueux, échauffé, suant, exhale une pénétrante odeur piquante. Les deux hommes s’empoignent en poussant des grognements sauvages et roulent au sol, enlacés comme un nœud de serpents.

Tyree empoigne le manche du tomahawk d'une main, plante deux doigts dans les yeux dilatés, pousse de toutes ses forces. L'apache rugit. Xander riposte d'un crochet, tape à coups redoublés puis tente d'incruster ses doigts crochus dans la chair du cou de taureau, sa prise glisse sur la peau moite. L'apache demi-nu, les muscles bandés, pèse de tout le poids de son corps musculeux, rapproche insensiblement la lame tranchante du visage.

Xander se bat pour sa vie. Il rue. Frappe à coups de genou dans l’entrejambe. L'autre ne réagit même pas à ses coups dans les parties. Ce saligaud doit avoir des couilles en granit. La poigne de fer de l'indien lui enserre la gorge. Écrase le larynx. Il suffoque, cherche l'air avec avidité. Sa vision se trouble, un voile rouge s'étend devant ses yeux, pupilles écarquillées.
Le tranchant affûté s'y reflète.

Xander émet un long bruit gargouillant sous la douleur et son corps se tend comme un arc dans un horrible sursaut, enveloppé par la détonation.

La pression se relâche d'un coup. Un corps lourd bascule à côté de lui. S'effiloche dans une fuite éperdue. Des gouttes vermeilles s'éparpillent, constellent le sable. Comme un poisson hors de l'eau, Xander happe à grands coups la goulée d'air, douloureuse dans sa gorge meurtrie. Dans un brouillard de larmes, scié de douleur, il discerne la silhouette cuivrée de la brute sanguinolente bondir sur un alezan...

Un cheval à la robe isabelle effrayé s'interpose, masque le fuyard à sa vue...

Alors seulement il entend le silence qui s'épaissit, à peine entamé par le renâclement sonore, éraillé et sporadique des chevaux...

***


JET DE DES "CHANCE" - ECHEC (18) – Pertes et blessures



« - Je suis désolé, Sergent. »
« - C'est rien, Davey, tu me l'a déjà dit ! »
« - J'ai essayé de viser entre les pattes des canassons. Z'arrêtaient pas de bouger. J'voulais pas vous toucher... » insiste le jeune soldat, le fusil de chasse posé sur l'épaule.
« - Tu m'as sauvé la vie, Davey. C'est bon j'ai dit. »

Il claudique avec peine sur la sente sableuse en pente douce, bordées d'herbes jaunes brèves, brûlées par le soleil. Un filet de sang visqueux suinte d'une de ses narines, et son visage est encrassé de sang séché, de mouchetures de poudre noire et de sable mêlés. Trois grenailles du nuage de chevrotines l'ont touché. Une est toujours logé dans la hanche, les autres lui ont labouré le flanc avant de se perdre dans la nature, et il doit avoir au moins une côte fêlée.
Des tâches écarlates maculent ses vêtements et il essuie machinalement les griffures qui ornent son cou. Il doit être affreux à voir. Tout son corps n'est qu'une plaie, et il imagine très bien les ecchymoses et les bleus bigarrer sa peau là où l'apache a cogné.
De l'apache, il sent encore l'haleine fétide sur son visage, il hume encore l'odeur de sueur rance. Le faciès de dément, les yeux fous et les dents de fauve surgissent chaque fois qu'il clos les yeux.

Gibus est indemne, agenouillé près du corps allongé de son beau quarter-horse au pelage noir et aux balzanes blanches. Sa chevelure noire volette sous un vent léger. Sur la cuisse repose le canon du revolver serré dans une main aux articulations blanchies. De grosses larmes roulent sur les joues, se perdent entre les favoris et la moustache. Il pleure la perte d'un bon compagnon. La robe couleur de nuit luit de sueur. Les côtes se soulèvent péniblement. Un sabot tressaille spasmodiquement. L'animal a deux flèches profondément enfoncées dans l'encolure. Les naseaux dilatés soufflent des mucosités ensanglantées. La respiration est rauque, irrégulière...

Un peu plus loin derrière, la tache rose délavée d'une chemise de calico s'accroche dans les branchages épineux d'un algarobillo...

Les ombres tournoyantes des vautours qui exploitent les rares courants d’air ascendant, éraflent le sol. Leurs cous déplumés s’agitent devant leurs grandes ailes déployées. Les charognards se sont multipliés, attirés par le festin qui s'annoncent et quelques effrontés ornent les branches des arbres à bois de fer ou les candélabres des cactus saguaros.

Un coup sec claque !

Le képi gris est appuyé contre la muraille, la tête contre le mur, le regard las. Son gros ventre bouge calmement au gré de sa respiration. Weber maintient contre son visage un tissu poisseux, rougi de matière coagulée. Le sang a coulé le long du cou, barbouillé le col et les épaules. Une large entaille taillade sa joue. Celle-ci est tellement déchirée qu’on aperçoit ses dents comme sur une tête de mort.

Le fusil pointé et les yeux vifs restent ancrés sur l'apache prisonnier, vêtu d'un pagne, d'un pantalon de daim et de grandes bottes de peau à la forte semelle remontée en pointe large et recourbée.
Un gamin de treize ou quatorze ans assis en tailleur, masque impassible, regard de travers à l'éclat vitré et yeux brillants de haine. Son bras cassé forme un angle bizarre.


« - Merrill est mort ! »

Xander se raidit, le cœur au bord des lèvres.
Le rondouillard, crachouille un caillot sanglant, désigne une forme poussiéreuse allongée contre la paroi.
« - Je l'a tiré jusque là. J'ai buté la crevure qui lui a fait ça. »

Xander sort de sa torpeur en découvrant le grand rouquin dégingandé à demi allongé sur le ventre, les longs bras dissimulés par sa masse. La trait est fiché de travers entre les côtes. Seul les rayures de l'empennage sont visibles. Les poumons percés.
Mauvaise façon de mourir. Une blessure qui fait beaucoup souffrir et mourir lentement. Une mauvaise façon d'être frappé. On agonise en étouffant lentement et en cherchant à aspirer un air qui ne cesse de s'évader par la plaie ouverte. Le rouquin, les yeux vitreux, la face piquetée de sable, a encore la bouche béant dans un dernier réflexe. Du crâne entaillé pendouille la chevelure rousse dont il était si fier, à demi-scalpée.


«  - C'est le morveux qui m'a tailladé. Il m'a sauté à la gorge comme un loup. J'arrivais pas à m'en défaire... »
Weber l'interroge de l'œil. La question est muette, mais le coup d’œil lancé vers le natif est sans équivoque. Xander secoue la tête. Il est las de cette tuerie. Il n'a ni envie d'une mise à mort ni celle de se risquer à garder auprès d'eux cette bête féroce, qu'il faudra surveiller nuit et jour, avec un effectif réduit épuisé et autant de blessés.
« Laisse le filer ! » Les yeux sous la visière vacillent, soulagés. Il est cuistot pas boucher.
Puis le sergent intime à l'indien :  « ¡lárgate! »
Traduction:
Avec un peu de chance, peut-être que celui-là se souviendra qu'un jour on l'a épargné.

Un claquement de langue méprisant lui répond. Le regard venimeux qui lui est renvoyé est d'une férocité hardie et indomptable. Les supplices que les apaches infligent, ils savent les supporter, ils en tirent gloire. Et ils ne trouvent pas mauvais qu’on les leur fasse subir, si par malheur ils se sont laissé prendre. Celui-ci se sent offensé qu'on le ménage.
Xander sent deux yeux rancuniers plantés dans son dos. Qui l'incitent pendant un instant à revenir sur sa décision.

Le vieux vaquero, le sombrero sur les épaules, une tâche de sang séchée sur le front, est affalé contre le roc dans le corridor. Il tient toujours son colt dans l'autre main. Il a tenu bon et rien ne pourra lui faire lâcher son arme.
Les yeux sont fermés, les traits crispés et le front posé contre la paroi fraîche. Un vieux morceau de cigare ballotte de haut en bas entre ses lèvres tandis qu'il psalmodie. Son bras droit levé haut et à demi engourdi tremble par intermittence. Un dard traverse le muscle de part en part et il patiente en attendant qu'on puisse l'extraire, en espérant que le fer n'a pas été souillé. Les apaches enduisent parfois leurs flèches de poison pour la guerre et pour la chasse.

Le caporal gît un plus loin. Sa respiration est sifflante.
Le teint a viré à l'ivoire jauni.
Au sol l’air est calme et doux. Dans le désert du Sonora, les hivers sont d’une douceur incomparable, avec un temps toujours ensoleillé et des températures diurnes optimales...
Xander se laisse tomber à ses côtés, à genoux, avec un chuintement de souffrance.
Les yeux grands ouverts de son camarade sont étrangement dilatés. La hampe dans le ventre, vibre à chaque expiration.


« - T'as une sale gueule, Tyree ! »

Sans répondre, prudemment, Xander glisse une main sous le dos du soldat, tâtonne. Le projectile n'a pas traversé. Mauvais. Les blessures à l’abdomen sont mortelles en général. S'il est possible de vivre avec une balle dans le corps, tel n’est pas le cas avec une pointe de flèche.
Si Quentin évite une hémorragie immédiate, il risque de succomber à une infection si l’intestin a été sectionné.

Il est hors de question de retirer la flèche en tirant dessus. Le fût risque de sortir en laissant la pointe à l’intérieur. Celle-ci doit impérativement être enlevée, la largeur et les arêtes coupantes de la pointe peuvent être causes d'inflammation, de blessures supplémentaires et de risques infectieux. Il faut donc la faire sortir par l’autre côté, de manière à éviter que les barbelures ne sectionnent des parties vitales lors du retrait.


« - C'est inutile ! » murmure le caporal. Xander sonde les yeux mi-clos du blessé qui semble de nouveau lire en lui le cheminement de ses pensées. Des gouttes de sueur perlent sur la tempe.
« - Quentin ! »
« - C'est inutile !... j'le sais ! j'le sens au fond de moi... »
« - On peut la faire traverser... »
« - Nan ! Nan... C'est foutu à l'intérieur. J'ai une hémorragie, je... Ça saigne, je le sens, ça saigne à l'intérieur... »

La montre s'agite entre les doigts crispés...

« - T'... Tu peux le faire ?... »

Xander secoue la tête, Non ! Non ! Non !

« - S'il te plaît ?... »Les doigts agrippent sa manche.

Non ! Non ! Non !

« - Pourtant... on achève bien les chevaux ?... »

La carcasse du cheval noir de Gibus emplit son esprit.
La question est sans aucun doute le moyen de chasser sa terreur de souffrir par une autre, celle de la mort.
Xander avale sa salive et répond non à nouveau, précipitamment, sans plus de commentaire.

Alors, il abandonne la partie. Il se laisse lourdement retomber sur les talons. Il n’a plus le courage de continuer. Il sent parfaitement que c’est fini.
Il serre les dents et, l’air mal à l’aise, lève les yeux vers le ciel.

Isabella Matamoros

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En galère mais débrouillarde
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Lun 17 Juin - 16:01
Le troupeau fut rassemblé. Le sergent, Gibus et le petit Davey mirent le pied à l’étrier. Et le tour de passe-passe était lancé, avec toute l’incertitude qu’une telle mise en scène impliquait.

La peur au ventre, Isabella croisa le regard du garçon qui avait pris sa place, engoncé dans ses vêtements. Comme elle, il mourrait de peur de l’intérieur, mais il accusait la chose avec plus de cran. Elle détestait l’idée qu’il puisse y restait. Ce n’était pas avec le remington qu’elle tenait et ses piètres compétences en tir qu’elle pourrait changer le cours des évènements alors la mexicaine finit par se faire une raison. Même Tyree l’avouait sans mal se débattre : il ne lisait pas l’avenir dans le marc de café. Maintenant, il ne restait plus qu’à y aller.

Maîtrisant du mieux possible sa respiration, Isabella, avait vu les hommes partir avec une certaine appréhension. La gorge serrée était restée près du caporal, s’étant planqué entre deux rocher pour pourvoir suivre l’un œil sur le petit cortège. A l’arrière, on faisait sauter les crans de suretés. Tendus sur leurs armes, le gros et le sombrero s’échangeaient des regards entendus.

Les chevaux s’avançaient dans le rayonnant matin. La pénombre prédominait encore dans la lumière blanche mais on les voyait s’éloigner. Les apaches aussi, devaient les avoir vu sortir du petit cirque où ils étaient embastillés. Et, exactement quand l’astre rouge se souleva un peu au-dessus de la crête qui dominait à l’Est, le chef de l’opération lança l’offensive. En espagnol, le sombrero avertit que les chevaux et la fille étaient prêts. Et la boiteuse retint son souffle.

Les groupes de silhouettes brunes surgirent de la plaine, comme des bouquets de prêle des champs aux pieds des blocs de gré. Les apaches avaient patienté comme une bande de charognards certains de finir par emporter quelques cadavres dans leur attaque. Ils étaient bien plus nombreux que ce qu’Isabella avait pu imaginer. Quand elle entendit le gros et le sombrero pester, elle sut que ça ne se présentait pas du tout comme ils l’espéraient.

¿Cuántos hay, por el amor de Dios? maugréa Agustin, cramponné à son colt.
(Combien il y en a, pour l'amour de Dieu ?)
Tu dis ? chuchota le gros.
Ils poussent comme des champignons, ces cons, regarde.

Le mexicain guida le regard du gros et de la boiteuse à l’ouest où une partie du groupe se scindait. Des peaux rouges venaient en leur direction.

Mais ils n’eurent pas le temps de s’y attarder : des cris commencèrent à résonner dans la vallée. Isabella sursauta et se retourna vers le trio de tête : Davey était par terre, Tyree probablement aussi parce que sa selle était vide. Elle ne voyait plus Gibus. Aussitôt, le képi vissé sur la tête, le caporal ouvrit le feu, bientôt suivit par le reste du groupe. Tous appliquèrent les ordres du sergent du mieux qu’ils le pouvaient mais, très vite, ce fut un désordre sans nom.

Isabella perdit de vue les chevaux : il pleuvait des flèches pas loin de leur gueule enfarinée. La tête enfoncée dans les épaules, comme si ça avait pu protéger sa chair et ses os, la gamine essaya de tenir sur ses jambes. Elle tremblait de tout son être et le gros ne mit pas longtemps à la prendre par la main en la couvrant. De tous les côtés les bouches des canons gueulaient. Les balles pleuvaient. Les hommes grognaient. Et les flèches, plus sournoises et retords tombaient.

Dans une autre vie, peut-être que la boiteuse aurait eu plus de nerf pour gérer toutes ces informations. Mais tout ce dont elle se rappelait, c’était du sang qui battait dans ses tempes, de ses mains cramponnées à l’acier froid du remington et de sa tête enfoncée dans son cou, inclinée comme résignée. Ce ne fut que lorsque l’odeur ferreuse du sang vint lui chatouiller le nez qu’elle se secoua pour essayer de servir à quelque chose comme elle l’avait promis.

Un, calmer les chevaux. Deux, se tenir prête à intervenir. De deux, faire le possible pour rafistoler. De trois, pas faire confiance à Merrill et Burroughs. De quatre, tuer le blessé s’il commençait à trop agoniser. De cinq, le fusil dans la bouche, sur le palais, avant que les apaches ne viennent l’attraper. Elle n’avait pas oublié.

L’odeur du sang venait du grand rouquin qui s’était percer à l’instant par trait. Elle voulut aller regarder mais le gros l’empêcha, se jetant sur le guerrier qui venait scalper Merrill. Trop tard. Bien sûr qu’il était trop tard. Pas le temps d’y penser. Elle vit Weber mettre froidement une cartouche quasiment à bout portant dans la tête du meurtrier, tentant de trainer le corps contre la roche pour que d’autres ne soient pas tenté de prendre le scalp.

Ce fut à ce moment qu’un apache se jeta sur lui, apparaissant de derrière roche. Isabella l’avait vu avant et elle essaya de faire signe. Le gros ne compris pas : il se retrouva avec un petit gabarit sur les épaules et un couteau au travers de la joue pour l’ouvrir. Heureusement, le petit n’avait pas tapé au bon endroit et le gaillard avait l’ascendant.  En hurlant, le confédéré éclata le jeune guerrier apache par terre. Le bras du gamin se cassa, prenant un angle douloureux à regarder. Le costaud s’en occupait.

Déjà, l’attention d’Isabella était accaparée ailleurs : Burroughs s’était pris une balle perdue qui a ricoché sur un rocher. Une part d’elle en était désolée et une autre presque soulagée, elle n’aurait su expliquer.

Les échanges de tirs de fournissaient. Avec les hommes, Isabella tira maladroitement trois balles dès quand ils virent soudainement des peaux-rouges débouler du flanc Est : elle ne fit sûrement pas mouche parce qu’elle frissonnait tellement la peur qu’elle aurait été incapable de viser. Pour l’effort, elle avait tenté. Comme un passager clandestin, elle avait suivi la dynamique du groupe, sans comprendre. Et la réplique des apaches ne s’était pas faite attendre : d’autres slaves de flèches furent tiré.

Un trait vint se ficher dans le bras du mexicain de la troupe. L’autre dans le ventre du caporal.

Comme fauchés, les blessés grognèrent, pliés en deux, ayant juste le reflex de relever le bras pour faire feu. Isabella, elle, sentit sa ventraille taper contre ses amygdales et eut à peine assez de contrôle pour éviter de cracher de la bile quelque part.

Dans la cacophonie, l’éclopée sortit de derrière les rochers pour reculer. Elle trébucha sur la dépouille de Jack qu’elle avait totalement oubliée et qu’ils n’avaient pas pu rapatrier au camp. Le cadavre était devenu tout raide comme un bout de bois et, à la lumière du jour, les détails de sa gorge ouverte et du scalp que les apaches avaient prélevé le rendait encore plus difficile à regarder. Son cœur bondissait dans tous les sens, dégoûté par les trous dans les joues et sur la peau du cou à cause des charognards qui avaient déjà commencé à prélever ce qu’ils pouvaient, mais, quitte à être là, autant se rendre utile : elle fouilla rapidement les poches du fermier. Un confédéré était déjà passé pour récupérer le remington qu’elle tenait mais ce qu’elle cherchait était plus personnel. Une preuve à ramener à son père. Un objet personnel pour s’excuser. Elle récupéra une vieille montre avec des initiales qui n’étaient pas celles de Jack et, en même temps, elle tomba sur une grande fiole de laudanum. Elle la mit dans les objets dans la poche en rampant en arrière, pour ne pas rester une proie trop fixe, à la merci des chasseurs aguerri.

Et puis les coups de feu se tarirent. Le sifflement des flèches devint plus lointain. A la place, ils furent remplacés par des râles, plus ou moins contenus, plus ou moins empreints de désespoir. Les apaches semblaient avoir finalement fui. D’un coup d’œil, elle voyait que Davey et le sergent revenaient.

L’heure du triste bilan avant sonné.

Isabella n’était pas guérisseuse. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était aider tous les confédérés à trouver une place qui resterait à l’ombre pour poser leur séant encore crispé de frousse. De toute façon, ils la repoussaient presque à chaque fois qu’elle approchait. Alors elle leur fourrait un linge dans les mains pour qu’ils se fassent eux-mêmes leurs points de compression. Avec son bras transpercé, Agustin ne pouvait pas couper son cigare alors elle l’aida, l’allumant avec son propre briquet et lui collant doucement dans le coin des lèvres pour le faire patienter, juste le temps d’attraper un couteau et un peu d’eau.

Quand elle revint, elle vit de loin le sergent claudiquer à l’arrière. On lui avait copieusement savaté la gueule, toute encrassé de sang séché. Avec ses lacérations à la base du cou, les mouchetis de poudres et son pif bavant d’écarlate, on dirait qu’il s’est battu avec une bête sauvage. Elle en était désolée et se promit d’aller le voir après avoir délogé la maudite aiguille du muscle où elle était fichée.

Elle posa son genou malade pour contrôler son équilibre avec sa jambe viable. Elle découpa le haut e de la manche pour la faire glisser jusqu’au poignet. Et elle prévint le blessé en plaçant rapidement ses mains pour placer un garrot sur le haut de l’épaule.

Je fais traverser. Prêt ? prévint-elle.

Il n’y eut pas de décompte : elle coupa nettement au couteau le fût de la flèche sous l’empannage pour ne pas risquer de faire des échardes et elle tira de toutes ses forces et bien droit sur la flèche pour la faire sort à l’arrière. Ce n’était pas plus contraignant que de retirer un fer sur un canasson mal luné. Le soldat grogna, insulta la défunte mère d’Isabella en espagnol mais elle ne lui en tint pas rigueur : elle arrosait d’eau la plaie pour la nettoyer en profondeur et serra des bandes de toutes ses maigres forces. Le mexicain l’aida un peu à tendre les bandelettes pour faire le nœud parce que les doigts de la gamine tremblaient.

Voy a presionar. Ve a ver a los otros, muñeca, lui grogna le vaquero.
(Je vais faire compression. Va voir les autres.)
Grita fuerte si necesitas otra mano, conseilla la brune d’une voix blanche.
(Criez fort si vous avez besoin d'une autre main.)

Et elle fit ce qu’on lui demandait : elle passa aux suivants.

Pour Weber et sa moche estafilade, elle ne savait que faire. On voyait les gencives et les dents noyés dans le sang. Elle lui tendit un mouchoir qu’il plaqua contre la plaie après qu’elle eut arrosé un peu le profil d’eau pour y voir plus clair. Pour lui, il faudrait recoudre. Elle n’avait rien pour lancer dans une telle opération. Elle ne pouvait rien faire de plus, en fait.

Merrill mort. Burroughs mort. Gibus, elle ne l’avait pas revu mais avait rapidement aperçu sa monture étalée de travers. Weber, la gueule ouverte. Agustin, elle venait de bander son bras éclaté. Et pour Quentin, le caporal, c’était plus compliqué.

Quand elle le trouva, il soufflait comme un bœuf. Il était encore plus livide qu’elle. Les pupilles dilatées, bien noires, comme des portails vers la mort, grands ouverts au milieu de la face. La boiteuse traina rapidement sa jambe pour comprendre et chercher. Pas besoin d’être un médecin émérite : la hampe qu’il avait dans le ventre et tout le sang qui en déborde donne un indice. La belle mouscaille….

A la fois paniquée et blasée par tout ce sang qui s’amoncelait sur ses mains et mouchetait ses vêtements trop grands, Isabella s’avança. Une part d’elle lui répétait que ce n’était pas quelque chose qui s’improvisait. Une autre part d’elle-même ne pouvait pas rester sans rien faire et juste abdiquer. Il devait avoir une famille, quelque part, qui l’attendait.

A côté, Tyree s’était assis sur les talons. Elle ne captait que quelques brides de conversations mais n’y prêta pas attention, se rendant compte avec effroi que l’apache que Weber avait capturé avait disparu, qu’il pourrait les attaquer à nouveau et qu’il fallait vite le rattraper. Un regard interrogatif au gaillard la rassura puisqu’il désigna le chef du bout de son menton esquinté. La gamine comprit : il l’avait relâché et le petit avait dû se tailler comme un lièvre.

Du blessé et du sergent, elle s’approcha sans un mot. Tyree avait abandonné la partie. Il levait les yeux au ciel comme pour implorer. C’en était trop pour lui. Alors Isabella déglutit et essaya de prendre le relai, sans comprendre que, pour le caporal, c’était déjà terminé.

Il y a très longtemps, elle avait vu son père se démener avec une jument qui s’était ramenée des pâturages avec un énorme pieu de fer dans le ventre. Un cadeau laissé par des pionniers qui avaient dû dormir là, il y a des années. Rien de comparable avec ce qu’elle avait sous le nez mais elle se souvenait assez clairement ce qu’il avait fait : il avait nettoyé à l’eau claire, avait tranquillisé l’animal avec de l’opium et avait essayé de lui enlever le bout de ferraille. L’animal n’avait pas survécu pourtant, la leçon, Isabella l’avait retenue : jusqu’au bout, on ne lâchait rien et on se battait à hauteur de ses capacités.

C’était trop mal barré pour le caporal. La gamine remonta ses manches et réajusta le chapeau de paille sur son nez. Elle déchira le vêtement autour de la blessure pour mieux se rendre compte de l’étendu. Ça ne sentait vraiment pas bon. Sachant pertinemment que c’était terminé pour lui, elle eut un rictus profondément navré.

De ses poches, elle sortit le laudanum. Elle du coin de l’œil, elle s’adressa au sergent, très affecté, juste pour vérifier qu’il ne s’y opposait pas. Et elle enleva le bouchon et présenta le flacon et le présenta aux lèvres du caporal.

Prenez ça, ça va aller, mentit l’adolescente le visage tiré, incapable de bredouiller quelque chose d’autre.

Le son de sa propre voix la troublait. Comme si elle ne lui appartenait pas. Une larme roula dans le fond de ses yeux quand elle vida le flacon pour ne pas prendre le risque de seulement l’anesthésier à moitié.

Vous allez vous endormir, m’sieur, avertit-elle quand elle sentait que le blessé partait avant de chuchoter un dernier : Adieu.

Elle empoigna la grande paluche ensanglantée du soldat confédéré serrée sur la montre à gousset qui contenait une image des siens qu'il abandonnait là. Par réflexe, il serra les doigts de adolescente. Et bientôt, il s’affaissa contre le rocher où il était adossé en fermant les yeux, rapidement apaisé par l’opium. Un visage de bienheureux jonché sur un corps salement fracassé. Le sang s’écoulait toujours de son ventre mais ce n’était plus la peine d’y toucher.

Gibus, Davey, Weber et Agustin s’était ramenés pour un très silencieux au revoir.

Le départ du caporal faisait monter à trois morts la barre des décès. A quoi il fallait ajouter deux trois bons blessés. Et, pour les chevaux, elle n’avait pas encore compté.  

Isabella s’essuya le nez du revers de son poignet en tendant une gourde d’eau au sergent Tyree avant de les laisser se recueillir en paix, si le besoin était. Elle ne connaissait que depuis hier et se sentait de trop dans le cortège. Elle avait besoin de se calmer, de contrôler ses nerfs pare que ça faisait un peu trop pour elle.

L’air encore frais des heures nocturne portait un douceur trempeuse qui disparaitrait rapidement sous les assauts de la chaleur diurne. Elle profitait de l’éclat de l’astre solaire pour retrouver un bagage qu’elle avait décrocher la veille pour y retrouver sa pipe et un peu d’herbe. Elle peina à l’allumer parce que ses mains ne voulaient pas se stabiliser pour craquer son briquet. Elle tira fort sur la lentille pour que la fumée monte vite et finisse par concentrer son esprit sacrément bousculé.

Le silence du désert étaient de retour, sourd, brisé éventuellement par le battement occasionnel des ailes des vautours et le murmure lointain du vent qui soulevait le sable et couchait les herbes. Les charognards viendraient nettoyer les restes de cette tragédie humaine plus tard. Parfois, un cri perçant retentissait, écho lugubre de l’immensité, mais la boiteuse sursautait à l’idée que ça ne soit pas terminé. D’autant plus qu’au loin, elle reconnaissait le bruit feutré d’un animal évoluant au galop. L’allure lui disait quelque chose. A l’écart des hommes, elle siffla presque intuitivement, avec la même intonation qu’elle mettait chez elle au moment de distribuer le grain, le matin, chez elle. C’était bête comme réaction. C’était bizarre. De toute façon, tout ce qu’elle faisait depuis la veille n’avait pas de sens tellement elle avait été repoussée dans ses retranchements. Il ne fallait pas chercher de logique.

D’autant moins lorsqu’un cheval solitaire harnaché, le poitrail trempé de sueur, montrant le blanc de l’œil et les naseaux dilatés dépassa le troupeau pour se camper devant elle. Il planta ses sabots pour piler dans le sable chaud, les muscles puissants tremblants légèrement sous la peau tendue. Impossible de s’avoir d’où il venait. La selle de travers et le filet à moitié enlevé laissait penser qu’il s’était sûrement dépêtré seul d’un cavalier indélicat pour faire parler ses instincts grégaires.

Il redressa la tête, son encolure arquée dans un geste de fierté instinctive, malgré son épuisement manifeste. Ses yeux bruns, grands et brillants portait la même terreur et la même incompréhension que ceux de sa maîtresse, qui se détourna vers le groupe d’hommes endeuillés, presque désolée de les déranger. Un peu perdue, elle flatta l’encolure en prenant une nouvelle bouffée de tabac. Sur le poil caramel de l’animal, elle laissa par mégarde une trainée de sang.

Et maintenant ? Qu’est-ce qu’il se passait maintenant ?

Les apaches étaient partis. Les confédérés n’étaient plus en état de l’arrêter. Elle avait un papier pour se faire indemniser pour les chevaux qu’elle avait perdu. Le meneur de la troupe lui avait même dit comment procéder.

Et si … Et si elle réharnachait rapidement Tehuano ? Et si elle mettait le pied à l’étrier, prenait les chevaux qu’elle pouvait et partait aussi sec pour remonter vers le Nord-Ouest ? Très honnêtement, Isabella fut tentée.

Parce qu'elle ne savait pas si c'était la main de Dieu qu'on lui tendait ou une tentation du Diable qu'on lui agitait sous le nez.



Todos los hombres estamos hechos del mismo barro, pero no del mismo molde

Xander Tyree

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Dim 23 Juin - 19:43
La fièvre monte, les affres de la mort rampent autour du blessé, l’enlacent comme des serpents. Le pus et le sang s'épanche petit à petit autour du fût de bois, imbibe les tissus.

Il lui semble entendre le cœur du caporal battre à se rompre, à moins que ce ne soit le sien qui lui cognent aux tympans. Lui qui ne sait que faire pour soutenir son ami. C'est le genre de blessure qu'il ne peut soigner et il craint que même Gibus avec ses pauvres connaissances médicales ne puissent venir en aide au caporal.
Il sait que la douleur due à une perforation intestinale est minime initialement, mais qu'elle va s'aggraver progressivement au cours des prochaines heures
La respiration n'est plus qu'un affreux halètement rauque, ininterrompu.

Il se sent indiciblement soulagé lorsque la gamine s'agenouille à coté de lui, après avoir terminé de panser le vaquero et aidé le rondouillard.
Les pupilles de Quentin sont deux puits immenses sans fonds, de larges poches noires soulignent ces yeux fatigués. Le long de ses joues sales les larmes tracent des sillons. Il a sentit la présence de l'adolescente et tourne imperceptiblement la tête vers elle. Pas certain qu'il soit encore capable d'identifier un visage. Le prénom qu'il capte sur les lèvres exsangues est indéniablement féminin. Sa femme ? Sa fille ?
C'était nouveau pour lui, néanmoins il devait le constater souvent par la suite tout au long de la guerre civile, sur les champs de bataille ou dans les lazarets où ils gisaient, mais c'était curieux comme les grands blessés, les mourants appelaient toujours une femme, mère, fiancée ou épouse à leur secours.

La jeune fille pose la main sur le front du soldat, sa caresse doit être fraîche car elle apaise le blessé, avant de déchirer la chemise afin d'examiner la blessure. A la moue, il devine qu'elle non plus ne peut rien y faire.

Xander fixe quelques secondes les mains d'Isabella sans comprendre. Qu'est ce qu'elle veut faire ?
Son premier mouvement lorsqu'elle sort le flacon est de détourner la main pour l'empêcher de lui donner à boire.
On ne donne pas à boire de l'eau à un blessé au ventre, même s'il en réclame. Jamais. On peut juste lui humecter un peu les lèvres s'il a soif.
L'arôme odorant, capiteux, ambrée et herbacé de la teinture monte à ses narines.

Il identifie immédiatement la nature du produit. Du Laudanum. Une préparation facile à  se procurer, elle est en vente libre. L'Honorable Maison en servait quelque fois à certains clients, des articles de la meilleure qualité évidemment, mais Kearny en interdisait formellement  l'usage aux filles et au personnel. Trop dangereux disait-il. Trop addictif. Un poison opiacé mélangé à de l'alcool, doté d’un pouvoir soporifique si puissant et si violent qui, lorsqu’il est pris à une dose trop élevée, induit une torpeur mortelle pouvant être fatale...

Il hésite. Elle n'hésite pas. Un geste courageux. Digne d'admiration si elle sait ce qu'elle fait. Elle a vidé l’intégralité de la  fiasque. Exactement ce qu'il faut à Quentin. Une mort paisible.
Une bouffée de honte l'accable à l'idée qu'il a laissé comme un lâche, la gosse prendre la responsabilité d'administrer cette drogue à son ami. Alors qu'il lui aurait suffit de tendre la main, de s’emparer de la fiole pour accomplir à sa place ce que ce dernier avait imploré.

Mais elle, sait-elle ce qu'elle vient de commettre ? Sait-elle qu'elle va devoir porter le poids d'un péché dont elle aura du mal à se débarrasser ?

Même si c'était un acte de miséricorde.


Il observe le fin profil du petit visage. Elle est fort pâle tandis qu'elle enserre la main souillée du caporal entre les siennes. Une larme roule sur la joue qu'il a envie d'essuyer.

Quentin paraît se détendre un peu, ferme les yeux et son sourire épuisé, malgré la bouche crispée, semble sourire à nouveau. La fièvre semble se retirer. Il a perdu toute force pour réagir et s'abandonne. La respiration si courte, dure et pénible, s'apaise, vacille comme la flamme d'une chandelle. Le souffle se fait léger, inaudible. Son repos ressemble déjà à la mort...
Un long silence s'éternise.

Rassemblés, nous restâmes longtemps à son chevet sans proférer une parole.



***


Les sons arrivent par vagues dansantes, de chevaux hennissant, d'autres renâclant, les grognements et petits sifflements des zopilotes excités, bruits monotones qui irritent les nerfs.

Davey s'est penché vers son épaule et n'a prononcé qu'un mot : « Burroughs ! »
Le regard jeté par dessus son épaule, lui fait découvrir la triste réalité. Les bras inertes du dormeur, la position du corps d'un homme surpris, les yeux voilés qui fixent le vide, la flaque noirâtre étendue sous lui, vite digérée par le sable rougi.

C’est passé quoi ? Il n’est tout à coup plus qu’une boule de douleurs qui sabrent tout son thorax d’une épaule à l’autre, et son flanc droit jusqu'à la hanche. Passé quoi ? Qu'est ce qui a foiré dans son raisonnement ?
Trois morts, quatre avec le fermier.
Xander secoue la tête plusieurs fois. Les murailles, érections de grès rouge semblent tourner.

Tyree se redresse sur les genoux. Oscille un instant. Il se sent plutôt vaseux. Plus que vaseux. Une envie de vomir lui tord les entrailles… La bile remonte rapidement. Le soldat se contraint à ravaler. Sent un goût amer désagréable lui envahir la bouche.

Xander fixe le sol. Celui-ci semble décider à se soulever sous lui. Foutu désert dansant. Pourquoi donc se rapproche-t-il et recule t-il comme ça. Se comporte pas comme un désert normal.

Puis il reporte le regard sur ses gars. Attrape la gourde qu'on lui tend. En tire une large rasade, puis une seconde. Il se verse un peu d'eau sur le visage. Elle est tellement fraîche, tellement pure. Lui aussi aurait bien besoin d'une anesthésie, songe t-il. Plus de douleur à cet endroit. Dans la tête.

Petit soupir mécontent. Léger mouvement du bras vers le haut. Xander rougit sous la douleur. Bloque sa respiration pour ne pas gueuler. Putain! Putain! Putain! Putain! Ça le lance… Ça le lance vraiment. C’est comme si des milliers de fourmis étaient en train de planter leurs petites mandibules dans sa chair…
Il va falloir que Gaines panse sommairement et recouse vite fait les deux impacts de grenailles qui lui ont hersé la couenne. Et surtout qu'il lui retire le plomb de Davey logé dans la hanche, qu'il sent frotter désagréablement contre l'os, avant que cela s'infecte.
Pour les côtes fêlées, il lui faudra éviter de trop lever le bras, ce qui ne sera pas pratique s'il faut de nouveau combattre. S'il faut monter en selle aussi.

Il se redresse avec lourdeur. Fixe le sol avec obstination. Attend que le tournis se calme. Et avance d’un pas avant de relever la tête.

Trois morts. Cela fait beaucoup. Trois rangers tués sous son commandement. Un brave gars et deux fumiers. Trois rangers ! Même si certains ont été de franches canailles auxquels il n'aurait pas accepté de prêter trois cents, il les regrette déjà. Ils avaient de bons côtés parfois... et c'étaient des camarades malgré tout.

C'est la première fois qu'il perd des hommes. Il a déjà accroché plusieurs fois les apaches au cours de leurs razzias, de près ou de loin. Jamais des ventres bleus pour l'instant. Et la seule perte qu'il a jamais eu à subir a été la hanche d'une monture qui avait encaissé une flèche. L'animal avait survécu.
La plupart du temps, les petites bandes de maraudeurs n'insistaient pas et décrochaient pour éviter trop de casse... Rare sont ceux qu'on pouvait rattraper lorsqu'on se mettait à leur poursuite, ils disparaissaient comme le vent dans le labyrinthe des gorges et des canyons, dans les déserts de sable brûlant ou dans les forêts de leurs montagnes, ou personne ne se risque par crainte d'une embûche.

Comment va-t-il expliquer cela au capitaine ? Comment va-t'-il pouvoir expliquer cela à la femme et aux gosses de Quentin ? Il ne sait même pas où les trouver. Il contemple dans sa poigne tremblante, la jolie trotteuse de la montre à gousset de son ami poursuivre sa course..., la chaîne qui balle faiblement...

Il se sent comme cette aiguille contrainte de continuer, prisonnière du cadran. Au Colorado, la bande de chasseurs sudistes lui avait fait confiance et donné la direction de la troupe car il connaissait le pays à traverser. Quand il s'est engagé avec eux, on lui a collé trois galons sur les manches et les responsabilités qui vont avec, sans s'assurer qu'il en a les capacités... Trois morts.

Trois morts. Il a commis une erreur mais il ne doit pas se lamenter. Il ne peut pas se lamenter. Il ne s'apitoiera pas sur lui- même. Surtout pas. Trois morts, les premiers probablement pas les derniers. Il ne l'a pas choisi, mais il ne se sentira pas pour autant moins démuni quand cela se reproduira la prochaine fois.
Il y a encore quatre gars à sortir de ce guêpier et une jeune femme à ramener chez elle.

Agir, dépasser sa peur et ne ressentir qu'une haine féroce et glacée envers ceux qu'il commence à haïr, fauves à deux pattes de toute nature ou ceux qui tirent les ficelles bien à l'abri tout en haut de l'échelle.
Blancs ou rouges, aussi fourbes et cruels les uns que les autres. Souvent c'est faire injure à Dieu, que de dire que c'est lui qui a créé les hommes !
Comme une aiguille de montre jusqu'à sa mort. Puisque l'ordre du monde est réglé par la mort, peut-être vaut-il mieux qu'on ne croie pas en Lui et qu'on lutte de toutes ses forces contre la mort, sans lever les yeux vers le Ciel.



***


Incroyable ce qu'un cuistot pouvait inventer comme jurons et menaces. Le rondouillard avait pleuré, injurié copieusement Gaines tandis que celui-ci continuait imperturbable son travail de couture avec du fil et une aiguille d’alêne. Cela allait laisser une horrible cicatrice sur la joue.

Puis ils avaient commencé à creuser les fosses pour leurs camarades tombés, dont les corps gisent là, enroulés dans leurs couvertures et dont les tombes ne seront jamais inscrites sur aucune carte.
Jusqu'à ce que Gibus, perdant son calme légendaire, exaspéré par les gestes rendus maladroits par les blessures, lui a suggéré de se tirer, lui et le vaquero, et de les laisser terminer avec le petit et le gros.

C'est en se retirant que Xander a réalisé que la señorita n'est plus présente. Quand s'est elle éclipsée ? Personne n'y a pris garde.

Toujours est-il que la demoiselle s'est absentée. Pourvu qu'elle n'est pas eu l'idée saugrenue de se risquer seule à vadrouiller au sein du chaparral ?
Le petit sauvage au membre brisé s'est éclipsé, mais au souvenir des yeux plein de hargne, il n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'il se soit tapi dans un coin, à l'affût d'une occasion.

Des apaches, Gibus lui a dit en avoir vu deux se défiler sur leurs poneys à la fin du combat, mais d'autres doivent s'être carapaté à pied dans toutes les directions. Il comprend mal ce qui est arrivé et pourquoi les coyoteros ont cessé subitement leur attaque. Quelque chose a du se produire, un événement particulier, un leader tué ou blessé ou des pertes plus importantes que prévues les ont découragés.

Le chasseur s'est risqué au milieu des broussailles, et n'a trouvé qu'une huitaine de broncos entravés, abandonnés dans une ravine. En dehors des cadavres qu'ils ont laissé derrière eux, une demi-douzaine pour ceux qu'il a découvert, Gibus n'a détecté aucune trace des assaillants, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas un autre 'brave' soigneusement camouflé à proximité. On en a vu se couvrir de mottes herbues qui les transforment en un bout de prairie, au milieu de yuccas se déguiser en yuccas, en zone aride s’étendre sous une couverture de laine grise si bien tachetée de terre qu'on les confond avec des blocs de granit.

L’énorme soleil continue de s’élever au-dessus de cette terre qu’il a dévastée, et il semble déjà la regarder en maître, comme pour voir si rien de vivant n’existe plus. L'éther surchauffé, impalpable, danse une folle sarabande.
L'horizon se perd un peu dans une légère buée de chaleur, dans une fumée de terre rôtie, qui noie les lointains en des tons à peine bleus, à peine roses, à peine blancs.

Xander lance un regard circulaire à la recherche de la silhouette menue. Où qu'il regarde, le désert devant lui se transforme à vue d’œil, vision d’eau miroitante et s’évaporant si on s'approche. Des mirages. Ils grandissent, puis diminuent, changeant de silhouette, scintillant de mille reflets qui ondoient sous le soleil et les vagues de chaleur.

La plaine parait nue et plate comme un parquet, et elle est, au contraire, peuplée d'ocotillos, de pea brush, de chollas, d'arbustes créosotes et d'épineux, de figuiers de barbarie et de la présence omniprésente de cactus ou domine les chandelles des saguaros. Sans cesse traversée d’ondulations comme une mer après une tempête, qui semble toute calme de loin, parce que la surface semble lisse, mais que rythment de longs soulèvements tranquilles de rocs et de sable.

Les pentes de ces vagues de terre sont insensibles. On ne perd pas de vue les montagnes et les mesas de l’horizon, mais dans ces ondulations parallèles, à quelques miles de nous, une armée pourrait se cacher et nous ne la verrions pas.

Une âcre odeur de mort emplit ses narines.

Très haut, les charognards continuent leurs valses tournoyantes dans la pureté de l'air.

Le troupeau s'est regroupé un peu plus loin, flanc contre flanc, réflexe grégaire qui les fait se sentir plus en sécurité et accroît leur chance de survivre. Il n'a pas bougé depuis l'attaque.
Les oreilles dansent dans toutes les directions. Les sabots chantent sur le sol et les yeux globuleux, apeurés, restent fixés sur les oiseaux impudents qui se dandinent à proximité.
Les queues fouaillent sans cesse. Les mouches l'agacent. Ce sont des mouches insolentes qui entrent dans les yeux, les narines, tous les orifices. Elles n’ont pas compris la différence entre un mort et un vivant.
Dans un grouillement bourdonnant, l'essaim vrombit autour des cadavres.

Quelques urubus se sont posés à proximité, et piétinent timidement, tendent leur col à peau rouge et ridée, attendant de pouvoir se lancer à la curée. D'autres sont déjà en plein banquet et c'est un moutonnement de plumages et d'ailes noirs et gris au milieu des épineux. Un vol de petits vautours fauves ripaille sur la carcasse de la monture de Gibus.

Il cherche des yeux la jeune fille et sa vue se fixe soudain. Là-bas, parmi une bande brumeuse qui prend naissance au loin et que le soleil fouette de ses rayons, il lui a semblé apercevoir quelque chose.

Un point noir au milieu d'une buée opaque que l’on voit monter du sol. Un point noir mouvant que l’on distingue à peine.

Un point noir qui s'évanouit et renaît parmi une fine couche d’air chaud qui s’élève et s'enfonce dans le bleu foncé du ciel.
Ses yeux se ferment devant la réverbération intense née des milles facettes ondoyantes et qui brûle ses rétines.

Un point noir.

Non ! Des points noirs.
Des points noirs ! Venant de l'est ! Les yeux plissés, Xander a l’illusion que des cavaliers défilent au loin sur une crête, s’acheminent dans leur direction, disparaissent et reparaissent au milieu des vagues rocailleuses, là où l’infini se coud au ciel, ou de nouvelles flaques se présentent avant de fondre à leur tour comme du sucre dans une tasse.

En quelques pas, il se trouve près de Tobey, extirpe la longue-vue de la sacoche. La douleur s'est effacée sous le choc de l’inquiétude. Il note la présence de la fille à quelques pas en compagnie d'un cheval.

Des cavaliers, peut-être loin, peut-être proches. Sitôt disparus, voilà qu’ils renaissent. On ne peut savoir avec ce miroitement qui brouille les distances et les nombres. Ils peuvent être à quelques minutes comme à quelques heures de l'affleurement rocheux. Impossible de distinguer quoi que ce soit à travers cette atmosphère surchauffée. Les points noirs persistent à être des points noirs.

Et venant de cette direction, il y a de grosses chances, si on peut parler de chance, qu'il s'agisse d'une nouvelle bande de pillards. Les survivants de celle qu'ils ont affrontés ne tarderont pas à les rallier.

Il se met à observer le couple.
Avec ce qui n'allait pas tarder à leur débouler dessus, il allait devoir prendre une décision radicale concernant la demoiselle. Pas question de l'avoir dans les pattes si un nouveau combat doit être soutenu. Pas question de laisser partir les chevaux. Il faut fixer l'attention des apaches sur des proies faciles, et ceux-ci seront plus passionnés par la capture de quelques dizaines de montures que par la poursuite incertaine d'une unique femelle, même pour jouer avec elle, et surtout si celle-ci a pris suffisamment d'avance.
Isabella doit partir et sans tarder.

L'alezan  a dû supporter une longue course. L'animal a l'air épuisé, tendu et effrayé et la robe est couverte d'écume. Le démon a dû être largué quelque part. Xander doute que celui-ci soit crevé en selle. Bien que blessé, il a eu suffisamment de vitalité pour sauter d'un bond sur le dos du canasson et fuir grand galop. L'équidé a du le désarçonner et l'envoyer valdinguer dans les cactées. Le colosse rôde quelque part. Loin, très loin, espère-t-il avec un frisson d'anxiété.

La Matamoros ne cesse de reluquer alternativement en direction des fossoyeurs et du troupeau. Le parfum de son tabac se diffuse. Elle ne l'a pas vu et son indécision est visible. Qu'est-ce-qu'elle a en tête ? Quelle idée stupide court derrière le joli front ? Prête à filer à l'anglaise avec quelques canassons ? Dans quelle direction ? Qu'est ce qui la fait hésiter ?

Trop d'hésitation.

Un pas. Deux.


« - Qu'est ce que vous attendez ? Montez en selle ! »

Un joli sursaut la fait vaciller sur son pilon. Sous le chapeau de paille, deux grands grains sombres éberlués le contemple comme si un spectre venait de saillir de nulle part.

En trois pas de plus, il boitille jusqu'auprès d'elle. Sa main effleure le flanc au pelage brun-roux du cheval, caresse la hanche frémissante, trempée de sueur. Extirpe quelques échardes. Du sang suinte lentement des blessures causées par les contacts avec les grandes épines des cactus adultes. Xander contemple quelques secondes sa main humide. Quelques tâches rouges colorent les doigts. Du sang de la brute aussi ?

Il agite deux doigts vers le troupeau :
« - Il est épuisé. Prenez-en un autre dans le troupeau, le cheval de Merril ou celui de Burroughs si cela vous chante, ou la petite jument trouillarde... »

Un instant, il baisse la tête en réfléchissant, s'essuie sur son pantalon fripé, maintenant une loque tâchée et déchirée. « - Emmenez-votre alezan si vous voulez, mais ne le montez-pas. Pas tout de suite. Laissez-le se reposer. Si vous êtes attaquée, lâchez lui la bride, laisser le agir librement, à sa guise et sans contrôle jusqu'à ce que vous soyez en sécurité. Avec votre poids plume, il n'aura aucun mal à les distancer... »

Le bras gauche se tend vers l'occident : « - Pas de conneries ! Droit vers l'ouest. Surtout ni vers le Nord ni le Nord-Ouest, vous vous perdriez dans les fondrières et les zones inondées, encore moins dans les autres directions, sinon vous êtes morte... Vous savez comment ! » Deux doigts grattent machinalement l'hématome douloureux sur sa tempe. « - Vous n'êtes qu'à moins d'une journée de cheval d'Arizona City et du poste de Yuma pour un bon trotteur... Vous pouvez y être en fin de journée... Évitez les bosquets trop touffus et les ravines... Cherchez les terrains dégagés... »

Il saisit la crosse du Remington, passé dans la ceinture de la gosse. L'examine rapidement. Remplace les charges manquantes, et les amorces. Serre les balles. Ajoute la graisse. Avant de lui tendre l'arme.

« - Servez-vous en uniquement si nécessaire... À courte portée... Sinon... » Pas besoin de préciser. Dans la bouche et vers le haut. Mais ça, elle le sait déjà.

Xander tente une caresse vers la ganache de l'alezan. Mais pour le cheval déjà craintif, la main qui vient se mettre brusquement dans son champ de vision est un danger potentiel. La main vient d'une personne inconnue, le geste est brusque, et sa tête, une de ses parties les plus sensibles. Le cheval tourne celle-ci dans le sens opposé en refus. Un vrillage d'oreilles accompagne le mouvement.
Xander est déçu. Le refus le blesse involontairement mais il ne peut en vouloir à l'animal traumatisé de ne pas avoir envie d’être touché.

Isabella silencieuse, secoue la tête. Il ne sait pourquoi.
Le geste l'exaspère. Les apaches reviennent. Il n'est plus temps. Elle ne doit pas rester ici.
Pas de demi-mesure. Il va se comporter comme le dernier des rustres :
« - Vous avez entendu, Pie de Palo ! Bougez-vous ! Prenez vos montures, collez votre joli cul sur une selle et partez ! »

Il détourne la tête, la rage au ventre et s’éloigne lentement.
Le vent emporte les bruits et les odeurs.

La main agrippe sa manche, pour le retenir un instant. Un geste anodin. Mais la traction bloque son bras alors qu'il bouge. Déclenchée au niveau de la zone lésée, la douleur irradie immédiatement ses muscles enflammés de la hanche à l'épaule.
Plus un geste réflexe qu’une volonté délibérée de frapper…
Même si une voix interne et lointaine l’invite à la mesure, à ne pas aller trop loin…
Tant pis… Trop tard…

Avec un grognement de souffrance, son bras part dans un geste arrondi, cueille avec force Isabella au visage. La jeune femme pivote sous la violence du coup dans une envolée tournoyante de cheveux noirs…
Xander essuie d’un revers de la main droite, un caillot de sang qui s'est remis à couler de sa narine, vire vers la jeune femme, le regard mauvais, s’apprête à cogner une seconde fois…


« - T'ES ENCORE LA ! T'AS PAS COMPRIS ? DÉGAGE, BOURRIQUE ! FOUT LE CAMP ! »

Isabella Matamoros

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Jeu 27 Juin - 0:10
Qu'est-ce que vous attendez ? Montez en selle !

Isabella sursauta en voyant Alexander Tyree se traîner jusqu’à elle. Elle se sentait coupable. Comme une enfant qui allait faire une bêtise dont les plans son déjoués par un parent soupe au lait, elle eut un petit mouvement de recul.

Difficile de savoir avec le sergent s’il pensait son injonction ou s’il la provoquait pour tester sa loyauté. Difficile de savoir si c’était du lard ou du cochon.

Il avait piètre mine, le chef de la troupe. Il se tenait un peu les côtes. Sa respiration sifflait un peu. Du sang coulait sur ses flancs et coagulait à la saleté du sable et de la terre ocre accumulée dans ses plis pour former une pâte noire qui séchait au soleil quand il ne suintait pas sur ses doigts.

La boiteuse ne réalisa pas tout de suite que le sang provenait de l’animal et se mit à chercher à son tour dans le pelage. Il y avait bien du sang, mais ce n’était pas celui de son hongre. Sa devait être le sauvage qui avait tenté de l’embarquer. La jeune femme n’avait pas remarqué sa disparition de sa monture, volé par le peau-rouge à Tyree, et elle se trouvait idiote de ne pas avoir regardé ou cherché à comprendre d'où Tehuano venait.

En tous cas, Tyree avait l’air de penser ce qu’il lui avait demandé. Elle devait partir à cheval. Pas celui-là, un autre. Et elle le prendrait en dextre. Et elle devait aller à toute vitesse. Et vers l’Ouest. Sans détour. Sans faire de conneries parce qu’elle se serait ruée vers la mort autrement.

Toutes les informations se succédaient. La direction vers Fort Yuma ou Arizona City, on ne savait pas. Le gué inondé à éviter. Les bosquets, les ravines et tous les dangers à contourner. Plus les instructions suivaient les instructions, plus Isabella devait s’éteindre de l’intérieur et prendre ce regard bovin de ceux qui perdent espoir. Elle se convainquait qu’elle ne serait pas à la hauteur. Que cette idée finirait mal, très mal.

D’ailleurs, le sergent devait y penser aussi : comme assurance, il se saisit du remington pour le charger et le vérifier. Quand il lui recolla l’arme dans les mains, la mexicaine tremblait. Et le rappel cynique de ce qu’elle aurait à faire si elle se faisait rattraper ne faisait qu’ajouter de l’angoisse à l’enjeu de sa fuite

Non, non, non, non… Elle ne le ferait pas. Elle n’y arriverait pas. Elle n’allait pas les laisser là se démerder pendant qu’elle se carapatait. Après tout, s’ils en étaient là, c’était qu’ils avaient accepté de ne pas la livrer…

Isabella ne vit pas Tyree essayer de caresser Tehuano. Tétanisée, elle fixait le visage de l’homme qui se tenait devant elle. Elle se sentait redevable. Elle n’avait pas envie de les laisser et de partir sans se retourner.

Et, surtout, elle ne comprenait pas ce qui pressait. Lorsque le sergent se détourna, elle essaya de le retenir par la manche pour lui poser la question innocemment. Question que sa bouche n’aurait pas réussi à articuler sans complètement balbutier.

Mal lui en prit : Tyree se retourna en poussant un grognement. Et sa grande pogne la heurta en plein visage. Soufflée par la violence du geste, Isabella vacilla sur ses jambes, trop surprise et trop douloureusement châtaignée pour ne serait-ce que songer rétorquer ni pas les mots, ni par le geste.

Elle n’avait pas voulu lui faire mal.

T'ES ENCORE LA ! T'AS PAS COMPRIS ? DÉGAGE, BOURRIQUE ! FOUT LE CAMP ! gronda-t-il comme un démon.

Le Diable devait avoir dévoré un morceau de lui. Ou bien était-ce la part de son âme destinée aux enfer qui parlait.

Comme une enfançonne qui venait de recevoir un soufflon, Isabella parut soudainement idiote, ridicule et minuscule. Son esprit en tergiversation transféra, à la hâte, toute la responsabilité du départ à son instinct. Très vite, les automatismes prirent le relai. Agrippant les rênes, elle s’écarta avec Tehuano pour rejoindre le troupeau. Elle ne réfléchit pas beaucoup et pris la première monture qui venait. C’était une grande jument baie qui avait le seul avantage d’être la plus proche d’elle. Elle transféra la selle de sa monture de cœur sur elle, chargeant au passage l’alezan d’un bât qui trainait aussi par là. Malgré l’agitation des bêtes, elle mit rapidement le pied à l’étrier, exigeant l’immobilité des deux bêtes pour se hisser.

Et, une fois en selle, elle piqua la jument de ses éperons. Elle partit à toute allure sans se retourner laissant derrière elle les pauvres damnés.

A aucun moment elle n’avait compris que de nouveaux cavaliers approchaient.
Gila Monster [Xander Tyree] - Page 2 1420231_dd8cdGila Monster [Xander Tyree] - Page 2 1420231_dd8cdGila Monster [Xander Tyree] - Page 2 1420231_dd8cdGila Monster [Xander Tyree] - Page 2 1420231_dd8cdGila Monster [Xander Tyree] - Page 2 1420231_dd8cd

Avec les deux chevaux, Isabella s’en alla à toute allure à travers les plaines. Elle poussa certainement les bêtes plus que ce que quelqu’un de sensé l’aurait fait, car la peur dans ses entrailles la motivait à maintenir le cap et la cadence. Juste au cas où on changerait d’avis ou qu’une ombre avait décidé de la poursuivre.

Le bruit des sabots résonna comme un tambour cadencé, solennel et énervé contre le sol aride. La poussière s’élevait en nuage derrière elle et formait une traînée volatile comme seul témoin de leur passage impétueux. Autour d’eaux, les plaines ne les contemplait même pas leur passage : elles retenaient leur souffle.

Et puis, au bout de sa longue chevauchée, elle vit fort Yuma se dresser fièrement sur les rives du Colorado. Toutes les routes convergeaient vers lui.

Les murs en adobe bruns, épais et robustes, offraient enfin une protection de taille contre les assauts de la chaleur accablante du désert. Ces remparts encadraient une enceinte rectangulaire où tout trouvait militairement sa place. Sous les toits des structures en bois, les garnisons s’agitaient, surprises de voir une gamine débouler en habits de soldats. A l’entrée principale, à côté d’une grande porte en bois renforcée de fer, on l’arrêta pour la fouiller. Les hommes n’y allèrent pas de main morte jusqu’à trouver les instructions du sergent Tyree dans la poche de la Matamoros. Elle déclina de toutes les façon possible son identité et fit scrupuleusement le récit de ce qui lui était arrivé. Elle n'omit aucun détail. Ni l’éboulement qui l’avait contrainte de dévier de sa trajectoire, ni l’hostilité qu’elle avait eu en se faisant capturer. Elle détailla l’attaque, la mort de Jack de Burroughs, de Merrill, et tout ce à quoi elle avait assisté.

Alors on la laissa entrer et, le temps de vérifier, on la fit asseoir à côté de la maigre poudrière bien gardée. A proximité, la cantine, avec ses fenêtres à volets, laissaient des soldats la reluquer de haut en bas. Même les blessés amoncelés dans l’infirmerie lancèrent des regards d’incompréhension. On vint vérifier qu’elle n’était pas blessée. Comme ce n’était pas le cas, beaucoup durent se demander ce qui ne tournait pas rond dans celle-là.

Le temps de tirer ça au clair, on lui offrit une chambrée austère. On l’y laissa pendant une petite semaine où elle supplia de s’en aller pour retrouver son oncle et le rassurer.

Elle dut attendre une petite semaine pour que des rumeurs ne gagne la petite garnison. On disait que le first California Cavalry avait passé le fleuve Colorado. Au vu de leurs ressources insuffisantes, les confédérés s’en allèrent en abandonnant la mexicaine. Elle fut récupérée en même temps que ses animaux et on la laissa retourner chez elle, à son relais à chevaux.

Après de tendres retrouvailles avec Sebastian, il fallut s’armer de courage pour aller toquer à la ferme d’à côté pour, à nouveau, faire le récit de ce qu’il s’était passé. A force de raconter, le discours d’Isabella était devenu un peu trop huilé. On la soupçonna d’avoir tout manigancé et les tensions apparurent immédiatement entre les deux exploitations. Ne pouvant plus compter l’un sur l’autre, les voisins n’avaient pas réalisé que, quelques années plus tard, leur ruine viendrait de ce manque de fraternité.

Longtemps, Isabella essaya de se dépêtrer des souvenirs de cette journée et de cette nuit pour ne pas les laisser la dévorer. Dans ses cauchemars, les images revenaient la hanter. Surtout la mort de Jack égorgé. La baffe du sergent, aussi, avec ses yeux noirs comme les limbes. A grand renfort de prières, elle chercha à prétendre que rien de tout ceci ne s’était vraiment passé et que ce n’était que l’œuvre du Malin.

Mais, le visage de Tyree et la fureur qu’il lui avait jeté à la face, elle ne l’oublierait jamais, c’était certain.



Todos los hombres estamos hechos del mismo barro, pero no del mismo molde

Xander Tyree

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Dim 30 Juin - 18:41
Il pose le canon de la carabine sur une grosse pierre assise sur un rocher, presse la crosse du fusil contre sa joue, rattrape le jeu de la détente et coupe sa respiration :

« - 'Sont hors de portée... »

Le tejano, accroupi au ras du sol craquelé par le soleil, le bras soutenu dans une écharpe rouge et les yeux plissés sous l'effort, crache au sol par réflexe, il n'a plus de tabac à chiquer, mais en conserve l'habitude. Sous sa langue, il a glissé une petite pierre, ce qui le fait saliver :

« - T'énerve pas. C'est la visibilité q'fait ça. On croit qu'on pourrait les toucher mais sont encore à plus de deux miles de nous. » Le chicano porte la main en visière au dessus des sourcils :

« - Hombre ! Sobre la Virgen, c'sont pas des apaches... »

Xander déploie le tube argenté de la longue-vue au maximum, jette un coup d’œil et fouille la mer rouge et ocre sombre du désert. Le ciel est bleu, partout bleu. La chaleur est immuable, elle colle aux roches et dérive dans l'air.
Dans le désert de Gila, même en plein hiver, les températures peuvent parfois atteindre 30 °C. Et c'est bien parti pour un nouveau jour torride, clair et cuivré, lourd d'une chaleur oppressante.
Des balayures de nuages, gouttes lactées épandues dans l’espace, s’envolent à l’horizon. Tout rayonne. L'immensité et l'atmosphère claire du désert demeure trompeuse à l’œil, et les plateaux de pierre des mesas au loin, semblent d'un bleu violacé.

Leur solitude est indescriptible.  Ils sont coupés de toute communication avec le monde civilisé, dans un pays désertique et farouchement inhospitalier.  Devant eux se trouve peut-être un ennemi dont ils ignorent le nombre, et derrière eux un désert impitoyable...
Pour ajouter encore plus à leur solitude, alors que le bruit de creusement des fosses s'est enfin éteint, se  fait entendre le tumulte des vautours en pleine ripaille, et le glapissement lugubre des coyotes sauvages.

Les tombes creusées, sans un mot,  ils y ont roulé les corps, emmaillotés dans leurs couvertures et les ont mis au repos, salué d'une unique prière en espagnol, prononcée d'une vois inaudible par le vaquero,

Là-bas, les points noirs se sont rapprochés, sont devenus des cavaliers. Précédemment déployés en ligne, ils se sont fondus en une mince colonne qui traîne en file indienne entre les mesquites. Le nuage de poussière qui les enveloppe est si épais, qu'il ne parvient parfois plus à distinguer un cheval.
Ils suivent un vallon, lentement, prudemment, les armes à la main. Au moins une lance de guerre les domine.

Davey redresse le canon du fusil, déplace la pierre involontairement. Le scorpion velu du désert qui voulait passer sa journée à l'abri de la chaleur dans son terrier profond sous la pierre, jaillit, darde son aiguillon venimeux. Le jeunot jure, l’écrase d’un coup de crosse, balaie d'un revers du bras, la carcasse dans la poussière.


« - C'est Holmes ! »
« - Nan ! C'est un scorpion ! » rétorque le jeune soldat.

Xander lance un coup d’œil agacé au gamin. Celui-ci a pris de méchants coups de soleil et des cloques ont enflé sur un coté du visage, ses vêtements sont trempés de sueur.

« - J'en ai rien à foutre de ta bestiole ! C'est le Premier sergent Holmes avec sa patrouille, je dis. Et je crois que l'escouade de Seth Riggs l'accompagne... Doit se passer quelque chose ?... »
Il referme d'un coup sec la lorgnette.

Il entend les moustiques bourdonner au-dessus du point d'eau.
Près du canyon, sous les palissades de pierre, Gibus et Weber achèvent de rouler péniblement quelques grosses pierres sur les tombes. Le gros a un regard lointain infiniment triste. Des quatre membres de l'escouade de Quentin, il est le seul survivant. Sa tête enveloppée dans un linge souillé, le fait ressembler à un œuf de Pâques. Le képi gris est comiquement posé au sommet.

Avec une grimace, Xander ramasse son Hawken de la main gauche. Sa pommette est enflée et d'un rouge sombre tendant vers le noir, chaque geste lui arrache un gémissement. Sa tunique déboutonnée laisse voir à travers la chemise déchirée, le pansement serré sur son flanc, et son bras droit replié, tenu en écharpe, repose sur sa poitrine. Celle-ci du coté droit est aussi d'un noir violacé.
Les ecchymoses vont s'atténuer, il le sait, mais ça fait diablement mal. Il a l'impression d'avoir du feu dans la poitrine, et chaque inspiration lui fait mal. Il doit avoir plus d'une côte cassée ou fêlée.

Il retire son stetson blanc taché, éponge son front avec son bandana, agglutinant de longues mèches de cheveux sales et clopine vers les nouveaux arrivants d’un pas qu'il espère nonchalant, respirant toujours par à coups, par le nez.

Il descend la sente au milieu des urubus, fauves, noirs et rouges agglutinés, qui crient et se battent pour des lambeaux de chairs sanguinolents. Leur masse grouillante moutonne avec la légèreté des plumes d’un coussin crevé sur son passage, avant de se refermer derrière lui.
Dans une flaque chaude du soleil, l'un d'eux, énorme, refuse de bouger. L'horrible crane rasé se tend  et le cou sans plumes du charognard luit de sang et de graisse. Trop lourd pour voler, il se dandine, à  quelques pas, ailes déployées, bec béant, sifflant de rage à l'égard du soldat.

Une petite jument noire, un des broncos apaches que Gibus a récupéré, frappe le sol en signe d’agressivité. Elle hennit puis recule lorsqu'il passe à côté d'elle. Le cercle des chevaux le regarde. Il tend la main en direction d'une jument louvette au pelage jaunâtre mêlé de noir, qui avance timidement les naseaux vers lui puis rejette la tête en arrière et s'éloigne.
Qu'est ce que les canassons ont contre lui aujourd'hui ?
Avant de comprendre qu'il doit exhaler à la fois la puanteur de la mort et celle métallique du sang séché et que cela effarouche les équidés.
Le troupeau est agité. Pour un troupeau en train de paître, il se meut en vagues anormales, bloqué au milieu des essaims de vautours en train de bambocher et qui bruissent de contentement.

A quelques pas, au dessus de buissons de créosotes, pointe les oreilles d'un coyote qui patiente. Avant peu, il ira s'inviter en pique-assiette au festin.

Xander dévale la corniche en boitillant jusqu'à un amas de rochers. Au milieu des pierres fracturées, il se tasse derrière en grimaçant de douleur, adossé à une grande roche à l'ombre, assis pendant un long moment dans un carré de sauge desséchée, le gros fusil niché au creux de son bras gauche. Ses blessures ont sapé ses forces.

Une rangée de tamaris chétifs, rabougris et sans feuilles borde le cours du ruisseau asséché, rempli de chaparral.
A quelques mètres, sous l'écorce d'un arbre mort, un nid de milles-pattes venimeux laisse échapper irrégulièrement quelques-uns de ses membres en chasse.
Au mitan de la mer buissonneuse, encore assez loin, les chevaux choisissent des chemins séparés parmi les touffes de mesquite, les buissons de créosote et de genévrier, et les feuilles raides et acérées des buissons de nolinas.

Le vent irritant et la chaleur intense jouent avec l'air, le fait frémir et tourbillonner au sol. La sueur lui coule dans le dos.

Il débouche la gourde et boit une petite gorgée d'eau. Puis attend quelques minutes avant d'en prendre une seconde. Ôte son foulard, verse de l'eau de sa gourde dessus, le trempe et s'humecte le visage. Il en éprouve un intense bien-être, renoue le linge frais et mouillé autour de son cou.

Il a perdu de vue le cortège. La dernière fois que Tyree a aperçu la troupe, elle suivait un flanc de colline pierreux, le long de la sente qui court sous la ligne de crête où s'étend l'arroyo asséché. Une piste raide et descendante, bordée d'ocotillos et de yuccas.

Il attend. C'est l'heure où un homme a le plus de difficultés à bien voir tant le soleil darde violemment ses rayons. Ses yeux plissés balayent parmi les brumes de chaleur, l'espace inconnu et hostile, le torrent à sec, sans rien voir de plus.
La végétation est plus épaisse à cet endroit, les buissons cassants. Il saisit un fétu de branchage entre ses doigts qu'il se met à briser méthodiquement, les yeux sur ses doigts.
Il guette par intermittence la ligne continue de sable et de rochers brûlants, regarde les cactées et les buissons qui s’étalent à l'infini en contrebas.

Montant dans le soleil rasant, un vent acerbe court sur le désert, une boule d'herbes sèches roule sous les assauts légers.
Une famille de cailles s'envole sur une crête voisine, devant lui, et descend en planant dans la clarté solaire avant de disparaître à gauche dans un épais massif de mesquite.

Là, au milieu de l'arroyo, les soldats viennent de pousser, carabines en main, un guidon bleu et blanc effiloché, volette gaiement au dessus d'eux.
Ils sont couverts de poussière et il est visible qu'il y a longtemps qu'ils n'ont pas eu l'occasion de se laver ou se nettoyer. En général, à part quelques rosses, leurs chevaux sont bien plus beaux qu'eux.
Mais Xander est heureux de les voir.

Comme lui, les hommes, maigres et coriaces, ont la peau tannée par le soleil. Beaucoup arborent des barbes hirsutes.
La chaleur écrase les soldats en serge grise ou bleu, et leurs montures qui gravissent à pas lents les pentes rocailleuses.

Le sergent Holmes, le cavalier de tête, une plume d'aigle fichée dans le chapeau gris, monte un grand cheval pie au pas très relevé, à la queue cassée, et doté de jolies balzanes. Une chemise de flanelle rouge bien tendue sur sa bedaine apparaît sous la vareuse grise boutonnée à la diable, et un jet de soleil meurt sur la chaîne de montre qui lui barre l'estomac.
Derrière lui au sein de la troupe, il aperçoit un autre ami, un scout qui avait pris la piste de Santa Fe avec lui, originaire de l'Arkansas comme Gibus. Cobb a le teint cuivré et des rides d'expression creusées par le soleil autour des yeux et de la bouche. Cela donne à son visage l'apparence d'une roche craquelée. Une fine cicatrice court le long de sa mâchoire.
Le soldat Dwyer à ses côtés tient la hampe du fanion.

Xander se relève dans un mouvement lent et fluide qui l'étonne lui-même.
Instantanément, les fusils des soldats gris pointent vers lui.
Ils savent d'expérience que dans le désert, les hommes qui pensent trop meurent bien avant les hommes qui agissent.
Le grand sourire de Holmes s'étale sur le visage sale et fatigué. Les gouttes de sueur ont tracé des sinuosités pales dans la couche poussiéreuse.


« - Tyree ! Bon sang ! Ou étiez-vous passés ? Ça fait deux jours qu'on vous cherche ? »

Les chevaux jettent violemment la tête en arrière et dansent. Ils sentent l'eau de la source à proximité, bien plus haut. Les queues battent, chassent les mouches rayées.

« - On a été accroché par les apaches. Un troupeau de chevaux confisqué qu'on menait vers le poste de Yuma avec quelques civils. Comment nous avez vous trouvé ? »

« - Sérieux! On voit votre volière à plusieurs miles à la ronde. Si vous vouliez attirer tout ce que le désert de Gila compte de charognards, vous sauriez pas mieux vous y prendre. »
Xander lève les yeux vers le ciel inondé de soleil. La forme d'un étrange nuage danse dans le ciel composé de plusieurs dizaines d'individus noirs comme de sales mouches, qui décrivent de longs cercles. Les oiseaux au-dessus de lui mènent un cirque infernal, pourtant il ne les entend même plus. Sur l'affleurement rocheux, les chandelles des cactus et les arbres morts, d'autres sont juchés semblables à d'énormes pigeons pelés.

« - On vous a tous cru morts. Vos têtes de rats allaient me manquer. De la casse ?...»

Xander passe un regard par dessus son épaule. Gibus, invisible jusque là, vient aussi d’apparaître.

« - Trois morts. Et un civil aussi... On vient de les ensevelir...Ça a été dur !»
« - M'en doute rien qu'à vous voir ! Vous z'êtes fait rosser par une demi-douzaine d'apache ?»

Un soldat : «- Vous avez pensé à marquer les tombes. C'est pas bien de les laisser anonymes. Si c'était la mienne ...»
A la voix Xander pense avoir identifié le jeune Donaldson. Il plisse les yeux pour s’accoutumer à la forme sombre de la silhouette du cavalier sans visage qui a parlé, noyé droit dans le soleil.
Il ne répond pas. Cela allait servir à quoi de marquer les tombes. Dans quelques semaines, elles auront disparu, oubliées, enfouies sous le sable, la poussière et la végétation.
Il l'ignorait encore mais il devait revenir quelques années plus tard, au hasard d'une patrouille, pour prendre le temps de graver de son propre chef, sur des blocs rocailleux, les trois noms des soldats abattus et un unique prénom.

Xander attrape la bride du pie de Holmes.


« - Charlie! Il faut qu'on emmène le troupeau vers Fort Yuma. J'ai envoyé seul un civil sur la piste. Une femme...»
Les yeux de Charles Homes se détournent, fuient vers un roc fendu, du chaparral brut remplit les interstices.
« - Désolé, Xander! On a reçu de nouveaux ordres. Je rameute toutes les patrouilles et je dois les ramener vers Picacho Peak. Sherod Hunter veut qu'on contrôle la piste, tous les points d'eau et tous les relais en direction de Tucson. On emmènera vos bêtes avec nous.»
« - Alors j'irai seul. Je m'assure qu'elle est en sécurité et je vous rejoins ensuite...»
« - Bon dieu, Tyree ! Soyez réaliste. Il est trop tard. Vous n'êtes pas en état de chevaucher seul, ni de vous battre d'ailleurs. Trop tard pour elle si elle s'est fait prendre... vous ne pourrez plus rien faire. »

Le sergent tapote les galons sur sa manche, bourru :
« - Je vous l'interdit de toute façon, et c'est un ordre ! Vous avez déjà fait ce que vous avez pu. Ne vous rajoutez pas des  remords si vous la trouvez morte. Ça vous boufferez, alors que si vous prenez la route avec nous, vous n'aurez que le regret de ne pas savoir ce qui lui est arrivé. Dans quelques jours, vous l'aurez oublié...»
« - Il a raison, Xander.» assure Gibus.

Indécis, Xander observe les cumulus blancs, nus et simples, qui s’amoncellent au nord, majestueux et immobiles comme de la pierre sculptée, d'un blanc sépulcral contrastant avec l'immensité bleutée du ciel.

« - Encore une pute à défendre, Tyree ? »

Ses muscles se nouent instantanément et ses blessures aux côtés lui font soudain terriblement mal.
Xander se renfrogne, les nerfs tendus, des insultes plein la barbe. Son cœur cogne dur contre sa poitrine et le sang tambourine à ses tempes. Il est devenu affreusement pâle.
Pas de chance que celui-là, ce porc soit présent. Deux trolls dans la même journée, lui après l'apache, c'était vraiment un de trop...
Incidemment, il eut le sentiment que la suite du voyage allait être pénible.

Il scrute avec dédain le barbu au large poitrail et au regard sauvage qui vient de dépasser les autres cavaliers, et qui le jauge goguenard.
Crole découvre ses dents cariées en un rictus provocateur. Le soldat est énorme, barbe drue et noire, arcades sourcilières proéminentes et nez cassé. Une méchante balafre barre sa tempe. A vue de nez, il mesure deux mètres pour prés de cent trente kilos.
Tous deux se sont dérouillés pour une histoire de fille brutalisée et Xander, enragé, avait eu le dessus. Depuis L'homme brute humilié le haït. Des injures toujours prêtes à jaillir plein la bouche. Le regard haineux se pose sur lui.
Un instant, ils restent ainsi, les yeux dans les yeux, s'affrontant du regard.

Sourcils froncés, le visage brutal, mécontent, Holmes aboie:
« - C'est pas le moment tous les deux! Crole en fin de colonne, la poussière te calmera.» D'un geste vague, il désigne le massif rocheux: « - Sergent Tyree, signalez le départ pour vos gars et en selle. Caporal Riggs, aidez les à driver le troupeau. Que les bêtes s'abreuvent, renouvelez les réserves en eau. Ménagez tous vos montures, on reprend la piste pour Tucson... »

Le désert s'ouvre devant le cortège, large, spacieux, limité dans le lointain par les sommets et les étendues des mesas. Le ciel reste d'un bleu profond, épais.
Les cavaliers s'enfoncent dans une ceinture d'épineux relativement serrée au milieu des saguaros, se frayent un passage, crèvent les haies, poussent leurs bêtes au trot, à découvert.

Ils ne disent rien. Le dernier hommage à leurs compagnons tués les a attristé. Leur mutisme est comme une poudre fine qui flotte secrètement dans l'air.
De temps à autres, ils sifflent ou crient un encouragement en suivant lentement le troupeau cahotant. Le pas des montures imprime à leur corps un continuel balancement.
Les sabots foulent la terre craquelée...
L'étoile d'argent sur le fanion bleu dansotte joyeusement.

Dans un grand grouillement de silhouettes confuses, les ombres déjà irréelles s'estompent, souffletées par les squelettes des arbustes, étouffées par les tourbillons en nuage qui s’élèvent en longs rais de poussières irisées vers l'azur.

Se faufilant dans le sable en ne laissant au dehors que sa tête plate et rectangulaire, le Gila Monster, massif, l’air faussement pataud, gobe les restes du scorpion velu d'une seule bouchée, ravi de retrouver enfin la quiétude de son royaume libéré...

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