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 Vol légal [Xander Tyree]

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Isabella Matamoros
En galère mais débrouillarde
Isabella Matamoros
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MessageSujet: Vol légal [Xander Tyree]   Vol légal [Xander Tyree] EmptyLun 15 Avr - 13:32


   

   
   
  • Type de RP: Flashback
       
  • Date du RP : Février 1862
       
  • Participants : Xander Tyree
       
  • Trigger warning : Meurtre, mort, attaque, sang ...
       
  • Résumé : Comment un sergent de la Confédération a subtilisé toutes les montures formées par une vendeuse estropiée de chevaux dans l'année.
       

   






Vol légal




Devant l’éboulement qui leur barrait le chemin vers le Sud, Isabelle ne cachait pas sa mine pensive et grave. Elle était dépitée.

Sur le chemin étroit et sinueux, un obstacle inattendu barrait abruptement la route. Un amoncellement massif de cailloux, arrachés à la montagne par le passage du temps ou à cause de quelques intempéries, bloquait le chemin avec une obstination implacable. Les pierres, de tailles variées, s’emmêlaient dans la terre et avec les débris de roches et de buissons éventré, formant un mur infranchissable qui obstruait tout passage.

Le tas de cailloux s'élevait tel un rempart naturel, défiant quiconque oserait s'aventurer à travers cette voie autrefois ouverte. Les rochers, usés par les éléments et polis par les vents décollant le sable rouge de ce pays aride, semblaient raconter l'histoire des collines et de leur longue et tumultueuse existence.

À la base de l'amoncellement, la route était éventrée, les racines des arbres déchirées par la force brute des pierres dévalant la pente. Des éclats de roche brisée jonchaient le sol, témoignant de la violence de l'impact initial qui avait créé ce monticule imposant. Autour du tas de cailloux, le silence régnait, brisé seulement par le murmure du vent dans les arbres et le doux clapotis d'un ruisseau caché en contrebas. C'était comme si la nature elle-même avait décidé de barrer le chemin, rappelant aux voyageurs la fragilité de l'homme face à la puissance indomptable des éléments.

Devant cette barrière naturelle, Isabella ne voulait pas se résigner. Avec sa monture, elle essayait de passer, d’un côté et de l’autre, sans trouver assez de place pour que le grand hongre alezan puisse poser ses pieds.

Il n'y avait pas de choix autre que de trouver un autre chemin. Rassembler les forces nécessaires pour surmonter cet obstacle imposant n’aurait servi à rien : ils étaient au milieu de nulle part et ils n’auraient rien trouvé pour les aider.  

On ne peut pas passer, Bella, il n’y a pas moyen, grommela Jack.

Isabella détestait quand on l’appelait comme ça. Mais les quelques mots du fils du fermier dont les terres jouxtaient le relais eurent le mérite de précipiter son acceptation de cette leçon humble que lui faisait les terres reliefs californiens. Une invitation à la prudence et au respect envers la force brute de la nature, qu’elle digèrerait, en attendant d’être confrontée à la violence des hommes.

Le problème était qu’elle ne connaissait pas d’autres routes. Depuis des années, c’était la seule qu’elle empruntait avec son père pour vendre les poulains de l’annéef sur le marché qu’elle connaissait. Depuis quelques mois, elle n’avait plus de père. Disparu, envolé alors qu’il était parti entrainer des animaux. Quelque chose au fond d’elle ne put s’empêcher de penser qu’il avait peut-être confronté à une difficulté similaire et elle sentit sa gorge se serrer.

En lâchant un soupir agacé, l’estropiée initia un demi-tour avec le troupeau d’une douzaine de chevaux qu’ils guidaient. Sans prendre la peine de donner les indications au fermier, elle réorganisa rapidement les animaux à coup de claquement de langue et quelques petits cris. Tous ensemble, ils amorcèrent la descente qu’ils venaient de gravir sous un soleil de plomb.

Le visage fermé, la boiteuse remettait tout en question : ses capacités à mener le cortège puisque c’était la première fois qu’elle prenait la route sans son père, mais aussi la fiabilité de son sens de l’orientation. Selon elle, pour aller plus au Sud, elle n’avait pas d’autres choix que de s’écarter de la piste pour essayer de franchir le cour d’eau qui lézardait au fond de la vallée. Elle ne s’attendait pas à ce que ce choix ne dévie autant sa trajectoire de l’objectif qu’elle cherchait à atteindre pour vite retourner aider au Sébastian qui devait gérer à lui seul le relais.

A côté, Jack bavassait. Il racontait avec des mots un rien simplet son quotidien peu trépident, se plaignant de tout, quand la cavalière avait l’impression d’avoir bien plus à faire et que l’idée de geindre n’aurait pas effleurer son esprit concentré sur le trajet. Pour ne pas paraître désagréable auprès de celui qui s’était gentiment désigné pour aider, connaissant la douloureuse passe que les Matamoros traversaient, elle ponctuait le bavardage de quelques petite interjections dénuées d’une grande considération, en gardant un œil sur les abords de la piste qu’ils empruntaient maintenant. Pourtant, taraudé par la peur de se tromper, elle finit par lui demander son avis pour se rassurer, le coupant au milieu d’une énième énumération de son quotidien :

Dis-moi, Jack, la direction de Fort Yuma, c’est bien par-là, tu crois ?
Ah oui, oui, c’est bien par là-bas, avait insisté le garçon d’une vingtaine d’année en revissant son chapeau sur son crâne blondinet.

Isabella hocha la tête, recueillant précieusement l’information avant de laisser reprendre ses déblatération.

Le seul truc qu’elle ne savait pas, c’était qu’il y avait deux Forts Yuma.

Avec l'hier, le vallon avait perdu toutes ses teintes ocres et rouge des feuillages autrefois flamboyants. Le ciel gris paraissait bas et pesant. Les températures glaçaient le sang mais le sol restait dense, gelé là où la végétation n’avait pas les ressources pour lutter. Heureusement, près de la rivière qui courrait, les équidés pouvaient serpenter entre les troncs dénudés. Les branches vides de feuilles zébraient, de rayons de lumière frêles et obliques, leurs croupes dodues quand les reliefs ne leur faisaient pas de l’ombre. Le parfum boisé de la terre mêlé à l'odeur acre des feuilles en décomposition imprégnait l'atmosphère, créant une ambiance qui apaisait un peu Isabella. Elle aimait voir les chevaux qu’elle avait passé les derniers mois à former piaffer dans l’eau et jouer, avant que les plus anciens du troupeau ne viennent les reprendre à l’ordre. Tant que la piste enclavée restait suffisamment large pour passer, elle poussa le troupeau en subissant, malgré elle, les délibérations de son assistant sur la meilleure façon de racler les fientes de poulets.

Au bout de quelques heures, la piste disparue, avalée par un pan rocheux, sur le côté. Heureusement, juste à côté, la rivière s’élargissait en un gué, qui semblait praticable à pied. Les vendeurs de chevaux ralentirent les montures, tracassés par toute cette eau qui bouillonnai, chargée de terre ocre. Non contente de masquer son fond sous une couleur brune peu engageante, la rivière avait quitté son lit et empiétait sur les berges. Au moins, la teinte diluée laissait dépasser quelques pierres et rochers pour rassurer les voyageurs sur la praticabilité du passage. D’ailleurs, ils ne seraient probablement pas les seul à l’emprunter : un marquage en corde permettait de repérer une voie recommandée.

A vu de nez, Isabella estimait que les chevaux devraient avancer avec de l’eau jusqu’au poitrail, au centre, là où le lit mineur était le plus profond ; ce qui fut très vite confirmée par un premier essai avec sa monture. La cavalière ne quitta pas des yeux les animaux à l’arrière et l’amont de lu torrent, craignant les débits charrié par les flots. Des bouts de rameaux et autres branches mortes détachées flottaient à la surface. Ils devaient tremper dans l’eau depuis le dernier hiver.

Une fois la traversée testée, elle revint pour demander à Jack de se positionner en aval et encadrer le troupeau. Les bêtes qui n’étaient pas lestées de quelques bagages hésitèrent moins que ceux qu’on avait chargé mais sous le regard attentif de leur dresseuse, tous s’étaient engagés. Tour à tour, elle les détailla, perchée sur sa monture, le pied éclaboussé par l’eau qui ricochait avec grand fracas sur le flanc des aventureux équidés. Le courant faisait tellement de raffut qu’elle n’avait pas entendu que d’autres chevaux montés de l’autre côté du gué. C’est le fermier qui lui fit un signe du menton pour l’avertir.

Sur la berge qu’ils cherchaient à gagner, elle vit des uniformes gris alignés. Tous à cheval, les mains posées sur le pommeau de leur selles, voûtés, probablement exténués. Dieu miséricordieux, des confédérés.

Isabella n’avait pas de raison de prendre la fuite. Elle n’avait pas l’énergie de déguerpir. Au fond, ils attendaient probablement que le troupeau ait traversé pour enjamber le torrent à leur tour. Il ne fallait probablement pas s'inquiéter.

De toute façon, ces gens étaient armés et elle ne voulait pas d’embrouilles, alors, elle fit signe à Jack d'enlever les mains du Remington qu'il portait, et de continuer. Elle ignorait totalement ce qui les attendrait de l’autre côté du gué.



Todos los hombres estamos hechos del mismo barro, pero no del mismo molde


Dernière édition par Isabella Matamoros le Dim 19 Mai - 20:47, édité 1 fois
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Xander Tyree
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MessageSujet: Re: Vol légal [Xander Tyree]   Vol légal [Xander Tyree] EmptyMer 17 Avr - 2:22

Le "kreee" rauque traverse l’éther.

La buse à queue barrée plane, les ailes positionnées en dièdre, décrivant de large cercles, au dessus des buttes rocheuses.
Un second cri jaillit, puissant. Le rapace éprouve de l'inquiétude. Son territoire de chasse a été investi. Il braque ses larges iris rougeâtres et furibonds sur la poignée d'intrus, humains et canassons mêlés.

Un troisième cri, retentit, d’exaspération cette fois. Chapeau Blanc lève la tête et observe le prédateur qui tournoie à plusieurs dizaines de pieds. Marbré de tâches de sueur, Chapeau Blanc, est affalé le coude au sol derrière un couple de créosote, le mousqueton posé sur le bras. Un sol poussiéreux. Les arbustes ont diffusé leur poison toxique dans la terre et tué toute forme végétale autour d'eux. La tête dissimulée par deux pierres, il scrute attentivement, par dessus la crête, le terrain désertique qui moutonne devant lui.

Depuis la butte rocailleuse, celui-ci se résorbe en pente douce parsemée des plantes endémiques de la région, de mesquites, d'agaves et d'îlots d'épineux jusqu'aux berges lointaines, très lointaines du Rio Gila dont on devine les eaux miroitantes au loin.
Celui-ci est en crue. On aperçoit ça et là les lits provisoires que l'inondation a créé, certains déjà en voie de résorption.

Plus loin on distingue les bandes grisâtes des collines rocheuses aux vallées larges et plates, avec de petites chaînes de montagnes éparpillées, composées principalement de roches stériles. L'hiver n'est pas particulièrement agréable par là-bas. Au delà c'est la Californie, territoire yankee infesté de coiffures bleues.
Par des faisans de Fort Yuma, Chapeau Blanc et bien d'autres galurins et casquettes ont reçu l'ordre de surveiller la frontière et intercepter toute forme d'incursion qu'elle soit azuréenne ou apache. Au besoin par la force. Toute marchandise non autorisée, si elle pénètre en territoire confédéré, chapeautée ou non, doit être considérée comme de la contrebande et réquisitionnée ...

D'autres patrouilles de rangers veillent, parsemées le long de la frontière.

Dans la plaine, la chaleur est déjà intense. Le froid glacial de la nuit s'est rapidement dissous sous les assauts des rayons solaires. L'échauffement de l'air au niveau du sol enfante ces turbulences mouvantes qui se propagent en créant des effets de miroir. L'air semble vibrer de chaleur, édifiant d'innombrables illusion de flaques d'eau miroitantes en suspension...

Képi Jaune s'essuie le visage avec son bandana, il ne cesse de manipuler nerveusement la lunette qu'il a entre les mains, l'ouvrant et la refermant de façon saccadée. Et cela agace Chapeau Blanc.

Celui-ci jette un œil circulaire vers le groupe derrière lui. Gibus, élégamment décoré d'un bandeau de perles indiennes et de quelques plumes de hibou, une veste de peau claire sur le dos, chevelure de jais, favoris et moustaches de même, bouchonne paisiblement son cheval, arrange ses couvertures de selles.

Les autres poneys, sont toujours serrés les uns contre les autres, encore frigorifiés, même après avoir partagé leur chaleur tout au long de la longue nuit hivernale de février. Les couvre-chefs de la patrouille les ont sellé dés l'apparition de l'aurore, après leur avoir donné leur picotin du matin.

A l’aide de quelques rocs, la veille, galures et képis ont érigé de petits murets auprès duquel ils ont allumé, sur quelques branches mortes, de petits feux. L’intensité dansante des flambées ont été dissimulées toute la nuit à la vue depuis la plaine par les pierres sèches. Les colonnes de fumées exsangues se sont à peine élevées, rampant le long du sol en volutes évanescentes, avant de s’effacer.

Chapeau Crasseux, est assis sur une pierre. Fluet et chafouin, il observe Képi Gris, le rondouillard, accroupi près du foyer, qui retourne à l'aide de la pointe de son couteau, les tranches de bacon odorantes, grillant dans la poêle noircie. Sur un second foyer, sifflote une cafetière, diffusant autour d'elle une bonne odeur de café...

Crasseux, il ne faut pas s'y fier. S'il paraît malingre, il est en réalité aussi noueux et musclé que retors. C'est le comparse de Chapeau Noir, le rouquin, favoris et trois poils sous le nez, la tête sur une pierre et les bras croisés sur la poitrine. Un roublard, teigneux comme la gale qui fait semblant de dormir pour éviter la corvée.

Un peu plus loin, entre les troncs des saguaros et des palo verde, on aperçoit la couronne de Chapeau de Paille, comme d'habitude enfoncé jusqu'aux yeux. Paille a pris son tour de garde. C'est un jeunot placé en vedette, qui veille sur la quiétude de la patrouille en gardant l’œil au sud vers le désert.

A gauche veille aussi Sombrero à l'ombre d'un tuyau d'orgue et de quelques rochers. Sombrero traîne sur les épaules. C'est un vieux tejano grisonnant. Lui aussi est affalé sur le sol minéral desséché, et ses yeux vifs et perçants guettent par dessus les saillies.

A l'exception de Gibus, vêtu de peau claire et de Noir, accoutré d'une tunique d'un beige douteux, tous portent les vareuses grises terres du sud, soutachées d'or. Tous ont des foulards bariolés, tous ont les mêmes pantalons d'uniforme tantôt bleus ou tantôt gris.

Chapeau Blanc retourne à son affût. Là-haut, le rapace s'obstine dans son vol circulaire, à la recherche d'une proie...
Aucun couvre-chef n'a vu âme qui vive depuis que l'aurore aux doigts de roses a teint le ciel matinal et que s'est illuminé le jour. A peine un jeune coyote, au pelage mité et au corps émacié, qui ne valait certainement pas le coût d'une balle...
De toute façon, ici, aucun chapeaux ni képis n'apprécient la viande du canidé...


***
Sombrero galopait vers lui.
« - Il y a du mouvements dans les collines »

Jaune avait déjà braqué la lorgnette, balayant la zone dans un mouvement circulaire :
« - Je vois rien ! »
Sombrero tend le bras :
« - Là-bas ! A gauche ! Sur la piste en haut, on dirait qu'ils descendent vers les gués ! »

Blanc s'empare d'autorité de sa longue-vue. Elle est à lui, il a été contraint à l'échange par Sherod, le capitaine, et lui a remis la belle paire de jumelles confisquée à un officier bleu capturé. Privilège du grade.

« Mmmh ! Ouaip ! Bien vu !... Tu santa madre realmente te dio los mejores ojos del mundo !»


Il épie longuement les crottes-de-mouches, silhouettes semi-distinctes, qui dévalent paisiblement  au pas la piste, soulevant un nuage de poussière ocre et grise...
« Je dirais une quinzaine de cavaliers... enfin je crois... peut-être des bleus... peut-être des nôtres comme ceux qu'on a péché par ici en juillet dernier... peut-être autre chose. Pas des apaches, pour sûr, sinon on les aurait pas vu. Suivez-moi, on va se rapprocher. »

Blanc bondit vers sa monture talonné par le vieux Sombrero et le Jaune.
Les autres chapeaux ont dressés l'oreille. Même Noir la feignasse, s'est relevé. Crasseux enfile déjà sa vareuse sur la chemise à carreau rouge et bleu.


« On remballe ! »
Képi rondouillard proteste : « - Mais on n'a même pas bouffé ! » L'heure de la popote, pour lui, c'est sacré.
« Balancez-tout dans les fontes ! Vous nous rejoignez derrière l'éminence aux saguaros là-bas, en direction des gués, derrière la butte aux rochers qui ressemblent à votre service trois-pièces. Trainez-pas !» ordonne Blanc, en enfourchant son rouan. Trois chevrons d'or ornent ses manches.

Gibus verse déjà les restes de café sur le foyer.
Geignant de rage, Gris Rondouillard piétine les flammes du sien, disperse à coup de pied, cendres et braises. Il a horreur de sauter un repas.
Le cottontail, alerté par les mouvements a plongé dans son terrier. Long « kreeee » de protestation. La buse, dépitée, s’élève à tire-d'aile.  Elle aussi a horreur de manquer un repas.


Blanc, Jaune et Sombrero ont déjà atteint la butte. La buse, perchée au sommet du grand cactus arborescent, outrée de la nouvelle invasion, les plumes de la nuque hérissées, balance alternativement son bec de droite à gauche...

Au milieu des grandes cactées, Chapeau Blanc, la lunette à l’œil, détaille les nouveaux venus. Sa langue humecte lentement ses lèvres sèches.
« Des jeunots. Des civils. Deux avec une douzaine de chevaux. Qu'est-ce qu'ils foutent par là, ces idiots ? Savent pas que les apaches traînent dans le coin. »

Sombrero, crache un long jet de chique sur le sommet d'un petit cactus.
« Ladrones de caballos ? Si son caballos yanquis no es robo ! »


« Des voleurs de chevaux ! » assure Képi Jaune, persuadé que ces deux sardines d'or sur le bras lui confère parole de vérité.

« On va le savoir ! Prends ton escouade et files vers le second gué, celui des bancs de gravier. Vous surveillez. S'ils traversent ici, on les attend sur la berge, vous passez le gué et vous vous ramenez par derrière. S'ils sont pas au clair, on confisque la contrebande. »

Képi Jaune hoche la tête. Tout est jaune chez lui, les cheveux, les galons, les soutaches d'uniforme, même le teint semble une variante de jaune pâle :
« Et s'ils tentent de s'échapper. S'ils traversent pas... ? »

« Dans ce cas, ils reprendront la piste. Tu traverses et tu les interceptent. Nous on sera derrière eux.
S'ils fuient, ce sont des ennemis. On réquisitionne les chevaux, prise de guerre. Pigé ! Exécution ! »


Chapeau blanc rajoute :

« Et pas de conneries ! Je les veux vivants ! »

Sur l'autre rive, le cortège des arrivants s'est immobilisé. Les animaux semblent nerveux. Certains renâclent. Les reniflements à intervalles très rapprochés indiquent leur inquiétude, et qu'ils cherchent à attirer l’attention sur un danger. Les oreilles sont raides et rabattues vers l’arrière en signe d'avertissement.

L'un des cavaliers, le plus petit, s’embête à tester la profondeur du lit. Signe que les deux jeunes gars ne sont pas du coin, sinon ils auraient pris l'autre passage, plus haut, bien plus guéable,  masqué par le gros éperon rocheux.

Divers débris ligneux dérivent, flottant au gré du courant. L'inondation les a arraché aux bancs de graviers. Habituellement ils y restent bloqués jusqu'à ce que la prochaine crue, lorsque les pluies torrentielles font grossir la rivière et rouler ses ondes furieuses, emporte les accumulations naturelles de débris végétaux apportées par le cours d’eau. Les jeunots ont de la chance que l'embâcle ne soit pas plus importante.

Les chapeaux sur leur monture se sont figés au milieu de la piste, déployés en ligne, ils en occupent toute la largeur, empêchant tout passage. Le grondement des eaux a masqué leur approche. De petite étendues d'eau, des flaques temporaires constituées d'eau accumulée dans les creux imperméables entre les rocailles tapissent le sol...

Courbés sur la corne du pommeau, Gibus Blanc Sombrero et Paille observent avec intérêt les manœuvres du plus jeune qui encadre ses bêtes, claque de la langue pour les encourager...
Celui qui donne les ordres, un gamin...

Képi Jaune ne devrait plus tarder à apparaître sur l'autre rive, derrière le troupeau...

Au milieu du gué, les deux boys viennent de réaliser leur présence, hésitent...


" Sortez de là, suckers ! Faut qu'on discute ! "


Dernière édition par Xander Tyree le Ven 19 Avr - 22:55, édité 6 fois
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MessageSujet: Re: Vol légal [Xander Tyree]   Vol légal [Xander Tyree] EmptyMer 17 Avr - 10:26


Un coup d’œil d’Isabella en arrière lui confirma son sentiment de vulnérabilité : des hommes avaient surgit aussi sur la berge qu’ils venaient de quitter. Ils étaient pris dans une nasse dont ils ne pouvaient pas échapper sans avoir à parloter, il semblerait.

Un instant, la fille d’écurie chercha une voie de sortie de ce guêpier, hésitant à aller plus avant. Les animaux aussi s’agitaient sous leurs selles et dans le remous du cours d'eau. Les chevaux avaient capté la présent inconvenantes bien avant leurs meneurs et se figeaient dans le cours d’eau, les naseaux dilatés, les oreilles comme de vraies girouettes, tournant et retournant d’arrière en avant, l’œil montrant le blanc et les sabots raclant le lit pierreux en attendant de remonter par l’un des versants.

Le regard noir de l’estropiée fixait tout le beau monde qui se présentait avec un mélange de mépris et de crainte. Une peur qui venait des entrailles qui irradiait, lui serrait la gorge et le gosier. Elle savait qu’elle n’aurait jamais dû s’écarter du chemin qu’elle connaissait. Feu son paternel l’aurait sévèrement réprimandée.

Quand on les interpela, Jack, à sa droite, plaça sa main sur son colt, comme si ses compétences en tir lui permettaient de mettre en joug la compagnie. La boiteuse ne dit rien mais lui fit signe de se détendre et de ne pas provoquer. Elle avait l’habitude des soldats. Beaucoup étaient comme des barils de poudres qui n’attendaient que l’étincelle pour montrer l’étendue de leur sordidité.

Peut-être que l’adolescente ne connaissait pas tout à fait ce type de soldat, cela dit. Parce que le relais à chevaux hébergeait plus souvent les yankees. Toutefois, le fonctionnement devait rester le même : une bande d’hommes rebattus par de désert, parfois écœurés des combats, qui avaient besoin de se convaincre qu’ils avaient tous les droits depuis qu’ils avaient eu à endurer ce qu’ils avaient traversé. A sa hauteur, Isabella savait qu’elle ne pouvait pas lutter. Alors autant éviter les pots cassés.

Fermant sa jambe valide pour dépasser le troupeau, la jeune femme se présenta pour aborder la troupe, une main sur son chapeau noir pour saluer avec respect. Elle ne s’avait pas à qui s’adresser mais lâcha respectueusement un :

Messieurs …

Pétrie de peurs, elle peinait à soutenir le regards qu’ils portaient sur elles. Visiblement, ils ne s’attendaient pas à un morceau de fille perchée là, alors que, là où elle allait, il n’y avait plus personne pour s’en étonner.

A l’arrière, le fils de fermier poussa la douzaine de chevaux sur la berge. Les chevaux non tenus en dextre se mirent à mâchouiller les branches basses de bouleaux et tous les brins d’herbes qui sortaient sur la terre ocre des rives détrempées. Pendant ce temps-là, le jeune homme, de quelques années l’aînée de celle qu’il accompagnait la rejoignit en tête. Il ne faisait clairement pas le poids contre des hommes armés mais il avait l’avantage d’avoir une carrure forgée par des longues journées de labeur. Il se croyait dissuasif. Isabella pria pour qu’il ne dise rien de répréhensible mais l’homme salua comme elle sobrement, essayant sournoisement de passer entre les rangs pour continuer leur chemin comme s'ils n'avaient rien entendu de leur injonction à s'arrêter.

Quand on leur bloqua la route, Isabella comprit que ça allait encore être une misérable journée.

Vous nous voulez quoi, au juste ? grogna le gaillard, tendu.

Les mains fermées sur les rênes, le visage interdit, la cavalière resta un peu en retrait, dévisageant tour à tour la tripotée d’hommes sinistres. C'était celui qui portait un chapeau blanc qui les avait interpelés dans la rivière, alors ce fut à lui qu'elle s'adressa :

On n’est pas des voleurs de chevaux, si c’était ce que vous nous reprochiez, se défendit-elle en prenant les devants. Beaucoup sont nés chez moi. Ils sont presque tous marqués, regardez.

La voix était claire, presque posée, malgré son palpitant qui s'emballait en réalisant qu'il n'y avait rien de plus suspect que quelqu'un qui commencer par se défendre de ce qu'on aurait pu lui reprocher.

En effet, un grand M stylisé ornait la croupe de la plupart des bêtes. D’ailleurs, nombres de poulains levaient le nez à chaque fois qu’elle parlait. Isabella savait que beaucoup de voleurs de chevaux procédaient à un marquage de leurs animaux pour tromper la vigilance des autorité. Pourtant, elle espérait que sa marque, unique et difficilement imitable, qui était installée dans la région depuis des décennies maintenant, rappelât le nom de sa famille à l’un des uniformes ameutés.

C’était à double tranchant : soit on ne la reconnaissait pas, on ne la croirait pas et on l’accuserait d’un larcin contraire à sa foi, soit on se souviendrait de l’allégeance des Matamoros pour l’Union et elle se doutait que ce n'était pas la meilleure des options.

Le regard clair qu'elle soutenait ne trahissait pas l'étendue des intentions de la troupe. Le visage lardé de cicatrices ne respirait pas la bienveillance et l'empathie. Alors, même si elle gardait la tête haute et les dents serrées, se sentait déjà démunie, incapable de déceler quel sort on leur réserverait l'instant d'après.



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MessageSujet: Re: Vol légal [Xander Tyree]   Vol légal [Xander Tyree] EmptyVen 19 Avr - 21:06

« - Messieurs … »

Il avait sourcillé en entendant la voix. Le gamin avait une voix... une voix ? ...une voix de fille...
En fait, c'était... c'était bien une gamine montée sur un jeune alezan à l'en-tête en losange et au chanfrein fortement marqué d'une liste blanche irrégulière et déviée.

Derrière lui, Gibus, ou plutôt Gaines soufflait
« C'est une gonzesse... », et le petit fermier, Davey, soulevant son chapeau de paille pour mieux apercevoir le phénomène, renchérissait les yeux écarquillés, comme pour s'en convaincre : « Ouaip ! Une gonzesse... de sexe féminin ! »

Au coup de talon, le rouan avança de quelques pas, ignorant le jeune gars trapu qui poussait le troupeau et tentait de s'infiltrer entre les montures de la patrouille, puis il s'immobilisa, docile. Xander se courba et flatta doucement l'encolure. C'était un animal placide et obéissant, aux poils doux mélangés de blanc, de brun-rouge et de noir.

Davey et Gibus avait adroitement bloqué la tentative d'intrusion. Le gaucher en haut-de-forme, moustache noire en bataille, pointait le mousqueton chargé à mitraille, posé au creux du coude, et visait négligemment avec le canon vers le ventre du lourdaud. A courte distance, l'effet allait être dévastateur. Davey, fusil de chasse au poing, s'était emparé d'autorité des rênes empêchant toute fuite. Le hongre broncha lorsque le cavalier gris tira sur les brides pour le forcer à stopper.

« Vous nous voulez quoi, au juste »

Le cavalier porta deux doigts à la bordure de son chapeau blanc en un salut militaire désinvolte, puis se mit à détailler tranquillement l'amazone en face de lui. Le ton de la fille avait été aimable, mais il avait capté fugitivement derrière le regard noir et contrarié, le mépris sous-jacent, vite dissimulé. Elle semblait lasse, tendue et contrariée. Cela, il pouvait le comprendre, on l'aurait été à moins...

« On n’est pas des voleurs de chevaux, si c’était ce que vous nous reprochiez. Beaucoup sont nés chez moi. Ils sont presque tous marqués, regardez.

Un vague M sur des chairs nécrosées. Xander détestait le marquage, cette pratique abjecte. Il avait appris la capture et le dressage des mustangs chez les indiens, mais jamais il n'avait vu ces derniers souiller leurs montures en les brûlant à l'aide d'un fer porté au rouge.

Courbé sur le garrot, il grimaça, cracha au sol, puis tourna la tête vers Ramirez, à deux pas derrière lui, sur son rouan cap de more, à la tête et aux extrémités sombres :


« Vaquero ! Toi qui est du coin ! Tu connais cette marque ? »

Le vieux tejano, regarda longuement la cicatrice imprimée sur les hanches. Puis il cracha sa chique en direction d'un petit rocher blanchâtre, déjà spitté d'impacts sombres...

« Si sargento ! Ce M, je l'connais. C'est celle d'un dresseur de chevaux. J'l'a croisé une fois sur un marché aux bestiaux, l'était venu vendre ses canassons. Bon dompteur, bonnes bêtes, bonne qualité... J'crois qu'il a un relais ou quek'chose comme ça... al noroeste... uh... au nord-ouest ... au delà de la Sierra Nevada. »

Il s'interrompit, expédia un autre jet noirâtre :

« C'est un californio ! Celle-là aussi... ¿Dónde está tu jefe, chica? Debería estar aquí guiando a sus animales? »
Traduction:
Définition:

Xander reporta son regard sur la silhouette gracile.

Un petit gabarit. Une môme de 17 ou 18 ans, peut-être moins. Des cheveux de jais tirés en chignon, dissimulés par le large chapeau, quelques frisottis sur la nuque, deux yeux sombres mobiles avec un zeste d’inquiétude, un teint hâlé, un peu creusé, encrassé par la poussière de la piste.... il réalisa soudain qu'il ne devait pas présenter meilleur aspect... un long cou gracile, une trop large chemise masquant les formes s'il y en avait, les hanches ouvertes et décontractées bien calées sur le siège, de longues cuisses au contact du plat du quartier de selle, les jambes...

Xander éprouva un malaise. La jambe à droite lui paraissait bizarre. L'étrivière et de l'entrave donnait l'impression d'avoir été bricolées et un curieux jeu de sangles avait été rajouté à la selle.


« El jefe es mi padre »  

Oh oh ! Xander lança machinalement un coup œil vers les hauteurs de l'autre côté du rio. Est-ce que cela signifiait que le paternel de la jeune miss allait débarquer, peut-être avec quelques hommes ? Cela pouvait expliquer pourquoi ces deux-là s'étaient engagés sans crainte et avait fait passer le troupeau à travers le gué.

L'endroit était idéal pour une embuscade, il venait d'en faire la démonstration à la petite en les coinçant entre les deux pelotons.  

Un piège ? On avait essayé de les attirer avec une carotte et il avait foncé droit dedans comme un crétin de jackrabbit ? Bravo Tyree ! Il n'avait nulle envie envie de voir la situation se retourner et de se faire prendre à découvert avec une partie de ces hommes dans la flotte, avec cette gamine et ce balourd en plein milieu d'une fusillade.

Dans ce cas, pourquoi ne les avait-on pas encore aperçu ? Ni repéré dans la passe sur les versants ? Ni distingué le moindre tourbillon de poussière ? Pourquoi laisser ces jeunots prendre de tels risques dans une région infestée d'hostiles ?

Non, ça collait pas. Il n'y avait personne d'autre. Le vieux avait juste dû envoyer sa môme faire le boulot à sa place pour une raison qu'il ignorait.
Xander se mordit les lèvres, la situation était soudain devenue déplaisante. La guerre l'obligeait souvent à faire certaines choses qui lui répugnait, mais là ça allait être le pompon.

Une ombre passa sur son front, ses yeux cherchèrent celui de la petite californio, mais tout ce qu'il récolta en retour, ce fut un regard de défi.

Tant mieux, le nœud qui commençait à se manifester au creux de l'estomac, se résorba d'un coup... C'était pas le moment d'avoir des scrupules...

Derrière la fille, Pacheco et ses mineurs achevaient de traverser le gué.
Le caporal avait son colt à la main, et les autres leurs fusils à double canon. Le rondouillard, le rifle en travers de la selle, mâchait les bouts de lard qu'il tirait de ses fontes...

La jument à la robe isabelle, dans les tons sable, avec les crins et les balzanes noirs s’immobilisa à la droite de la fille. L'animal, la robe encore humide s'ébroua, projetant des perles humides dans toutes les directions...
«  C'est des voleurs de chevaux ? » s'inquiéta Pacheco, sans même regarder la cavalière. Il tenait à son idée. Le revolver pointait vers le flanc de la fille. Puis il regarda sa cible, se troubla, soudain décontenancé : « Shit ! C'est une gosse... »

Les deux compères, le rouquin et le chafouin, chuchotaient déjà entre eux. C'étaient deux roublards sans scrupules ni moralité, et il avait entendu dire qu'ils avaient eu maille à partir avec la justice autrefois, mais ils savaient se battre. C'étaient d'anciens chercheurs d'or et d'argent de Pinos Altos, ils avaient affrontés les apaches quelques mois auparavant, lorsque ceux-ci avaient attaqué la ville et ils les avaient repoussés avec succès.
Tous deux avaient les yeux rivés en direction de la niña, et ce n'était visiblement pas pour admirer la croupe du cheval. Ils se posaient un poil plus haut...

De nouveau contrarié, Xander souleva son chapeau, s'essuya le front. Il allait falloir surveiller ces deux-là. La lassitude commençait à peser sur les épaules, il avait le cul tanné par la selle à force de chevaucher d'un bout à l'autre du territoire, se sentait crasseux et affamé, et n'aspirait qu'à quelques heures de vrai repos. Pas de chance que ces deux idiots et leurs cavales soient venus directement se fourrer dans ses pattes. Il allait falloir les gérer au mieux.
Pour le troupeau, et son escorte, il n'avait pas beaucoup d'option. Il allait devoir faire un choix et présenter les choses sous une forme autant légale que possible. Il ne pouvait pas reculer, les gars n'attendaient que ça et n'auraient pas compris qu'on les laissent passer :


« Mademoiselle... » Il hésita, puis raffermit sa voix :

« Mademoiselle. Soyez la bienvenue dans les Territoires confédérés d'Arizona. Vous avez passé volontairement la frontière, et il est visible que vous provenez de Californie. Vous n'êtes pas sans savoir que nos deux nations sont actuellement en guerre... » Il hésita, indécis, frotta machinalement sa barbe drue...

«... néanmoins vous avez emprunté cette vieille piste que quasiment plus personne n'utilise... sauf clandestinement. A moins que vous ne soyez des sympathisants de notre cause, je ne vois pas pour quelle raison vous avez amené vos chevaux par ici… aussi, nous allons vous escortez jusqu'au poste de Fort Yuma afin que nous puissions tirer votre situation au clair... »

Il fit un geste machinal en direction de la route.

« Je vous invite à avancer... »


Dernière édition par Xander Tyree le Ven 26 Avr - 22:27, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: Vol légal [Xander Tyree]   Vol légal [Xander Tyree] EmptyVen 19 Avr - 23:26


Comme Isabella ne sortait pas beaucoup du relais à chevaux, elle n’avait guère l’habitude qu’on la dévisageât ainsi. Elle n’aimait pas le regard de ces hommes sur elle. Elle n’aimait pas la façon dont ils écarquillaient les yeux pour mieux la scruter sous toutes les coutures. En particulier le sieur au chapeau blanc, perché sur un grand rouan que tout le monde écoutait. Pourtant, un holster de colt porté à gauche et un étui à couteau fixé à sa droite la dissuadaient de lancer la moindre tentative pour se soustraire au jugement qu’il se faisait d’elle. Elle comprit qu’il avait remarqué que sa cuisse était ficelée à sa selle par quelques sangles rajoutées, mais elle aurait préféré qu'il la canarde proprement plutôt que d'avoir à implorer la moindre pitié pour son membre manquant.

Un à un, la cavalière détailla, elle-aussi, mais en silence, les cavaliers. Il y en avait trop autours d'eux. Ils avaient tous des trognes enfarinées de poussière, et une main posée sur leur arme plus ou moins dissimulée. Elle n’eut pas besoin de beaucoup de temps pour se rendre compte qu’ils ne feraient pas le poids devant des soldats de la Confédération entrainés.

Rapidement, on demanda à vérifier les informations qu’elle venait de donner. Heureusement, quelqu’un reconnaissait le marquage de son troupeau. Un vieux tejano remettait sans vraiment se souvenir le signe au fer forgé des Matamoros. Il se souvenait que les chevaux qui portaient cette marque venait de Californie. Et, même s'il parla en terme fort laudatifs, la boiteuse comprenait déjà que c'était baisé : voilà qu'on savait d'où ils venaient et il était trop tard pour s'en dépêtrer ou les en dissuader.

Quand le tejano s'adressa à elle en espagnol, elle lui répondit sur un ton vif et sec bien que dénué de la moindre acerbité :

El jefe es mi padre.
(Le chef, c’est mon père).

Elle ne perdit pas de temps à essayer d’expliquer son absence, laissant sciemment les soldats hésiter. Si elle arrivait à semer, dans leur esprit, le doute qu’ils n’étaient pas seuls et que, peut-être, le paternel et d’autres viendraient les chercher, alors peut-être qu’ils réfléchiraient un peu, avant de les emmener, non ? En tout cas, c'était tout ce sur quoi la dresseuse pouvait miser sans, toutefois, l’expliciter : Isabella n’était pas assez bonne menteuse pour prendre ce risque inconsidéré.

A l’avant, le fils de fermier qui l’accompagnait réalisait, au fur et à mesure qu’ils étaient rejoints par d’autres uniformes gris, dans quelle sorte de pétrin ils étaient salement fourrés.

Non, non, non ... répétait Jack impuissant.

Il fit reculer sa monture brutalement en jetant un regard chargé de reproche à son acolyte d’origine mexicaine.

J’ai pas signé pour ça, moi, Bella, chuchota-t-il, tout bas, la mâchoire serrée et la nuque raide.

Toutes crosses dehors, les lurons supplémentaires venaient les encadrer, les pressant en avant et rabattant sur la berge les quelques chevaux qui trainaient encore aux abords du cour d’eau. Avec son Remington, jamais le jeune homme, mauvais cavalier de surcroît, n’aurait pu rivaliser avec autant de gaillards qui défendaient, selon leurs dires, l’Arizona.  

Voilà ce qu'on finit par leur dévoiler : ils entraient en territoire confédérés. C’était ce que le chapeau blanc disait. La nouvelle fit l’effet d’un baril de poudre proprement allumé dans le gosier d’Isabella. La pilule était difficile à avaler. Alors, la jeune femme baissa le nez pour se concentrer et ne pas entendre les suppliques de son binôme qui commençaient à geindre et à se trémousser. Dans sa selle, il s’agitait mollement, se débattait avec ce qu’il percevait de la réalité quand, statique, la brune prenait les informations, les décortiquait et les triait, pour rapidement les digérer.

En ignorant la rage du désespoir qui commençait à monter, elle tenta vainement de négocier :

Allons, messieurs... On s’est juste trompés de chemin, articula la jeune cavalière avec une voix rauque. Nous sommes juste des civils. Même en franchissant la frontière, je vous aurais vendu mes chevaux en me contrefoutant de pour quelle nation vous combattiez. Californie, Arizona... Tout ce que je veux c'est vivre de mon travail en paix.

En fait, ce n’était qu’à moitié vrai : si l'infirme s’était rendu compte qu’ils avaient mis un pied en Arizona, sans ce comité d’accueil musclé, elle aurait probablement opéré un demi-tour aussi sec pour ne pas se mettre, elle et son troupeau, bêtement en danger.

S’il vous plait, on peut au moins faire un marché ? reprit-elle en les prenant à partie un à un. Je vous cède les bêtes moitié du prix. Elles sont à vous. Le travail de trois longues années. Ils sont tous débourrés montés et à l’attelage, endurants, habitués aux longues distances, au travail du bétail et aux coups de feu. Prenez ceux que vous voulez : je n’en demande que quelques dollars en fonction de ce que vous avez. En contrepartie, vous nous laissez repartir avec mon ami.

Isabella chercha l’appui de Jack, le voisin fermier. Bien qu’il soit l’aîné, il semblait plus fébrile qu’elle sans qu'on ne sache trop l'expliquer. Surement parce qu’il se tenait prêt à demander à sa monture de faire demi-jour sur les jarrets pour tenter de sauver sa peau, dès qu’il en aurait l’occasion.

Cependant, pour le moment, les californiens campaient sur leurs positions avec l’effronterie de la désolation.

Ce n’est pas notre guerre, souffla-t-elle, la mort dans l’âme, en déglutissant bruyamment.

Isabella venait d’un endroit où le travail paie, où la justice gagne plus souvent qu’elle ne perd et où la franchise et la vérité triomphe sur les mauvaises intentions. Malgré tout l’acharnement investi dans son éducation rustique, elle commettait encore l’erreur de croire en l’humanité des hommes sur les terres que mêmes les dieux avaient déserté. Elle ne tarderait pas à en faire les frais.



Todos los hombres estamos hechos del mismo barro, pero no del mismo molde
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MessageSujet: Re: Vol légal [Xander Tyree]   Vol légal [Xander Tyree] EmptyDim 21 Avr - 23:38

« Allons, messieurs... On s’est juste trompés de chemin. Nous sommes juste des civils. Même en franchissant la frontière, je vous aurais vendu mes chevaux en me contrefoutant de pour quelle nation vous combattiez. Californie, Arizona... Tout ce que je veux c'est vivre de mon travail en paix. »

Xander est sidéré. La naïveté de la gamine est proprement confondante.

Elle vient non seulement d'avouer qu'elle s'était égarée ce qui prouve que ses chevaux ne sont pas destinés aux troupes confédérées. Mais elles ne se rend pas compte que son aveu de quelques mots implique que le troupeau est destiné à d'autres. Elle n'était certainement pas venu par ici en ballade pour le plaisir de dégourdir les jambes de ces canassons chéris...

*** Ma parole ! Elle nous prend pour des imbéciles !

Il n'est pas difficile de deviner qui étaient les véritables destinataires. Dans les environs proches, les seuls à se procurer massivement des chevaux, ce sont les troupes de l'Union qui se rassemblent dans les campements de Fort Yuma pour leur campagne en préparation.

S’il vous plaît, on peut au moins faire un marché ? Je vous cède les bêtes moitié du prix. Elles sont à vous. Le travail de trois longues années. Ils sont tous débourrés montés et à l’attelage, endurants, habitués aux longues distances, au travail du bétail et aux coups de feu. Prenez ceux que vous voulez : je n’en demande que quelques dollars en fonction de ce que vous avez. En contrepartie, vous nous laissez repartir avec mon ami.

Mauvais calcul.

Quentin Pacheco rigole :
« Poupée, même si on avait eu l'intention de te payer tes bestioles ? On aurait pas pu, cela fait six mois qu'on a pas touché notre solde ! »

Xander jette un regard mauvais au caporal. Il parle trop.
La paye n'arrive pas parce qu'elle doit venir de Mesilla par des pistes tenues par les maraudeurs chiricahuas, mimbreños ou mescaleros. Toutes les bandes apaches se sont soulevées. Les risques sont énormes pour les petites troupes isolées, il faut patienter jusqu'à ce que le territoire soit de nouveau pacifié, et eux sont si peu nombreux … ou attendre que le trésorier-payeur parvienne à rejoindre Tucson avec des troupes fraîches...

Il jette un œil écœuré sur le grand trouillard au coté de la fille qui ne cesse de gémir en marmottant. Celui-là commençait sérieusement à l'irriter. Un gars a l'air baraqué, accoutumé à faire céder les autres grâce à la carrure de ses épaules. Mais pas habitué à faire face à une véritable opposition.
Ses yeux hagards annonce sa panique naissante et que les nerfs sont sur le point de lâcher.
Xander connaît ce regard, il l'a déjà vu. Les poings serrés tirent sur les rênes sans respect pour l'animal qu'il monte. Les articulations ont viré au blanc et le mors blesse la bouche de sa monture. Celle-ci renâcle en signe de mécontentement et piaffe, ses sabots piétinant le sol. Son souffle semble bloqué et elle émet un bruit de larynx, comme un grognement, manifestant sa douleur.
L'idiot va tout lâcher d'un coup et tenter de se frayer un passage pour détaler. Comme si on allait le laisser filer, c'est voué à l'échec. Les gars vont le hacher au passage.


« Ce n’est pas notre guerre »


Ça s'était le bouquet ! Xander sent une bouffée de colère lui monter des entrailles.
Notre guerre ! Notre guerre ! Elle croit quoi cette sotte !  Qu'il a choisi de s'engager dans cette foutue guerre. Que c'est pour s'amuser qu'il se trouve là !
On l'y a catapulté à coups de poing dans la gueule et sous la menace des fusils. On l'a chassé... On l'a forcé à choisir un  camp... A choisir malgré les promesses d'amitié encore jurées la veille...

C'est pas sa guerre ! C'EST PAS SA GUERRE ! C'est pas la mienne non plus, bordel. C'est pas la guerre de ceux qui ne l'ont pas choisi. Y en dans tous les camps qui la subissent ! Suis pas devenu soldat par plaisir, moi. Me suis engagé dans les rangers pour protéger les populations civiles des pillages et des tueries commises par les apaches, des populations abandonnées à leur sort par les yankees, ceux-là même qui avaient déclenché les hostilités... Chierie...

Tobey encense, agite la tête, ses oreilles dirigées vers l'arrière, indique qu'il dirige son attention vers le cavalier. Il recule de deux pas. Le hongre, les naseaux crispés, sent l'irritation de son maître.

Soudain furieux, Xander agite son chapeau en direction des bêtes, crache ses ordres :

« Rassemblez le troupeau ! »

Puis :
« Gaines, calme-moi le geignard ! ».Geste furtif du gibus en travers de la gorge. « J'ai dit calmer ! Pas autre chose ! ».

Le canon du fusil esquisse un large demi-cercle. Cueilli au visage, arraché de la selle par la violence du coup, le californien s'écrase lourdement sur le gravier, parmi les flaques humides, et se recroqueville immédiatement en position fœtale, les mains protégeant la tête en grognant de souffrance. Le gibus noir a déjà mis pied à terre, redresse sa victime par le col, et lui assène deux claques sonores. L'hématome sur le coté du visage bleuit à vue d’œil. Un coup de pied au cul complète la correction en le réexpédiant vers la monture. Gaines subtilise adroitement au passage le Colt Remington du holster :
« Grimpe dessus, p'tit con ! Et si tu l'ouvre encore, j'te bute ! »

Le geignard file presque à quatre pattes, se hisse sur le cheval, se courbe en gémissant sur la corne du pommeau :
« T'as dit quoi ? Répète ?»
« Rien dit, M'sieur ! J'ai rien dit ! »
Gaine agite le Remington sous le nez du gamin :
« Belle arme ! Merci du cadeau ! T'veux pas que je l'essaye sur toi ? Si ? »
« … (voix inaudible) »
« J'ai pas entendu ? »
« Nooon ! M’sieur… M'faites pas de mal, M’sieur… » hoquette le gamin,  le regard de nouveau affolé. Il a la lippe pendante, l’œil n'est plus qu'une fente suintante au milieu de la chair gonflée, marbrée de rouge et bleue, un filet de morve lui coule du nez qu'il essuie d'une revers.

Gaine s'amuse. Il ricane sous sa moustache noire, se penche vers le fermier à l'œil exorbité qui geint encore de trouille, le visage brouillé de larmes et se tasse sur la selle :
« C'est bien ! J'veux pu t'entendre sinon je t'arrache la langue ou pet'être aut'chose, okay ? »
« Oui m’sieur ! Oui, m’sieur ! ». La jérémiade s'interrompt d'un coup.

Gibus renifle, plisse le nez, enfonce le colt dans son ceinturon, puis enfourche sa monture. Puis balance à la cantonade :
« Damn ! L’a chié dans son froc de trouille ! »

Quelques cavaliers gris, le caporal jaune, Davey, le gros Weber et Burroughs, le crasseux, rassemble vivement le troupeau éparpillé. Les bêtes se regroupent dociles, occupées à cueillir du bout des lèvres le peu de verdure qui poussent de ce côté-ci du rio, sur les maigres arbustes résiduels qui parsèment la rive et la piste. La grande crue catastrophique de janvier a emporté tout le reste. En agitant leur couvre-chef, et à l'aide d'appel et de claquement de langues, ils poussent la cavalcade sur la piste...

Son galure blanc à la main, Xander se retourne vers l'amazone :


« Señorita … » Soudain indécis, il ne sait quel nom employer. Le californien l'a appelé Bella. Bella quoi ?

Énervé, il pivote vers le vaquero :

« Agustín, c'est comment le nom du padre de la miss ? »
« Matamoros, sargento ! »

Xander expire pour se calmer, pose son chapeau sur la tête, tape un léger coup sur la couronne pour l'ajuster et tire d'un coup sec sur le bord pour l'assurer et retrouver une contenance :

« Señorita Matamoros. Je vais recommencer. » Il respire profondément : « Nous n'allons assurément pas payer pour vos montures. Même si j'en avais les moyens, il n'est pas question que nous acquérons des chevaux que vous aviez l'intention de livrer à l'ennemi. Aussi... Au nom des États confédérés d'Amérique, je confisque votre troupeau. »

Légal-légal-légal. Xander souffle puis reprend :

« Vous allez nous accompagner jusqu'à Fort Yuma. Là-bas, ils décideront si vous pouvez être indemnisée ou non pour cette réquisition. Je vous ai déjà demandé d'avancer, je vous prie de vous exécuter sinon nous nous verrons dans l'obligation d'user de la force... »

Il se passe de nouveau le bout de la langue sur ses lèvres desséchées, honteux :
«  Vous avez vu de quoi nous sommes capable... »

Il détourne les yeux, fait avancer sa monture sur la route. Il se doute déjà que la fille va obéir... Merill derrière elle y veillera.

De toute façon, il y a peu de chance que la gosse récupère quelque chose pour ces bêtes. Même avec un bon de réquisition. Les confédérés d'Arizona manquent d'argent. Le commerce est paralysé par la guerre apache et la guerre avec l'Union. Même les mines sont à la peine à cause des attaques...
Les réfugiés encombrent les villes et les postes militaires. Et puis de toute façon, ce n'est pas cette grosse ordure de Baylor, le gouverneur autoproclamé du Territoire de l'Arizona, ce boucher, qui acceptera de verser quoi que ce soit à la petite...


Merril avance son feutre noir, dévisage avec lenteur la fille. Son œil tique involontairement. Il tressaille toujours quand il est excité. Il grogne et agite son fusil à double-canon devant la fille :
« T'as entendu, ma jolie ! Bouge ton cul ! Avance ! »

Puis le rouquin esquisse un rictus, qui retrousse sa lèvre supérieure sur ses dents ébréchées et découvre le trou noir de celles qui lui manque. Il caresse doucement de deux doigts crasseux l'avant-bras de l’adolescente.
Les poils roux sous le nez camard s'agite :

«  Dépêche-toi, chica ! J'ai plus que hâte de faire plus ample connaissance... »
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MessageSujet: Re: Vol légal [Xander Tyree]   Vol légal [Xander Tyree] EmptyLun 22 Avr - 16:03


Fight or flight.

Les animaux n’ont que deux réactions possibles face aux menaces. Chacune se caractérise par une décharge générale du système nerveux. Un bâton de dynamite qui saute soit dans un sens, soit dans l’autre suivant le caractère de celui qui se voyait bousculé, mais qui explosait quand même impitoyablement.

Fight or flight.

Si Isabella avait tenté bien maladroitement une négociation pour faire face à l’adversité, c’était la seconde option que retenait le fils de fermier. Comme les soldats à l’uniforme gris n’étaient pas nés de la dernière pluie, ils l’avaient très vite compris.

Pendant que la cavalière scrutait avec appréhension du chef au chapeau blanc, ne trouvant soudainement que mépris et colère sur le visage de l’homme après son intervention, elle ne voyait pas Jack se trémousser sur sa monture. Ça faisait déjà abstraction de ce qu’il racontait, elle avait presque intégré qu’il était plus facile de l’ignorer. Pourtant, elle ne couina comme une chouette effrayée quand le responsable du convoi demanda à l’un de ses acolytes de s’en prendre à au blondinet. Avant qu’elle ne l’ait vu arriver, son partenaire se trouvait avec le canon au travers de la face, si fort qu’on crut entendre l’os du nez casser.

Ejecté de sa selle, le grand gaillard, se vautra par terre, les deux paluches plaquées sur sa trogne esquintée. Isabella jeta un regard apeuré. Elle hésita à mettre le pied à terre. Elle réalisa rapidement que les deux cavaliers qui étaient venu l’encadrer l’en auraient empêchée si elle avait essayé. Impuissante, elle vit Jack bouffer ce que l’homme au gibus noir lui mettait dans les dents en cherchant de la pitié quelque part, sur les visages goguenards.

L’arme de Jack fut confisquée. On le força pitoyablement à remonter sur sa monture qui venait de sursauter devant la soudaineté du choc. Au passage, le confédéré qui avait frappé lui retira son Remington. Isabella ne peut que baisser le nez, absolument désolée.

Ça y est : le courage de se battre était passé. Si on lui avait donné la possibilité de disparaître, elle n’aurait pas hésité.

Fight or flight.

Avec ses palabres, Isabella n’avait réussi qu’à agacer le chapeau blanc. Jack n’avait même pas pu tenter sa fuite, tuée dans l’œuf par le gibus noir. Alors, ne leur restait plus qu’à accepter leur sort.

Complètement pétrifiée et effrayée, la boiteuse écouta chapeau blanc répéter son ordre, le regard absent, la bouche serrée. Elle était tout bonnement sidérée par le déferlement de violence soudain qui ancrait dans la réalité la dangerosité palpable de cette troupe. Et, d’un coup, entendre son nom dans la bouche de son ravisseur, la fit pâlir davantage.

Quand il répéta son ordre en maintenant le calme, la boiteuse hocha la tête, en se soustrayant une seconde au poids des pupilles posées sur elle derrière le rebord de son sombrero noir. Comme elle ne parvint pas à bouger, Tehuano, le grand hongre alezan qu’elle montait, suivit le cortège instinctivement. Il se rendait bien compte que la main qui le guidait manquait de fermeté. En vérité, presque imperceptiblement, la jeune femme tremblait. Son caractère fort l’empêchait de vaciller mais, à chaque pas de sa monture, la cavalière paraissait s’effacer.  

C’était que, peu à peu, les informations montaient. Elles l'imprégnaient. La dresseuse allait perdre le troupeau. Sans une rentrée d'argent, ce sera toute la sécurité du relais chevaux qui sera déstabilisée. Sebastian, son oncle, se verra démuni et outré à leur retour. Mais, ça, c'était dans le cas où elle retourne un jour au relais.

Elle ne voulait pas l'admettre. C’était difficile à accepter. Cela lui paraît insoutenable mais... Isabella était captive, désormais. Avec ses chevaux, on venait de les prélever en plein air comme une horde de mustangs effarouchés ou des esclaves évadés de leur exploitation.

La jeune femme se laissa porter par sa monture, sans volonté. Comme une bête traînée à l'abattage, elle était livide, secouée d’une panique silencieuse à peine dissimulée. Inutile de se débattre où d'essayer de crier : elle n'aurait que plus agacé le chapeau blanc et sa horde. Vindicativement, Jack la fixait en se laissant lui aussi balloter sur sa selle. Il la fusillait de son regard franchement esquinté. S’il avait pu la tuer pour se sauver, il l’aurait fait. Alors elle gardait le nez baissé.

Plus ils avançaient, plus Isabella se rendait compte du caractère persistant et permanent de la condition qu’on lui imposait. Prisonniers. Ils étaient maintenant prisonniers ou quelque chose qui y ressemblait quand même excessivement pour ne pas s’en inquiéter. Toutefois, une part d’elle refusait catégoriquement de l’accepter. C'était comme si elle se désincarnait parce qu'elle avait l'impression de se voir du dessus, comme si toute la situation ne pouvait pas l'intégrer à part entière.  Un guet-apens comme ça, ça arrivait aux gens riches. Ça arrivait aux uniformes. Ça ne pouvait pas lui arriver à elle parce qu'elle n'était rien…

Comme une enveloppe vide, elle se laissa balancer sur la selle, une main tremblante sur les rênes, l'autre posée sur la petite croix qu'elle portait autour du cou. Elle tressaillit à peine quand un crasseux posa la main sur elle. De toute façon, même si elle avait eu le courage de se rebiffer, ça n’aurait rien changé. Il valait mieux faire profil bas et avancer. Pour le trajet, elle évita soigneusement les membres du cortège, histoire qu'ils ne se sentent pas provoqué d'une façon ou d'une autre. Pour la première fois, elle se trouvait contrainte de s’écraser devant des soldats, une chose qui n’était pas arrivée depuis des années. Dans son propre établissement, on l’avait déjà bousculée ou essayé de la molester. Son père ou Sebastian étaient toujours intervenus au bon moment. Ici, dans le désert, elle n'avait d’autre choix que d’ignorer à chaque fois qu’on lui adressait la parole ou qu’on posait venait se mettre au botte à botte avec elle pour la taquiner.

Comme une enveloppe vide, elle se laissait balancer sur la selle, une main tremblante sur les rênes, l'autre posée sur la petite croix qu'elle portait autour du cou.
En silence, Isabella priait Le Tout Puissant. Si, un traitre jour, Il devait manifester sa grande bonté ç’aurait été assez arrangeant qu’il se montre maintenant, si fait.

Elle n’avait jamais rien lui demander d’autre que la santé pour les siens et ses bêtes. Mais, ce jour là, elle l’implora sans un bruit qu’on préférât la tuer que la malmener. Ca faisait longtemps que la gamine ne craignait plus de mourir : elle craignait de souffrir. Que ce soit long pénible et déshonorant. Elle avait déjà expérimenté la douleur à ce qu’elle pensait être le paroxysme et tout ce que cela lui avait appris, c’était qu’elle n’avait pas l’étoffe d’une martyre.

Ironiquement, parmi les faces grimaçantes des confédérés, elle sentait qu'elle ne pouvait se fier au meneur de cette hideuse troupe. Le galure blanc, d’une petite vingtaine d’année son aîné, à la louche, avait le mérite de correctement s'exprimer. Il semblait fort bien tenir ses chiens enragés. Pour sûr elle le détestait pour ce qu’il faisait mais elle n’avait pas d’autre choix que de faire exactement ce qu’il lui demandait et, mécaniquement, elle s’y pliait, la mort dans l’âme.

Si c'était à Fort Yuma qu'ils la trainaient, elle y irait.



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MessageSujet: Re: Vol légal [Xander Tyree]   Vol légal [Xander Tyree] EmptyVen 26 Avr - 21:29

Nouveau détour ?

*** Décidément, Dieu aujourd'hui n’est pas avec nous et il déteste les corniauds dans notre genre.

Désappointé, il contemple la vaste nappe liquide qui coupe de nouveau la piste. Depuis qu'ils ont quitté le gué, le cortège a déjà du effectuer de fréquents crochets pour contourner ces foutues zones inondées résiduelles. La décrue a aussi vite commencée après la catastrophe que la crue était venue, mais elle a laissé derrière elle d'innombrables étendues humides, même aux abords du désert, que le soleil hivernal peine à évaporer.

La piste longe normalement les bras mort de la Gila River avant de courir vers Colorado City. Ou plutôt vers l'endroit où se trouvait la cité, au pied du poste de Fort Yuma avant que le fleuve déchaîné fasse monter et gonfler ses eaux à grande hauteur, avant que le fleuve submerge les vallées, inondant et balayant tout sur son passage.

Le rouan s'est avancé, les jambes enfoncées dans l'eau vaseuse, les encyclies, ondes circulaires qui s'étaient formées tout autour s'estompent déjà. Brunâtre, chargée de sédiments, de plantes, de bois flotté et de débris divers, l'immense mare masque la route, noyée et invisible.

Xander, le chapeau à la main, hésite à faire s'engager le troupeau, à l'aveuglette, sur une piste que personne ne distingue. Mieux vaut éviter l'enlisement dans les fondrières qui se sont multipliées dans les sols détrempés, ou pire de tomber dans un trou submergé dont personne ne pourrait s'extraire.

Tobey donne des coups de tête. Comme les autres chevaux, il est assoiffé, et tend les lèvres vers l'eau trouble et saumâtre  mais Xander l'en prive délibérément, maintenant la tête du cheval levée, serrant les doigts sur la rêne extérieure et en donnant légèrement de la rêne intérieure. Il a les yeux rivés sur la carcasse gonflée du cadavre d'un pronghorn noyé, qui gît à demi immergée sur un monticule à une dizaine de pas. D'autres charognes d'antilopes englouties marinent probablement aux alentours parmi les rangs de cactus raquettes...

Plus loin, un envol d’une dizaine d'urubu au plumage foncé, s'est perché dans les branches abîmées d'un bosquet d’eucalyptus, dérangé dans ses agapes par l'irruption importune de la cavalcade.
Neuf ou dix de plus de ces gros oiseaux noirs planent aussi dans le ciel. Ils ont le crâne chauve et rouge et caquettent au sommet des arbres. Parfois ils glissent et poussent des cris aigus alors qu’ils se posent sur une branche plus basse, leurs pattes étant trop grosses et trop lourdes pour se tenir en équilibre sur les branches les plus hautes.

Xander serre les lèvres. Il a enregistré involontairement l'analogie. Il y a peu, lui et ses gars, étaient comme ces vautours, attendant patiemment de s'abattre sur une proie facile passant à leur portée.  

Derrière lui, les cavaliers gris brident leurs propres montures et empêche le troupeau d'atteindre les flots avariés. Inutile de laisser les animaux prendre le risque de s'empoisonner. La lassitude se lit sur les visages salis, aux traits tirés.

Il a un instant envisagé de mener le troupeau et de bivouaquer dans les ruines calcinées de l'ancien relais de la famille Herishey, mais celui-ci se trouve là-bas, quelque part au milieu des massifs de mesquite et de sauge noire, de saules et de peupliers inondés qui émergent des flots. Beaucoup plus loin, pratiquement au centre de la zone submergée, et  même si elles se trouvent sur une petite éminence, pour s'y rendre, il faudrait louvoyer au sein des eaux stagnantes, éviter les méandres morts... Trop risqué...

Le relais a brûlé l'an passé, au début de l'automne. La famille a pu s'échapper et se réfugier entre les murs de Fort Yuma. On ne savait pas trop qui étaient les coupables, on accusait les apaches, coupables tout trouvés, mais cela pouvait aussi bien être des maraudeurs d'une autre tribu, yumans, yavapais ou autres profitant de ces temps troublés pour se faire du butin, ou même plus simplement une bande de pillards venue du Mexique voisin...

Une autre solution, il en a une. Ce qui embellit le désert, c’est qu’il cache toujours un puits quelque part. Avec quelques hommes, il y a quelques temps, il a campé un peu plus haut dans les zones arides du désert, auprès d'un affleurement rocheux. Une source y sourd d'un anfractuosité, toute petite, mais suffisante pour abreuver une dizaine d'hommes et le double de chevaux. Un endroit idéal à défendre en cas de besoin...

Il y a encore trois heures de marche avant d’atteindre l'emplacement que Xander a choisi pour le bivouac. Les journées sont plus courtes et le soleil chavire vers l'horizon... L'obscurité sera déjà tombée quand on l'atteindra.

Il faut reprendre la route hors piste, sous les râlements moqueurs des urubus, et cheminer au milieu de quelques rares buissons racornis, d'arbustes épineux et des cactus raquettes verts pâles ou ronds aux aiguillons acérés. Sur les sols inégaux, le tapis végétal est rare, ras et discontinu, dominé par l'armoise noire californienne, parfumée, aux petites feuilles pennées vert-de-gris.

Plus loin, on discerne les ombres de grands cactus arborescents et les silhouettes de grands palmiers au tronc épais et aux feuilles penniformes.

Jusqu'à maintenant, il a assumé la conduite du troupeau. Cette fois-ci, ce sera le tour du képi jaune de prendre la relève et la tête du cortège. Le caporal endosse la fonction de tireur. Sa mission est d'imprimer un rythme régulier au troupeau. Celui-ci nécessite que les chevaux soient bien encadrés. Les canassons trottent et slaloment au mitan des sentes caillouteuses, bordées d'une végétation variée, plus ou moins nutritive et peu abondante.

Pour éviter qu’aucun cheval ne dévie de la route, les pousseurs se placent de part et d’autre du troupeau et font rentrer dans le rang, ceux qui semblent les plus rebelles. Mais le travail est facile, les chevaux Matamoros qu'ils escortent semblent bien domestiqués. La hiérarchie parmi les bêtes est déjà bien établie au sein du groupe et il y a des leaders à l’autorité incontestée. Ils rejoignent ceux qui s’écartent ou qui s’attardent pour les remettre dans le droit chemin. Le troupeau avance en broutant, ce sont toujours les mêmes qui tirent comme ce sont toujours les mêmes qui sont à la traîne...

Admiratif, Ramirez, l'ancien vaquero, un mince filet de jus noir au coin de la bouche, ne tarit pas d'éloges sur les animaux. Et celles-ci se sont reportées sur leur dresseur. "Señor Matamoros puede estar orgulloso de su trabajo."
Traduction:
C'est une bonne prise pour les confédérés. Des animaux résistants, volontaires, toujours disponibles en apparence, dociles, de véritables bêtes de travail, que l’on pourra confier même à des cavaliers peu confirmés. Ils ont en outre le mérite d’être plus calmes et sereins que les chevaux élevés en box.

Les sabots soulèvent haut une poussière fine, ocre et sèche. Le nuage poudreux devrait se voir à des miles à la ronde, si la journée n'était pas sur sa fin...

La fatigue se fait sentir, tous les moyens sont bons pour faire accélérer le troupeau.
Pour stimuler les bêtes et les contraindre à un rythme soutenu, les soldats ne cessent de crier, siffler ou de hucher : go, go. Ce soir au bivouac, les gorges seront enrouées et les mots peineront à sortir. Même le fermier à la gueule cassée, plutôt que se morfondre et ruminer des pensées maussades, s'y est mis et participe activement, mêlé aux rangers...
Un drôle de gars celui-là. Xander peine à comprendre son comportement lors de la capture. Quand on est fait prisonnier à la guerre, on ferme sa gueule et on prend son mal en patience, c'est comme ça chez les peuples civilisés. Dans les nations un peu plus sauvages, c'est moins compliqué, plus festif...

A l'armée, tous ne sont pas des enfants de chœur, loin s'en faut, on y trouve toujours son lot de crapules et de fripouilles. La crise qu'il a piqué, c'est sûrement le résultat de la propagande distillée chez les yankees pour secréter la peur de ceux qui portent les défroques grises. A moins... à moins que les rumeurs sur les mœurs du gouverneur et de ses sbires n'aient déjà atteint les contrées voisines. Si infâme que soit la racaille en uniforme, elle ne l'est jamais autant que ses chefs...

Xander déplorait ce qui était arrivé. C'était sa faute. Deux baffes et quelques menaces auraient suffi.
Tout comme il savait que Gaines regrettait de s'être laissé emporter. C'était un grand type ordinaire, calme et fiable. Lui aussi avait un passé de chasseur de fourrures dans les grandes prairies et les rocheuses. Il était d'humeur joviale quand ils s'étaient connus au Colorado, sur la piste de Santa Fe mais peu à peu celle-ci s'était fortement assombrie...
Après les longs jours de patrouille et d'attente, passées entre ennui, nuits glaciales et journées étouffantes, Xander avait été vite excédé par l'attitude du fermier. Pour Gaines, ça avait été la goutte de trop. L'ordre reçu, Gibus s'était lâché, excessivement lâché. Accumulée ses dernières semaines, la tension contenue s'était épanchée comme un torrent, et le jeune gars avait morflé.

Plus tard, Gibus avait gentiment proposé au fermier de faire une pause pour nettoyer ses vêtements souillés et panser son œil, il avait patienté à cheval, canon à la main, l’œil aux aguets, pendant que le gamin s’exécutait. Ils avaient rejoint le cortège, un peu plus tard. Un grand bout de dentelle blanche, pêché on ne sait où, bandait la tête du vacher sous le chapeau. Même Ramirez au retour lui avait offert un bout de chique.

Seul ce fainéant de Merrill sur son quarter-horse, a traîné en queue tout au long du chemin, le double-canon en travers de la selle. Ce n'est pas le meilleur cavalier de la troupe et il a assumé l'arrière garde, les yeux trop souvent épinglés sur la gosse, la face agitée de tics, à tenter d'engager la conversation avec la niña qui l'ignore.
Le rondouillard trotte devant eux, sifflote « Dixie » entre ses dents, entre deux bouchées,... Avec les températures qui chutent, il s'est collé sur les épaules un manteau d'un bleu trop nordiste, prélevé dans un dépôt militaire abandonné par les troupes de l'Union. Le sombrero a le même.

***

La nuit est venue, un lent crépuscule s'abat sur le désert...
Le soleil dégringole vers l'ouest dans un flamboiement d'or et d'écarlate. L'azur vaporeux, mangé par les rouges et ocres qui occupent alors toute la place, vire lentement en un bleu sombre, de plus en plus obscur. Diffusée par l’atmosphère, la lumière est très belle, douce et des teintes chaudes festonnent tout le décor. Les couleurs deviennent de plus en plus froides à mesure que le soleil décroît derrière l’horizon, s'effacent doucement. Ça et là, les toutes premières étoiles pressées de faire admirer leurs scintillements, piquettent le ciel assombri...

L'astre étincelant lance un ultime rayon d'or, éblouissant les yeux, avant de s'absenter.  L'horizon est baigné d'une lumière résiduelle et diffuse, qui stagne quelques minutes, n’enflamme qu’un bout de l’immensité grise avant de s'estomper et disparaître.
Chaque soir, il s'en va et chaque soir quelqu'un s'en va avec lui. Par chance, ce soir, ce ne sera encore aucun d'entre nous...

Un quartier de lune blafarde flotte, presque invisible dans le ciel nocturne...

Un coyote glapit au loin, peut-être le même que ce matin...

Xander a relevé le grand rouquin à l'arrière-garde malgré ses protestations. Il n'aime pas son comportement, pesant et envahissant à l'égard de leur invitée, ni ses commentaires grossiers et ses invites persistantes non sollicitées qu'il n'a cessé de lui assener depuis la capture.

Bella Matamoros demeure une énigme.
La gamine a l'air d'avoir accepté son sort, et a adopté une attitude fuyante, à la limite de la complicité. Parfois, une lueur passe dans ces yeux sombres, la même qu'adopte le gibier lorsqu'il est aux abois. Elle s'est murée dans un silence morose, la lèvre un peu boudeuse. Les yeux posés entre les oreilles de sa monture, avec un visage noyé d'indifférence, elle a l'air détaché de ceux qui décident d'ignorer ce qui les entourent.
Elle se contentent de suivre, ne fait rien, ne dit rien. Bon, bien sûr, c'était largement compréhensible, elle ne va pas seconder et épauler activement ceux qui lui prennent les chevaux que son vieux lui a donné à convoyer.

Bon dieu ! Elle aurait pu au moins regimber, leur balancer quelques insultes bien senties, bien épaisses à leur égard. Cela auraient été la moindre des choses...
Il lui a bien semblé avoir vu ses yeux s'embraser lorsque Gibus a corrigé le fermier. Était-elle sur le point de se rebeller ? Impression fugitive qui s'est vite estompée...
Il en est maintenant à regretter de ne pas avoir entendues les injures attendues...

En fait, il ne sait même pas quoi lui dire... Présenter des excuses n'aurait eu aucun sens, il ne peut pas revenir en arrière. Et de toute façon, il ne regrette pas son choix, c'est la guerre et elle a la malchance d'appartenir au mauvais camp...

C'est à peine si elle dirige son alezan, une main molle tient les rênes, se laissant mener. Sa monture se contente de suivre les autres...

***

Ils cheminèrent un bon moment avant d'atteindre la formation  rocheuse de grès rouges impressionnante. C'est une simple palette d'énormes blocs rocheux entassés, aux parois verticales impossible à escalader. Au milieu, s'ouvre une ouverture au bout d'une faible pente tantôt graveleuse, tantôt sablonneuse jalonnée d'herbes hautes et de plantes vivaces, d'un gris vert soutenu, poches de vie et de verdure au milieu de l'étendue aride.
Par ici, pas de végétaux à feuilles empoisonnées, les chevaux ne risqueront rien.

Derrière la large ouverture, se cache une enceinte naturelle à parois abruptes, en forme de huit. La zone fertile, petite oasis existe grâce à la présence d'une source souterraine. L'eau jaillit d'une crevasse et ruisselle dans un réservoir naturel creusé par l'érosion, point d'eau de surface qui persiste malgré le climat sec dominant, et dont le surplus se perd dans l'enchevêtrement des broussailles verdoyantes...

Les gars ont déjà démonté. Le gros Weber fait rouler quelques rochers pour constituer les foyers sur lesquels il jettera branches mortes et broussailles...
Autour de ces feux de camp improvisés, invisible depuis l'extérieur, les gars installent en silence un bivouac des plus sommaires. Tout le monde est rompu de fatigue. Même les chevaux, entravés, réunis un peu plus loin, déjà abreuvés, récupèrent dans le calme, et somnolent déjà, tête basse. Ils vont passer la nuit serrés les uns contre les autres. Pas besoin de confort, la nuit va être bonne. Une bonne tambouille pour caler, et tout le monde au repos.
Il faut juste instaurer les tours de garde...

Dans le cirque, au milieu de nulle part, péniblement, misérablement, Xander s’extirpe de sa selle et manque de s’écrouler en mettant pied à terre, épuisé, les reins cassés, brisés d’avoir chevauché toute la journée.
Il est beau, le fringant cavalier confédéré, tiens. Il a perdu tout son panache.

Il coule un œil fatigué vers l'amazone, solitaire, la seule de l'équipage à n'avoir pas encore démonté. Bon sang ! Elle doit avoir un cul en fer pour pouvoir encore rester en selle.
Soupire exaspéré :

« Miss Matamoros. Veuillez mettre pied à terre ou faut-il vous forcer à descendre ? »
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Isabella Matamoros
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MessageSujet: Re: Vol légal [Xander Tyree]   Vol légal [Xander Tyree] EmptySam 27 Avr - 20:20


Les sabots martelaient le sol aride. Encadrés par la troupe de soldats confédérés, ils avançaient d’un pas assurés en soulevant des nuages de poussières. Résilients, les animaux avançaient là où les hommes les guidaient sans broncher. Chevaux et cavaliers naviguaient d’un pas presque assuré dans le dédale inhospitalier que le ranger au chapeau blanc avait décidé d’emprunter, après avoir longtemps hésité à suivre une piste largement inondée.

Dans le milieu du peloton, Isabella suivait, incapable de contenir toute la mixture de dépit et de désespoir sans qu’elle ne vienne, au moins un peu, lui dégueuler sur le visage. Pour mieux s’en cacher, elle avait remonté un foulard sur son nez pour prévenir l’ingestion de toute la crasse que les chevaux décollaient et qui stagnait comme un gros nuage au-dessus de leurs traces.

Quand ils avaient longé les berges, avait vu les cadavres plongés dans l’eau stagnante et était soulagée qu’on n’ait pas laissé le troupeau trop s’en approcher. Certains de ses protégés se seraient rués sur le ruisseau pour compenser la sueur qui perlait sur leur encolure et derrière leurs oreilles si on les avait laissé trop approcher. Pour cela, elle avait une certaine gratitude pour l’homme de tête, même si elle garde en tête qu’elle lui doit sa perte sèche à venir, qu’elle ne réalisait pas encore totalement puisque son troupeau était encore sous ses yeux. Au moins, elle lui reconnaissait une certaine autorité qui s’imposait sans qu’il n’ait à grogner ou ronfler comme leader empoté. Elle espérait juste qu’il savait où les mener dans le désert : c’est un jeu auquel il ne faut pas jouer à moins de savoir comment gagner, en bon expert. Car déjà, les lèvres s’asséchaient, les gourdes se vidaient dans les gosiers et la soif les tiendraient bien avant qu’ils n’aient pu rejoindre le Fort Yuma. Mais la cavalière songeait que, si tout le monde suivait sans rechigner, c’était qu’ils plaçaient leur confiance dans ce soldat.

Plus elle le regardait sous la visière de son sombrero noir, plus la cavalière comprenait que celui qui ouvrait le chemin était un homme de chevaux. Un vrai. Devant, aucun chemin escarpé n’aurait su le déséquilibrer. Il avait la posture ancrée et solide des vaqueros à l’assiette d’acier. Il ne pesait jamais lourdement ni dans la selle, ni dans ses étriers. Il utilisait les aides de manière subtile, toujours d’une façon transitoire, sans jamais agacer sa monture rouanne. Bien plus volontaire que les autres, l’animal donnait l’impression de pouvoir l’emmener à l’autre bout du monde. Au moins, ses protégés étaient menés par quelqu’un d’expérimenté, calme et réfléchi dans ses réactions, et c’était le seul et unique point qui arrivait un tout petit peu à la rassurer.

Clairement, la façon de monter du sergent n’avait rien à voir avec celle du roux au feutre noir qui cherchait constamment à se mettre au botte à botte avec elle pour ouvrir la conversation. Il tirait sur les rênes, gênait sa monture, tenait juste assez en place pour ne pas se vautrer. A chaque fois qu’il parlait, la petite brune fixait loin devant, entre les oreilles de sa monture aussi interdite que possible en espérant qu’il finisse par se désintéresser. A la place, elle essayait de se concentrer sur les différents membres de la troupe, curieuse des relations qui les liaient les uns aux autres.

Il y avait galure blanc, donc, qui ouvrait le convoi et un second qui portait un képi jaune. Il y avait le gros rouquin qui lui collait aux étriers, aussi. Et puis, il y avait le mexicain au sombrero qui avait reconnu la marque et le nom des Matamoros. Le bougre ne cessait de s’émerveiller de la réactivité et de la docilité des chevaux qu’ils avaient capturés. A tort, il mettait le travail de dressage sur un paternel absent. Silencieusement, la fille grinçait des dents : depuis bien avant sa disparition, la charge des bêtes les plus jeunes et les plus rétives revenait régulièrement à Isabella. Après son accident, elle avait eu une année de répit. Mais el señor Matamoros n’avait jamais été un grand empathique : dès qu’elle avait su remettre son faux pied devant le vrai, elle avait repris la longe, les longues rênes et s’était remise en selle. La plupart des chevaux qui déambulaient, c’était elle qui, dans le rond de travail, sous la pluie ou dans la fournaise, les avait désensibilisés à peu près à tout ce qu’elle avait trouvé. D’ailleurs, beaucoup ne connaissaient même pas le contact de l’éperon à droite. Aucun acheteur ne s’en était jamais plaint.

Chaque animal représentait un sacré labeur. En posant les yeux sur le poulain gris souris qui jouait en tête avec un petit bai, elle se souvenait du jours où elle avait dû enfoncer le bras dans l’utérus de sa mère pour aller le chercher. Avec le grand noir dont l’étoile en tête paraissait ronde comme une boule de coton, elle avait passé des semaines à l’emmener à un gué avant qu’il accepte enfin de poser un sabot dans l’eau. Et la grise pommelée du fond, qui trainait un peu parce qu’il était plus chargé que les autres avec son baluchon, avait perdu son air farouche des mauvais jours. Avec elle, Isabelle avait mordu la poussière un paquet de fois quand elle l’avait entrainé à accepter les coups d’armes à feu tirés en selle. Avec amertume, la cavalière réalisait que, maintenant, toutes ces heures et ces années passées les mains dans la glaise, dans le foin, dans le sable étaient devenues vaines : tout ce travail ne fructifiait jamais vu qu’on lui enlevait les chevaux qu’elle avait si rigoureusement élevés.

Les entendre se congratuler pour leur prise l’écœurait dans le sens le plus strict du terme : elle en avait des haut-le-cœur.

Il fallait penser à autre chose alors elle reprit l’observation de la bande comme un enfant récite sa poésie pour y trouver une tendre litanie.  Il y avait le galure blanc, le képi jaune, le feutre noir, le chapeau de paille, le gros, le crasseux, le sombrero et, enfin, il y avait le gibus qui avait copieusement savaté Jack. Bien qu’il ait copieusement morflé, le fermier semblait être passé à autre chose depuis qu’on l’avait mené à l’écart pour le rafistoler. Il s’était joint aux autres pour forcer la cadence, comme s’il espérait que ça puisse peser dans la balance, le moment où il faudrait négocier une libération ou quoi que ce soit du genre. Isabella ne lui en voulait pas. Au moins, entraînés par les autres, il ne chouinait pas et ne venait pas lui tenir la jambe – sans mauvais jeu de mots – comme il l’avait fait avant de tomber aux mains des confédérés.

Il fallait avouer que la place était prise : le roux ne la laissait pas souffler. Une chance que les chevaux lui avaient enseigné la patience. Sinon, elle l’aurait probablement arrosé d’une quantité de titre honorifiques peu courtois et altiers.

Ses nerfs ne commencèrent à s’apaiser quand elle vi le soleil agonisant ployer lentement à l’horizon. Sa lumière mourante baigna le paysage d’une teinte dorée éphémère. Les ombres s’allongèrent, s’étirant, au son des urubus et des coyotes, comme des spectres silencieux. Sur le ciel teinté de pourpre et d’ambre définissait les contours déchiquetés des montagnes. Entre deux éperons rocheux, entre les herbes hautes, il y avait une source d’eau qui coulait. C’était là que le sergent avait décidé de s’arrêter.

L’un après l’autre, les membres du convoi mirent pied à terre, les reins en compote, raides comme des marionnettes rouillées. La prisonnière fut la dernière perchée. Comme un lapereau pris dans les roues d’un chariot, elle paraissait terrifiée.

A cheval, elle se sentait en confiance. Elle était physiquement éloignée des hommes. Surtout du rouquin et ses regards déplacés. Il posait les yeux sur elle exactement de la façon qui poussait Sebastian, au refuge, à sortir de son rôle de grand ours accueillant et bon vivant pour rabattre le caquet de clients impudents. Mais son oncle était absent et il fallait accepter l’idée qu’elle ne reverrait peut-être pas le relais.

Isabella ne voulait pas risquer que sa répartie lui attirât davantage d’ennui quand le sergent menaça de la forcer. Elle lui fit signe de ne pas s’énerver : ça venait.

En quelques gestes mécaniques car trop de fois répétés, elle desserra les deux sangles qui tenaient sa cuisse en place avant de se baisser pour retirer son pied factice de l’étrier. Ramenant sa jambe droite du même côté, elle se laissa glisser très lentement le long du quartier, toute cramponnée au pommeau et au troussequin. Une fois à terre, il ne fallut pas une éternité pour deviner qu’elle ne boitait pas uniquement à cause de la chevauchée.

Oui, ce n’est peut-être pas utile de m’entraver, souffla Isabella, la gorge serrée d’exposer son infirmité au sergent, en essayant de lire dans ses pensées avant de se prendre dans les dents une remarque acérée : Je n’irai pas bien loin même si je le voulais.

A chaque pas, la vulnérabilité la gagnait. D’autant plus que, pendant que le camp se dressait, Jack répondait sans trop réfléchir à toutes les questions qu’on lui posait : il savait que la petite avait une jambe malade. Un cadeau laissé après une altercation avec des voleurs de chevaux. Le reste des détails, il ne les connaissait pas vraiment. Pour ne pas trop avoir envie de lui arracher la tête, elle préférait ne pas écouter ce qu'il se disait sur elle.

Pendant que d’autres créaient un âtre et ramassaient des herbes hautes sèches et toutes les brindilles qui trainaient, elle défit sa sangle pour enlever sa selle et la poser dans un coin. Plus tard, elle dormira la tête dessus parce que c’était l’astuce la plus confortable qu’un vieux ranger lui avait donné.

Comme le gibus, elle proposa de l’eau aux chevaux et remplit sa gourde. Pendant que les animaux s’abreuvent, elle défait les bagages que portent les animaux de bât pour les déposer par terre le temps de la nuit. En fouillant un peu, elle extirpa du paquetage un coupe-vent, des couvertures mais aussi des sachets de jerkies et de hardtacks. Elle n’eut même pas idée de les cacher. De toute façon, quelqu’un venait vérifier ce qu’elle faisait, probablement inquiet de la voir sortir une arme puisqu’ils n'avaient pas eu le temps de rien vérifier.

Tenez, fit la gamine en tendant les denrées au chapeau blanc qui venait.

Le visage toujours fermé, elle se redressa pour, à l’écart du groupe, regarder en silence le troupeau qui, dans les derniers rayons de soleil, broutait sereinement. Un liseré rouge dessinait les contours des chevaux ravis de ne plus avoir une horde de cavaliers pour les forcer à avancer. Pour eux, l’endroit était idéal. Heureusement que le ranger connaissait le désert mieux qu’elle.

Ses yeux bruns se posèrent sur la petite jument grise qui broutait près du grand rouan du soldat. Sans trop réfléchir, elle demanda, parce qu’elle sentait qu'il suivait son regard et qu’il était le seul, ici, qui pourrait comprendre sa requête :

Vous ferez attention à Tuberosa ? Les armes à feu, ça n’a jamais été son truc…

En croisant le regard du sergent, elle réalisa que ce qu’elle disait était insensé. Après tout, ses protégés iraient grossir les lignes ennemis où ils serviraient, comme tout le reste là-bas, de chair à canon. Pauvre petite jument qui serait probablement en transe bien avant d’arriver sur le front. Ce serait probablement la seule qui sauverait sa peau : les autres iraient au casse pipe sans douter de la main qui les y guiderait.

Qu’est-ce qu’il va nous arriver à Fort Yuma ? elle ajouta, en croquant dans un hardtack qu'elle mâcha sans aucun appétit.



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MessageSujet: Re: Vol légal [Xander Tyree]   Vol légal [Xander Tyree] EmptyMer 1 Mai - 0:01

« - Oui, ce n’est peut-être pas utile de m’entraver... »

Il n'a su que rétorquer. littéralement sidéré lorsqu'il a découvert le handicap de la jeune fille et qu'elle a planté un regard noir dans le sien...
L'entraver il n'y a jamais songé, pas une seule fois... A quoi sert d'entraver des prisonniers désarmés dans le désert. C'est un sacré gardien le désert, même s'il voulaient s'échapper, à pied ils ne sauraient où se rendre...
Elle s'imagine quoi ? Qu'ils vont la ligoter comme dans les mauvais romans et la jeter dans un coin...


« - Je n’irai pas bien loin même si je le voulais. »

D'abord des picotements sous la peau, puis une sensation de chaleur, et enfin cette couleur affreuse qui émane de son cou, remonte vers ses joues et enfin vers son cuir chevelu, Xander plonge la tête derrière l’encolure de Tobey pour dissimuler la rougeur qui lui brûle le visage. Puis il tire d'un coup sec rageur sur le large bord de son chapeau tâché afin de voiler celle qui s'étire sur son front.

Sergent Pivoine va être son surnom pendant un bon moment si jamais l'un de ses gars s'avise de sa couleur écarlate, la preuve physique que ce que pensent les autres et que ce qu'il pense de lui-même lui importe. Une expérience terrifiante, cela fait des années qu'il n'a pas rougi, pas depuis qu'il était enfant autant qu'il s'en rappelle. Une expérience horrifiante, car il est le seul qui ait de bonnes raisons de le faire, qui révèle la honte qu'il ressent par rapport à ces derniers actes et vis à vis de ceux qui en sont témoins.

Pour sûr, celle-là il ne s'y attendait pas. Mais alors pas du tout... Saloperie...

Remarque, il n'est pas le seul. La gêne générale a fait dévier le regard de la plupart des cavaliers gris. Aucun n'osent s'adresser à la gosse directement pour lui mander ce qui lui est arrivé. Les épaules avachies, le dos à demi tourné, le petit Davey a le menton collé contre le cou sous son chapeau de paille. Il ne cesse de se frotter sous le nez avec le dos de la main, ce tic qu'il a quand il est troublé. Et n'ose même plus regarder en direction de la petite señorita. Agustin Ramirez, l'ancien vaquero, semble en avoir avalé sa chique et le rondouillard, pour une fois, n'a rien à porter à la bouche...

Pour tous, Jack le fermier, semble d'un seul coup être devenu le personnage le plus important de la petite troupe. Les soldats le pressent de questions, et Xander n'est pas le dernier à tendre l'oreille, pendant qu'il mène Tobey vers le bassin et qu'il s'acharne à dissimuler son visage... la jambe amputée à cause de voleurs de chevaux.. le paternel disparu...

De pire en pire. Le troupeau, c'est donc celui de la gamine et lui, foutu imbécile, vient de décider de le lui confisquer pour des motifs arbitraires dont la légitimité dépendra du bon vouloir des vainqueurs de cette guerre...

Xander empêche le rouan de boire d'un seul coup une trop grande quantité d'eau. Tobey a  fourni trop d'efforts importants toute la journée sans se désaltérer. Le mieux est de le freiner. Il a fait beau et chaud malgré le temps hivernal. Les rayons obliques du soleil réfléchi par les parois abruptes ont attiédi les surfaces d'eau exposée. Pas de risque que l'eau trop fraîche agresse l'estomac du hongre et des autres chevaux, pas de risques de complications pouvant entraîner des réactions digestives ou des coliques.

Xander lui accorde quelques gorgées, puis le desselle, le débride, avant de le bouchonner de façon progressive, longuement, d'enlever quelques plantes à crochets du pelage pour gagner un peu de temps, avant de laisser le hongre courber son encolure et tendre la tête pour enfin étancher sa soif. Le dos est bien droit, les muscles détendus et la queue pend normalement. La tête de Tobey demeure légèrement baissée, yeux mi-clos, tandis qu'il lui prépare son picotin d'avoine.

C'est un bon cheval, robuste et docile. Il a remplacé ce pauvre Noche, le premier équidé qu'il ait réussi à dresser chez les kickapoos, un cheval de petite taille, trapu et vigoureux, au pelage noir comme la nuit. Le Geai Bleu lui avait demandé ce que signifiait, et elle avait apprécié quand il lui avait dit.
Noche que la bande de maraudeurs crows lui avaient tué là-haut lors de l'embuscade au gué de la Wind River, le jour même où ils avaient aussi abattu son ami Kishko. Il n'avait pas retrouvé la monture de Kishko et Ezra avait attrapé le rouan qui pataugeait dans la rivière, près du cadavre d'un maraudeur. Encore un gué décidément...
Tobey avait été marqué, c'était un cheval certainement volé. Il l'avait tiré pendant des jours sur le travois, et Xander avait décidé de le garder...

Procéder à un examen rapide de la robe, des sabots et des fers. Avant de faire un tour rapide pour vérifier ceux du troupeau. Faire sauter quelques cailloux logés entre les fers... A trop frôler les épineux, le grand bai de Burroughs a récolté une belle estafilade sur la hanche qu'il faudra panser.

Il faut qu'il s'occupe pour se détendre, les pensées tournoient dans son esprit en boucle comme un petit tamia tournant dans sa roue, de manière frénétique, sans pouvoir en descendre. Elles deviennent tellement envahissantes, qu'il ne cesse de ressasser ce qui s’est produit depuis que le vaquero a repéré le troupeau dans les monts. Quand il rumine, c’est que son cerveau cherche une solution à un problème, parce que son cerveau est très fort pour résoudre des problèmes, pour en créer aussi. Il le fait toute la journée : réaliser des tâches simples ou complexes, analyser une situation, fixer des objectifs, donner une réponse à partir de données diverses, inventer, le foutre dans les emmerdes… A tel point qu'il a l’impression qu’il suffit de penser pour résoudre un problème, voire tous les problèmes, et pire encore, des problèmes qui n’existent pas encore et qui n’existeront jamais...
Mais là, la réponse ne vient pas, encore une nuit blanche en perspective à ressasser...

Il lance un bref regard vers le caporal qui a pris le premier tour de garde. Quentin Pacheco a entre les genoux la carabine Remington flambant neuve que tout le monde lui envie. Emmitouflé dans sa houppelande bleu nuit, accroupi, rencogné dans un renfoncement rocheux et hors de vue de l'extérieur, il couvre la zone en face de lui et scrute les ombres grises de la nuit. A quelques pas, on ne distingue avec peine qu'une jonchée de branchages et les ombres grisâtres de quelques plantes desséchées…

Un froid glacial s’exhale du désert, s'insinue entre les plantes et se diffuse à travers l'ouverture entre les blocs rocheux.

Quentin l'évalue du coin d'un œil moqueur.


« - Y-a des yeux ? »« - Quoi ? » réagit Xander coupé dans ses pensées… Les siens fouillent déjà la grisaille. Bon sang, il a de la merde dans les orbites aujourd'hui... Il s'accroupit la main sur la crosse du colt, se blotti contre la muraille, derrière un rocher. Comme un idiot, il devait faire une belle cible...
« - Y-a des yeux qui nous regardent... sont plusieurs…  juste en face au milieu des herbes… au ras du sol… »
Une douzaine de points palpite faiblement dans l’obscurité. Xander expire doucement. La lumière de la lune se reflète dans des pupilles. Un caillou ricoche qui disperse en un instant les bestioles en train de brouter. Bruit sec, net et caractéristique de pattes qui détalent. Frémissement des hautes herbes.
Les nerfs tendus presque à vifs se détendent en quelques secondes. L’incident les a rassérénés…
« - Jackrabbits ! »
Et Quentin Pacheco se permet un discret petit rire. Avant de recouvrer son air soucieux habituel. L'ancien mineur est le seul homme marié et père du peloton. Il ne cesse d'angoisser pour sa famille qu'il a envoyé par sécurité à Las Cruces et dont il est sans nouvelle depuis des mois. D'où sa maladie de foie...

« - J'suis pas d'accord ! » Le sergent l'interroge du regard. « - J'suis pas d'accord. Ce que tu penses, j'suis pas d'accord ! On les a pris, on les garde... »
Xander exhale doucement. Le soldat au teint jaune est parfois de bon conseil, et il a raison. Une mauvaise décision prise pour de bonnes raisons devient une bonne décision.

***

Il dégage du pied les restes et cendres d'un foyer ancien tout en observant Bella Matamoros. La gosse après avoir pris soin de sa monture, a entrepris de décharger seule le bât de ses chevaux de charge. Il aurait dû y penser... avant de lancer un regard mauvais en direction du fermier à la gueule cassé, affalé près du foyer où Weber cuisine, et qui feint de ne rien remarquer. Il ne saisit pas l'animosité que celui-ci manifeste à l'égard de la miss... Après tout il était impossible de prévoir ce qu'y allait arriver...

Il expédie un coup du revers de la botte en passant au fermier, lui ordonne de ranger le fourniment, échange quelques mots avec Davey en se faisant verser deux mugs de cafés.
Les foyers reflètent une lumière blême sur les parois rocailleuses...


« - Tenez »

La Matamoros ne l'a même pas regardé. Il a juste capté le regard oblique lorsqu'il s'est approché, avant de se détourner. Bon, au moins ça a le mérite d'être clair. Le cavalier gris la dégoutte. On ne peut rien lire d'autre sur ce visage fermé à double tour, les lèvres crispées et le regard obstinément vrillé sur ces canassons. Le voilà bien embarrassé avec ces deux timbales de cafés brûlants... sans pouvoir saisir, les biscuits et la viande séchée emballée qu'elle lui tend... Mauvaise décision encore une fois...

« Vous ferez attention à Tuberosa ? Les armes à feu, ça n’a jamais été son truc… »

Ouais. Çà c'est pas son truc à lui normalement, il va livrer les chevaux et ne saura jamais probablement ce qu'il adviendra des bêtes ensuite...

« Qu’est-ce qu’il va nous arriver à Fort Yuma ? »

« - Vous serez libérés ! »

Là, il a marqué un point. La fille pose enfin ses prunelles sombres sur lui. Les yeux écarquillés par l'effarement questionnent.
Xander pose un gobelet de métal qui lui brûle les doigts devant elle, puis humecte machinalement du bout de la langue, ses lèvres asséchées.


« - Écoutez, Señorita, vous ne croyiez tout de même que nous allions vous larguer en plein désert à pinces, après avoir confisqué vos quatorze chevaux. Si on vous emmène avec nous, c'est aussi pour votre sécurité. Une bande apache rôde dans le coin, et je n'ai nulle envie de repasser par ici dans quelques jours pour ensevelir vos restes. Bon dieu, vous savez ce qu'ils font aux femmes quand ils les prennent vivantes ? »

Cela, il en a suffisamment vu pour ne pas s'appesantir sur le sujet. Il en a même trop vu et il a trop manié la pelle à enterrer de la chair mutilée. Xander avale une gorgée de café.

« - Vous serez probablement interrogée au poste de Yuma. Ils vont vous garder le temps de savoir si vous avez quelques informations à transmettre sur ce qui se passe de l'autre côté, on en manque. Soyez franche et honnête, la garnison là-bas, c'est juste que des colons irlandais qui se sont fait coller un uniforme gris sur le dos, sont pas méchants... »

Il regarde Ramirez, le sombrero sur les épaules qui dans le second cirque, fouille les buissons avec un bâton afin de débusquer la présence d'éventuels crotales. Si on en entend un, mieux vaut reculer immédiatement, le bruit de la sonnette, c'est un avertissement. Ils ne sont pas agressifs mais mieux vaut ne pas prendre de risques. Peu de chance d'en trouver, c'est encore la période où ils hibernent. mais ces damnées bestioles ont un vilain défaut, elles ont tendance à rechercher la chaleur, et ce n'est jamais drôle au réveil, d'en trouver un lové sous sa couverture.

« - Pour vos chevaux, je peux rien vous promettre... j'en toucherai un mot dans mon rapport... mais avec un peu de chance, votre protégée sera cédée à des rescapés de Colorado City, ils manquent de tout... »

Il s'écarte pour laisser Davey, le chapeau de paille bien enfoncé, déposer une assiette chaude pleine de lards et de haricots à coté de la jeune fille. Il n'ose toujours pas poser les yeux sur elle. Xander a repéré les deux lascars, la gamelle entre les mains, qui cancanent à quelque pas, les yeux rivés sur la fille, qu'ils détaillent avec une basse envie, un regard lubrique. Rien ne les gênent, c'est deux là... Ils se foutent qu'on remarque leur manège...

« - Davey, reste-là s'il te plaît. Miss Matamoros, on n'est pas de mauvais bougres, enfin pour la plupart. Pas des militaires de carrière non plus. Le gamin là, c'est juste un petit fermier des environs de Mesilla, il s'est engagé avec son frère qui sert comme clairon dans un autre peloton. Le mexicain, c'est un vaquero du coin. Moi et Gibus, je veux dire Gaines, on était chasseurs, on nous a entraîné là-dedans un peu contre notre gré. Les autres c'est des mineurs de Pinos Altos... On est tous devenus rangers pour protéger la population des attaques apaches. La guerre avec l'Union... on l'a pas voulu... On n'a pas sollicité notre avis... »

Tout son discours sonne creux. Sonne trop comme une justification. Elle s'en contrefout, c'est sûr. Comment pourrait elle avoir le moindre respect pour ceux qui la ruinent en lui prenant ses chevaux...

« - Je voudrais que vous vous installiez dans le deuxième cirque avec votre copain à la gueule cassée, par sécurité... »

Nouveau coup d’œil peu amène en direction du rouquin et du crasseux...

« - Davey ! Tu prends le premier tour de garde et tu veilles sur les prisonniers jusqu'à ce que je te relève... »

Il s'interrompt, se frotte pensivement la barbe :

« - Et Davey, si la demoiselle a besoin de s'isoler... Je ne veux pas de plaintes... Tant que tu ne vois que le haut de sa tête, il n'y a pas de problèmes. Pigé ? »

Puis il se retourne vers la jeune femme :

« Je m'appelle Tyree. Alexander Tyree ! »
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MessageSujet: Re: Vol légal [Xander Tyree]   Vol légal [Xander Tyree] EmptyJeu 2 Mai - 15:22


Libérés. A fort Yuma, ils seraient libérés.

L’information donnée débloqua quelque chose dans la poitrine d’Isabella. Elle respira un peu mieux. La perspective de n’avoir qu’un petit interrogatoire à passer pour repartir en vie apaisait déjà sa peine de devoir perdre le travail des trois douloureuses dernières années.

Les équidés - même si la considération lui aurait semblé intolérable dans d’autres circonstances - n’étaient que du matériel. D’autres poulains attendaient d’être débourrés. Elle pourrait acheter pour une bouchée de pain des chevaux sauvages pour apprendre à se faire la main dessus avant de les revendre parfaitement dressés. Des solutions existaient. Elle pourrait retrouver son oncle après cette exécrable mésaventure. Et rien ne comptait plus que la perspective de rentrer pour lâcher les larmes et les cris qui lui pendaient aux yeux et restaient bloqués au travers de sa gorge.

On n’allait pas les abandonner dans le désert parce que ce n’était pas rôle de la troupe. Composés d'anciens mineurs, de vaqueros du coin, de fils de fermier, ils n’avaient rien de militaires de carrières ; et s’ils étaient enrôlés par la Confédération, c’était avant tout pour protéger les populations des apaches.

La boiteuse serra les dents à cette sordide évocation. Dans la salle commune de son relais à chevaux, il s’en disaient des choses sordides. Impossible de savoir si les soldats et les voyageurs parlaient vrai. Leur discours était souvent basé sur des rumeurs, des « on dit que », ou des « il parait ». Toutefois, c’était souvent suffisant pour faire frémir une assemblée.

En particulier, les noms de Cochise et de Geronimo revenaient. Ils menaient des guerriers habiles, stratégiques et véloces qui avaient la mauvaise habitude d’apparaître mystérieusement comme des fantômes pour faucher tous ceux qui n’étaient pas des leurs. Nomades et indomptables, on ne les trouvait jamais quand on les recherchait : le territoire qu’ils couvraient avaient de quoi faire pâlir la plupart des cavaliers des deux armées.

Sur ce peuple, les légendes, toutes plus cruelles les unes que les autres, allaient bon train. On les disait capable d’atrocité sans nom, les accusaient de mutilations de corps pour satisfaire la magie noire qui nimbait les cortèges intrépides. Et, même lorsque des traités avaient été signés, personne ne pouvait se croire en sécurité : peu fiables, ces sauvages n’avaient pas de respect pour les accords diplomatiques passés.

Isabella ne connaissait pas le sort réserver aux femmes. A la façon qu’avait le galure blanc d’en parler, elle comprenait qu’elle ne voulait pas le savoir. Elle priait pour qu’un de ces messieurs accepte gentiment de lui mettre une balle dans le crâne plutôt que d’avoir à subir une humiliation qui la priverait du paradis auquel elle croyait.

Le point positif, c’était qu’elle savait déjà ce que ça faisait de se faire démembrer. Pas qu’elle ait vraiment eu envie de retenter l’expérience, mais elle savait à quoi s’en tenir, si jamais.

Isa, répondit la brune par réflexe quand le ranger se présenta alors qu’elle n’écoutait plus qu’à moitié, avant de se reprendre parce qu’elle n’avait pas envie qu’il l’appelle comme ses proches : Isabella Matamoros, donc.

Entre deux crocs dans son hardtack, elle souffla un « Merci » sincère en attrapant l’assiette et la tasse de café qu’on lui tendait. Elle n’avait pas faim. Elle n’en demandait pas tant. Tout comme le traitement de faveur qu’il lui faisait en acceptant lui proposant de s’allonger à l’écart, demandant au jeune Davey de se montrer souple si elle avait besoin de s’isoler.

La boiteuse comprenait que Tyree cherchait à se tailler une bonne conscience. Et même si l’envie de le détester lui collait à la ventraille, elle avait été trop élevée dans la foi catholique pour ne pas entendre une voix intérieure lui suggérer que le pardon était la seule voie vers l’espérée rédemption.

Les silences n’ont jamais dérangé Isabella qui n’a aucune peine à les laisser s’enliser malgré la gêne de ses interlocuteurs. Après un court moment le museau tourné vers le troupeau qui s’éparpillaient juste assez pour que chacun ait la place de s’ébrouer, renâcler et fouailler de la queux pour chasser la vermine grouillante qui profitaient des quelques heures entre chien et loup pour foisonner, elle fini par articuler comme si chaque mot lui écorchait la bouche :

Je comprends que vous appliquez des ordres. Vous faites de votre mieux, je le vois. Je ne vous en veux pas.

Oh si, elle leur en voulait. A tous. Individuellement. Et terriblement.

But fake it until you make it, comme on dit souvent. Parfois, faut faire semblant, s’en convaincre, jusqu’à ce que ça devienne vrai aux yeux des autres aussi. Elle finirait peut-être par ne plus avoir de rancune contre eux. Peu probable, mais elle ferait ce qui était en son pouvoir pour essayer. Et tendre l'autre joue en cas de nécessité.

Isabella n’avait rien d’une ingrate. Elle remarquait que le sergent se donnait du mal pour ne pas laisser la situation s’envenimer. Derrière lui, les hommes réunis autour du foyer parlaient à Jack comme s’il faisait partie de la fine équipe. Le fermier avait sensiblement posé les mêmes questions qu’elle et d’une oreille distraite, elle avait entendu qu’on lui avait répondu sensiblement la même chose. Maintenant, surement émoustillé par la présence de la cavalière, la conversation avait dû dériver sur les bonnes femmes de tout le monde puisque le voisin s’étalait largement sur la fiancée qui l’attendait et, enthousiaste, Jack se montrait dithyrambique que ses qualités, comme à chaque fois qu’il en parlait.

L’estropiée avait déjà entendu l’éloge sur le trajet. Elle n’avait rien contre l’idée de se faire une place dans le cercle pour manger, mais elle préférait attendre que le sujet soit passé.

Avant l’uniforme, vous chassiez quoi ? s’enquit la jeune femme en trempant les lèvres dans le café qu’on lui avait ramené.

Des ours ? Des chevaux ? Des gens ?

Elle n’avait jamais été aussi bavarde que son compagnon de voyage. Elle avait toujours préféré écouter qu’avoir à raconter. Tenir palabres avec des mots compliqués, ça n'avait jamais été son truc.

Pour manger, elle posa la gamelle dans le sable, et s’adossa au premier rocher rond qu’elle trouva pour caler ses reins. Chaque bouchée paraissait laborieuse à quiconque la regardait manger parce qu’elle mâchait beaucoup et avalait difficilement. Cela arrivait souvent quand sa tête était trop surchargée de pensées et expliquait en partie son petit gabarit.

La journée l’avait achevée physiquement et mentalement. Une fois l’estomac comblé, elle n’aura aucune peine à tomber de fatigue dans sa selle. Après tout, il y avait des hommes et son Dieu pour la surveiller.



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MessageSujet: Re: Vol légal [Xander Tyree]   Vol légal [Xander Tyree] EmptySam 4 Mai - 18:03

« - Isa...  Isabella Matamoros »

Elle a répondu machinalement, donnant directement son diminutif, qui n'est pas Bella, avant de se reprendre et d'ânonner son nom complet. Compréhensible, vu qu'il ne sont ni proches ni amis et ne le seront jamais. Il ne sera pour toujours qu'une mauvaise rencontre au coin d'une mauvaise piste. Lui-même n'a pas l'intention de lui confier qu'il préfère qu'on l'appelle Xander, le surnom que lui a donné sa sœur aînée. Et surtout pas Alex, jamais Alex, il déteste qu'on le dénomme ainsi.

Pour elle, ça restera donc Sergent Tyree, comme pour la plupart des hommes sous ses ordres. Parmi eux, seul Gaines et le caporal Pacheco l’appellent Xander ; Gaines parce qu'ils sont amis depuis le Colorado et Quentin parce qu'ils s'apprécient mutuellement.


« - Je comprends que vous appliquez des ordres. Vous faites de votre mieux, je le vois. Je ne vous en veux pas. »

Xander s'autorise un petit rictus sceptique en biais. Mouais ! Un beau gros mensonge. Avec son visage fermé, et son front buté, et son absence de sourire, elle n'a même pas le courage de lui mentir en le fixant droit dans les yeux. Les mots sont prononcés du bout des lèvres, mécaniquement, sur un ton monocorde, pour bien faire comprendre à celui qui l'écoute qu'elle n'en pense pas un traître mot, PAS un seul. Finalement, un faux remerciement sonne presque mieux qu'une injure tant il pue la  fausseté et la rancœur. Petite garce...

Garde-les tes mercis. Je ne fais pas ça pour tes beaux yeux, mais parce qu'au fond de moi, il me reste un fond des vieux principes que mon père m'a inculqué à coups de ceinturon... et aussi parce que Tammy ou le Geai auraient apprécié que je le fasse...

Xander avale une seconde gorgée de café. La jeune femme laisse errer ses yeux sur le troupeau qu'elle va perdre, 12 beaux chevaux sans compter sa monture et celle du fermier... Profites-en, ma fille, parce que dans la soirée de demain ou peut-être au matin du surlendemain, tu vas cesser de les voir...
A Fort Yuma, elle aura peut-être l'aubaine de se faire remettre un bon de réquisition. Un joli bout de papier. Pour ce que ça va lui servir. Peu de chance qu'elle puisse se faire indemniser par le gouvernement provisoire à Tucson, et à Mesilla, ce salopard de Baylor, mettra plutôt directement l'argent dans sa propre poche...

Son ventre grogne. Il regarde inconsciemment en direction des hommes en train de bouffer, tout en discutant de je ne sais quoi, de filles probablement... c'est leur sujet favori... Ou de ce qu'il fabriquaient avant la guerre... Ou de ce qu'ils vont faire après s'ils survivent... Même le fermier avec la dentelle blanche qui lui enserre la tête, et ses larges épaules, participe activement à la discussion, toute rancune oubliée, comme s'il avait toujours fait partie de la troupe, et esquisse en l'air, avec force geste des doigts, des courbes évocatrices... Xander n'entend pas ce qu'il raconte, mais certains gars, toujours les mêmes vicelards, un sourire gras sur les lèvres ont l'air d'apprécier...

Il est affamé... Rien consommé depuis la veille au soir... et il espère que quelqu'un songera à lui laisser sa part. Avoir un repas enfin chaud lui ferait du bien... sinon il va devoir encore se taper une boite de fayots froids, une de celles qui traînent au fond de ces fontes...
La Matamoros ne s'en rend pas compte, elle qui minaude en mangeant aussi lentement que la reine anglaise, la Victoria, l'usurpatrice comme auraient dit ces ancêtres écossais, par petites bouchées délicates, mais la gamelle où elle déguste son repas, c'est la sienne. Il a demandé à Davey de la récupérer dans son sac de selle pour pouvoir servir madame leur invitée...

Gaines s'est allongé pour pioncer, le gibus sur le nez, douillettement enroulé dans sa couverture, la tête contre sa selle, le mousqueton chargé à portée de main. Il ne sera pas de garde, ce soir, il l'a été la nuit dernière et à besoin de se requinquer. C'est un vieux chasseur de la prairie, accoutumé aux pratiques autochtones, Xander sait que Gibus ne dormira que d'un œil pour parer à toute éventualité désagréable...

Les bêtes se sentent en sécurité dans cet endroit paisible, un bon choix somme toute, du moins il faut l'espérer. Plusieurs chevaux somnolent debout, yeux mi-clos, l’encolure proche de l’horizontale, les muscles détendus, la lèvre inférieure pendante et les oreilles orientées tantôt vers l'arrière tantôt sur les côtés. Un des membres postérieurs est fléchi, seule la pointe du sabot de cette jambe touche le sol.
Quelques poneys du troupeau commencent à s’allonger en bête morte et semblent déjà profondément endormis..., les autres membres de la harde sont petit à petit contaminés par le phénomène. Plus loin, quelques canassons, dont Tobey se sont couchés en vaches, sur le ventre et le sternum, les membres repliés sous eux. La position de l’encolure et de la tête sont similaires à celle des chevaux en repos debout. Parfois la tête touche le sol. Ils ont cherché un endroit propre et sec pour se mettre en place. Ceux qui ne trouvent pas d'endroit à leur goût, ne se couchent pas du tout.
Pourtant, tous les chevaux du groupe ne dorment pas en même temps. Le rouan cap de more du vaquero, la jument isabelle aux balzanes noires et le roussin de Davey assument les rôles de chiens de garde. Ils vont se tenir à proximité de leurs congénères endormis et les veiller...

La livrée noire et or de mouches à chevaux, suceuses de sang à la morsure douloureuse, tourbillonne au-dessus du troupeau.

Le hurlement solitaire et lugubre d'un coyote sauvage perce soudainement l'obscurité.
Le cri peut sembler venir de plus loin que le lieu où se trouve réellement l’animal. La bestiole est peut-être à proximité.
Xander soudain alerté, tend l'oreille, attentif, nerfs tendus, tous les sens en alerte, focalisé sur l'appel lointain. Gibus, alerté lui aussi, a redressé la tête, soulevé son chapeau. Lui aussi, en vieux routier sait qu'un unique appel aussi proche peut masquer la présence d'animaux beaucoup plus dangereux, munis de deux pattes au lieu de quatre.
Les autres n'ont pas réagi. Pour eux, un coyote qui hurle à la lune, c'est juste un foutu coyote. Ils n'ont pas encore pris toute la mesure de la guérilla imposée par les apaches... Au fond, près du goulet d'ouverture, le caporal doit serrer les fesses...

Normalement, le cri doit déclencher une réponse si des congénères du canidés se trouvent dans les environs.
Le hurlement, suite d’aboiements sur un ton aigu et perçant, s 'étire suivi d’un autre cri prolongé, puis d'une envolée de glapissements rauques. Le jappement déclenche infailliblement celui des autres ce qui devrait donner lieu à un concert saisissant. Ça y est, en voilà une douzaine qui répliquent au loin et hurlent à l’unisson...

Les chevaux n'ont pas bronché. Seuls quelques oreilles pointent tour à tour en avant et en arrière.
Il y a peu de chance qu'un de ces prédateurs se glisse dans le campement par crainte des êtres humains...


« - Avant l’uniforme, vous chassiez quoi ? »

Quoi ? Xander est un instant désorienté, coupé dans sa concentration...

« - Euh... Les fourrures... Toutes sortes d'animaux à fourrure... »

Il hésite. Elle s'intéresse à ce qu'il faisait autrefois ou c'est juste pour meubler la conversation. Il y a peu de chance. Après tout, elle doit s'en contrefoutre de la vie qu'il a mené...

« - Mais la chasse devenait difficile... Elle était sur sa fin... Trop prélevé, de façon excessive, même les indiens s'y sont mis pour commercer avec les blancs et obtenir de nous toutes sortes de biens, d'objets de la civilisation... » Reniflement ironique...

« - Certains voulaient chasser le bison... pour les peaux ou la viande... Ça me disait trop rien... Si on touche aux bisons, ça va mettre encore plus les grandes prairies à feu et à sang... »

Il achève son mug de café :
« - Suis pas sût que j'allais continuer... Le temps est peut-être venu de passer à autre chose... J'ai fait du dressage de chevaux autrefois... Après la guerre... »

Xander s'interrompt. Du dressage, ouais. Mais le Geai était là. Et le Geai n'est plus là... Et après la guerre, s'il y survit. Il y en aura peut-être une autre... Et encore une autre...
De toute façon, il n'a plus grand chose à perdre, un cheval, quelques armes, deux trois fringues dans son sac, les hardes qu'il a sur le dos sont même pas à lui...
Il se penche. Examine d'un doigt incertain, la déchirure au genou de son pantalon bleu qui ne cesse de s'agrandir...
Il parierait même pas un dollar sur ces chances...

Xander se passe la main sur le visage sali, un doigt glisse involontairement sur la fine cicatrice sous l’œil. Il faut qu'il pique un roupillon lui-aussi s'il veut pouvoir prendre son quart tout-à-l'heure...
La señorita doit être morte de fatigue elle aussi...

Nouveau regard fatigué en direction des éclats des lascars en train de s'esclaffer près du feu...
Avant de songer qu'il s'est placé instinctivement entre Isabella Matamoros, et les hommes près des foyers... comme... comme il le pratiquait quand il escortait Tammy, Josie ou une autre fille là-bas dans les rues de la Nouvelle-Orléans lorsqu'elles se rendaient à un rendez-vous, ou comme il le faisait, quand il accompagnait sa mère et ses jeunes sœurs au temple les dimanches, même s'il s'arrangeait toujours pour s'éclipser ensuite le temps de l'office...

Des principes moraux surannés qui remontent de nouveau par bouffées.  Bien intimes, bien cachés, bien accrochés.  Tiens son vieux en serait sûrement tout fier s'il l'avait su... A mourir de rire, au moins quelques-uns de ces préceptes se sont bien incrustés...
Qu'est-ce qu'elle va devenir quand elle sera libérée ?... Bon sang, pourquoi ça tournoie dans sa tête ? Il n'a aucune responsabilité envers elle, hormis celle d’emmener leurs captifs en sûreté... Il ne lui doit rien... Il ne la connaît même pas et dans quelques jours, il l'aura oubliée...
Demain, après-demain, il ne sait même pas où il sera envoyé, peut-être à l'autre bout du territoire...
Déjà qu'il oscille avec elle entre colère, honte et frustration.  Sûr, cette satanée morveuse a un don pour l'agacer, il y a des moments où il a envie de la secouer pour l'obliger à réagir et d'autres où...
Où quoi ?
Dans peu de temps, elle va se retrouver seule en territoire confédéré à la merci de loustics genre Merrill ou Burroughs, et elle pourra pas compter sur ce Jack...

« - Et vous ! Vous avez quelqu'un pour vous prendre en charge après tout ça ? »

Mais bon sang, qu'est-ce qui lui a pris de poser cette question ?
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Isabella Matamoros
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MessageSujet: Re: Vol légal [Xander Tyree]   Vol légal [Xander Tyree] EmptyDim 12 Mai - 20:06


Depuis que le soleil avait glissé sous la ligne de l’horizon, les ténèbres devenaient un peu plus épaisses de minutes en minutes. A l’écart du foyer principal, Isabella et le sergent Tyree bavardaient devant les silhouettes équines qui, petit à petit, se fondaient dans la nuit.

Isabella apprit sans grande surprise qu’avant l’uniforme l’homme vivait de la chasse qu’il avait troqué contre le dressage de chevaux. Elle aurait parié une pièce sur cet ancien métier : à cheval, le chapeau blanc avait cette dégaine qu’ont ceux qui se sont creusé les reins à force d’avoir vécu le cul vissé dans une selle. Il n’eut pas besoin de finir sa phrase pour qu’elle comprenne que, après la guerre, il reviendrait certainement à cette activité. Et si toutes ses bêtes avaient l’éducation et l’équilibre du grand rouan capé, alors elle aurait eu une certaine concurrence à affronter.

La jeune femme opina doucement du chef en triant, dans son assiette le lard et les haricots, se concentrant pour en mâcher la moitié de chaque. Ça ne rentrait pas. Elle avait beau essayer, déglutir lui donnait la nausée tellement son estomac était serré. Elle profitait de la conversation pour essayer de se distraire et avaler en se forçant à ne pas trop cogiter. Mais elle avait beau afficher une impassibilité et une certaine froideur face à la situation, elle ne trompait probablement qu’elle-même : elle empestait toujours l’angoisse à plein nez. Heureusement, son nez baissé, son visage fermé et ses épaules recroquevillaient faisait vaguement illusion pour laisser penser qu’elle savait encaisser pendant qu’elle écoutait le sergent se tortiller avec sa réponse. Il paraissait aussi à l’aise qu’elle quand venait le moment de bavasser. Étonnamment, ça la rassurait.

Le problème d’une conversation, c’est que les questions ont souvent tendance à revenir dans les dents de celui qui la pose.

Pour me prendre en charge après tout ça ? répéta Isabella pour se donner le temps de réfléchir à sa réponse qui vint juste après : Après tout ça, je vais tenter de rentrer pour retrouver mon oncle. Jack va rentrer chez son père, auprès de sa fiancée. Et on va tous prier pour proprement retomber sur nos pieds.

Le jeu de mot était choisi sciemment, avec une bonne dose d’ironie. Avec le temps, elle avait appris que c’était l’arme la plus efficace qu’il restait à ceux qui ne voulait pas se plier au conformisme ou à l’apitoiement.

Il n’y avait pas de mari qui attendait Isabella. La seule famille qui lui restait tenait dans un grand monsieur taillé comme un totem, à la mine toujours rieuse et aux manières conviviales et rustres. Chacun s’entourait comme il le pouvait.

Le sergent ne devait pas avoir choisi tous ses acolytes. Et la petite éclopée vivait avec ceux que Dieu lui avait donné. Jamais on ne l’aurait entendu s’en plaindre parce que, des gens, elle ne se souvenait vaguement que des visages transitoires des voyageurs et des soldats qui s’arrêtaient, dormaient, achetaient parfois des chevaux et repartaient. Les hommes de cette troupe aux uniformes rapiécés de confédérés rejoindraient bientôt cette longue liste de ceux qu’elle oublierait probablement. En tout cas, elle essayait de s’en persuader.

Isabella hésita à demander au sergent de décrire ce qu’était son expérience des apaches. Mais, comme il avait parlé de prairies à feu et à sang, la réponse de l’homme lui faisait peur. Elle voulut aussi ouvrir la bouche pour essayer d’utiliser avec lui ce jargon que maîtrisent totalement les gens de chevaux. Mais elle se ravisa. Elle ne se sentait pas bien légitime à jouer cette comédie. Tout le monde doit se reposer pour ne pas rajouter de la difficulté à un lendemain déjà chargés en ennuis. Elle se pressa donc d’abréger la conversation en tendant la gamelle toujours à moitié pleine à Tyree en lui demandant :

Je suis désolée, je n’arriverai pas à terminer. Vous le voulez ? Je vais le donner à Jack ?

La cavalière n’avait pas compris que le chapeau blanc n’avait encore rien avalé. Elle se disait que, de toute façon, avec tout les hardtacks et les jerkies qu’elle avait décroché, lui et ses hommes auraient de quoi mâchouiller bien après qu’ils se soient séparés d’eux à Fort Yuma.

La jeune femme laissa le sergent décider et, avec nonchalance, elle rejoint le cercle formé par la troupe en allant s’asseoir à côté du fermier qu’elle connaissait. Son arrivée fut accueillie par un blanc dans la conversation avant qu’elle ne glissât quelques mots pour relancer la discussion. Les hommes reprirent alors. Elle écouta à peine, fixant le feu au milieu du foyer. Les motifs erratiques des flammes l’hypnotisaient. Elles semblaient dessiner des arabesques d’une langue usitée par une puissance supérieure et divine. Les mouvements qui consumaient les brindilles et les herbes sèches qui étaient déposées en offrande la plongeait dans une méditation silencieuse dont elle ne sortait que pour répondre très succinctement aux questions qu’on vint à lui poser. Pour le reste, sa manière de garder les yeux dans le vague lui donnait un air absent, un peu comme pendant la chevauchée. Sans passion, elle écouta les brefs récits des anecdotes des uns et des autres sans passion. S’il y eut une ou eux piques salaces, elle ne prit pas la peine de les relever : au relais à chevaux, elle avait appris que les hommes qui ronflaient d’autosuffisance et se permettaient les pires grossièretés pour la provoquer n’étaient pas nécessairement ceux qu’il fallait craindre. Comme son sens de la répartie ou ses silences étaient rôdé à l’exercice, elle craignait plutôt les caractères mutins. Ceux qui disent sont rarement ceux qui font. De surcroît, grâce – ou à cause, tout dépend – de son infirmité, la petite boiteuse savait qu’elle n’appartenait pas à ce type de « trophée » dont les hommes aiment se vanter de la capture. Quand ils mimaient des formes voluptueuses, elle n’était pas plus épaisse qu’un clou. Quand les mâles rêvaient d’une intimité qui leur donnerait vite satiété, elle affichait un franc désintérêt, persuadée que personne ne viendrait à s’abaisser à ce genre de choix. Non, vraiment, elle se fichait de les entendre fanfaronner. Intimement, elle se persuadait que rien ne se passerait. Au pire des cas, elle priait pour qu’il y ait bien quelqu’un ou Dieu pour intervenir si quelque chose devait arriver.

Perdue dans ses pensées qui dérivaient sur des calculs, des idées pour économiser pour les semaines de disettes qui suivrait son retour, elle s’éteignait tellement intérieurement que, au bout d’un long moment de statisme, elle sentit ses paupières peser plus lourd, au-dessus de ses yeux asséchés par la fumée pleine de cendre dirigée par un filet de vent sur son face exténuée. Elle profita que quelques hommes se lèvent pour, elle aussi, aller se coucher.

Merci, bonne nuit, elle souffla en quittant sa place dans le cercle.

Comme l’avait recommandé le chef de l’expédition, elle se faufila jusqu’au second cirque, en passant devant Gibus – ou plutôt Gaines, elle ne savait plus -, l’acolyte de l’ancien chasseur de fourrures, qui avait bien mieux des allures de cadavres que de dormeur tellement il restait stoïque même dans son sommeil. Sans prendre le risque de le réveiller, elle retrouva sa selle et ses couvertures.

Une hésitation la retint quand elle se posa sur le sable rouge faiblement éclairé par les quelques halos qui se faufilait entre les silhouettes des hommes encore éveillés. D’habitude, pour dormir, elle retirait sa fausse jambe. Autour du moignon, les sangles s’enfonçaient dans sa chair pour maintenir le morceau de bois et de fer façonné en place. Pendant la nuit, la prothèse avait tendance à tourner et à globalement mal accompagner ses mouvements, dès que tout son poids ne pesait pas dessus. Pour des questions de confort, elle s’en serait bien délesté pour soulager la douleur lancinante avec laquelle elle cohabitait depuis des années. Là, dans cette configuration, elle sentait qu’en cas de réveil impromptu, chaque seconde de perdue pour enfiler sa prothèse aurait signé un peu plus un arrêt de mort insoupçonné. Incapable de se décider entre confort et sûreté, elle se tint les genoux tâtant, à travers son pantalon en cuir, les boucles et le renfoncement derrière le genou où elle avait tendance à suinter. Avec un énervement certain, elle finit par remonter son vêtement, pour desserrer les sangles rapidement, sans totalement désolidariser le morceau de bois de son reste de chair et d’os, avant de recouvrit la prothèse sous les couvertures qu’elle plia pour les rendre étanches à toute tentative d’intrusion de crotales, de scorpions ou de toutes les bestioles détestables du désert.

Tant mieux si elle avait été assez rapide pour passer inaperçue. Tant pis si on l’avait vue. Isabella protégea son visage dans ses bras en s’écrasant sur sa selle.

Le sombrero posé sur le pommeau pour la protéger du soleil du petit matin, elle chercha le sommeil en écoutant le ronflement lointain des chevaux et leur mastication. Elle sait que Tehuano s’est rapproché. Elle le reconnait à sa façon de sporadiquement taper du postérieur pour chasser les insectes qui se collaient à ses jarrets.

Dans le ciel, les étoiles brillaient comme une armée de petites veilleuses prêtes à intervenir qui quelque chose venait la secouer.

Exténuée par cette journée qui n’avait pas du tout pris le chemin que, au matin, elle avait escompté, elle ferma les paupières pour se laisser laborieusement glisser dans les bras de Morphée.

Au moins, Isabella n’avait pas l’expérience suffisante du désert pour prêter attention au cri isolé du coyote. Elle sombra innocemment sans s’en inquiéter même s’il n’y a rien de plus mouvant qu’une nuit pleine d’ombres.

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Une main violemment écrasée sur sa bouche. Aussitôt, tout son corps se trémousse comme celui d’un poisson sorti de l’eau. Il est contenu, contraint, écrasé au sol. Un cri monte. Il est étouffé dans sa gorge.

Ça ressemblait à un couinement de petit goret qu’on emmène se faire égorger.

A peine tirée du sommeil, Isabella eut l’extraordinaire reflexe de mordre. Serrer la mâchoire fort comme le font les chiennes approchées sans avoir été apprivoisée.

Contre cet assaillant qu’elle ne voyait pas, ce n’était sûrement pas suffisant. Mais c’était juste assez pour échapper à l’emprise et lui permette de hurler le premier nom qu’elle trouva judicieux d’appeler :

SERGENT TYREE !

C’était un cri à réveiller les morts. C’était un appel de détresse qui ricochait, par écho, dans tout le désert. Un bruit qui venait des tripes et qui avait pris le chemin le plus court pour être audible dans toute la contrée.

Tout de suite, un coup de feu retentit. Isabella ne savait pas d’où ça venait. Dans un hoquet de terreur, elle se demanda même si elle n’était pas touchée. Avec l’énergie de la peur, tout son corps se débattait pour tenter de décamper, mais elle était bloquée sous le poids d’un corps encore chaud qui basculait.



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MessageSujet: Re: Vol légal [Xander Tyree]   Vol légal [Xander Tyree] EmptyJeu 16 Mai - 23:32

« - Pour me prendre en charge après tout ça ? » ... La gosse s'autorise un court temps de réflexion, mastiquant lentement avant de se décider à balancer sa réponse : « -Après tout ça, je vais tenter de rentrer pour retrouver mon oncle. Jack va rentrer chez son père, auprès de sa fiancée. Et on va tous prier pour proprement retomber sur nos pieds. »

Le ton est légèrement mordant mais, au moins la demoiselle conserve encore un solide sens d'humour noir malgré son handicap...

Sur ses pieds... Ouais, lui avait encore la chance d'avoir ses deux guibolles... Une ombre légère voile son front et il tire sur le bord de son chapeau un instant pour masquer sa gène, quoique la miss ne risque pas de remarquer grand chose vu la façon désobligeante qu'elle a d'éviter soigneusement de le regarder en face, courbée en avant, épaules et nuques raides, sans trop dissimuler le mépris qu'elle lui inspire. Ouais ! Lui a eu de la chance. A lui, on a conservé sa jambe... Et lui, il peut retomber sur ses deux pieds...
Les souvenirs enfouis déboulent en un instant. Si sa femme n'avait pas insisté... ou plutôt si sa future femme n'avait pas insisté, si... si... si... il aurait pu être dans le même cas.
Non pas le même cas. A lui, on lui aurait tranché la jambe au dessus du genou et il aurait passé le reste de sa vie à cavaler sur les pistes avec une béquille, et à mendier pour gagner sa pitance. Qui aurait voulu de lui ? Le Geai Bleu aurait-elle seulement laissé traîner un œil sur lui s'il n'avait eu qu'une seule jambe...
Ah ! Plutôt crever dans un coin. Jamais il n'acceptera qu'on lui coupe un morceau de viande... Si ça devait arriver, y se mettrait vite fait une balle dans la bouche... Mais cela, il n'allait certainement pas le raconter à ce bout de femme...

Donc au moins elle a un oncle pour l'attendre, même s'il lui faudra probablement patienter quelques temps à Fort Yuma ou à Arizona City avant d’espérer le revoir. La Colorado River sépare par là-bas le Territoire de l'Arizona et la Californie, et le service du bac de Jaeger Station avant d'être détruit, était déjà interrompu depuis l'irruption du conflit. On dit bien que des patrouilles yankees s'autorisent à traverser en barque pour se dégourdir les jambes et souiller les rives confédérées, mais il n'y a jusqu'à présent pas eu d'affrontement sur place. Les deux camps se contentent de s'observer en chien de faïence de chaque coté du fleuve. Si elle et le Jack, sont suffisamment malins, ils pourront toujours se hasarder à s'offrir les services des pécheurs Yumas qui font parfois traverser les voyageurs discrètement, ou bien c'est l'oncle qui pourra venir la chercher en traficotant avec ces mêmes indiens...
De toute façon, ce n’est pas son problème. Son problème s'est de livre les canassons, d'échapper aux bandes apaches et de ramener tout son monde en sécurité avec le moins de casse possible. Son problème s'est de prendre enfin un peu de repos à Arizona City avant qu'on le réexpédie à l'autre bout du Territoire à la poursuite des mirages confédérés...


« - Je suis désolée, je n’arriverai pas à terminer. Vous le voulez ? Je vais le donner à Jack ? »
Il saisit machinalement sa gamelle, avec un peu de reconnaissance. Euh... avec beaucoup de reconnaissance... Son Jack, il a déjà eu sa part... et lui meurt de faim.
Puis il détaille du regard la fine silhouette claudicante qui s'éloigne vers le groupe affalé près des foyers. A son aise, si elle préfère la compagnie de gaillards dans le genre de Merrill ou de Burroughs... Bon, évidemment chacun a ses goûts, elle a le droit de préférer les rouflaquettes du rouquin, les mines doucereuses de l'autre crasseux ou les rondeurs de Weber. Rien ne l'étonne plus, il en suffisamment vu à la Nouvelle-Orléans, mais il n’imaginait pas qu'elle soit ce genre de fille...

Une fille qui serait certainement jolie si elle consentait à se décrasser un peu, à relâcher la tension qui l'habite et se décidait à sourire, au lieu de s'acharner à conserver cet air buté et revêche. Avec le peu de femmes qui traînent dans les territoires par ici, même avec son handicap, elle aurait du succès auprès de la gent masculine, surtout auprès de ceux cherchant à se caser... Ici même les laiderons ont toutes leurs chances...
Ça ne l'étonne pas que certains de ces gars tentent de poser quelques jalons, à leur façon maladroite et grossière...

Avec lassitude, Xander recule à pas lents, s'appuie dos contre le mur de roches tout en grappillant dans le récipient. Le lard et les haricots ont déjà refroidis. Pas mieux qu'une conserve finalement...
Il dresse de nouveau le col et tend l'oreille au cri rauque du coyote qui vocalise de nouveau au loin. Un hurleur solitaire cette fois, il n'y a pas de réponse du reste du gang...

Il se mord la lèvre inférieure, deux doigts incertains caressent les commissures de sa bouche. Une fois. Deux fois… Il écoute, cherche les nuances... Croise le regard interrogatif de Gibus. Le chasseur allongé sur le côté le fixe avec insistance. Les mains s'échappent furtivement de sous la couverture, l'index frotte d'avant en arrière sur son index gauche étendu, de la pointe du doigts jusqu'à la base.
Xander hoche la tête. Gibus crispe la bouche sous la moustache noire, referme les yeux et bascule sur le dos, en attirant doucement son mousqueton au canon évasé sous la couverture de laine épaisse...

Regard capté par les silhouettes mouvantes des ombres grises et noires sur les murailles rocheuses, projetées par la clarté lumineuse des foyers. Ombres des chevaux, ombres des humains rassemblés.
Flammes trop hautes, foyers trop alimentés. Visible de trop loin, même et surtout par l'anfractuosité du goulet donnant sur le désert. La peste soit de ces crétins imprudents, dès qu'il y a une femelle dans le coin, ils oublient toutes précautions. Le foyer aurait dû être contenu, sa luminosité réduite mais maintenant il est trop tard. Même les relents de fumée doivent se deviner à distance, et les apaches ont un excellent nez...
Il va falloir qu'il aille glisser quelques mots à Pacheco. Il parcourt des yeux le cercle agglutiné autour du feu. Ensuite il faudra parler aux autres avant de pouvoir aller s'allonger...
Encore une nuit blanche en perspective, lui qui escomptait s'offrir une paire d'heures de sommeil avant de relever Davey...
De la main, il chasse avec agacement les sarabandes de moucherons effrontés qui virevoltent au dessus du repas...


***

Instinct, envie de pisser, certitude d'avoir manqué quelque chose. Il ne sait trop ce qui l'éveille. Tout ensemble probablement. Ou alors c'est encore le foutu yodleur qui a relancé son appel là-bas au milieu de la plaine d'épineux...
Il a du s'assoupir quelques instants. Satanée fatigue...
Il essuie du dos de la main la croûte de poussière déposée sur son visage malgré le chapeau...
Une obscurité bleu-cobalt baigne l'enceinte circulaire de l'affleurement rocheux. C'est à peine si les rayons d'une lune blême parviennent à déchirer la pénombre.
Le feu agonise dans son foyer faute de pitance. Quelques braises couvantes s'obstinent à rougeoyer au milieu des cendres...

Xander s'étire. Nuit inconfortable, position inconfortable, froid glacial descendu des nuées et qui s'est insinué entre les lourds blocs de grès rougeâtres. La froidure est resté piégée, attirée par le sol refroidi et ne pouvant s'échapper. Il s'est allongé à peu de distance du court corridor d'entrée du cirque, afin de pouvoir soutenir la sentinelle en cas de besoin... Il dépose le canon-scié qu'il a sorti de ces fontes sur sa selle, fait coulisser le couteau dans sa gaine avant de s'emparer du mousqueton. Rapide vérification. L'arme est chargée et le chien à demi-armé.

Merrill assure son tour de garde. Il a remplacé le caporal. Sa garde est toujours nerveuse mais il l'assure. Le rouquin ressent toujours les angoisses de la sentinelle solitaire, première victime si le danger surgit et Merrill a horreur de monter la garde en solo. Par crainte d'y perdre sa chevelure. Il prétend que les filles aime les flammes rouges de celle-ci et qu'elle les attire comme des papillons prétend-il. Un doux rêveur... Il ne fréquente que des entraîneuses de saloons ou les prostituées des bordels et ce n'est pas le reflet de sa tignasse qui les appâtent...
Le roux a remarqué sa présence et l'épie en coin. Son tic oculaire ne cesse de faire larmoyer son œil, et Xander remarque les gouttes de sueur qui perlent et se déroulent lentement du front jusqu'à l’encroûtement crasseux du cou. Le soldat accroupi essuie ses mains moites sur son pantalon, ses doigts y laissent des traces malpropres... Une fois... Deux fois... Trois fois...
Même le fût en noyer de son fusil de chasse est humide...
Merrill semble troublé par sa présence.

« - Ça va Merrill ? » Vague grommellement inaudible en réponse...  Curieux ! Il n'est pas si émotif d'habitude...  Il doit patienter encore quelques temps avant le tour de Burroughs puis ce sera celui du gros Weber avant l'aube et le réveil...

Aucun repère sur lequel poser les yeux au dehors...
Les cactus raquettes ont pris des teintes violacées dans la pénombre environnante. Le reste du panorama se déroule et se fond dans les nuées diaphanes de satin opaque, se disperse en îlots d'ombre flottantes d’où émergent les silhouettes charbonneuses de cactus tuyaux d'orgues au sein des masses sombres des épineux. La vision n'est nette qu'à peu de pas...
La vie nocturne doit grouiller mais là, on n'entend rien, Même les milles petits bruits nocturnes se sont éteints, aucun son comme si la nuit se retenait de respirer.
Un cheval derrière renifle bruyamment. L'odeur du crottin est forte, omniprésente, pas aussi forte que celle, piquante de l'urine. On démêle en résidu des effluves âcres de fumée qui n'ont pas réussi à s'élever, bloqués par la masse rocheuse. Tout cela effacera après leur départ, la matière organique absorbée par le cycle naturel. Dans le désert, rien ne se perd...

Il se fraye un chemin parmi les hommes endormis. Pacheco ronfle, les pieds tournés vers le foyer, la tête sur la selle et le képi jaune sur le nez. A coté de lui, gît le rondouillard en chien de fusil, enroulé dans sa couverture. Les deux bottes piquées sur des branchages à ses côtés. Gaines est plus
loin, toujours rigide sous sa couverture, même pas certain qu'il dorme réellement... A gauche, le vaquero et Davey, l'ancien et le jeune, dorment côte à côte, enroulés dans leurs couvrantes...
Davey !... Davey ?...

En deux bonds, il est auprès de la belle endormie. Lâche son fusil. Bourre les pieds du gamin à coup de bottes. Effaré, enlevé de son sommeil, les yeux bouffis, un bras recroquevillé relevé en défense, Davey, la bouche grande ouverte, aspire l'air par à-coup...
« - Damn It ! Davey ? Mais qu'est ce que tu fous-là ? Tu devais monter la garde... ». Regard circulaire aux alentours. Manque Burroughs... Où est passé Burroughs ? Qu'est-ce que fout Burroughs ?...
Non ! Non ! Non ! Nom de Dieu ! Le gamin peine à réponde, rassemble ses idées encore éparses, embrouillées... Mais atterré, Xander n'attend ni n'entend la réponse. Il pique en longues enjambées.
« - … Burroughs est v'nu m'relever... il m'a dit... » Le gamin tend un doigt indécis vers le fond.  Ramirez, éveillé, relève la tête, le front plissé, les yeux confus pleins de questions...  Le grand Gibus, le plaid rejeté, se déplie, le mousqueton entre les mains...
Derrière bruisse les dormeurs alarmés...



***

Xander embrasse la scène d'un regard. Le dormeur allongé. Les couples enchevêtrés dont les formes sombres s’enroulent dans une étreinte étroite. Simples tâches s'agitant dans l'obscurité feutrée. Bruits de luttes étouffés...
Une silhouette, grogne. De douleur ?
Le manche saisit comme un marteau. Légère inclination. Poids du corps sur la jambe dominante vers l'autre jambe pour créer un élan... L'avant-bras se balance en arrondi, poignet et bras tendu parfaitement droit à la fin du lancer. L'arme glisse de la main...
Le couteau vole et se plante dans la silhouette qui se redresse pour frapper du poing. Hurlement qui déchire la nuit :


« - SERGENT TYREE ! »

Faire face. Le second diable, les yeux brillants de démence, bande blanche sur la face brunie, se rue vers lui, poignard ensanglanté haut levé, la bouche grande ouverte sur un cri de guerre qui se confond avec la détonation.
Décharge du tromblon de Gibus. La poitrine explose dans un nuage de sang et d'esquilles d'os. L'apache tournoie dans les airs, stoppé net comme s’il avait heurté un mur. Heurte la muraille rocheuse, y laisse une traînée sanglante, avant de s’écraser dans les broussailles. Se tortille une fois, deux fois. Les jambes gigotent plusieurs fois en mouvements convulsifs…

Xander est déjà prés du corps qui écrase la niña. Soulève l'apache par le col de la tunique souillée et le projette sur le coté. Le crâne résonne sur le sol. Pas encore crevé, le salopard, il a l'air effaré de celui qui n'a pas encore compris qu'il est déjà mort, les yeux clignent spasmodiquement, une mousse rosâtre bulle entre les lèvres...
Dieu merci, elle n'a rien. Les deux grands yeux noirs sont exorbités de terreur mais elle n'a rien.
Et au moins, elle ne hurle pas...

Xander pose un pied sur le dos de l'apache, tire d'un mouvement sec le couteau qui a sectionné la moelle épinière. Dernier soubresaut. Un flot de sang jaillit de la bouche du cadavre...

Rapide regard circulaire. Pour le grand Jack c'est fini. Le sable rougeâtre absorbe déjà le sang qui s'échappe de la gorge béante. Égorgé dans son sommeil. Le jeune fermier ne reverra ni son père ni sa fiancée... La flagrance prenante, âpre et métallique du sang emplit la petite clairière sablonneuse.

Gibus achève de recharger. Ramirez est penché sur Burroughs, la poitrine déchirée. Le fusil à l'épaule, Davey pointe le double-canon de son arme en le balançant alternativement de l’une des masses sombres des bosquets et taillis du fond vers l’autre...


Xander se penche vers la fille, soulève le poids plume entre ses bras :

« AGUSTÍN. GIBUS ! FOUILLEZ LES BUISSONS, JE VEUX SAVOIR S'IL Y A UN PASSAGE NON DÉTECTÉ OU S'ILS ÉTAIENT LÀ AVANT NOUS ! »

Nouvelle décharge. Vers le goulet. Les coups assourdis du fusil de Merrill. Un premier coup puis le second. Suivi presque aussitôt du jappement rauque et furieux de la Remington de Pacheco. L'escouade du caporal a suivi les ordres, massée près de l'entrée, même s'il n'avait pas prévu que le danger vienne du fond.

Il porte Isabella et l'emmène vers l'abri du bloc de gré d’où ruisselle la source. Les chevaux sont nerveux, sur le qui-vive. Yeux écarquillés, naseaux élargis, oreilles plaquées en arrière, leurs respirations irrégulières, signes d'insécurité et de peur, traduisent leur malaise et leur stress. La petite jument grise, entravée, ne cesse de ruer vers tout ce qui  l'approche...
Pacheco vers la gorge d'entrée lui crie quelque chose d'indistinct. Il ne capte rien avec le raffut qu’émettent les canassons.


Weber, agenouillé, les chaussettes pleine de crottin, la crosse du fusil au sol et le canon contre l'épaule, lui répètent les paroles : «...Trois ou quatre...  sautaient entre les fourrés... se sont défilés dans les cactées dès qu'on a tiré... »

Le tamia est de retour et galope frénétiquement en rond sous son crâne. Tournant dans sa roue, tournant dans sa roue. C'est pas possible qu'il y ait un autre passage. C'est pas possible qu'il y ait un autre passage ! Ce coin, il le connaît, il en a fait le tour, intérieur comme extérieur, il n'y a pas d'autre accès même en rampant. Peut pas escalader par l'extérieur, même avec un grappin... Les apaches les ont précédé... C'est pas possible autrement...
Nous ont traqué à distance... ont localisé notre direction et nous ont devancé... Fumiers d'apaches...
Les deux devaient être planqués depuis des heures, bien dissimulés, en attendant le bon moment pour nous couper le cou pendant notre sommeil...
Mauvaise décision. Encore une. Ça fait beaucoup. Ils sont dans une nasse.


Il dépose avec précaution le corps crispé de la gamine. Scrute le visage tendu. Quelques gouttes de sang de l'apache mouchettent le visage sali. Il hésite à les essuyer. Ça ne ferait qu'étendre les marbrures sanglantes. Les yeux figés, toujours écarquillés, regardent dans le vide. Elle lui semble en état de choc... sans réaction.
« Isabella ! Ça va ?.... Hem... Miss Matamoros... Est-ce que ça va ? Répondez-moi ? Señorita Matamoros ? »

Ramirez débarque, les orbites pleines d'excuses, des couvertures encroûtées dans la main : « ...S'étaient enterrés sous des couvertures sous le sable. Des trous contre la paroi, dans des creux, avec des branchages par-dessus. Discúlpamé, sargento ! J'ai rien vu quand j'cherchais les crotales... Estas serpientes tenían cuidado de no manifestarse. Lo siento mucho. Mil disculpas. »
Traduction:

Le petit Davey, toujours penaud, déboule en trottant :

« Gaines dit que Burroughs vit encore... »

Tous dressent l'oreille, soudain attentifs.
Un appel chevrotant s’élève dans l'obscurité :


« - 'Indaa 'igáí ! 'Indaa 'igáí ! »

Puis une seconde fois, plus fort :

« - 'INDAA 'IGÁÍ !'INDAA 'IGÁÍ ! »
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Isabella Matamoros
En galère mais débrouillarde
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MessageSujet: Re: Vol légal [Xander Tyree]   Vol légal [Xander Tyree] EmptyHier à 17:50


L'amputée ne savait plus si elle avait hurlé. Sûrement. Les gens hurlent dans ce type de situation. Ou bien avait-elle été trop tétanisée et que le cri était resté bloqué dans sa gorge, incapable de s’exprimer. Peut-être, aussi, qu’elle n’avait pas réussi à ouvrir la bouche parce qu’une pluie chaude s’était écrasée sur le visage terrifié de l’adolescente. Les gouttes d’écarlates mouchetaient sa face et ruisselaient. Elles se seraient glissées jusqu’à ses gencives pour emplir sa bouche d’une saveur ferreuse.

Il y avait eu le coup de feu, mais aussi le heurt d’une lame. Elle se trouvait écraser sous un corps tressautant, pas encore refroidi complètement, qui se trémoussait encore comme un poisson mal assommé. Les peintures blanches sur l’épaule qui la plaquait contre se siège de sa selle qu’elle utilisait comme oreiller lui fit vite comprendre que c’était un natif qui avait probablement essayé de la saigner. Coincée sous le poids de son assaillant, elle ne parvenait pas à se débarrasser malgré l’énergie qu’elle mettait pour s’en dépêtrer. Sur l’instant, elle crut étouffer.

Dans le noir, Isabelle essayait de trouver ses repères, se débattait, lançait la tête de tous les côtés jusqu’à tomber sur la face de Jack. Elle vit l’os du crâne mis à nu partout où un chapeau protégeait ses cheveux blonds. Elle vit la peau blême et le regard vide, vitreux, dénué d’expression. Elle vit aussi l’écarlate clapoter sous son menton, où les chairs pendaient, déchirées, où muscles, artères et tendons bavaient tous le cruor du mort.

Mort. Le fermier était mort. Vraiment mort. Pas blessé. Pas amoché. Mort. Mort. Mort …

Et des remords auxquels elle n’avait le temps de songer se bousculèrent alors qu’on venait la délivrer du corps qui la bloquait. Tétanisée, Isabella leva le museau souillé de sang vers Alexander Tyree, incapable de bouger. Le sergent récupéra le couteau planté dans le corps de l’apache. De la bouche du cadavre, une bouille noire de glaires et de coagulations jaillit. Et un haut-le-cœur souleva la boiteuse qui faillit vomir aussi.

A chaque fois qu’elle inspirait, le parfum métallique de l’hémoglobine la prenait à la ventraille. Mais elle paraissait trop sonnée pour laisser son corps réagir en toute spontanéité : elle ressemblait à un de ces petits rongeurs qui, dans les griffes d’un félin, finissent par arrêter de bouger pour ne pas être d’avantage croqué ou griffé. Quoi de pire que d’être le jouet d’une bande de sadiques prête à frapper ?

Le sergent la prit dans ses bras, la soulevant comme si elle ne pesait rien. Elle ne comprit rien de ce qu’il brailla à ses hommes. Elle entendit des sons propulsés hors de sa bouche déformée de surprise, elle comprit la combattivité de l’intention. Mais elle ne capta aucun de ses mots tellement son cœur défonçait sa poitrine. Si l’organe avait s’échapper de la cage thoracique pour s’extirper avant elle de cette situation chaotique, il l’aurait probablement fait.

Dans un reflexe idiot, les doigts de la demoiselle se refermèrent sur son chapeau pour l’emporter. Pourquoi ? Si elle l’avait su, elle l’aurait expliqué. Mais tout ceci avait la saveur des mauvais cauchemars. On ne l’y avait jamais préparée.

Portée, Isabella perdit ses repères, incapables de reconnaître l’endroit où ils se sont arrêtés la veille. Elle vit juste que le sergent la redéposa contre le bloc de gré adossé à la source. Le souffle court, paniquée, elle recula dans un coin, s’apercevant que, derrière ses paupières fermées, revenait incessamment le masque funéraire de son voisin tué. Tout ce sang… Comme celui qui roulait sur sa peau crasseuse et qui imbibait ses vêtements, maintenant.

Le sergent s’inquiéta probablement de son absence de réaction parce qu’il se mit à la secouer, attendant un mot d’elle. Mot qu’elle donna dans un fin filet de voix :

Oui, ça va.

Non, ça n’allait pas. Comment ça aurait pu aller ? Elle était partie la veille pour aller vendre des chevaux, négocier et ramener un petit magot indispensable pour la rénovation de postes important au relais de sa famille. Elle n’avait pas prévu de se faire capturer et que l’aide qu’elle avait emmené avec elle soit décimée.

Néanmoins, par sûre que, sur le moment, le galure blanc en ait quelque chose à secouer. Alors, avec insistance, elle hochait la tête, reconnaissante d’être en vie, réalisant soudainement qu’elle n’était pas passée loin d’une fin sournoise. Elle aussi aurait pu voir son histoire se terminer d’un coup. La sentence serait tombée comme un couperet.

Tremblante, répétant un mouvement d'arrière en avant incessant comme le font les enfant, elle se mit dans un coin pour ne pas gêner. Elle n’osa pas bouger. Au bout de ses doigts ensanglantés, elle tritura la petite croix en argent de sa mère en remuant le bout des lèvres pour psalmodier un Padre nuestro :

Padre nuestro,que estás en el cielo, santificado sea tu Nombre; venga a nosotros tu reino; hágase tu voluntad en la tierra como en el cielo. Danos hoy nuestro pan de cada día; perdona nuestras ofensas, como también nosotros perdonamos a los que nos ofenden; no nos dejes caer en la tentación,y líbranos del mal. Amén. Padre nuestro,que estás en el cielo…

Elle ne pouvait plus rien pour aider les confédérés. A ses yeux, il n’y avait que Dieu qui pouvait les protéger. C’était toute l’assistance qu’elle pouvait leur offrir alors, pour se couper de ce qu’il allait probablement arriver, pour réclamer l’indulgence pour sa misérable existence et celles des hommes qui s'organisaient pour repousser les apaches, elle priait.

Clairement, elle était encore trop jeune pour trouver la ressource de se sortir d’un tel guêpier.



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