Le Deal du moment :
Display Star Wars Unlimited Ombres de la Galaxie : ...
Voir le deal

 

 Journal de guerre

Aller en bas 
AuteurMessage
Thomas W. Powell
Le Général Déchu
Thomas W. Powell
Date d'inscription : 28/02/2024
Messages : 73

Feuille de personnage
Disponibilité RP:
Dialogue: #
Age: 45
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
Le Général Déchu
MessageSujet: Journal de guerre   Journal de guerre EmptyVen 8 Mar - 23:27




  • Type de RP: solo flashback.
  • Date du RP : 1861 à 1865.
  • Participants : Thomas W. Powell
  • Trigger warning : mort ; guerre ; blessures ; sang.
  • Résumé : l'officier Sécessionniste traverse la guerre et les évènements comme il le peut.

Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t797-dear-secessia https://crimsontown.forumactif.com/t808-thomas-w-powell#9309
Thomas W. Powell
Le Général Déchu
Thomas W. Powell
Date d'inscription : 28/02/2024
Messages : 73

Feuille de personnage
Disponibilité RP:
Dialogue: #
Age: 45
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
Le Général Déchu
MessageSujet: Re: Journal de guerre   Journal de guerre EmptySam 9 Mar - 16:15


18 Avril 1861 | Etat de Virginie.
Comté du Prince Edward | Ville de Farmville.





Les foules étaient en liesses. De la plus grande ville de Virginie au plus petit hameau de fiers agriculteurs et exploitants terriens, les évènements des derniers jours y furent tour à tour criés, puis célébrés, pour au final être déclarés historiques et fondateurs d’une nouvelle nation où, cette fois-ci, les états seraient indépendants. Cette fois-ci, et contrairement à la création de la nation Américaine au sortir de la guerre d’indépendance, on respecterait la liberté des états, l’indépendance de ceux-ci vis-à-vis de tout pouvoir fédéral situer bien trop loin de la véritable vie desdits états.

Quelques-jours auparavant, entre le 12 et le 13 Avril, les forces armées dépareillées, débraillées et commandées par le tout premier officier général, le désormais célèbre Pierre Gustave Toutant de Beauregard, parviennent à défaire la garnison Nordiste stationnée à Fort Sumter. Véritable verrou sur la baie qu’il protège, il offre aux confédérés une certaine protection dans la zone contre la marine Unioniste. S’il n’y eu aucune victime – autre qu’un cheval – le formidable bombardement d’artillerie qui aura eu lieu réduisit le fort à l’état de ruines au-dessus desquelles trônait fièrement le tout premier drapeau confédéré.

Ce coup d’éclat conduisit à la déclaration de guerre entre les états Unionistes du Nord, fédéraux et présidés par le nouveau président Républicain honnis – maudit soit-il – et les états du Sud, rassemblés en une confédération. Depuis l’élection d’Abraham Lincoln, une quinzaine d’états ont fait sécession… Dont la Virginie, depuis la veille ! Une décision vécue par Thomas William Powell comme une véritable bénédiction et l’avènement d’un nouveau pays, d’une nouvelle nation !

Peu de temps après la prise de Fort Sumter, l’ancien officier de l’armée des Etats-Unis diplômé de West-Point se rendit jusqu’à Richmond, capitale de l’Etat de Virginie, pour s’enrôler au sien de la milice de l’état. Point encore déclarée séditieux, sa candidature fut refusée, et il rentra, frustré, dans sa plantation de Farmville. Seulement, tout changea lorsque la Virginie fit Sécession à son tour, le 17 Avril.

Au lendemain de cette déclaration de Sécession, un coursier à cheval arriva au triple gallot à la plantation avec une lettre du gouverneur de Virginie en personne. Cette dernière formulait la demande officielle de l’Etat de Virginie, de recruter Thomas au cœur des forces armées de Virginie au grade de Colonel. Son rôle ? Commander le 3ème régiment d’infanterie de Virginie du Nord. Heureux comme on ne pourrait jamais l’être plus, Thomas lu la lettre une première fois… Puis une seconde fois… Les mots écrits par le gouverneur avaient aujourd’hui une saveur de liberté retrouvée, d’indépendance, de joie et de ces choses dont est faite l’histoire. Oui, nul doute que depuis quelques jours, l’histoire était en train de s’écrire sous les yeux ébahis d’une population Sudiste unifiée dans sa lutte contre la hiérarchie.
« Tu… Tu vas y aller ? » Demanda alors Elizabeth, sa tendre épouse.

« Bien-sûr ! Ils ne m’ont pas accepté l’autre jour, car nous n’étions pas encore indépendants ! Maintenant, c’est chose faite ! » Répondit alors Thomas, un sourire radieux au visage, la lettre toujours dans ses mains. « Evidemment que je vais y aller ! Ces amoureux des nègres veulent nous voler nos vies, nos biens, nos terres ! Jésus Christ me soi témoin : je ne laisserais pas notre mode de vie disparaître sans rien faire ! »

« Je suis fière de toi tu sais ! » Dit-elle, avant de reprendre un faciès un peu plus ferme. « Ces gens du Nord… Ils… Ils déforment les propos des Pères fondateurs et veulent nous imposer leur vision du monde ! Ici, c’est le Sud ! On aime nos terres, on aime nos enfants, on prie dieu et on respecte les traditions ! Et eux ?! » Dit-elle, reprenant une diatribe déjà bien souvent discutée au cours de dîners agréables entre les deux époux. « Ils veulent libérer nos esclaves, détruire nos plantations et les remplacer par de vulgaires usines ! Ce sont nos terres ! » Elle prit un instant, raclant doucement sa gorge avant de reprendre plus calmement. « Mais tu dois me promettre de me revenir en vie ! En héro ! Mais en vie… »

L’inquiétude. D’aucun pourrait croire qu’elle temporiserait les ardeurs des gens du Sud, mais point du tout. Dans les jours qui suivirent, le gouvernement des Etats Confédérés, présidé par le très honorable Jefferson Davis lança un appel à la mobilisation de 100 000 volontaires. L’engouement allait être tel, que les autorités durent refusés en tier des candidats !

Dans les mois qui suivirent, plusieurs affrontements eurent lieu entre de petites unités dans de petites escarmouches et de petits combats. La plupart ne débouchèrent sur aucune victoire ou défaire majeur, et ne contèrent que des blessés – parfois sérieux – et quelques tués. Le manque d’officiers expérimentés dans les troupes de l’Union explique le manque de stratégie des unités, petites ou grandes. Le manque de communication, d’initiative, de logistique et d’organisation, provoque, du côté de l’Union, des victoires inexploitées. On se bat dans des champs, de loin, sans charges ni attaques au corps-à-corps, et sans même réellement se viser proprement. Les panaches de fumées provoqués par la poudre noire explosant dans les barillets, cachent bien mal le fait que, en réalité, les tirs imprécis sont faits les yeux fermés car les soldats craignent de prendre quelques étincelles dans les yeux, ou, en cas de raté de tir, des débris d’aciers provenant de leur propre fusil… Mais, si les tous premiers affrontements du Théâtre Oriental des opérations militaires sont effectivement remportés par les troupes de l’Union, rien ne change réellement. Les troupes s’avancent, s’affrontent, puis recules sans capitaliser ni sur le terrain abandonné par l’ennemi, ni sur la retraite adverse.


Dernière édition par Thomas W. Powell le Mar 12 Mar - 16:27, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t797-dear-secessia https://crimsontown.forumactif.com/t808-thomas-w-powell#9309
Thomas W. Powell
Le Général Déchu
Thomas W. Powell
Date d'inscription : 28/02/2024
Messages : 73

Feuille de personnage
Disponibilité RP:
Dialogue: #
Age: 45
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
Le Général Déchu
MessageSujet: Re: Journal de guerre   Journal de guerre EmptySam 9 Mar - 16:47


De Mai à Juillet 1861 | Etat de Virginie
Théâtre Oriental des opérations.





Les premières défaites des troupes sécessionnistes sur le front orientale sont mineures, mais arrivent principalement contre les troupes de la milice Virginienne commandée par le déjà célèbre Robert E. Lee. Au cours de petites batailles où les miliciens Virginiens cèdent face aux troupes armées de l’Union, plus professionnelles, le Nord de la Virginie tombe aux mains de l’Union. D’ailleurs, cette partie de l’état se constituera comme « indépendant » du reste de l’état de Virginie, et désireux d’entrer au sein de l’union. Véritable traîtrise à la confédération, le ralliement de cette partie de la Virginie fut source de violences entre les civils : pro-sécessionnistes et pro-unionistes s’affrontèrent dans de petites échauffourées, provoquant quelques victimes parmi la population civile.

Durant cette période, Thomas fut tenu loin du front. Là où les miliciens Virginiens de Robert Lee combattaient déjà les troupes du Général McClellan au Nord, l’armée confédérée, plus officielle, était équipée aux frais du gouvernement et stationnés plus loin dans les terres. Là, on fit des volontaires de véritables soldats. La chance voulut que, du côté de la confédération, de nombreux anciens élèves de West Point se réengagent sous les drapeaux, ou démissionnent de l’armée des Etats-Unis pour rejoindre la confédération et son armée. De fait, cette fuite d’expérience militaire du Nord pour le Sud, permit aux troupes Sudistes d’être correctement formées et entraînées par d’anciens combattants des guerres Américaines, notamment, celles du Mexique et contre les indiens natifs.

Thomas était de ceux-là. A la tête de son régiment, il n’était pas placé sous les ordres de Robert Lee, mais sous ceux du héro de Fort Sumter, le Général Beauregard. Ce dernier était désireux d’obtenir une force armée capable de faire face à celle du Nord, autrement plus nombreux. Il fallait dire que, au Nord des Etats-Unis, la population comptait plus de 21 millions d’âmes, contre 9 millions au Sud, dont 3,5 millions d’esclaves qu’aucun Sudiste n’ose armer. Logiquement moins nombreuses, les troupes Sudistes se reposaient sur de meilleurs généraux, plus expérimentés que ceux du Nord, parfois nommés par confluences politiques et grâce à leur argent.

Loin de chez lui, Thomas passait son temps à manœuvrer ses troupes dans de grands entraînements. Son expérience au Mexique lui permit d’adapter des exercices avec d’autres unités confédérées, des manœuvres où logistique, communication et adaptation étaient mis à rude épreuve et où il apportait pourtant l’entièreté de son expérience et de son sens de la tactique. Ses supérieurs semblaient apprécier son entrain… Mais l’armée n’avait encore fait face à aucun affrontement d’ampleur. Leur baptême du feu ne tarderait sans doute pas à arriver pourtant.
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t797-dear-secessia https://crimsontown.forumactif.com/t808-thomas-w-powell#9309
Thomas W. Powell
Le Général Déchu
Thomas W. Powell
Date d'inscription : 28/02/2024
Messages : 73

Feuille de personnage
Disponibilité RP:
Dialogue: #
Age: 45
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
Le Général Déchu
MessageSujet: Re: Journal de guerre   Journal de guerre EmptyMer 13 Mar - 16:08


21 Juillet 1861.
Nœud ferroviaire de Manassas | Comté de Prince William | Etat de Virginie.
Théâtre Oriental des opérations | Campagne de Manassas.





Journal de guerre Manass10

Depuis début Juillet, et pendant plusieurs jours, les mouvements des troupes Nordistes s’accentuent au-delà de la rivière Bull Run. En provenance de Washington D.C, à seulement quarante kilomètres de l’endroit où se trouvent les troupes confédérées, leur nombre ne cesse de gonfler. Les espions à la solde du gouvernement confédéré inondent Richmond et les états-majors militaires d’informations plus ou moins larges, mais toutes sont formelles : plusieurs dizaines de milliers de soldats ont quitté les jardins du Capitole, la moquette de la chambre des congrès et les campements provisoires plantés ça et là dans les divers quartiers de la capitale. Les officiers, qui dorment dans les chambres spacieuses et confortables de l’hôtel Willard, sont également de la partie, signe qu’il ne s’agit ni de manœuvres ni d’une cérémonie, mais bel et bien d’un mouvement de troupe annoncé et calculé.

En réponse à cette armée vraisemblablement beaucoup plus nombreuse que l’armée Confédérée dans la région, le fraîchement nommé General Pierre Gustave Toutant de Beauregard fit jonction vers le nœud ferroviaire de Manassas Junction, se positionnant derrière la rivière Bull Run sur une large ligne de front d’une trentaine de kilomètres de long. Aidé par le General Joseph Eggleston Johnston, plus au Sud-Est et protégeant son flanc droit, les troupes Confédérées s’apprêtent à recevoir leur adversaire grâce à des positions renforcées. Outre l’aide de la rivière et le faible nombre de ponts capables de supporter une troupe, des chariots et des canons – car la majorité étaient en bois – le cœur du dispositif se situait entre Matthews Hill et Henry Hill, deux collines culminant à moins d’une centaine de mètres de hauteur offrant une position haute pour les quelques canons d’artillerie dont disposent les Confédérés, des remparts naturels à la pente parfois ardue et un point d’observation permettant de voir l’ennemi arriver de loin.

D’ailleurs, des affrontements eurent lieu le 18 Juillet entre l’avant-garde de l’Union et celle des confédérés, qui se solda par une victoire théorique des troupes rebelles, mais sans réels gains de terrains. Dès lors, tous purent ressentir cette étrange ambiance, cette atmosphère si atypique et si spéciale que l’on sent et ressent lorsque l’histoire – avec ou sans grand « H » - commence à s’écrire sous vos yeux. Aujourd’hui, nul doute qu’il s’agirait de l’histoire avec un grand « H ».

Thomas et ses troupes firent mouvement depuis les arrières bases au 18 Juillet, ralliant Manassas Junction après une marche forcée de 35 kilomètres en moins de deux jours, arrivant au soir du 19 Juillet. Si l’effort de guerre Sudiste était déjà lancé, leur manque de ressources logistique était criant : les rangs étaient parés de couleurs différentes d’un soldat à l’autre. Là, une chemise de bûcheron rouge en coton ; ici, un soldat portait une chemise blanche par-dessous un pourpoint bleu tricoté par une épouse bienveillante ; là encore, de habits de bûcherons, de forgerons et de paysans, couleur terre, bleu, rouge ou gris. Si tout cela ne permettait point de parler encore d’armée, comme le définiraient les grands généraux, s’en était tout de même bien une. Et Thomas, qui avait cousu ses trois étoiles de colonel sur le revers d’un col de manteau de laine grise, ne faisait point exception. Pourtant, l’état-major avait été formel : d’ici peu, de beaux uniformes gris viendraient unifier cette marée humaine ! Et cela rendait Thomas fier ! Après tout… N’y avait-il rien de plus beau qu’une armée aux uniformes accordés et aux symboles cousus de fil d’or ?

Epuisés, poussiéreux après des kilomètres à marcher sur des sentiers de champs et des chemins de terre au milieu des forêts et des collines, les fers de certaines bottes rabotées au point que les semelles manquent presque de s’ouvrir sur les rocs des sentes, ils purent s’établir du côté du cimetière derrière Henry Hill. La journée du 20 Juillet fut dédiée au repos et à la préparation des armes, car, déjà, les troupes Nordistes s’établissaient face aux rebelles. Une partie de leur armée fit un grand mouvement circulaire vers le Nord afin de s’affranchir des difficultés imposées par le seul pont praticable sur le frontal confédéré : un pont de pierre gardé par plusieurs unités d’infanterie. Faisant mouvement plus au nord donc, ils bifurquèrent après avoir traversé la rivière Bull Run et vinrent finalement se placer face à Matthews Hill.

Au soir du 20 Juillet, Thomas reçut ses ordres, de la main de l’ordonnance du General Beauregard. Son rôle : prendre position sur les hauteur Nord-Est de Henry Hill face au pont de pierre et aider les troupes déjà présentes à faire face à l’assaut Yankee sur le pont. Il devait ensuite constituer une seconde ligne, en cas de repli stratégique, se positionnant alors au Nord du cimetière où ils étaient basés. Acceptant son rôle, Thomas jubilait : enfin, il allait pouvoir se frotter aux troupes ennemies et leur affliger une terrible défaite par la puissance des armes et la force des épées.

Puis arriva enfin le jour fatidique. Au milieu de la matinée du 21 Juillet, peu après 10h00, les premiers coups de canon retentirent. En sécurité depuis sa colline retranchée, Thomas pouvait voir s’affronter les troupes Confédérées et Yankee, du côté de la rivière tenue par les rebelles. A ses côtés se plaça alors le déjà célèbre General Beauregard.

« Anxieux, Colonel ? » Dit-il, regardant lui aussi dans ses jumelles alors qu’il s’arrêtait, suivi de sa cohorte d’officiers, d’aides de camps et d’ordonnances. « Nous ne pourrons pas tenir le pont, pas avec leurs effectifs aussi avancés sur notre frontal. Préparez-vous à décrocher dès que les troupes en contrebas céderont. »

« Non mon Général. J’ai confiance. » Lui dit-il, après lui avoir rendu les honneurs militaires tandis que l’officier supérieur restait occupé à ses jumelles. « Quelle position devons-nous prendre Général ? »

« Vous vous positionnerez derrière la maison des Robinson. » Dit le Général, arrêtant enfin de regarder dans ses jumelles pour s’orienter vers son subordonné aux yeux clairs et animés d’une flamme battante. « Vous garderez le flanc droit du Brigadier General Thomas Jackson et repousserez tous les assauts qui se présenteront à vous, le temps que nos renforts n’arrivent. Nous attendons un convoi ferré, et les troupes du General Johnston sont en mouvement. Vous devez tenir au moins jusqu’au milieu de l’après-midi Colonel. »

« A vos ordre mon général. »

Etait-il un devin ? Ou doué d’un quelconque sens de la lecture des pensées de ses adversaires ? Toujours est-il que ce que le Général avait prédit se déroula devant les yeux de Thomas : enfonçant le frontal et le flanc gauche des confédérés, les troupes de l’Union prirent facilement le pont peu défendu en réalité, la route de Warrenton, la maison de Pierre et la maison des Robinson, poussant un peu plus loin en arrière les troupes confédérées qui commençaient déjà à refluer.

Plusieurs officiers furent tués dans la matinée et, à une heure de l’après-midi, les pertes confédérées s’élevaient déjà à presque deux cent tués, cinq cent blessés et presque autant de disparus. C’est à ce moment-là de la journée que deux régiments complets s’’avancèrent sur le flanc droit du Brigadier General Jackson à hauteur de la maison des Robinson. Conformément aux ordres, Thomas mit ses hommes en position. Il ne possédait pas d’artillerie avec lui, cette dernière étant placée plus au centre avec les troupes de Jackson. Ses ordres étaient de tenir… Alors, il tiendrait.

Le rôle d’un Colonel et chef de régiment était à la fois complexe et simple : il devait mener ses hommes au combat, et demeurer à leur tête tout du long. Cela expliquera en le nombre d’officiers supérieurs décédés au combat au cours de la guerre, mais, à cet instant, Thomas n’en savait encore rien. A la tête de ses troupes donc, l’officier expérimenté s’apprêta à recevoir son adversaire.

Face à lui s’avancèrent les soldats d’un régiment du Maine, et un autre du Connecticut. Du haut de sa position, derrière la maisonnée, Thomas ne pouvait voir toute l’avancée ennemie car il se trouvait sur un plateau, mais le bruit des bottes et les reflets d’aciers des baïonnettes dressées au bout des fusils, donnaient des impressions infernales. Les uns après les autres, les rangs bleus s’avançaient en une vague presque synchrone alors que les tambours rythmaient cette marche aux accents militaires. Attendant, sur ce plateau et derrières des clôtures de bois faisant des zig-zag – que l’on appelait humoristiquement les « Snake-Fences » à cause de leur forme – Thomas se tenait prêt.

« Soldats ! Sur trois lignes de feu ! Préparez-vous » ! »

S’exécutant, les soldats se placèrent en trois rangs – les autres, nombreux, attendaient quelques mètres en arrière. La portée d’un fusil armé d’une balle Minié était autrement plus grande que celle des fusils traditionnels aux balles rondes. Placés derrière les barrières, ils attendaient, prêts à faire feu. Face à eux, les soldats, ordonnés, menés à la musique militaire et par des officiers aux uniformes magnifiques, aux bottes de cuir cirées et aux chapeaux vissés sur leurs crânes, avançaient tels un monstre grouillant. De là où il était, Thomas pu même voir les belles boucles blondes d’un officier à l’attitude chevaleresque qui, loin devant ses troupes, les haranguaient des discours à la gloire de l’Union et du président Lincoln. Lorsqu’ils atteignirent la maison des Robinson, une partie d’entre eux se plaça derrière, s’agglutinant de sorte à pouvoir préparer les futures vagues d’assauts qui ne tarderaient point à être menés. Sentant la manœuvre venir, Thomas prit confiance : de là où il était, il pourrait tenir en échec les troupes Yankees supérieures en nombre et leur infliger tant de pertes qu’un assaut frontal à la baïonnette ne sera, au final, plus en leur faveur. Lorsqu’enfin, la première vague d’assaut Unioniste dépassa la maison des Robinson et s’avança dans la plaine attenante, Thomas était prêt :

« Première ligne ! A mon commandement ! En joug ! Feu ! »

La déferlante de poudre noire mise à feu par les chiens des fusils produisit un formidable tonnerre artificiel et un panache de fumées des plus impressionnants, chassé, heureusement, par les vents qui agissaient sur cette hauteur en ce début d’après-midi. Dans ses jumelles, Thomas pu voir l’efficacité de ce barrage de feu, et déjà, deux douzaines d’hommes gisaient au sol, tués ou blessés.

« Seconde ligne ! A mon commandement ! Première ligne, effacez-vous et rechargez ! » Dit-il, patientant que la manœuvre s’exécute tout en regardant dans ses jumelles l’avancée de ces soldats bleutés qui se faisait au pas, sans courir et sans panique. « En joug ! Visez ! » Il patiente, trois secondes, comme le commandent les livres militaires. « Feu ! »

A nouveau les fusils crachèrent le plomb, le feu et la mort. Maintenant dans la zone des deux-cent mètres, les soldats Nordistes se situaient là où la précision des fusils était maximale. Les balles partirent tout droit devant les canons, et, même au travers des fumées, Thomas pouvait voir les rangs Unionistes s’éclaircir comme l’on rallonge une soupe avec de l’eau. Aussitôt, les soldats de la seconde ligne s’éloignèrent, laissant place à la troisième sans que Thomas n’ait à l’ordonner, car l’exercice était maitrisé.

Commandant à sa troisième ligne, la même opération se répéta. A nouveau, les bouches des fusils retentirent d’un tonnerre d’acier mortifère, et à nouveau, les soldats avançant disparaissaient dans de grandes gerbes d’herbes, de terres et de sang, rendu visible par la faible distance séparant les deux camps. Thomas allait ordonner une nouvelle volée de tirs, de la première ligne ayant pu recharger leurs armes, mais il mit cet ordre en attente en voyant les soldats Unionistes rebrousser chemin. Au sol, au milieu de ce qui était un petit champ de blés déjà fauchés et d’herbes folles, se trouvaient plusieurs dizaines de corps aux uniformes bleus. Des cris s’élevèrent. Des complaintes raisonnèrent alors que le silence revint sur ce champ de bataille. En seulement cinq minutes, l’union venait vraisemblablement de perdre un peu plus de cinquante soldats, tués et blessés confondus. Satisfait, Thomas exulte ! Il hurle, lève les bras vers les cieux, et, immédiatement suivi par ses hommes, ses rangs laissent s’échapper une clameur semblable aux cris des chasseurs lors des battus, le fameux hallali qui rendra les rebelles célèbres dans les années à venir.

Vingt minutes plus tard, les troupes de l’Union lancèrent un second assaut. Apprenant de la première, Thomas patienta avant de faire ouvrir le feu à son premier rang. Plus proches d’eux, les dégâts provoqués par les rangs de feu n’en seraient que plus grands et, pour faire bonne mesure, Thomas manda d’élargir ses rangs et d’en faire tirer deux de plus. A nouveau, sur ses ordres, le tonnerre s’abattit sur les pauvres soldats Nordistes qui perdirent plusieurs officiers dans les premières salves. Plus meurtrière celle-ci – car les soldats confédérés avaient eu besoin d’un petit temps d’adaptation entre ce qu’ils avaient appris aux manœuvres et ce qu’ils appliquaient dans de véritables manœuvres, face à de véritables êtres humains qu’ils blessaient ou tuaient, la retraite Unioniste se fit autrement plus rapide cette fois. Courant à perdre haleine, ils laissèrent encore plus de soldats sur le terrain que lors de la première attaque. Pour la plus grande joie de Thomas, à nouveau.

Une demi-heure plus tard, un troisième assaut fut lancé. Cette fois-ci, Thomas pu voir dans ses jumelles que les troupes de l’Union emportaient avec eux la quasi-totalité de leurs soldats, n’en laissant que très peu – sans doute les brancardiers ou des officiers blessés – derrière la maison des Robinson. Autrement plus grands et gonflés, les rangs Unionistes avançaient dans une marche à nouveau rythmée, comme aux temps des offensives Napoléoniennes. A nouveau, Thomas fit face, commandant le feu. Cinq volées furent tirées en l’espace d’une dizaine de minutes. La toute dernière, d’ailleurs, ce fit à seulement vingt mètre des premiers rangs Yankees. A bien des égards, cette dernière volée fut la plus destructrice et la plus horrible à voir : certains soldats – peu chanceux – furent atteints par plusieurs balles en même temps, finissant presque découpés par les balles Minié. Là, un bras était arraché dans une gerbe de sang ; ici, c’était une main. Là encore, une jambe était brisée au niveau du fémur, formant un abominable angle droit et apportant d’immondes tortures au soldat blessé qui, à n’en point douter, se viderait de son sang en quelques minutes. Ce dernier assaut Nordiste n’atteindra jamais les barrières des confédérés et les baïonnettes de ceux-ci. Thomas, au milieu de ses hommes, tirait les six coups de son revolver, abattant plusieurs soldats Yankees avant que tous ne tournent définitivement les talons, pour redescendre la colline et rejoindre leurs lignes de départ.

Voyant cela, Thomas dépassa les barrières et se rendit sur le champ de bataille, accompagné de deux soldats pour sa protection, et d’une ordonnance du régiment. Ensemble ils dépassèrent les morts et les mourants, les grouillants et les rampants, voyant pour la première fois les effets directs des nouvelles armes de cette première guerre industrielle. Arrivant au niveau des anciennes lignes Unionistes, il pu poursuivre et, du haut du promontoire que les Nordistes avaient dû gravir, puis redescendre pour traverser le Bull Run, observer la retraite. Les rangs bleutés, disparates et désordonnés, battaient dans une lointaine retraite, repartant en direction du pont de pierre pour ne plus être engagés.

« Deux heures de l’après-midi. » Dit Thomas, regardant sa montre à gousset dans un sourire cynique. « Si ça continue comme cela, nous serons à Washington dans deux jours ! » Reprit-il, ricanant. « Faites parvenir un message au Général Beauregard : avons défait l’ennemi sur le flanc droit, a la maison des Robinson. En fuite sur toute la ligne, retraversent le Bull Run et le pont. Demandons ordres. » Dictait-il à son ordonnance qui, prenant rapidement note, fit demi-tour en courant. « Evacuez les blessés ennemis jusqu’au cimetière et confiez-les aux chirurgiens. »

Revenant à ses lignes, Thomas attendait les ordres. L’après-midi avançant, les combats se déportèrent plus sur l’Ouest des positions de Thomas, à savoir, au centre du dispositif. Tenu par le Brigadier General Jackson, les ordres tardèrent à venir, et Thomas, poussé par la curiosité, laissa son régiment aux ordres de son second, un jeune officier moins expérimenté. De ses lignes au quartier général du General Beauregard, il n’y avait que quelques centaines de mètres. Mais à peine y était-il arrivé qu’il se fit héler par le commandant en chef des troupes locales :

« Ah Colonel ! Quel est l’état de vos troupes ?! » Demanda le Général Beauregard, quittant la carte des yeux pour lire un énième message d’une énième ordonnance. « Avez-vous des pertes ? »

« Huit tués et trente-et-un blessés, mon Général. Leur dernier assaut s’est fait à une vingtaine de mètres de mes lignes et les échanges de tirs étaient importants. Mais j’estime leurs pertes à environs deux cent soldats. »

« Bien Colonel ! Très bien ! » Répondit le Général, froissant le message qu’il venait de lire avant de planter son regard dans celui de Thomas. « Nos troupes s’effondrent sur notre frontal. Le Général Jackson tient seul derrière un mur de pierres, et il sera encerclé si nos camarades continuent de s’enfuir. Transportez-vous sur son flanc gauche le temps que la cavalerie du Colonel Stuart n’arrive. Et repoussez ces maudits Yankees ! »

S’exécutant sans attendre et sans discuter, Thomas prit la direction de ses troupes qu’il mit rapidement en ordre de manœuvre. Il était alors trois heures de l’après-midi. Séparés du flanc gauche de Jackson par un flanc de colline et environs 1300 mètres à couvrir, les soldats, à marche forcée et rapide, ne mirent qu’un quart d’heure pour rallier cette partie du front qui ressemblait à un véritable enfer. Déjà, le long des lignes – formées au centre par un mur de pierre – étaient jonchées de cadavres aux uniformes disparates et de blessés agonisants, hurlant, mourant. Le sang poisseux transformait par endroit la terre sèche en une glaise froide et collante.

Thomas prit position sur l’Ouest de Henry Hill, sur une petite route en contre-bas de la maison des Henry, et à l’Est de la route menant à la jonction ferroviaire de Manassas. Face à lui se trouvaient plusieurs batteries d’artilleries de l’Union, mais, cette fois, lui aussi en possédait plusieurs. L’horreur de la situation prit aux tripes l’officier qui, pourtant, resta lucide et déterminé.

La faible distance entre les deux camps permettait des tirs mortels sans bouger de leurs positions retranchées. On tirait sans relâche, et on rechargeait coucher, assis ou debout, tirant sans cesse, encore et encore, même au travers des épais nuages de fumées provoquées par les explosions des canons et les tirs des fusils. Les lignes avançaient, reculaient selon qu’elles rechargent ou tirent, s’élargissaient ou se concentraient en fonction des ordres des officiers. Les bouches des canons adverses étaient si visibles, que les soldats pouvaient presque savoir quand les artilleurs ennemis s’apprêtaient à les viser pour leur ôter la vie. Des corps démembraient volaient ça et là alors que les obus à percussion dispersaient les rangs dans de grandes gerbes de sang. Mais les confédérés tinrent bon.

Ils tinrent tant et tant qu’un officier de l’Union, sans doute un peu trop sûr de lui et un peu trop zélé, décida de lancer un ultime assaut. Commandant aux cinq canons de faire feu en même temps, ils se lancèrent à l’assaut des troupes confédérées dans une course effrénée. N’ayant qu’une cinquantaine de mètres à parcourir, Thomas n’avait pas beaucoup de temps pour leur faire face :

« Relevez-vous ! RELEVEZ-VOUS BON DIEU ! » Alliant le geste à la parole, l’officier releva deux soldats autour de lui. Couchés à cause des explosions, mais point blessés ni tués, ils étaient toutefois choqués et leurs regards hébétés trahissaient toute l’incompréhension d’un esprit humain face à l’inhumanité d’une guerre violente. Il parvint toutefois à rassembler une ligne de feu. « EN JOUG ! FEU ! »

Il n’attendit point les traditionnelles trois secondes entre son ordre de visée et son ordre de feu. Il fallait faire vite, très vite. La volée de balles fut diablement efficace, mais, lancés, les survivants Yankees se jetèrent sur les confédérés dans un corps-à-corps sanglant. Certains, en fin de course et lancé à pleine vitesse, se jetèrent sur les baïonnettes rebelles qui s’enfonçaient dans leurs entrailles avec la facilité d’un couteau dans du beurre. Les cris, sauvages et gutturaux, accompagnaient cette danse macabre. Certains de ces hommes vivaient à des milliers de kilomètres de là, et ne se seraient jamais rencontrés s’il n’était point s’agit de cette guerre fratricide. D’autres vivaient non loin de la Virginie, et connaissaient même peut-être certains des soldats dans le camp opposé : peut-être avaient-ils commercé un jour ? Avaient-ils pris le train ensemble ? S’étaient-ils entraidés ? Allez-savoir… Aujourd’hui, dans tous les cas, ils s’entretuaient.

Au cœur de cette mêlée, Thomas reconnut l’officier qui commandait cet assaut suicidaire : il s’agissait d’un de ses anciens supérieurs durant la Guerre contre le Mexique, un certain Archibald Norton. L’espace d’un instant, le temps fut comme… Figé. Tous deux se reconnurent aisément, car ils avaient combattu ensemble durant la Guerre du Mexique et Archibald avait été celui qui avait demandé une promotion pour Thomas, au grade de capitaine. Aujourd’hui tous les deux Colonels, ils n’étaient plus des alliés, mais des adversaires.

« Chien ! » Hurla alors Archibald, pointant devant lui son épée, son revolver étant vide.

« Rends-toi, et je t’épargnerais ! » Lui cria alors Thomas, dont le revolver, lui, était encore armé de deux coups.

« Ha ! Satané rebelle ! Je m’en vais t’apprendre la loyauté au drapeau des Etats-Unis ! »

S’élançant dans un assaut fou, Thomas n’eut que le temps d’armer le chien et de tirer. Touché à la gorge, Archibald s’effondra presque immédiatement. Portant sa main à la gorge, d’épais ruisseaux de sang s’échappèrent rapidement de la plaie béante en plus de filets giclant dans d’épais geyser carmin. Sa gorge détruite, l’homme s’étouffait dans son propre sang, sa respiration rendue sifflante par les cartilages brisés, gargouillait dans d’immondes borborygmes. Se plaçant au-dessus de lui, Thomas voulut l’achever… Mais le regard du blessé était aussi perçant qu’une balle, aussi aiguisé qu’un rasoir. Il le détestait, et ce, même aux portes de la mort… Mort qu’il obtint ensuite, alors que, vidé de son sang, et étouffé par ce dernier, il rendit l’âme dans un dernier râle.

S’il était choqué, Thomas su se reprendre : il avait déjà réfléchi à tout cela, à cette possibilité que face à lui se trouvent d’anciens supérieurs, d’anciens subordonnés, d’anciens camarades de promotion. Il ne s’attendait point à faire face à l’un d’eux, aujourd’hui… Mais ainsi allait la guerre. Son fanatisme ne souffrait d’aucune limite : s’il s’était senti nauséeux au début, voir ainsi son adversaire défait le galvanisa. Il allait lancé une contre-attaque lorsque, plus loin sur son flanc gauche, arrivèrent sur la route les chevaux du Colonel Stuart. Leur arrivée fut comme une pause dans l’espace et le temps : la charge de cavalerie était toujours impressionnante, mais, dans un moment où deux lignes se combattent et s’entrechoquent depuis près de deux heures et manquent de céder d’un instant à l’autre, l’arrivée de chevaux, menés par des cavaliers formés à l’attaque au sabre, était un véritable rebondissement. Tranchant dans les rangs de l’Union, ils capturèrent la batterie d’artillerie ennemie, rendue au silence. L’instant était aussi tragique que magique, et Thomas, lucide, comprit qu’il lui fallait agir tout de suite et maintenant.

« A L’ASSAUT ! »

Rengainant son revolver, dégainant son sabre, Thomas s’élança. Dépassant la fin du mur de pierre que tenaient les troupes de Jackson, il fut le tout premier à mener la contre-attaque, bientôt suivi par ses troupes, galvanisés eux-aussi, qui hurlaient cet hallali bestial, les rendant semblables à une troupe de démons enragés. Dépassant les morts et les blessés de l’Union, Thomas chargea, toujours plus en avant, jusqu’à-ce que, après cent mètres de course, il dû s’arrêter une première fois.

Face à lui, les troupes de l’Union en déroute tentaient de se reprendre et de reformer une ligne pour encaisser la contre-attaque confédérée qui ne tarderait pas. Trop rapide, ses hommes encore quelques mètres derrière lui, il rengaina son sabre et entreprit de recharger son revolver… Mais, à mesure qu’il chargeait poudres et balles, il voyait, face à lui, les fantassins Yankees recharger leurs propres fusils à la vitesse de l’éclair. L’ordre allait tomber… Distinctement, l’officier rebelle entendit la voix de son homologue adverse ordonner de prendre en joug…. De viser… Puis de faire feu.

Le tonnerre de la volée ne fut rien en comparaison des claquements et des sifflets des balles aux oreilles de rebelles. A peine les soldats de Thomas eurent-ils rejoint l’officier, que les balles vinrent les trouver eux, épargnant Thomas par miracle.

« Rechargez ! »

Thomas le savait : la prochaine salve serait à celui qui rechargerait le plus rapidement. Essoufflés mais enhardis, les fantassins confédérés rechargèrent avec une vigueur renouvelée. La poudre au fond du canon était suivie par la balle Minié, le tout, pilé par la Baguette de dessous le fusil pour permettre la mise à feu. Il fallait environs vingt secondes à un soldat entraîné pour réaliser une telle manœuvre. Derniers arrivés, les fantassins rebelles ne furent point aussi rapides que leurs adversaires en bleu, et, alors qu’ils finissaient à peine de ranger leurs baguettes, ils furent ciblés par une seconde volée de balles.

Point touché, Thomas chuta tout de même au sol. Un de ses soldats, touché en plein ventre, tomba sur lui comme un mannequin désarticulé, l’entraînant dans sa chute. Il s’en dégagea facilement toutefois, et, accroupi, ordonna que ses soldats fassent feu. Les troupes de l’Union, en contrebas, faisaient alors une cible facile et les dégâts de cette volée furent ô combien atroces. A nouveaux, les troupes Nordistes battirent en retraite en direction des lignes qu’ils tenaient ce matin.


Journal de guerre First_10


Tandis que Thomas reprenait l’assaut une seconde fois, les troupes confédérées élargissaient leurs flanc gauche pour tenter un débordement par la droite des troupes de l’Union. Mais la débandade était telle qu’un encerclement des Nordistes était presque impossible : telle une envolée de moineaux, les soldats fuyaient dans toutes les directions, abandonnant armes, munitions, eaux et vivres, paquetages et bandages, et même les blessés sur le champ de bataille.

Poussant la contre-attaque, toujours en tête de ligne, Thomas lança un troisième et dernier assaut à proximité de la maison de Pierre, au carrefour entre la Warrenton Pike et la route Manassas-Sudley Road. Pensant que cet assaut serait autrement plus simple que les deux premiers, Thomas s’élança loin au-devant de ses troupes. La fuite des Yankees masqua une petite unité de tireurs d’élites qui allaient servir à l’arrière garde des troupes de l’Union au cours de leur retraite. Aidés par la toute dernière batterie d’artillerie qui se trouvait sur les hauteurs, à proximité de la maison de Monsieur Matthews, ils donnèrent du fil à retordre à leurs poursuivant.

Thomas ne s’en rendit compte que trop tard. A mesure que se dévoilaient les tireurs d’élites à genou derrière un fossé, l’ancien élève de West-Point comprit qu’il lui fallait s’arrêter, ou mourir à la toute fin de cette bataille. Mais trop loin de ses troupes, la volée envoyée par les tireurs d’élites, environs cent-cinquante mètres plus loin, fut concentrée sur lui. Heureusement peu nombreux, la seule balle qui parvint à le trouver l’atteignit au mollet, transperçant le muscle sans emporter d’os. Foudroyé, stupéfait, le Colonel Virginien s’effondra sans demander son reste. Quelques secondes plus tard, il fut rejoint par ses troupes qui tentèrent de l’extraire, sous le feu Yankee. Mais, trop en avant encore une fois, c’est l’explosion d’un obus à percussion qui mit fin à l’assaut de Thomas et de ses troupes. Projeté quelques mètres plus loin, l’officier termina-là sa part dans cette bataille, rendu inconscient par la puissance explosion.





Journal de guerre Szopar10




La nausée était puissante, omniprésente. Les vertiges, semblables à ceux d’une nuit alcoolisée, s’accompagnaient de maux-de-têtes douloureux, pulsant comme le ferait un tambour dans une fanfare. Allongé sur un tas de feuilles, Thomas peinait à reprendre conscience et contenance. Chaque toux était comme un coup de poignard dans son crâne qui semblait danser dans sa boite crânienne. Lorsqu’il tenta de se mouvoir sur son lit de naturel, un puissant pic de douleur s’éleva de son mollet droit. Par réflexe, il porta sa main pleine de terre et de sang, et ressentit l’épaisseur d’un bandage serré autour de son membre lésé. Oui, il avait été touché. A ses côtés se trouvaient des blessés, conscients ou inconscients, qui attendaient de voir le chirurgien ou qui en ressortaient et qui, après avoir été amputés, avaient succombés à une inconscience sans rêves induite par l’éther.

Se recouchant – car tenter de se lever était douloureux – il maintint les yeux ouverts vers ce ciel bleu de cette fin de journée d’été. Au-dessus de lui, il n’y avait ni fumées, ni balles ni obus, pas d’explosion dans le proche ni le lointain. La bataille était terminée… Mais qui avait gagné ? Cette question brûla ses lèvres et son esprit et le poussa, finalement, à se redresser malgré les douleurs.

Ecartant quelques infirmières et un des médecins, le Colonel, entêté, fanatisé et encore groggy, avança, claudiquant et aidé par une canne qu’un soldat lui avait prêté – ou plutôt qu’il avait réquisitionné en ordonnant sans laisser place à un quelconque refus – jusqu’à rejoindre le quartier général du General Beauregard. Quelle ne fut point la stupeur du Général et des officiers qui, voyant l’un des leurs revenir boitillant, couvert de terres, de poudres et de sang, furent tout autant inquiets qu’impressionnés.

« Colonel Thomas Powell, 3ème régiment d’infanterie de Virginie, du 1er corps d’armée. Au rapport. »

« Colonel ! Je suis heureux de vous voir ! On m’avait rapporté votre disparition il y a une heure. » Dit alors le Général Beauregard, un sourire dans la voix et gratifiant Thomas une accolade à l’épaule. « Nous avons gagné, Colonel ! Son excellence, le Président Davis lui-même nous a rejoint sur la ligne de front alors que les Yankees fuyaient honteusement. Il fut fort heureux de savoir que de courageux soldats auront gagné cette bataille par la sueur de leurs fronts et la force de leurs bras ! Je suis également très fier de vous Colonel ! Le Général Jackson m’a fait part de vos faits d’armes : sachez que lui, et moi-même, vous nommeront dans nos rapports de bataille. Vous pouvez retourner au cimetière : vous allez être évacué vers l’arrière afin de soigner cette vilaine blessure. » Disant cela, il fit un signe de salut militaire à Thomas qui, encore dans les vapes, lui rendit un salut nettement moins vaillants. « Vous pouvez être fier de vous et de vos gars colonel. Vous avez bien mérité un peu de repos. Un de mes aides-de-camps va vous ramener auprès des chirurgiens. Aller. »

Le Général ordonnait, et le colonel exécutait. Ramené par un aide-de-camp, Thomas passa devant certains de ses soldats, blessés ou boitillants, offrant ça et là quelques poignées de mains et quelques saluts militaires protocolaires. Plus tard, il fut ramené à l’arrière, dans un des hôpitaux autour de Richmond, la capitale. Là commencerait alors une convalescence longue et plutôt douloureuse, la blessure ayant détruit une partie du muscle du mollet et la médecine n’étant encore que balbutiante.
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t797-dear-secessia https://crimsontown.forumactif.com/t808-thomas-w-powell#9309
Thomas W. Powell
Le Général Déchu
Thomas W. Powell
Date d'inscription : 28/02/2024
Messages : 73

Feuille de personnage
Disponibilité RP:
Dialogue: #
Age: 45
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
Le Général Déchu
MessageSujet: Re: Journal de guerre   Journal de guerre EmptyVen 15 Mar - 18:37

10 Septembre 1861

Hôpital militaire Richmond.



Ma tendre Elizabeth.

Pardonne-moi pour tout ce temps sans t’envoyer de lettres, ce n’était point désiré de ma part. J’ai été blessé, voilà presque deux mois, lors de notre victorieuse bataille de Manassas.

Tu as dû en entendre parler, j’en suis sûr. Rassure-toi, rien de grave ! Une balle Yankee m’aura atteinte au mollet droit, et la rééducation est longue et douloureuse. Mais, dieu m’en soi témoin : l’ennemi à eu plus que son compte de blessés et de morts ce jour-là ! Tu peux être fier de moi !

J’ai perdu le commandement de mon régiment. Les chirurgiens ont décidé que ma blessure nécessitait plusieurs opérations, car la plaie n’était pas belle à voir. Décidément, je déteste ces longues désinfections à la teinture d’iode ! Les infirmières font leur maximum pour que la plaie guérisse sans devenir purulente, mais, par dieu, que cela est douloureux ! L’éther manque, et on ne m’en donne pas pendant les soins… Heureusement, je suis résistant !

Ainsi éloigné du front, je n’ai plus de commandement. J’en ressens une certaine honte, mais les nouvelles qui me parviennent sont rassurantes : les Yankees sont si ébranlés par leur défaite, qu’ils ne bougent pas du Nord de la frontière ! Et l’hiver arrivant, aucune action militaire ne saurait être entreprise… Alors quitte à m’ennuyer, autant le faire ici.

Je te promets de t’envoyer des lettres plus régulièrement mon aimée, maintenant que l’hôpital s’est doté d’un système de poste plus efficace.

Puisse dieu te rapprocher de moi cette nuit. Je t’aime, Elizabeth.

Ton Thomas.

Codage par Libella sur Graphiorum, parchemin de ftourini
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t797-dear-secessia https://crimsontown.forumactif.com/t808-thomas-w-powell#9309
Thomas W. Powell
Le Général Déchu
Thomas W. Powell
Date d'inscription : 28/02/2024
Messages : 73

Feuille de personnage
Disponibilité RP:
Dialogue: #
Age: 45
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
Le Général Déchu
MessageSujet: Re: Journal de guerre   Journal de guerre EmptyVen 15 Mar - 20:15


02 Janvier 1862 | Quartier d’hiver de l’armée de Virginie du Nord
Théâtre Oriental des opérations | Ville de Centreville.





Durant cinq mois, Thomas dû faire face à une rééducation certes bâclée, mais néanmoins nécessaire. Faite d’exercices de marche, de soins de plaies et de mouvements sportifs visant à récupérer sa mobilité et sa souplesse, le Colonel avait été un patient assidu bien que très colérique. Son fort caractère était une aide pour lui – car il n’abandonnait jamais – mais une malédiction pour ses soignants qui devaient endurer ses colères, son côté râleur, et sa propension à toujours négocier avec les autorités médicales pour rejoindre le front plus rapidement que prévu. Mais enfin vint le temps du retour dans les rangs.

Comme l’avait promis le Full General P.G.T. Beauregard, le nom de Thomas avait été cité dans plusieurs rapports de batailles, lesquels étaient envoyés quotidiennement au département de la guerre à Richmond, et lus, autant par le ministre de la guerre que par le président Davis. Conseillé par Robert E. Lee, lui aussi Full General, plusieurs nominations furent décidées par le président, dont, celle de Thomas au grade de Brigadier General, le premier parmi les grades d’officiers généraux.

L’acte de retour au front signé par le médecin, Thomas prit la direction du quartier d’hiver de l’armée commandée cette fois par le Full General Joseph E. Johnston, et, attendu, fut accueilli avec les honneurs. Une garde – petite mains néanmoins présente – lui présenta les armes, tandis que, juché sur son destrier, Thomas leur rendait les honneurs militaires en plaçant la pointe de son sabre contre le bout de sa botte. Avançant ainsi le long du corridor militaire, il arriva enfin devant la maison confortable réquisitionnée auprès d’un habitant Virginien qui l’aura gracieusement offerte, où Johnston avait placé son quartier général. Descendant de cheval, Thomas, encore Colonel à cette heure, usa d’une canne achetée auprès d’un menuisier de Richmond pour se déplacer, car il boitait encore à cause du froid et des douleurs musculaires. Sur le chemin – pourtant court – il reçu les poignées de mains et les accolades de plusieurs soldats et sous-officiers qu’il avait commandé durant la bataille de Manassas, et qui étaient heureux de retrouver leur ancien chef bien heureux, bien portant et en bonne santé.

Fort heureux et le sourire aux lèvres, c’est plein d’assurance qu’il se présenta devant le General Johnston et tout son état-major rassemblé pour la petite cérémonie à venir. Tous lui offrirent le salut militaire traditionnel bien-sûr, mais, une fois le salut rendu par l’officier boitillant, ils s’échangèrent des poignées de mains fraternelles et quelques sourires entendus.

« Bienvenue Colonel ! Nous sommes très heureux de vous revoir aujourd’hui ! Comment s’est passé votre convalescence ? » Demanda alors le Général Johnston.

« Je suis heureux d’être de retour au front mon Général ! » Répondit Thomas, tout de go. « Je ne vais pas vous mentir : être bichonné par des infirmières bienveillantes était réellement agréable, mais la monotonie aurait pu me tuer ! Si le médecin n’avait pas signé mon autorisation de retour au front, j’aurais fini par faire le mur et revenir en rampant ! »

Ce qui n’était absolument pas une blague dans l’esprit du Virginien fit pourtant rire toute l’assemblée. Se bidonnant en s’échangeant des sourires et en trinquant leurs verres emplis d’alcools ambrés, ils en offrirent un à Thomas, lui tapant l’épaule également dans quelques accolades amicales.

« Nous aurions été bien malchanceux de ne pas vous revoir parmi nous Colonel ! Pour toute vous dire : votre régiment aura donné du fil à retordre à votre successeur ! Il refusait tout simplement de lui obéir, arguant qu’ils ne feraient point la moindre manœuvre avant votre retour ! » Dit un officier, un Colonel lui aussi. « Il aura fallut l’intervention du Général lui-même pour les remettre au travail ! Je gage qu’aujourd’hui, avec votre retour, ils redoubleront d’ardeur au combat ! »

« Eh bien, redonnez-moi mon commandement et je les mènerais jusqu’à Washington moi-même ! » Répondit Thomas, provoquant l’hilarité à nouveau mais également une pointe de gène cette fois-ci.

« Hélas Colonel, cela n’est pas d’actualité. Les ordres vous concernant sont autrement plus simples : vous avez été nommé Brigadier General par décision du président, êtes nommés Commandant Adjoint du 1er corps d’armée. » Dit alors le Général Johnston, qui, frappant ensuite dans ses mains, provoqua une vague d’applaudissements à la fois polis et de circonstance. « Vous assisterez le Brigadier General James Longstreet, commandant le corps ! General ! » Johnston se toure alors vers Longstreet.

« C’est un plaisir General ! » Dit alors Longstreet, offrant une vigoureuse poignée de mains à Thomas qui, tout sourire, l’accepte chaleureusement. « J’ai ouïe dire que vous étiez un farouche attaquant et un officier offensif. Je suis moi-même plutôt versé dans l’art de la défense acharnée et retranchée. Nous serons, j’en suis sûr un binôme intéressant à suivre ! »

« Plaisir partagé General ! » Répondit Thomas. « Nous faisons face à un ennemi farouche et supérieur en nombre : nous n’avons pas le choix que d’être plus offensif que lui ! »

Les courtoisies s’échangèrent encore de longues minutes, Thomas profitant de chaque instant pour faire valoir autant ses mérites que sa dévotion religieuse, citant ça et là quelques aménités à dieu et s’offrant la part belle dans la première grande bataille de cette partie du front. Mais bien vite, les officiers passèrent à ce pourquoi Thomas avait été convoqué aujourd’hui, seulement deux jours après la nouvelle année.

Cérémoniellement, un aide de camp du General Johnston retira précautionneusement le manteau de Colonel de Thomas et, le pliant, le déposa dans un coin de la pièce. Johnston lu alors l’acte de nomination signé par le président Davis, et, tandis que sa voix faisait l’éloge des actes et actions de Thomas ayant motivé cette nomination, le même aide de camp passa dans le dos de Thomas son nouveau pourpoint de général. Les arabesques cousues d’or sur ses manches couvraient des revers couleur beige, symbole militaire de l’appartenance à l’état-major, et de son grade de général. Cette même couleur était rappelée sur son col, sur lequel était brodée trois étoiles d’or dans une couronne de lauriers. Cet insigne de col était commun à tous les généraux de la confédération. La différence hiérarchique se trouvait toutefois dans le nombre de boutons sur les manchettes de l’uniforme : un bouton pour un Brigadier General, deux pour Major General, trois pour Lieutenant General et quatre pour un Full General.

Fier et ému, le nouveau Brigadier General Thomas William Powell offrit une forte poignée de mains à ses supérieurs. On ouvrit alors quelques bouteilles de champagne, et quelques amuses-bouches, car cela devait se fêter. D’ailleurs, c’était là la réputation de Longstreet : son quartier général était sans cesse animé de beuveries, de rires, de théâtres et de parties de poker. Ainsi, lorsqu’enfin la partie officielle fut terminée, c’était tout naturellement que les officiers ouvrirent quelques bouteilles supplémentaires, et, animées par un aide de camp préposé aux cartes, jouèrent au poker presque toute la nuit.

La suite du mois de Janvier et de Février fut, toutefois, autrement moins heureuse : Longstreet dû faire face à d’affreux évènements personnels l’obligeant à quitter le camp d’hiver à plusieurs reprises. De ses quatre enfants malades, trois moururent entre la mi-Janvier et la première semaine de Février. Effondré, brisé et douloureux, le très vivant général quitta l’armée temporairement avant de revenir seulement trois jours après le décès de son troisième fils. Lorsque l’état de santé de son dernier fils se dégrada à la mi-février, il quitta à nouveau les rangs. Il revint toutefois bien vite, alors que, tiré d’affaire, son dernier né allait pouvoir recouvrer la santé et l’espoir d’une longue vie dans une confédération forte et indépendante. Toutefois, ces pertes auront de lourdes conséquences sur Longstreet : sa dévotion religieuse ne fit que croître, son caractère devint plus renfermé et autrement moins social – rendant la communication difficile à Thomas – et plus aucune fête n’animera son quartier général.
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t797-dear-secessia https://crimsontown.forumactif.com/t808-thomas-w-powell#9309
Thomas W. Powell
Le Général Déchu
Thomas W. Powell
Date d'inscription : 28/02/2024
Messages : 73

Feuille de personnage
Disponibilité RP:
Dialogue: #
Age: 45
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
Le Général Déchu
MessageSujet: Re: Journal de guerre   Journal de guerre EmptyVen 15 Mar - 23:29


Début de l’année 1862 | Théâtre Oriental des opérations





Si les combats sur le front oriental des opérations militaires furent absents – à l’exception de quelques escarmouches plus que disparates – depuis la défaite de l’Union lors de la Bataille de Manassas Junction – qui sera connue au Nord comme la Bataille de Bull Run – bien des choses se déroulèrent dans le secret des différents états-majors, notamment, au cœur de l’armée du Potomac.

Déjà commandant de l’armée du Potomac, le Major General George McClellan fut également nommé Général en chef de toutes les armées de l’Union, au 1er Novembre 1861, par ordonnance du président Abraham Lincoln. D’aucun aurait pu croire qu’il s’agissait d’une décision murement réfléchie, et sans doute auraient-ils raison. La vérité toutefois, était bien plus nuancée. Bien qu’encensé par les journaux pour ses victoires mineures avant la grande défaite de la Bataille de Manassas Junction – qui vit donc l’évincement du Major General Irwin McDowell au poste de commandant de l’armée du Potomac – sa nomination était en fait la résultante d’un manque de choix offert au président des Etats-Unis. Si McClellan s’était montré être un excellent logisticien en réformant l’armée du Potomac et en dessinant les défenses de Washington au travers de quarante-huit forts, sa propension à demeurer dans l’attentisme et à sans cesse surestimer les effectifs confédérés, ne tardèrent point à entamer la patience de Lincoln.

En effet, durant toute la fin de l’année 1861 et le début de l’année 1862, les confédérés, menés par le Full General Joseph Johnston, avaient établis leurs camps du côté de Centreville, à l’Est des champs de bataille de Manassas Junction. Mais, loin de rester inactifs, les troupes s’employèrent à divers stratagèmes et diversions dans le but de faire croire à McClellan que les troupes confédérées étaient nettement supérieures en nombre et en canons, et sans cesses ravitaillés en renforts. Ils firent défilés durant plusieurs jours, les mêmes bataillons, de manière ostentatoires ; déplaçaient les canons tous les jours en les faisant tirer par endroits, en les déplaçant au grand jour et dans des zones visibles de loin. McClellan estima ainsi que, face à lui, se trouvaient entre 120 000 et 150 000 confédérés et au moins 500 canons, là où, en réalité, les rebelles ne disposaient, au maximum, que de 65 000 soldats et 200 canons. Pour rajouter à cela, les soldats creusèrent des tranchées et des renforts de terres qui ne seront jamais occupés, et disposèrent de faux canons – des troncs taillés en forme de canons – sur toute la ligne, donnant l’impression d’une véritable forteresse.

A la mi-Janvier 1862, pour contrer cette défense fictive, McClellan proposa à Lincoln un plan audacieux : transporter toute l’armée du Potomac par bateaux sur la rivière Rappahannock et les faire débarquer à l’Est, en-dessous de Washington, après quoi, elles remonteraient, à marche forcée, jusqu’à Richmond. Les troupes de l’Union seraient privées de leurs arrières, mais la surprise et la rapidité d’action seraient les clés d’une victoire assurée, selon McClellan. Au départ, Lincoln refuse, et commande à son général en chef de marcher sur les confédérés, toujours retranchés à Centreville, mais McClellan refuse ! A contre-cœur, voyant que le général désirait enfin faire bouger la ligne de front bien que cela soit pour son propre plan, Lincoln accepte.

Lorsqu’enfin, en Mars, McClellan met en œuvre des missions de reconnaissance et les préparatifs à l’invasion amphibie, le General Joseph Johnston abandonne sa ligne de front et la reforme plus loin, sur la fameuse rivière Rappahannock. Ainsi prit de court, la tactique de McClellan s’effondre avant même qu’il n’ait commencé les réels préparatifs… Mais le général en chef, qui se fait surnommer le « petit Napoléon » ne se démonte pas : au lieu de transporter les troupes à l’Est de Washington, ces dernières descendront jusqu’au côtes Sud-Est de la Péninsule de Virginie, et débarqueront à Fort Monroe.





Journal de guerre Campag10



McClellan se mit en ordre de marche le 17 Mars 1862. Il emporta avec lui 121 500 hommes, 44 batteries d’artillerie et 15 000 chevaux. 1150 chariots transportaient des tonnes et des tonnes de munitions, vivres et matériels. Une telle armada était impossible à couvrir et à rendre discret, et les reconnaissances, les fuites et les espions à la solde des confédérés rapportaient sans cesse aux divers commandants rebelles les intentions et les mouvements des troupes Nordistes.

Dans le même temps, le Full General Robert E. Lee, conseiller militaire du président Davis, proposa un plan audacieux dans le but d’empêcher McClellan de bénéficier de toutes les ressources nécessaires à son invasion de la Péninsule. Tandis que le gros de l’armée de l’Union tenterait cette invasion amphibie, une troupe de seulement 17 000 hommes, menée par le désormais très célèbre Lieutenant General Thomas Jackson, surnommé « Stonewall » après sa résistance héroïque derrière un mur de pierre lors de la bataille de Manassas Junction, irait menacer Washington en remontant la Vallée de la Shenandoah. Au travers d’une petite troupe extrêmement mobile et de petits affrontements dans des environnements contrôlés, Robert Lee demanda à Stonewall Jackson de faire le plus d’anicroche possible dans les plans de McClellan, obligeant le général Nordiste et le président Lincoln à détourner des effectifs pour faire face à Jackson, et donc, affaiblir l’offensive sur la Péninsule. L’avenir prouvera que l’audace du General Lee était plus que judicieuse !

Depuis le début de la guerre, la Péninsule de Virginie a fait l’objet de plusieurs campagnes de renforcement, notamment par le Brigadier General John B. Magruder. Ce dernier prépara trois lignes défensives,  autour de Yorktown, devant la Warwick River et devant Williamsburg. Faites de renforts de terres, de positions enterrées de tirailleurs, d’avant-postes et de redoutes d’artilleries, les fortifications étaient légères mais très bien positionnées. Seul problème : lorsque les troupes de l’Union débarquent à Fort Monroe, à 12 kilomètres de la première ligne de défense, le Brigadier General Magruder ne disposait que de 6000 hommes, contre les 11 000 soldats de l’avant-garde de McClellan.

Toutefois, le général de l’armée du Potomac n’arriva sur place que plusieurs jours après les premiers débarquements de ses troupes. Si des accrochages débutèrent rapidement dans les environs de Yorktown, Magruder use à nouveaux de subterfuges pour figer l’armée de l’union et en effrayer le général en chef. Il fait déplacer en cercle le même régiment durant toute une journée, faisant croire que de nombreux renforts arrivaient déjà de l’intérieur des terres. Il fait aussi déplacer les canons, encore une fois, et les utilises partout sur le front de manière sporadique. Et cela fonctionne ! Durant tout le mois d’Avril, et jusqu’au 3 Mai, le Major General McClellan ne bouge pas d’un poil : au contraire, il réclame davantage de renforts – qui ne lui sont pas accordés car les combats dans la Vallée de la Shenandoah vont de défaites en défaites pour l’Union – et fait venir l’artillerie lourde jusqu’à ses premières lignes.

Le 3 Mai, toute l’armée du Potomac est rassemblée, et les obusiers lourds de l’Union sont placés et mis en position. L’armée confédérée, forte de 57 000 hommes, attend, sous les ordres du Full General Joseph Johnston. Mais ce dernier est conscient que ses troupes ne pourront jamais faire face à un bombardement massif, et entame une retraite ordonnée. Le 4 Mai, toutes les défenses confédérées autour de Yorktown sont abandonnées et l’armée confédérée reflux en bon ordre au niveau de Williamsburg et de Fort Magruder, la fortification principale de la chaine construite autour de la ville. C’est là que se déroulera la première véritable bataille rangée dans cette partie du front.
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t797-dear-secessia https://crimsontown.forumactif.com/t808-thomas-w-powell#9309
Thomas W. Powell
Le Général Déchu
Thomas W. Powell
Date d'inscription : 28/02/2024
Messages : 73

Feuille de personnage
Disponibilité RP:
Dialogue: #
Age: 45
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
Le Général Déchu
MessageSujet: Re: Journal de guerre   Journal de guerre EmptyMer 20 Mar - 18:28


02 Mai 1862 | Théâtre Oriental des opérations | Campagne de la Péninsule
Quartier Général de Johnston | Non loin de Williamsburg.




Voilà maintenant presque un mois que les troupes de l’Union, commandées par le tristement célèbre Major General McClellan, ont accosté au Sud-Est de la Péninsule de Virginie. Un mois, que les tuniques bleues s’agglutinent sur cette partie du front, faisant le siège de Yorktown, tenue sur la toute première ligne de défense formée par le Brigadier General Magruder. Peureux et attentiste, le général des armées de l’Union n’en finit plus de masser des dizaines et des dizaines de canons de gros calibres, et de mortiers lourds devant la ville confédérée, préparant ainsi un formidable barrage d’artillerie comme aucune armée n’en aura alors vu jusqu’ici depuis que l’homme se sera fait la guerre. Première véritable guerre industrielle, la Guerre de Sécession aura d’ores-et-déjà prouvé son caractère novateur, tant dans la quantité de matériels et d’armes utilisées pour s’entretuer que dans la qualité des munitions et des armes, s’améliorant considérablement.

L’apparition des canons rayés – pour l’artillerie et les fusils – augmenta drastiquement la portée des armes et la précision des tirs. Les premiers obus explosifs à percussion, remplacent peu à peu les boulets de canons traditionnels – qui gardent tout de même une part belle – et provoquent des blessures encore jamais vu dans une guerre de cette ampleur. La belle Minié, cylindro-conique et mise dans un canon rayé, détruit les chaires et broie les os, obligeant les chirurgiens à amputer bras et jambes dès qu’un os est touché, et condamnant les soldats dès qu’ils sont touchés au ventre ou à la poitrine. L’amélioration de ce que les théoriciens militaires nomment la « létalité du feu », explique presque à elle seule le nombre élevé de morts et de blessés à chaque engagement. Cela, et le fait qu’encore au début de cette guerre, les officiers utilisent leurs troupes comme aux temps de Napoléon et des charges en rangs serré et au pas militaire.

Thomas, depuis le début du siège, n’en finissait plus de participer aux réunions obligatoires des différents état-major – celui du premier corps d’infanterie comme celui de l’armée du Full General Johnston – et de passer en revue les troupes qui attendaient, gonflant les effectifs confédérés sur cette partie du front face aux armées de l’Union toujours supérieures à plus de deux contre un.

« Messieurs ! Bienvenue ! Bienvenue… » Commença alors le Général Johnston, dirigeant cette première réunion d’état-major de la journée devant tous ses officiers subordonnés. « Aujourd’hui à l’ordre du jour : des nouvelles de Richmond ; des nouvelles du front ; et des décisions. » Dit-il, martelant ainsi un ordre du jour léger mais qui cachait en réalité des informations diablement fournies. « Vous n’êtes pas sans savoir que le General Lee est revenu de Caroline du Nord, courant du mois de Mars. En tant que conseiller de notre président, et face au déploiement de force ennemi sur notre Péninsule, il a plaidé en faveur d’une action militaire conjointe à la nôtre, au cœur de la Vallée de la Shenandoah. Dirigée par notre estimé camarade Thomas Stonewall Jackson, ce dernier a débuté les opérations courant de mois de Mars. S’il a, dans les faits, été… Défait, la stratégie s’est finalement montrée efficace au cours des dernière semaines : nous savons de sources sûres que Lincoln lui-même à fait détacher plusieurs divisions du front Occidental, et de l’armée de McClellan, pour renforcer la Vallée et empêcher Jackson de remonter jusqu’à Washington. La panique à l’air totale de leur côté, et McClellan ne peut plus compter sur ses troupes frontalières pour nous attaquer sur notre flanc Nord. Il n’y a plus que lui et nous, sur cette Péninsule. » Dit-il, plaçant, sur une carte topographique de la région, des pions bleus et rouges, des barres et des rectangles aux symboles signifiants tantôt des troupes de cavaleries, d’infanteries ou d’artilleries, et animant ladite carte de mouvements faites par un petit râteau grâce auquel il pouvait mouvoir lesdites pièces. « Les opérations de Jackson sont au ralenti actuellement, mais ses récentes communications nous certifient qu’il reprendra les assauts très rapidement. La topographie de cette vallée est en notre faveur, et Jackson est un combattant offensif terriblement efficace. » Conclut-il, avant de tendre sa main vers un subordonné. « General, les nouvelles du front ? »

« Le moral des troupes est au beau fixe ! » Commença le général, chef de l’état-major de Johnston. « Les manœuvres du General Magruder… Il tend à son tour sa main vers ledit général qui se trouvait-là. « Auront été si efficaces, que l’adversaire n’ose pas s’approcher de Yorktown, ni des autres parties de la première ligne de défense. Toutefois, l’ennemi a amassé des dizaines de mortiers lourds devant la ville, et des tonnes de munitions. Les multiples reconnaissances de nos éclaireurs sont formelles : l’ennemi à de quoi nous envoyer plusieurs milliers de tonnes de munitions à chaque tir de son artillerie, et écrasera la ville en quelques heures. Rester serait suicidaire… » Dit-il enfin, dépeignant alors un tableau plutôt précis de la situation actuelle. « Actuellement, nos troupes avoisinent les 57 000 hommes. Nos estimations quant aux troupes ennemies vont de 115 000 à 130 000 soldats. Toutefois, les rapports d’espionnages confirment ce que McClellan aura tendance à faire depuis des mois : il est persuadé que notre armée est aussi nombreuse que la sienne, et demande sans cesse des renforts à Washington. » Le chef d’état-major pose alors ses feuilles sur lesquelles se trouvent les mémos d’informations qu’il venait de lire à haute voix, signifiant alors qu’il n'avait plus rien à rajouter.

« Au vus des informations présentées par mon chef d’état-major, j’ai décidé d’ordonner la retraite en bonne et due forme de nos troupes jusqu’à Williamsburg. Nos vivres, nos matériels et nos munitions partiront dès demain avec les premières divisions, mais continueront, eux, jusqu’à Richmond par chariots. Nous savons que toute cette opération n’a qu’un seul but : atteindre Richmond. Aussi, nous devons nous préparer à un siège de la ville et ramener autant de vivres et de munitions que possible. » Dit-il, introduisant le début de ses ordres. « Le corps d’armée du General Longstreet sera positionné à Williamsburg avec pour mission de ralentir l’avancée des Yankees une fois qu’ils se seront rendus compte que nous ne sommes plus à Yorktown. Je veux que tous les chariots aient quitté la Yorktown demain, ainsi que toutes nos troupes. Ne subsisteront que quelques batteries d’artilleries pour couvrir notre retraite nocturne. Des questions ? » Demanda alors Johnston, conscient toutefois qu’il n’y avait pas meilleur plan pour pouvoir protéger Richmond tout en sauvant un maximum d’effectifs. « Au travail messieurs ! »
Journal de guerre Szopar10




05 Mai 1862 | Théâtre Oriental des opérations.
Campagne de la Péninsule | Williamsburg | Fort Magruder.




« Comment allez-vous ce matin général ? » Demanda James Longstreet à Thomas sitôt ce dernier entré la bâtisse principale de bois qui constituait le quartier-général de cette partie de l’armée. « Un café ? »

« Un café serait parfait mon général. » Répondit Thomas, tendant sa propre tasse réglementaire qu’il avait sorti de sa besace, pour se faire servir. Moins qu’un café, cette boisson était surtout une eau portée à ébullition dans laquelle trempaient quelques grains de cafés préalablement concassés et moulus à la crosse de fusil. On ajoutait ensuite, selon les régiments et les habitudes, quelques écorces comestibles, du tabac et de la liqueur. Le mélange était infâme, mais le blocus naval de l’Union empêchait l’importation des grains de café depuis l’Amérique du Sud. Cela faisait bien l’affaire. « Des nouvelles sur l’avancée des Nordistes ? »

« Ils arrivent. » Dit alors Longstreet, sobrement, buvant lui aussi son café. « Hier, notre arrière garde a pu voir s’envoler un des généraux de l’Union à bord d’un ballon d’observation. Une heure après, les troupes de McClellan se sont mises en marche, avec une avant-garde d’environs 40 000 hommes. Au moins une division est en train de prendre la mer, via la York River et tente de déborder notre retraite par le flanc. Mais leurs préparatifs sont longs… Le haut commandement ne semble pas véritablement inquiet par leur menace. L’armée de Johnston continue de refluer vers Richmond, et nous, nous sommes-là pour tenir l’Union en échec suffisamment longtemps pour permettre cette retraite. »

« Bien reçu général. » Dit alors Thomas, fatigué d’avoir veillé tard et de s’être levé très tôt. Soufflant sur ce café extrêmement chaud, il prit une gorgée qu’il avala immédiatement pour ne pas se brûler. « Quels sont mes ordres ? »

« Vous commanderez la seconde division. » Trancha Longstreet. « Vos positions seront au Nord-Ouest de la Ravine river, et vous tiendrez le frontal de notre dispositif. Nous nous attendons à ce que vous rencontriez toute une division de l’Union, et des renforts bien évidemment. Vous devez tenir jusque ce soir, et, si possible, repousser l’ennemi. » Dit-il, avant de reprendre. « J’ose espérer pouvoir être le témoin de votre savoir tactique, et de votre agressivité. Je m’occupe de la défense retranchée au fort. Général ! »

« Général ! »



Journal de guerre Willia12



Les deux officiers généraux se séparèrent en se saluant du traditionnel salut militaire, et Thomas prit la direction de son propre quartier général. Autrement moins encadré que celui du Major General James Longstreet – il avait été nommé au grade supérieur il y a peu – il s’agissait simplement de son cheval, ses officiers et sa suite, qu’il baladait ça et là selon l’avancée des lignes de front. Là, il mit ses officiers en ordre de bataille : en tant que Brigadier General, il était le plus gradé de son état-major, bien-sûr, et avait, comme subordonné direct, plusieurs Colonels, Lieutenant-Colonel, Major et Captain. Ces derniers étaient souvent loin des combats, car, en tant que membre de l’état-major divisionnaire, ils avaient un rôle de logistique, de préparation et de communication entre les unités. Toutefois, les modes de communications étant rustiques – ordonnances, courriers et soldats volontaires – nécessitaient de rapprocher régulièrement les états-majors, et de chevaucher non loin des lignes adverses. Aussi, à chaque bataille, il n’était pas rare de compter parmi les morts, les blessés et les disparus, des membres des différents états-majors.
« Messieurs ! » Commença alors Thomas, à peine revenu, et descendant de son destrier pour se pencher sur une sorte de table faite d’une vulgaire boite de transport de marchandise. Haute et solide, elle servait tantôt à transporter le fils de fer barbelés, des munitions, des boulets ou encore des éléments de fournitures militaires. « Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis le General… »

« Nous savons qui vous êtes général. Dites-nous plutôt ce que vous attendez de nous face aux Yankees ! »

« Bien. » Dit alors Thomas, reprenant légèrement contenance après avoir été si abruptement coupé. S’il n’était point s’agit d’une démonstration de respect et de notoriété, nul doute que Thomas n’aurait fait qu’une bouchée de cet officier trop sûr de lui. « Je prends le commandement de cette division. Voici nos positions ! » Dit-il, plaçant son index sur la zone qu’il devrait couvrir, entre les redoutes n°2 et n°4, au Nord de la Ravine River. « Nus serons couverts par les canons des redoutes n°1, n°2, n°3 et n°4. La redoute n°5 et les canons de Fort Magruder seront dédiés à la défense du fort, et de notre flanc gauche. Nos ordres sont simples : tenir ! Les dernières reconnaissances montrent que les Nordistes ont envoyé une avant-garde d’environs 40 000 hommes contre nous, dans le but de pourchasser nos unités en retraite jusqu’à Richmond. D’autres sont partis sur la York River pour couper cette retraite plus en amont, mais nous nous en occuperons plus tard. » Dit-il, expliquant alors, toujours sur la carte, les mouvements et les lieux où se déplaçaient les armées et où se trouvaient les lignes actuellement. « Aucune retraite ne sera autorisée avant la fin de la journée. Toutefois, je compte bien saisir la moindre occasion de contre-attaquer pour repousser l’ennemi toujours plus loin, et lui infliger des pertes colossales. Des questions ? »

Pas de questions. Il fallait dire que ces officiers connaissaient leurs rôles : la moitié d’entre eux avaient déjà servi dans l’armée des Etats-Unis durant la Guerre contre le Mexique, et d’autres, eux, sortaient des rangs de l’université militaire de Virginie, ou de West-Point. La machine se mit alors en marche.

Levés aux aurores, le clairon sonna tout de même au travers du camp et des différentes petites positions retranchées. Les soldats disposaient d’une demi-heure pour pouvoir prendre leurs petits-déjeuners, et de dix minutes de plus pour préparer leurs affaires pour la bataille du jour. Les sous-officiers s’échinaient à battre la mesure, distillant leurs ordres tout en étant aidés par les symphonies militaires. Les airs martiaux, saccadés et rythmés, avaient toujours été d’une certaine aide dans l’organisation des armées : elles donnaient le rythme de marche, donnait l’entrain pour réaliser les missions les plus basiques, et donnaient du corps aux armées disparates. Avant dix heures du matin, les troupes étaient prêtes.

L’endroit était touffu. L’Ouest de Fort Magruder était fait de petits vallons boisés décrivant une cuvette au milieu de laquelle coulait la Ravine River. Il était impensable pour les troupes de l’Union, d’attaquer les fortifications de front : emprunter les voies non praticables et s’éloigner des plateaux plats et des zones ferroviaires et routières, était se garantir une certaine protection contre les tirs d’artillerie des confédérés. Longstreet le savait, et Thomas aussi. Aussi s’étaient-ils préparés.

Dix heure-et-demi du matin. Voilà maintenant une heure que les canons confédérés des redoutes et du fort, tiraient régulièrement contre les troupes de l’Union qui s’approchaient aux accents des musiques militaires. Le printemps, magnifique, donnait aux arbres et aux fleurs de magnifiques couleurs, des odeurs charmantes et bucoliques et un océan de verdure à perte de vue. Plus ou moins épaisse, la canopée et les broussailles dévoilaient ça et là les éclats des baïonnettes réverbérant la lumière du soleil. Dans quelques trous de cette épaisse frondaison, on discernait le mouvement presque synchrone d’une vague bleutée semblable au mouvement des vagues sur l’océan non loin. Le bruit de milliers de bottes frappant le sol, couvrait parfois les tambours et les flûtes qui chantaient encore les musiques militaires.

Positionnées au Nord de la Ravine River, Thomas était juché sur un petit promontoire rocheux au milieu de cette pente au dévers prononcé. Dans ses jumelles, il voyait par endroits certaines parties des lignes de l’Union, qui s’approchaient sans pour autant se mettre à portée de tirs. Pour le moment, seul l’artillerie pouvait tenter de faire des victimes, l’adversaire n’ayant point emporté de canon avec lui sur cette partie de son offensive. Mais les canons ne tarderaient point à arriver non plus de leur côté.
« Placez deux régiments sur les hauteurs, derrière la rivière. Que tous les autres avancent. Je veux que notre aile droite s’approche de la rivière sans la traverser, et que notre aile gauche, elle, traverse la rivière sans trop s’en éloigner. Nous allons faire comme suis : ils s’attendent à ce que nous restions cachés dans nos confortables positions pour les tirer comme des lapins. Ce serait en effet, une tactique efficace : mais cela serait laisser l’initiative à ces salops, et je le refuse ! Envoyez plusieurs éclaireurs : je veux connaître précisément leurs positions. »

Les ordonnances quittèrent alors la position de Thomas, et rejoignirent les quelques unités du front pour distribuer les ordres. Les choses s’organisaient comme-ci : Colonels et Majors cherchaient des volontaires – ou nommaient des volontaires – pour ces missions de reconnaissances. Ces derniers devaient s’approcher au près proche des positions ennemies, sans l’engager – à moins qu’ils ne tombent sur les propres groupes de reconnaissances de l’ennemi, auquel cas, il fallait les détruire. Repérer les positions, les reporter sur une carte et revenir auprès de leurs officiers, lesquels renvoyaient ensuite à leur commandant – ici Thomas – les informations obtenues pour décider de la technique à suivre. Les rebelles, qui connaissaient leur territoire presque par cœur, faisaient d’excellentes vigies et de très bons éclaireurs. En moins de trois quart d’heure, Thomas avait ses informations. Il rassembla alors ses subordonnés :
« L’ennemi est placé ici, en demi-arc de cercle, et ne semble pas vouloir bouger. Nos éclaireurs sont tombés sur plusieurs des leurs, et les ont anéantis, ce qui nous laisse au moins trente-minutes pour prendre l’initiative. » Dit-il, conscient que l’ennemi ne tarderait pas à renvoyer des éclaireurs pour connaître les positions des rebelles. « Les unités du centre s’approcheront jusqu’à être à portée de fusil, et feront au moins deux, à trois volées de tirs, avant de décrocher. Lorsqu’une unité décroche, je veux qu’une autre la remplace plus à l’Est ou à l’Ouest, de sorte que l’ennemi nous croit partout, et nulle part à la fois. Dès qu’ils avanceront pour nous contrer, nous lanceront alors l’assaut sur les deux flancs. Je veux que des ordonnances m’informent de tous nos mouvements, et de ceux de l’ennemi ! Suivez le drapeau de la division : je ne serais jamais loin. »

Les mouvements se mirent alors en place. Thomas, qui disait toujours n’avoir de place qu’en première ligne malgré son grade, suivit alors les actions de ses troupes, en restant aux premières loges. Lorsqu’une unité avançait sous le couvert des arbres et des buissons, et se trouvait non loin de la fameuse « portée de fusil », il assistait aux manœuvres sans outrepasser le commandement de ses subordonnés. Lorsque l’un se retirait – conformément aux ordres -, Thomas quittait l’unité et rejoignait celle qui avançait, assurant parfois lui-même la communication des ordres, sauvegardant ses ordonnances qui, parfois, ne revenaient jamais de certaines missions. Les manœuvres se déroulaient comme il l’avait prédit : l’ennemi était harcelé sans cesse, et n’osait pas contre-attaquer. Les lignes confédérées étant plus étendues que celles de l’Union, il était plus aisé pour Thomas d’apparaître en plusieurs endroits, et sur des lignes plus étendues. Persuadés qu’ils faisaient face à un adversaire supérieur en nombre, les troupes de l’Union temporisaient, attendaient, craignaient d’avancer et de tomber dans un piège. Mais n’importe quel officier militaire ne pourrait s’empêcher de courir après un ennemi en fuite.

Ordonnant l’avancée de presque tout un régiment jusqu’au-devant d’une partie des lignes de l’Union, Thomas se préparer à un piège à la fois évident et bien caché. Durant de longues minutes, les troupes de Thomas s’accrochaient au terrain, s’offrant en contre-bas des positions de l’Union dans des volées mortelles. Puis, au bout de trois volées – il fallait les tenir, car chaque volée de l’Union provoquait beaucoup de pertes dans les rangs confédérés – il ordonna le repli général. Faisant demi-tour, les soldats confédérés coururent de manière désordonnée sur plus de quatre cent mètres, avant de rejoindre les secondes lignes qui s’étaient avancées. Là, ils se stoppèrent, et attendirent que l’ennemi arrive.

Et l’ennemi, évidemment, arriva. Persuadés que les rebelles étaient en train de s’effondrer après une attaque ratée vraisemblablement due à un manque de reconnaissance de leur part, les troupes de l’Union avancèrent jusqu’à la rencontre des secondes lignes confédérées. Sitôt à portée de tir, Thomas ordonna que les deux flancs avancent droit devant eux, traversent la rivière peu profonde et étroite, avant de déborder les flancs ennemis. Ce qu’ils firent par la droite, allant même jusqu’à prendre à revers une partie des troupes Yankees. La manœuvre obligea alors le Brigadier General Hooker, commandant les unités de l’Union face à Thomas, à battre en retraite vers l’Est, de l’autre côté de la ligne de chemins de fer et de la Government Road. Thomas avait gagné son pari : il avait retenu puis repoussé l’ennemi. Il était temps de contre-attaquer.

En début d’après-midi, Thomas plaça une partie de ses effectifs au Sud de la Government Road afin de ralentir les renforts des Généraux Hooker et Kearny qui ne manqueraient pas d’essayer de reprendre le terrain concédé à Thomas. Désirant soulager la pression sur Fort Magruder, Thomas bifurqua la majorité de son infanterie vers l’Est, vers le croisement entre la Gorvernement Road et la Yorktown Road. Là, il patienta, le temps que les troupes rebelles se reforment.

Il prit aussi ce temps pour envoyer les missives adéquates. Aux Généraux Longstreet et Johnston, il informa de l’évolution des combats, quand bien même il était aisé pour Longstreet de voir ces mouvements car, depuis Fort Magruder, la traversée de la route et les champs par Thomas et son infanterie était plus que visible et évidente. Au nord, pour contrer un petit contingent Unioniste qui tentait une manœuvre de flanc afin de déborder la fortification par le Nord-Est, le Major General Daniel Harvey Hill fut envoyé par Johnston, manœuvrant ainsi au Nord du Fort, et donc, des positions de Thomas.

La contre-offensive de D.H. Hill prit de court les quelques effectifs Nordistes, qui, rapidement, battirent en retraite à leur tour. Thomas, lui, profita des informations qui provenaient des positions Nord, pour enfoncer le clou, plus au Sud. Il ne devait cependant pas s’éloigner de trop de son flanc Sud, qui contrait l’avancée des renforts adverses. Galvanisé par ses réussites, et motivé à l’idée de montrer à ses supérieurs que sa réputation de Général offensif n’était pas usurpée, Thomas donna l’assaut.

Quatorze-heure de l’après-midi. L’assaut était donné. Pas un assaut général, bien-sûr, car cela serait suicidaire étant donné que la topographie du terrain avait bien changé. Des bois vallonnés, gadouilleux et froids, les troupes avançaient maintenant de part et d’autre de routes carrossables, certes boueuses, mais autrement plus dégagées et bordées de prairies et de petits champs aux reliefs de faible hauteur. Là, l’artillerie confédérée faisait des ravages !

Les unes après les autres, les vagues d’assauts des troupes de Thomas s’avançaient, tiraient et se reculaient. Les positions Unionistes, elles, ne bougeaient presque pas, car disposaient de peu de renforts. Pour venir à bout de son adversaire, Thomas ordonna que les canons confédérés de Fort Magruder et des redoutes, et ceux positionnés derrière lui, tirent deux salves coup sur coup sur le centre des lignes Unionistes qui lui faisaient face, après quoi, il lancerait l’assaut. Et, encore une fois, l’efficacité de sa tactique se prouva immédiatement.

Eclatés, les rangs des tuniques bleues s’effondrèrent, et refluèrent, complètement désorganisées. Avançant les siennes, Thomas dépassa lui-même les lignes Yankees, marchant sur quelques cadavres aux uniformes bleus sanguinolents, et plaça ses troupes de sorte à ce qu’ils puissent tirer dans le dos des Nordistes en retraite. Puis, à nouveau, il se stoppa.

Le restant de l’après-midi, Thomas manœuvra pour supporter plusieurs contre-attaques. Porté loin devant Fort Magruder, il du reculer lui aussi afin de renforcer le dispositif confédéré, car, à partir de Dix-sept heure ce jour-là, la retraite fut ordonnée par Longstreet, afin de retourner jusqu’à Richmond. Par leurs actions d’aujourd’hui, Thomas, Longstreet, Hill et les autres, avaient retenus leurs poursuivants pendant toute une journée. Pire, ils les avaient repoussés, infligeant de grandes pertes dans les rangs Nordistes. Au total, les rebelles perdirent 288 soldats tués, 975 blessés et 297 soldats faits prisonniers par l’ennemi. Avec les petites escarmouches de la veille, cela portait à 1682, le nombre de victimes chez les rebelles. Le Major General McClellan, lui, devait supporter 2283 pertes, tués, blessés ou prisonniers, soit 2% de ses effectifs totaux. Cela pouvait sembler peu, mais, comparativement aux effectifs effectivement mobilisés ce jour-là – soit 40 000 soldats – les pertes avoisinaient les 6%. Pour une première bataille rangée, cela donnait la couleur des futurs affrontements.


Dernière édition par Thomas W. Powell le Mer 3 Avr - 14:15, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t797-dear-secessia https://crimsontown.forumactif.com/t808-thomas-w-powell#9309
Thomas W. Powell
Le Général Déchu
Thomas W. Powell
Date d'inscription : 28/02/2024
Messages : 73

Feuille de personnage
Disponibilité RP:
Dialogue: #
Age: 45
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
Le Général Déchu
MessageSujet: Re: Journal de guerre   Journal de guerre EmptyVen 29 Mar - 19:34


29 Mai 1862 | Théâtre Oriental des opérations | Campagne de la Péninsule
Quartier Général de Johnston | Richmond.




La retraite de l’armée confédérée s’était faite en bonne et due forme. Poursuivie par une armée deux fois supérieure en nombre, les troupes rebelles, toujours menées par le Full General Joseph Eggleston Johnston, s’étaient correctement battues depuis Williamsburg jusqu’aux abords de Richmond, en passant par des escarmouches plus ou moins impressionnantes le long de la York River. Le comble de l’humour fut sans doute atteint lors d’une bataille à laquelle Thomas ne participa point : celle de West Point. Là, les troupes confédérées accueillirent celles du Nord qui avaient tenté de remonter la rivière depuis la pointe de la Péninsule, et qui furent accueillies par un déluge de feu d’artilleries et des fusils rebelles. Ils n’avaient cependant pas poussé leur chance au-delà : ils auraient pourtant pu acculer les Nordistes au fleuve et sans doute les détruire, mais les troupes Texanes avaient déjà subies de douloureuses pertes et mieux valait les économiser en vue des gros affrontements prévus devant Richmond.

Lorsqu’enfin, les confédérés firent demi-tour et atteignirent les défenses creusées autour de Richmond, Thomas fut satisfait. La retraite s’était correctement organisée, et maintenant, il fallait repousser l’assaillant Nordiste qui viendrait tôt ou tard se fracasser contre les redoutes, les tranchées et les fortins militaires. Résolument offensif, persuadé que les forces mystiques de Dieu étaient derrière lui – comme pour d’autres généraux confédérés résolument fanatisés – Thomas était un attaquant par essence ! Offensives et contre-offensives n’avaient aucun secret pour lui, et s’il savait, bien-sûr, que des lignes de feu terrestres devaient se former, se déformer, parfois faire retraite pour pouvoir mieux se reformer et revenir, battre réellement en retraite était délicat et douloureux pour lui… Mais il n’était qu’un subordonné après tout. Celui qui décidait de la stratégie globale était le Full General Johnston, et s’il était proche de ses troupes, connu pour son attention vis-à-vis de leur survie et de leurs blessures, désireux d’épargner le plus de vies possibles, il n’était pas un stratège offensif. Ses atouts résidaient surtout dans la logistique, la défense et le harcèlement des forces de l’Union par une cavalerie forte et maîtrisant le terrain.

Seulement, cette retraite magnifiquement orchestrée depuis le bout de la Péninsule jusqu’à Richmond ne faisait, au final, que reporter le problème à un peu plus tard. Quoi qu’il en soit, quels que soient les mouvements militaires, l’ennemi était toujours supérieur en nombre. Malheureusement, le Major General George McClellan était toujours à la tête d’une armée de 120 000 soldats, plus d’un millier de chariots, et de 264 canons. En comparaison, le général Johnston, lui, commandait 57 000 soldats, et à peine 140 canons. Conscient de ce rapport de force grandement désavantageux, Johnson vit dans la retraite, le moyen de palier à cela en s’enterrant dans des redoutes, tranchées et autres fortifications de terres qui permettraient aux lignes confédérées de faire face à un assaut frontal. Mais, de la même manière qu’il évacua Williamsburg en toute hâte face à la venue des mortiers lourds de McClellan, le commandant en chef de l’Armée du Virginie du Nord savait qu’il ne résisterait pas à un assaut frontal, massif et implacable, des armées de l’Union. Il fallait donc réagir, et réagir le premier.




Journal de guerre Seven_10




« Messieurs, bienvenue ! » Dit Johnson, qui commençait toujours ses réunions d’état-major de la même manière. Autour de lui, Thomas attendait, trépignant d’impatience. Il avait, bien-sûr, une idée précise de la chose à faire et de comment réagir face à l’avancée Nordiste. Mais, en tant que simple commandant de division et adjoint de commandant de corps d’armée, il ne pouvait que conseiller… Mais encore fallait-il l’écouter. « Des nouvelles du front ! » Dit-il, déployant alors une carte roulée qu’il manipulait en plaçant ses doigts en fonction des informations distillées. « Ce n’est une surprise pour personne : l’ennemi arrive à l’Est, et il est bien supérieur en nombre. Ma première idée était simple : attaquer l’ennemi sur son flanc droit, entre Mechanicsville et Gaines’s Mill, le long de la Chickahominy River. Mais les dernières informations m’obligent à changer de tactique ! Car les actions du Lieutenant General Jackson obligèrent les Yankees à retirer leurs renforts sur notre flanc Nord, à Fredericksburg pour contrer l’offensive de Jackson. Ainsi, plutôt que d’attaquer sur ce pan de rivière, voici mon plan : les unités positionnées le long de la rivière devront, au 31 Mai, engager l’ennemi de manière effacée et légère afin de les occuper sur cette partie du front et qu’ils ne tentent pas de traverser la rivière droit sur nous. Le corps d’armée du Major General Longstreet fera alors mouvement plus au Sud, sur le flanc gauche des Yankees, en direction de Seven Pines selon trois axes. Avec les troupes du Major General Daniel H. Hill, vous avancerez en direction de l’ennemi et le repousserez jusqu’à la rivière plus au Nord. Le but est simple : contre-attaquer, et acculer l’ennemi avant que ses renforts n’arrivent. Si nous réussissons, les pertes ennemies seront telles que McCellan sera obligé de faire demi-tour et de repartir sur ses navires. Des questions ? » Demandait-il, laissant un temps mort pour que ses subordonnés puissent réfléchir et proposer une nouvelle initiative ou améliorer celles existantes. « Parfait ! Eh bien messieurs, vous savez ce qu’il vous reste à faire ! Mettez vos troupes en ordre de marche, et préparez-vous à un assaut pour le 31 Mai au matin. Vous connaissez vos secteurs, effectuez vos reconnaissances et positionnez l’artillerie comme vous le désirez. Dans deux jours, nous repousserons l’ennemi, et nous l’anéantiront ! »




Journal de guerre Szopar10


31 Mai 1862 | Théâtre Oriental des opérations
Campagne de la Péninsule de Virginie | Bataille de Seven Pines.


Rien ne se déroula comme prévu. Déjà, dans la nuit du 30 au 31 Mai, un violent orage et des pluies diluviennes, transformèrent les champs et les routes en véritables bourbiers. Au matin, lorsque les troupes durent se préparer et l’artillerie s’avancer pour prendre position, elles durent faire face à des chemins boueux dans lesquels on s’enfonce jusqu’à mi-mollet. Au lieu de quatre chevaux nécessaires à la mobilisation d’un seul canon, il en fallait maintenant huit ! Et même malgré cela, les artilleurs devaient souvent découper de petites planches de bois dans des troncs abattus à la va-vite, pour pouvoir désembourber les roues des attelages. L’attaque, qui devait être lancée à 8h00 ce matin-là, piétinait terriblement…

Pour couronner le tout, Longstreet fit tout sauf se conformer aux ordres donnés. Par choix, ou incompréhension – car les ordres de Johnston ne furent absolument pas clairs – il était dur de connaître la raison de ces changements dans les mouvements prévus, mais ces derniers retardèrent grandement l’attaque principale sur les lignes de l’Union.
« Général ! Général ! » Dit Thomas, rejoignant son supérieur en quittant le stationnement de sa division. Chevauchant à brides abattues, Thomas, très en colère, comptait demander des comptes à son supérieur hiérarchique. S’approchant, il continua à le héler jusqu’à-ce qu’enfin, Longstreet lui offre l’attention qu’il désirait. « Mon général, nous devons faire mouvement sur notre flanc droit ! Pas droit devant ! Nous fonçons droit sur les lignes de D.H. Hill, alors que nous devrions le contourner pour attaquer l’adversaire sur son flanc ! »

« Général ! » Dit alors Longstreet, les écarquillés pouvant presque jeter des flammes sur son subordonné qui, à cet instant, frôlait presque l’insubordination. « Je n’ai aucune communication avec Johnston, ni même avec Huger sur notre droite. Cette maudite boue nous ralentie beaucoup trop, et je ne resterais pas là, immobilisé par cette boue des enfers, et laisser l’ennemi se renforcer ! Les Yankees sont devant nous, alors, j’attaque ! »

« Général… » Reprit Thomas, renfrogné mais qui commençait déjà à s’agiter sur ses étrillés couverts de boue et qui frappait intempestivement contre la robe brune de son cheval, lui aussi, couvert d’une boue épaisse qui commençait déjà à sécher.

« Cela suffit, Thomas ! » Hurla alors Longstreet, dont le faciès, figé, transpirait la colère. Regardant Thomas avec l’intensité d’un volcan sur le point d’imploser, il continua. « Cette boue est une malédiction autant pour nous, que pour eux ! Si nous n’attaquons pas aujourd’hui, alors tout est perdu ! Faites ce que je vous dis Général, ou je vous arrête sur le champ ! »

« Vous allez jeter nos troupes sur une ligne réduite déjà occupée par celles de Hill, au lieu de prendre l’ennemi sur son flanc et d’allonger la ligne de front ! Leurs canons vont nous tailler en pièce, et nous n’acculerons pas l’ennemi à la rivière ! »

« Vous êtes un spécialiste de l’attaque, Général Powell, n’est-ce pas ? » Demanda Longstreet dans une question tout à fait rhétorique. « Alors attaquez tant que je vous l’ordonne, bon Dieu ! »

Voyant que la conversation était si houleuse qu’un navire ne pourrait y voguer cinq minutes sans être renversé par la houle et les vents, Thomas se tu, et darda un regard empli d’une sombre colère sur son supérieur. Là, en cet instant, l’ancien élève de West Point ne pensait plus qu’à une chose : désobéir, et suivre le plan originel de Johnston qui, sur le papier, était autrement mieux pensé et susceptible de fonctionner que l’initiative tordue de Longstreet, impatient et frustré par la météo catastrophique, le manque de communication et le manque de coordination entre les différents états-majors. Mais, il n’en fit rien : s’il était, dans les faits, l’adjoint de Longstreet, il commandait en réalité une division qui demeurait sous les ordres du commandant de corps d’armées. Il lui fallait donc agir, et obéir.

Retournant à ses troupes, Thomas cria ses ordres avec une autorité renouvelée autant par son charisme que la profondeur de sa voix. Sans demander leur reste, les soldats se mirent en colonne et avancèrent, fusils à l’épaule et baïonnettes aux canons. Dans une marche martiale aux bruits gadouilleux, ils n’avaient aucune réelle prestance… Mais, tels des bêtes de somme, s’avancèrent en direction de la bataille à venir.

Comme Thomas l’anticipa, sa division – et les autres – se heurtèrent sur la ligne tenue par le Major General D.H. Hill. Agglutinés les uns les autres sur plusieurs rangées, il n’y avait pas assez de places pour que les soldats puissent étendre leur ligne de feu. Pire ! Les assauts, menés en début d’après-midi – soit avec cinq heures de retard sur les horaires initialement prévus – étaient complètement désorganisés et décousus. Lorsqu’un chef de compagnie – un Capitaine – ou un chef de régiment – un Colonel – recevait de son supérieur, l’ordre d’avancer vers l’ennemi, ces derniers n'étaient souvent même pas soutenus par d’autres unités d’infanteries… Seule l’artillerie réussissait son rôle de soutien et d’appui feu…

C’est lorsqu’une partie des lignes confédérées se remodela suite à une attaque isolée d’une compagnie, que Thomas eut l’occasion de s’insérer dans ce dispositif. Sur son cheval, il passa ses troupes en revue au mépris des balles Yankees et des tirs d’artilleries. Profondément en colère, voir ce manque de préparation l’indignait énormément et ne faisait qu’accroitre son ressentiment. Lorsqu’il vit qu’un autre assaut allait être lancé par une unité de Longstreet à environs cent mètres de sa propre position, Thomas ordonna à toute sa division d’attaquer comme un seul homme. Au-devant de sa première ligne, il harangua ses hommes :

« Soldats de Virginie ! Souvenez-vous de votre serment fait à votre état natal ! L’ennemi est là, devant vous ! Et il veut vous prendre vos maisons, vos biens, vos familles ! Il aura amené jusqu’ici toutes ses armées, tous ses canons, pour détruire notre mode de vie et notre gouvernement. Aujourd’hui, nous ne devons pas faillir ! Nous ne devons pas faiblir ! Et nous ne faillirons pas ! Et nous ne faibliront pas ! Car je serais toujours avec vous, aujourd’hui, et jusqu’en enfer ! Et je ne faiblirais pas, car vous serez toujours derrière moi, et avec moi ! Soldats ! En avant ! »

Puis, il lança l’assaut. Toute une division, lancée contre les lignes Unionistes, aidées, à une centaine de mètre de là, par une petite compagne de trois cent soldats. Voyant l’avancée soudaine de presque 4000 soldats, l’artillerie rebelle concentra ses tirs au-devant d’eux, frappant alors de plein fouet l’ennemi qui, pour l’instant, ne bougeait pas. Et c’est là, qu’ils cédèrent.

Devant ses soldats, Thomas avançait, revolver au clair. Les fusils ennemis tiraient encore et encore, sans que de réelles volées de feu ne soient ordonnées. Les rebelles, courant à perdre haleine, tombaient ça et là, mais le manque de coordination dans les tirs Nordistes rendait ceux-ci inefficaces. Inexorablement, les confédérés avancèrent, avant de se heurter aux troupes Nordistes dans un corps-à-corps sanglant. Thomas, rendu presque sourd d’une oreille après qu’une balle soit passée à quelques millimètres de lui dans un claquement assourdissant, faisait face à l’ennemi avec courage et détermination. Pointant son revolver, il fit mouche à chaque tir ! Suivi de près par ses troupes, les détonations cessèrent rapidement, remplacés par les cris et le tintement des baïonnettes s’entrechoquant. Là, un Yankee réceptionna l’assaut d’un confédéré qui, sautant depuis le haut d’un fossé, s’empala sur la baïonnette dressée par l’adversaire en bleu. Ici, un confédéré frappa à mort un soldat Nordiste à grands renforts de coups de crosses, et sans aucune pitié. Lorsqu’ils arrivaient derrière le petit talus de terre – et qu’ils ne chutaient pas à cause de la boue – les confédérés armaient leurs fusils et tiraient sur les Nordistes en contrebas, avant de se lancer à nouveau dans le combat, baïonnettes en avant. Un obus Nordiste éclata soudainement au milieu de la cohue, bousculant autant d’uniformes gris que d’uniformes bleus, provoquant alors morts et blessés dans les deux camps. Profitant de ce moment de flottement, Thomas hurla la reprise de l’assaut. Son fusil vide, il donna l’exemple en tirant son sabre au clair, et en se jetant sur un sous-officier ennemi qui se trouvait devant lui.

Sans aucune forme de pitié, le Général confédéré donna un violent coup de tranchant de sabre sur le cou de sa victime, lequel s’effondra alors, ses mains portées à sa gorge, dans une tentative désespérée de contenir l’important saignement. Ses yeux exorbités traduisaient toute la peur qui étreignait son cœur. Il savait qu’il allait mourir là, seul, dans la boue, le froid et le sang, pour une cause qui le dépassait certainement. Thomas avisa alors sa victime, et, sans compassion, l’enjamba pour reprendre l’assaut. Lorsqu’enfin, la ligne céda, Thomas exulta ! Rejoignant son ordonnance, il lui ordonna de transmettre un message :

« Trouvez Longstreet et Hill ! Dites leur que la ligne ennemie est enfoncée, et qu’ils refluent vers Seven Pines ! Il faut poursuivre l’avancée ! »

Seulement, voilà : un assaut réussi ne serait point suffisant pour permettre à toutes les troupes confédérées de se réorganiser. S’ils repoussèrent les Unionistes, et firent d’énormes pertes dans leurs rangs, la désorganisation des confédérés, les égos mal placés de certains commandants et le manque de communications, empêchèrent les rebelles de capitaliser sur leur avantage. Pire ! Le soir venu, Johnston fut sévèrement blessé par une balle Yankee alors qu’il inspectait ses lignes… Entouré par son état-major, les soldats, qui arrêtèrent l’assaut à cause de l’obscurité, s’attroupèrent autour de lui pour le ramener vers l’arrière.

Revenant de son dernier assaut, l’uniforme sale, plein de boue, de poudres et de sang, Thomas s’arrêta au chevet de Johnston, allongé sur un brancard. Ce dernier était évidemment douloureux, mais au moins, il était en vie. Thomas, lui, avait la mine des mauvais jours… Il n’avait toujours pas décoléré, et cela, malgré des heures de combats et plusieurs assauts sanglants.

« Comment vous sentez-vous mon Général ? » Demanda Thomas, sincèrement inquiet, bien que lui aussi douloureux après tous ces combats.

« Je vais bien ! Le médecin dit que je vais m’en sortir… » Répondit Johnston. « Ma blessure est, je pense, la plus grande bénédiction faite par dieu aux armées confédérées. Maintenant, un homme plus audacieux, et plus capable que moi, sera placé à la tête de l’armée pour faire ce que je n’aurais jamais réussi à faire. »

« Vous avez été un excellent chef, mon Général. » Dit alors Thomas, qui posa une main fraternelle sur celle de son supérieur. « Vous serez fier de nous. »

Malheureusement, la ferveur de Thomas ne serait absolument pas suffisante pour renverser le cours de cette bataille. Dans la nuit du 31 Mai au 1er Juin, les troupes de l’Union amenèrent de nombreux renforts sur la ligne de front. Au matin, les assauts confédérés reprirent, un peu mieux coordonnés, mais point aussi efficaces que ceux de la veille. A 11h30, les confédérés cessèrent le feu, et s’enterrèrent face à aux troupes Yankees. De leur côté, aucun mouvement ne fut entrepris : McClellan, sortis de son lit de malade après une crise de paludisme, n’ordonna ni contre-attaque, ni mouvement décisif. Il n’y eut aucune autre action ce jour-là.
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t797-dear-secessia https://crimsontown.forumactif.com/t808-thomas-w-powell#9309
Thomas W. Powell
Le Général Déchu
Thomas W. Powell
Date d'inscription : 28/02/2024
Messages : 73

Feuille de personnage
Disponibilité RP:
Dialogue: #
Age: 45
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
Le Général Déchu
MessageSujet: Re: Journal de guerre   Journal de guerre EmptyMer 3 Avr - 15:44


16 Juin 1862 | Théâtre Oriental des opérations | Campagne de la Péninsule.
Quartier Général de Robert Lee | Banlieue de Richmond.




L’issue de la Bataille de Seven Pines avait été indécise. Durant deux jours, du 31 Mai au 1er Juin, les troupes confédérées menées par le Full General Joseph Eggleston Jognston tentèrent une contre-offensive contre des unités Unionistes réduites en nombre et acculées à la rivière Chickaominy, afin de couper l’herbe sous le pied du Major General George McClellan. Ce dernier, encore loin derrière son avant-garde, tentait de faire venir ses nombreux canons et mortiers de siège qui détruiraient Richmond en quelques salves seulement. Désireux d’éviter cela comme il l’avait évité à Williamsburg, mais ne pouvant point exécuter un nouveau mouvement de retraite, Johnston lança l’offensive… Qui ne fut ni une défaite, ni une victoire. Les troupes Nordistes ne furent pas acculées à la rivière, et McClellan continuait d’acheminer des renforts depuis la pointe de la Péninsule. La météo, monstrueuse, avait provoqué la destruction des routes bourbeuses et des ponts qui n’étaient pas en pierre, obligeant tantôt les armées confédérées ou Nordistes à entreprendre des constructions rapides et fragiles, pour pouvoir reprendre leurs avancées.

L’évènement le plus choquant de toute cette bataille fut sans aucun doute la blessure du General Johnston. Grièvement blessé par des projectiles de Shrapnels, il dû abandonner le commandement à son second, le temps du 1er Juin. Ce qu’il qualifia lui-même de « plus grande bénédiction pour la cause confédérée » conduisit à la nomination par le président Jefferson Davis du Full General Robert Edward Lee à la tête de l’armée de Virginie du Nord. Ce dernier se mit immédiatement au travail.

Depuis, plus aucun mouvement n’eut lieu sur cette partie du front. Les Nordistes se terrent derrière leurs positions qu’ils renforcent, McClellan demeurant convaincu qu’il faisait face à un adversaire nettement supérieur en nombre. Robert Lee, lui, ordonne à ses troupes d’élargir la ligne de défense vers le Nord, l’Est et le Sud de Richmond, creusant tranchées, redoutes, abattis et autres défenses rapides faites de terre et de bois. Il fait aussi passer de petites unités en boucle, tous les jours, en de multiples endroits bien visibles, pour continuer de tromper McClellan qui ne cesse de demander des renforts à Washington, s’aliénant toujours plus le président Abraham Lincoln.

Thomas, lui, était partagé entre la déception et la colère. Il avait parfaitement compris le plan de Johnston qui, sur le papier, avait toutes les chances de réussir et de détruire l’entière avant-gardes de l’Union – soit 30 000 soldats. Il connaissait son rôle, et celui des autres, mais le manque de communication entre les chefs d’unités, les initiatives individuelles non concertées et les velléités d’orgueil – notamment celles du Major General James Longstreet – le conduisirent à plusieurs accès de colères dans l’intimité de sa tente. Pourtant, nombreux furent les soldats – et officiers – à entendre les hurlements de Thomas dans les suites de la bataille, alors qu’il pestait contre ses supérieurs et ses frères d’armes. Il avait tenté de prendre plus d’initiatives et de contrebalancer les bêtises des autres commandants d’unités… Mais sans succès.

Officier d’infanterie, Thomas connaissait les bases de la fortification. Mais il n’était point un ingénieur militaire de formation. Celui qui dessina lui-même les traits de la nouvelle ligne de défense, n’était autre que Robert Lee que certains surnommaient déjà Lee la vieille bêche pour sa propension à enterrer ses armées et à creuser de très longues et épaisses lignes de défenses. Partout où il arrivait, il creusait. Et ici, ses ordres étaient simples : creuser, aménager et défendre. Pour un officier d’infanterie spécialisé dans l’attaque, ces temps d’attentes étaient ennuyeux et interminables. Fort heureusement, Thomas avait pu faire venir son épouse à plusieurs reprises, et ainsi, il pouvait tuer l’ennui là où ses soldats devaient se passer des leurs durant des mois et des mois. Finalement, au seizième jour du mois de Juin, un conseil d’état-major fut organisé par le General :

« Généraux, Colonels et officiers, bonjour. » Commença alors le Full General Virginien, s’installant devant une tablée avec une carte des lieux déjà dessinée de traits rouges et bleus, sur lesquels il allait déplacer des pions symbolisant tantôt une ligne d’infanterie, tantôt un regroupement de batteries d’artilleries, ou encore, des unités de cavalerie. « J’espère que vous allez bien aujourd’hui, car nous aurons bien des choses à discuter. Tout d’abord, j’aimerais un état des lieux de l’avancée de nos travaux. Colonel ? »

« Merci mon Général. » Répondit alors l’officier désigné d’un geste de la main par le Général en chef. « Les travaux avancent de manière adéquates. Nos ingénieurs ont su utiliser de manière fort habile les premières constructions du Brigadier General Magruder, et les développer pour en faire de véritables lignes qu’une poignée de soldats pourront facilement défendre. Conformément à vos ordres, Général, nous avons également poursuivi notre ligne de défense plus au Sud, vers Chaffin’s Bluff pour protéger notre flanc Sud, car l’ennemi à fait venir ses navires jusqu’au Nord de Petersburg. Nous estimons que d’ici les 6 à 10 prochains jours, la ligne sera entièrement prête pour faire face à un assaut Yankee. »

« Je vous remercie Colonel. » Répondit Robert Lee, lequel avait terminé de déplacer certaines unités sur cette carte épinglée sur la table devant lui. « Vous l’aurez compris messieurs, je désire assurer nos arrières face à un adversaire nettement supérieur en nombre, en canons et en munitions. Toutefois, je refuse de subir un siège. Notre ligne de défense ne sera tenue que par une petite partie de nos forces, le reste d’entre vous partira à l’attaque des troupes Nordistes. Je veux frapper leur flanc droit. » Il montre ledit flanc, sur la carte, avant de tendre sa main gauche vers un officier non loin, le Major General James Ewell Brown Stuart. « Ces derniers jours, j’ai ordonné à la cavalerie de notre estimé collègue ici présent, d’effectuer un large mouvement de reconnaissance autour des positions adverses. Et voici ses conclusions : l’aile droite de l’ennemi n’a presque pas bougé depuis les dernières batailles, au Nord de la rivière Chickahominy. L’ennemi, sur cette partie du front, n’est absolument pas protégé par des obstacles naturels ou artificiels. Lorsque le temps sera venu, le Lieutenant General Thomas Jackson emmènera une attaque de flanc depuis la Vallée de la Shenandoah dans laquelle il aura tant fait souffrir l’ennemi le mois dernier. Puis, nous repousserons l’ennemi dans une série d’attaques. Des questions ? »

« Oui mon Général. » Dit Thomas, se manifestant donc à son supérieur. « Ne craignez-vous pas que l’ennemi attaque la partie Sud de notre dispositif, si vous vous décidez à lancer une attaque globale sur le frontal ? Personnellement, c’est ce que je ferais ! »

« Excellente question Général, mais soyez sans crainte : McClellan est un attentiste doublé d’un lâche qui craint d’user de ses forces. Je doute qu’il tente quoi que ce soit autrement qu’une défense acharnée. Il ne fera rien, j’en suis tellement certains, que je ne garderais qu’un quart de nos effectifs le long de notre ligne de défense ! »

« McClellan n’a en effet jamais brillé autrement que par ses capacités à construire des ponts et à aménager de grands campements d’hiver… » Répondit Thomas, provoquant l’hilarité des membres de l’état-major qui, déjà, détestaient le Général en chef des armées de l’Union et aimaient à se moquer de lui. « Mais certains de ses officiers sont autrement plus offensifs que lui. Une initiative personnelle n’est pas à ignorer, tout comme le fait que, peut-être, le sort serait favorable aux Yankees, en faisant entendre raison à McClellan ou en le blessant au combat, l’obligeant à céder le commandement à quelqu’un d’autre. »

« Général… » Commença alors Robert Lee qui, sanguin, commençait déjà à s’énerver. S’il ne cédait pas encore à l’emportement à l’instant, ses colères étaient d’ores-et-déjà légendaires. D’aucun disait qu’il était impossible d’oublier son regard acier lorsqu’il était en colère contre vous. Et Thomas, à cet instant, pouvait voir naître les flammes bleutées au fond de ses prunelles azur. « Si vous craignez tant que cela le sort, remettez-vous en à Dieu. Et si vous êtes persuadé que quoi que ce soit arrivera, alors, je vous offre le commandement de la défense de cette partie du front. Mais, d’après les rapports du General Johnston et la réputation que vous font vos frères d’armes, vous êtes un officier offensif ! Alors, que choisissez-vous Général ? La défense ? Ou l’attaque ? »

« Mon Général, vous avez demandé s’il existait parmi les membres de votre état-major, des questionnements à vous soumettre. N’ayant pas été éduqué dans la lâcheté et le déshonneur, je vous ai posé mes questions. Et je vous ai fait part de mes doutes. Je suis, en effet, un adepte de l’attaque implacable ! Et, avec vous, j’attaquerais là où vous me l’ordonnerez. Mais n’attendez pas de moi un subordonné attentiste. Dieu me soit témoin, Général, je préfèrerais mourir en première ligne que de rester cacher derrière un bureau. »

Ils étaient peu nombreux à oser se tenir ainsi devant Robert Lee et à lui tenir tête jusqu’aux derniers retranchements de leurs positions. Mais Thomas, en faisant cela, ne venait pas de s’aliéner un adversaire imbattable : il venait de montrer au Général le plus prometteur de sa génération, qu’il était un officier sur lequel compter, et un maillon de cette importante chaîne.

Journal de guerre Szopar10



25 Juin 1862 | Théâtre Oriental des opérations | Campagne de la Péninsule.
Bataille des Sept Jours | Bataille d’Oak Grove.


Journal de guerre Seven_12


Les évènements s’accélérèrent subitement du côté des Nordistes. Les renseignements du Major General George McClellan étaient sans appel : Le Full General Robert E. Lee se prépare à faire mouvement et, au Nord, en provenance de la Vallée de la Shenandoah, les troupes confédérées menées par le très célèbre Lieutenant General Thomas « Stonewall » Jackson font route pour revenir défendre Richmond et menacer le flanc droit de l’armée Nordiste. Voyant cela, et comprenant que l’initiative ne tardera pas à se dérober à lui s’il continuait à attendre et laisser les rebelles se renforcer, McClellan décide d’attaquer.

« L’ennemi nous attaque ! » S’exclama un officier, un colonel, membre de l’état-major du Lieutenant General James Longstreet. Ses yeux exorbités transpiraient la peur et l’incompréhension. « Que devons-nous faire Général ?! »

« Allons, allons, Colonel ! Pas d’inquiétude. Nous ne pensions visiblement pas McClellan capable d’une telle initiative… Mais il l’aura fait ! Finalement, il attaque ! Messieurs, j’attends une initiative de votre part ! »

Longstreet et ses officiers d’état-major étaient à quelques mètres seulement des lignes confédérées. Les soldats étaient protégés par quelques abattis et des fossés et terres, massés presque au coude à coude les uns à côté des autres. Les canons étaient positionnés sur les obstacles, permettant aux fusiliers une visée stable et un tir facilité. Au loin, devant eux, trois brigades Nordistes – soit environs 12 000 soldats – s’avancent, en rangs serrés et au son des tambours et des trompettes et autres cor, rythmant la marche d’accents militaires qui paraitraient magnifiques aux yeux d’un militaire.

Ainsi aux premières loges, Thomas pouvait voir les toutes premières lignes Unionistes traverser la petite forêt qui séparait les deux camps sur à peine un kilomètre. Un regard sur sa droite, puis sur sa gauche, et l’officier comprit. McClellan avait une idée derrière la tête, bien évidemment, et il avait un plan pour amener cette attaque.

« Attaquer à travers une forêt de chêne est intelligent, je dois bien le lui accorder. Mais je crois que McClellan poursuit un tout autre but : pour faire le siège de Richmond, il lui faut des positions en hauteur et à proximité de la ville. De plus, s’il prend notre position… Il pourra enfoncer notre ligne depuis deux directions opposées et obtenir un mouvement croisé. Malin… Très malin… »

« Belle analyse de tactique militaire Général, mais que me conseillez-vous ? » Demanda Longstreet, impatient, mais surtout, encore en colère contre Thomas qui lui avait tenu tête durant les derniers combats. « Vous devez bien avoir une idée ? »

« Défendre, puis contre-attaquer avec férocité. Voilà mon conseil. »

« Etonnant. » Répondit alors Longstreet dans un sourire mesquin. « Eh bien, faite ! »

Ne demandant pas son reste, Thomas descendit de la petite position où se trouvaient les autres officiers, et distilla certains de ses ordres. Il manda quelques ordonnances, afin d’assurer la communication et la coopération entre les unités qui seraient situées sur son flanc droit. Il fallait agir de concert, suffisamment pour pouivoir faire face aux assauts adverses et les transformer en opportunités militaires afin de tuer dans l’œuf le projet de McClellan

« Soldats ! Serrez les rangs ! Je veux deux lignes de feu roulant ! Une volée par rang, sur ordre ! Soldats… Soyez prêts ! » Hurlait-il à pleins poumons en remontant une partie de la ligne, avant de se positionner juste derrière les soldats. Il patienta que les troupes Unionistes soient à portée et, lorsqu’ils furent à moins de deux cent mètres… « En joug ! Feu ! »

La volée n’était pas la plus synchronisée, mais les dégâts furent tout de même impressionnants. Les détonations firent trembler la terre, déformèrent les airs l’espace d’un instant et provoquèrent un tel panache de fumées et de poudre, que l’air en devint soudainement irrespirable. Se dispersant, la fumée de poudre noire laissait place à un forêt aux chênes impactés et à quelques rangs bleutés qui, encore, continuaient d’avancer. Certes, certaines balles trouvèrent leurs buts, et s’enfoncèrent non pas dans l’écorce d’un tronc mais dans les corps de soldats meurtris… Lorsque le premier rang se retira pour recharger, le second prit place, et se mit en joug. Laissant les brigades Yankee approcher un peu plus près afin de s’éviter l’affront de voir sa volée de balles arrêtée par des troncs d’arbres, Thomas donna à nouveau l’ordre d’ouvrir le feu.

Cette fois-ci, la volée fut parfaitement synchronisée, et la proximité des troupes Unionistes ne leur laissa que très peu de chances de survie. Les rangs unionistes s’éclaircirent soudainement alors que les soldats tombaient, tués ou blessés, les survivants refluant pour se mettre relativement à l’abri quelques centaines de mètres derrière. L’attaque arrêtée, Thomas ne se fit pas prier pour lancer, de son côté, sa propre contre-attaque. Tirant son revolver, et dépassant le talus et les abattis, il hurla l’ordre d’attaquer.

En rangs et en marche rapide, les soldats se déplacèrent tel un seul homme, en deux rangs compacts. Ils avancèrent encore, et encore, au cœur de cette forêt épaisse, s’approchant puis dépassant les cadavres et les blessés aux uniformes bleutés. Il dépassa ce reliquat de ligne Nordiste, et avança encore de plusieurs dizaines de mètres avant de s’arrêter, à moins de deux cent mètres des Nordistes qui avaient fait demi-tour pour se reformer. Conscient qu’ils avaient eu le temps de recharger leurs armes, le Général confédéré décida de ne pas laisser l’initiative et ordonna de nouveau deux salves de tirs. La première fit encore une fois peu de dégâts étant donné l’intrication des arbres, et le seconde, sans doute encore moins. Immédiatement après, il reprit l’avancée. Et, comme cela était devenu une habitude dans cette guerre, ce fut au tour des Nordistes de faire feu.

Le feu Nordiste avait beau avoir été amputé par une partie de ses effectifs, tombés ou blessés, Thomas était heureux de voir que les troncs d’arbres étaient autant une couverture pour les soldats ennemis que ses propres gars à lui. Devant lui, les détonations créèrent un épais nuage de fumée blanche, et le claquement des balles à ses oreilles lui fit presque perdre l’équilibre. Autour de lui, certains soldats tombaient, parfois en silence, parfois dans d’atroces hurlements, alors qu’ils étaient touchés, gravement blessés ou tués sur le coup. Ils continuèrent leur avancée, et, là encore, la seconde volée Unioniste préleva son lot de morts et de blessés. Une balle, d’ailleurs, siffla si proche de son visage, que Thomas pu ressentir la morsure de sa chaleur. L’ogive, chauffée à blanc dans le canon rayé de fusil à percussion, laissa son empreinte thermique le long de la joue du Général qui se trouva fort chanceux de ne point avoir reçu cette balle dans le visage, ou pire, dans le crâne. Mais, l’homme derrière lui n’aurait point autant de chance : la balle entra droit entre ses deux sourcils, et l’homme, tué sur le coup, s’effondra tête la première dans le sol alors que, emporté par son élan, son corps manqua presque de passer par-dessus sa tête dans un mouvement grotesque de pantin désarticulé.

A son tour, Thomas s’arrêta et ordonna que l’on recharge les fusils. Il s’attendait à ce que la ligne Nordiste reprenne l’avancée. En faisant cela, ils obligeraient les confédérés à cesser le rechargement des fusils pour battre en retraite, pour éviter tout risque de combat au corps-à-corps. Mais, ils n’en firent rien. A la place, ils restèrent-là, à recharger eux aussi leurs propres fusils. Il fallait dire que l’absence de soutien de l’artillerie – à cause de l’épaisseur de la forêt – demandait une autre adaptation des techniques de combat. Plus rapides, les rebelles furent les premiers à faire feu sur ordre de Thomas à nouveau. Le premier rang, tout d’abord, immédiatement suivi du second, provoquant deux feux de volées qui, à nouveau, provoquèrent morts et tourments dans les rangs Unionistes.

« A l’assaut ! »

L’ordre avait été donné. Ni une, ni deux, les troupes rebelles baissèrent leurs canons de fusils et présentèrent leurs baïonnettes en direction de l’ennemi. Au pas de charge, ils avancèrent tant et si bien, qu’ils ne permirent aux fusiliers Nordistes de ne tirer qu’une seule salve seulement, avant de déguerpir pour éviter de se trouver en un guêpier monstrueux. Exultant, Thomas hurla, haranguant ses troupes qui prirent place là où se trouvaient l’ennemi juste avant.

« Ordonnance ! » Ordonna-t-il. « Transmettez ce message au Général Longstreet ! Avons repoussé l’ennemi sur toute la ligne ! Demandons renforcement sur flanc droit, pour consolidation de la position. Demandons également renforts pour poursuite de la contre-attaque. »

L’ordonnance prit ses jambes à son cou, et, faisant demi-tour, s’enquit de trouver le commandant du corps d’armée duquel dépendait Thomas, pour établir la communication. Le Brigadier General, lui, décida de séparer ses troupes en deux colonnes. Une tiendrait le frontal, car il espérait une contre-attaque. La seconde, bifurquerait sur sa droite, afin de surprendre l’ennemi dans un mouvement qu’il n’attendrait pas et de l’obliger à battre en retraite sur l’entièreté de la ligne d’attaque Nordiste. La contre-attaque advint, mais de manière si désordonnée, qu’elle ne fut point un réel danger pour les troupes de Thomas, correctement établies et enfoncées dans la forêt de chêne.

Les combats cessèrent soudainement en milieu de matinée, lorsque les troupes Unionistes se reculèrent sur l’ensemble de la ligne de combat. Recevant des messages alarmistes par télégraphes – car il se trouvait à plus de quatre kilomètres des lieux de combats – McClellan avait ordonné l’arrêt de l’offensive, sans pour autant connaître l’exactitude de la situation. Il se déplaça lui-même au front, et arriva à 13 heures de l’après-midi. Là, il comprit que le désastre annoncé n’était en réalité pas en train de se jouer, et que, pour le moment, il était encore possible d’attaquer les confédérés.

Toujours au front, au-devant des lignes de défenses, Thomas fut le premier à subir ces contre-attaques Nordistes. Par quatre fois, il repoussa les Yankees. Une fois, il vit l’opportunité de contre-attaquer, mais fut reçu par la mitraille Nordiste qui l’attendait à l’orée du bois. Réchappant à la mort de peu – car un pauvre soldat avait reçu les balles de Shrapnel tirées par un cannister Unioniste – Thomas Powell comprit que la ligne ne saurait être prise frontalement sans l’aide de l’artillerie confédérée, réduite au silence à cause de la topographie environnante. Il ordonna alors… La retraite. Et ce, jusqu’aux lignes de défense desquelles il avait lancé la contre-attaque au matin, abandonna les cadavres de ses compatriotes sur le terrain. Là, à nouveau, il fit demi-tour, et se stoppa. Aidé par les reliefs et les défenses construites par les terrassiers de Robert Lee, le Virginien et ancien élève de West Point stoppa l’attaque ennemie qui s’arrêta à la tombée de la nuit.

Il ne le savait pas, mais cette offensive Nordiste serait la seule de la semaine à venir. Comme l’avait dit Robert Lee, il ne comptait pas attendre un siège, mais prendre l’initiative et la garder sans la lâcher. Au cours de cette semaine durant laquelle s’enchaîneraient les batailles, les confédérés ne cesseraient jamais d’attaquer les Nordistes de McClellan, les poussant à la retraite stratégique. Les pertes de ces batailles successives feront passer celles du cette première journée du 25 Juin pour une simple escarmouche. Et pourtant : 441 soldats confédérés furent tués, blessés ou portés disparus, et 626 autres du côté des forces de l’Union.
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t797-dear-secessia https://crimsontown.forumactif.com/t808-thomas-w-powell#9309
Thomas W. Powell
Le Général Déchu
Thomas W. Powell
Date d'inscription : 28/02/2024
Messages : 73

Feuille de personnage
Disponibilité RP:
Dialogue: #
Age: 45
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
Le Général Déchu
MessageSujet: Re: Journal de guerre   Journal de guerre EmptyVen 5 Avr - 18:55


26 Juin 1862 | Théâtre Oriental des opérations | Campagne de la Péninsule.
Bataille des Sept Jours | Bataille de Beaver Dam Creek.




La bataille de la veille n’avait conduis à absolument rien. Si, dans les faits, les forces Nordistes avaient conquis environs un demi kilomètre de terrain boisé – principalement la petite forêt dans laquelle ils s’étaient battus – en réalité, la victoire n’appartenait à aucun des deux camps.

L’offensive Nordiste avait été stoppée. Et le terrain conquis, d’aucune importance stratégique. Le plan du Major General George McClellan visant à bombarder Richmond avec des pièces d’artillerie de gros calibre, tombait à l’eau, car son offensive du 25 Juin lui avait coûté plus de 600 soldats pour seulement 500 mètres de terrain conquis. Bien que ces pertes soient « ridicules » en comparaison de la taille de l’armée du Potomac – plus de 104 000 soldats – elles avaient profondément entailler la faible détermination du Général en chef des armées de l’Union qui, dorénavant, n’avait qu’une idée en tête : se replier en bon ordre afin de retourner plus loin, au Nord.

Le Full General Robert E. Lee, quant à lui, avait aussi perdu un peu de moins d’un demi-millier d’hommes. Mais, contrairement à son adversaire, le commandant en chef de l’armée de Virginie du Nord ne comptait pas s’arrêter là et comptait poursuivre l’offensive encore et encore, gardant pour lui l’initiative, pour ne plus jamais la lâcher. Il avait ainsi prévu un plan d’attaque pour le 26 Juin, et celui-ci était très simple.



Journal de guerre Seven_12



« Mes amis, nous n’avons pas beaucoup de temps alors, allons-y ! » Dit alors Robert Lee, au beau milieu de la nuit, alors que l’atmosphère ambiante était remplie des bruits des pas des armées en mouvements. Au rythme des marches forcées, les milliers de soldats qui avançaient dans la musique de quelques tambours et de quelques flûtes militaires, passaient non loin des différents quartiers généraux, lesquels, eux aussi, se délocalisaient à mesure qu’avançaient les armées le long de ce petit front. Le cliquetis des pièces d’artilleries attelées aux caravanes tirées par des chevaux épuisés, rendaient à cette nuit sombre d’un été chaud, des airs d’enfer sur terre. « Demain, je veux que nous reprenions l’offensive. Le Lieutenant General Thomas « Stonewall » Jackson, revenu de la Vallée de la Shenandoah, devra frapper le flanc droit des Unionistes par une attaque vigoureuse et implacable, dès les premières lueurs du jour. Vous serez aidé par le Major General Ambrose Powell Hill qui, lui, devra attaquer frontalement les troupes Unionistes. Les Generaux D.H. Hill et Longstreet devront, eux, soutenir l’assaut par des manœuvres frontales. Je compte sur vous pour vous coordonner suffisamment pour emporter ces attaques et les mener à bien. Vous connaissez vos ordres ! Exécution ! »

Cette fois-ci, Thomas n’eut ni questions ni interrogations. Sa seule frustration fut de ne point être parmi les attaques, frontales ou de flanc, et de ne servir que d’aide… Mais l’attaque de la veille parlait pour lui : il avait, à lui seul, enfoncé les lignes ennemies de plusieurs centaines de mètres, jusqu’aux lignes de départ des troupes du Nord, avant de devoir battre en retraite face à la puissance de feu de l’artillerie fédérale. Il avait fait sa part, et il le savait : l’attaque fédérale avait été repoussée en grande partie grâce à ses Virginiens, et pour cela, il était déjà cité dans les rapports quotidiens du chef des armées confédérées, Robert Lee.

Ce qui s’apparentait à un plan sans accros, devint, en réalité, une terrible déception pour les Sudistes. Aux premières lueurs du jour… Rien n’advint. Durant toute la matinée, rien n’advint. Au début de l’après-midi, rien n’advint non plus. Plus les heures avançaient, plus l’exaspération du General Lee augmentait et plus l’impatience des officiers s’accentuait. Thomas, surtout, n’en finissait plus de pester, s’énerver, insulter et de remonter les lignes encore et encore, attendant l’assaut de Stonewall Jackson afin de servir de distraction.

Thomas voulut rejoindre Robert Lee et demander l’envoie d’une ordonnance ou d’un messager ou… De lui-même, pour savoir ce qui se passait du côté de Jackson et ce qui expliquait cette inaction… Mais Lee refuse, et ne fait pas chercher Jackson. Ne comprenant pas cela, Thomas quitta le quartier général de Lee en hurlant… Mais cela n’y changea rien.

Le seul qui fit ce qu’il était censé faire, était le Général A.P. Hill qui, en fin d’après-midi, lança sa division à l’attaque contre un nombre égal de soldats fédéraux. Retranchés derrière un cours d’eau, ils donnèrent l’enfer sur les troupes confédérées qui avançaient encore et encore. L’assaut ne se termina qu’en fin de journée, alors que la nuit tombait : Jackson n’avait pas avancé d’un pouce, et n’avait donné aucune nouvelle, et A.P. Hill, quant à lui, perdit presque 1500 soldats dans ces assauts frontaux, violents et, finalement, sans buts. Face à eux, les fédéraux, eux, ne perdirent que 160 soldats, tués, blessés et disparus. Une journée sanglante pour les confédérés, qui n’apporta aucune réussite d’aucune manière.

La seule bonne nouvelle qui advint de toute cela, fut l’effet de cette offensive sanglante sur le moral des fédéraux. McClellan refusa de lancer une contre-attaque et, sachant l’arrivée prochaine de Jackson sur son flanc droit, ordonna aux troupes fédérales de cette partie du front de reculer de six kilomètres pour gagner une position fortifiée. La retraite Unioniste était amorcée, et, ce faisant, le siège de Richmond était définitivement abandonné. L’ascendant psychologique était définitivement du côté des confédérés… Mais Thomas, frustré et profondément en colère, attendait de prendre sa revanche.
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t797-dear-secessia https://crimsontown.forumactif.com/t808-thomas-w-powell#9309
Thomas W. Powell
Le Général Déchu
Thomas W. Powell
Date d'inscription : 28/02/2024
Messages : 73

Feuille de personnage
Disponibilité RP:
Dialogue: #
Age: 45
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
Le Général Déchu
MessageSujet: Re: Journal de guerre   Journal de guerre EmptyVen 19 Avr - 17:35

27 Juin 1862 | Théâtre Oriental des opérations | Campagne de la Péninsule.
Bataille des Sept Jours | Bataille de Gaines’s Mill.




Journal de guerre Seven_12

La nuit avait été longue pour Thomas. La journée de la veille avait été des plus frustrantes et des plus désagréables pour le jeune Brigadier General Virginien qui n’avait fait que pester, encore et encore, contre l’inactivité de certains de ses supérieurs. Les pertes confédérées furent énormes, plus d’un millier d’hommes, contre à peine le dixième de cela du côté des fédéraux. L’assaut meurtrier causé par l’inaction d’un corps d’armées tout entier couplé à une communication plus que défectueuse, provoqua ce désastre qui mit Thomas dans une colère sombre. On l’entendit hurler dans sa tente durant de longues heures, avant qu’enfin, le calme ne revienne… Et que l’ombre de la colère ne laisse place à la lumière d’une lampe à huile dans la tente du général. Là, durant une grande partie de la nuit, il détailla les cartes de la région qui, malheureusement, n’étaient ni les plus précises ni les plus récentes. Car ces cartes ne provenaient point des bureaux militaires, mais de certaines mairies, et autres cabinets d’études privées versés dans l’immobilier et autres secteurs fonciers. Désuètes, ces cartes étaient tout simplement inutiles… Mais les Confédérés n’avaient guère d’autres choix. Fort heureusement, certaines unités pouvaient compter sur des soldats natifs de cette partie de la Péninsule de Virginie, quand bien même ces derniers ne soient pas les plus nombreux.

Au lendemain, le 27 Juin, le Full General Robert E. Lee ne convoqua aucune réunion d’état-major, préférant cette fois donner ses ordres via des ordonnances traditionne lles, là où les Fédéraux usaient de réseaux mobiles de télégraphie. La beauté des avancées technologiques, au service d’une armée, voilà ce que possédaient les Fédéraux. De meilleurs canons, de meilleurs fusils, de meilleures munitions, de meilleures fournitures… Et toutes les dernières technologies en matière de communication et d’ingénierie militaire, et tout cela, en quantités industrielles. En comparaison avec les états sécessionnistes, la guerre économique était d’ores-et-déjà perdue. Oh, ils s’industrialisaient eux aussi – ce qui était une gageure obligée car ceux qui se battaient pour défendre un idéal agraire reposant sur la manufacture humaine et esclavagiste d’un pays agricole avait besoin d’industries et de machines pour soutenir l’effort de guerre – et donc, d’une certaine manière, ils reconnaissaient à ces techniques industrielles du Nord une utilité et une importance galopante… En somme, ils creusaient leur propre tombe.
« Général ? » Demanda le Major General Longstreet à Thomas, tous deux présents sous la toile de tente de leur état-major alors que l’aube pointait à peine à l’horizon. Pour les deux officiers, la nuit avait été plus que courte. « Bien dormi ? » Demandait-il, une tasse de café dans la main alors que l’aube, froide, laisserait bientôt place à une chaude journée d’été. « Nombreux sont ceux qui vous ont entendus maugréer dans votre tente hier soir. Voulez-vous partager le fruit de votre colère, général ? »

« Vous savez très bien d’où cela vient Général. Ne m’insultez pas, je vous prie. Tout comme je ne me permettrais pas de vous insulter en vous donnant le fond de ma pensée sur les évènements d’hier. » Répondit Thomas, lui aussi une tasse de café – ou de gruau de café – entre les mains. « Quels sont les ordres aujourd’hui ? »

« Les mêmes qu’hier. Nous reprenons l’assaut sur le flanc gauche des unités fédérales qui sont au Nord de la rivière Chickahominy, par des attaques de diversion tout d’abord. Le gros de l’attaque doit venir de Jackson et de Hill, plus au Nord, et sur le flanc droit des armées ennemies commandées par le Brigadier General Porter. Et, si l’ennemi tombe dans le piège et se masse contre Jackson, notre diversion doit devenir une véritable attaque. »

« Quel sera mon rôle, Général ? » Demanda alors Thomas.

« Cette fois-ci, le vieux Lee à fait masser toute autre armée, à l’exception des forces du Brigadier General Magruder qui tient notre flanc Sud et les fortifications, au cas-où les tuniques bleues se décident à nous attaquer sur un autre flanc pour soulager la pression que nous mettons au Nord. Au total, nous disposons d’environs 92 000 soldats, ce qui réduit l’avantage Nordiste dans cette bataille. Je vous retire donc le commandement de votre division, et vous veut avec moi dans cette gestion. Tant que nous devrons faire… Semblant d’attaquer, je vous veux dans nos lignes. Dès que l’occasion se présentera, vous vous lancerez à l’assaut avec toutes les unités dont je dispose, et que vous pourrez rallier. »

« Je pourrais faire cela à la tête de ma division, Général. Je serais même sans doute plus efficace à la tête d’une division. La mienne ne fait état que de 5000 soldats, et je serais beaucoup plus malléable et adaptable avec un tel nombre de soldat, plutôt qu’avec votre corps d’armées qui en comporte 15 000. Vous ne croyez-pas ? »

« Général… » Reprit alors Longstreet, massant ses orbites dans un signe de fatigue mais aussi de frustration évidente. « La journée d’hier était catastrophique, car nous manquons de communication. Lee à beau être notre chef, il n’écoute que lui-même. Je suis plus vieux que lui dans cette armée, et je mérite plus sa place que lui-même… C’est pour cela que je vous veux vous, au combat, et moi, en arrière. Je gèrerais les ordonnances et les messages, et peut-être qu’aujourd’hui, Jackson se décidera à bouger… »

« Bien mon Général. » Répondit alors Thomas, finissant alors son gruau de café. « A vos ordres, mon Général. »

« Mettez les troupes en ordre de marche. D’après nos reconnaissances, l’ennemi s’est éloigné d’environs 6 kilomètres vers l’Est. Nous devons donc poursuivre notre ennemi avant de lancer l’offensive. Forcez la cadence, et nous commenceront le combat en début d’après-midi, avec un peu de chance. »

« A vos ordres ! »

Thomas quitta alors son supérieur avec une sorte sans réellement savoir s’il devait blâmer ce dernier pour sa prise de position, ou le remercier pour la confiance qu’il plaçait en lui. Lui confier le commandement d’autant de soldats pouvait être inquiétant, mais surtout, cela voulait aussi dire qu’ils risquaient, tôt ou tard, de se marcher sur les pieds. Le chef de ce corps d’armée était Longstreet, mais voilà qu’il déléguait le commandement offensif dudit corps d’armées, à son adjoint. Nul doute que cela pourrait porter à confusion à l’avenir… Thomas s’en inquiétait, bien-sûr… Mais puisqu’on lui permettait de reprendre l’offensive au moindre signe de faiblesse de l’ennemi, alors, il le ferait. Et cela aurait tôt fait de le satisfaire.

Alors, il appliqua les règles. Faisant donner du clairon dans toutes les parties du camp aux environs de Méchanicsville, obligeant les retardataires – car nombreux étaient les soldats à se lever aux aurores – à se réveiller brusquement, et à faire encore plus rapidement, leurs bagages pour reprendre l’offensive. Des clairons, il passa ensuite aux ordres donnés de vive voix : il parcourait les rangées de toiles de tentes, les bivouacs, faits ça et là de petits feux de bois et de fusils posés en faisceaux. A chaque pas, il hurlait ses ordres :
« Réveillez-vous ! Réveillez-vous ! Vous avez trente-minutes pour remplir votre estomac et défaire le bivouac ! Nous reprenons l’attaque aujourd’hui et nous avons du chemin à faire ! Bougez-vous, nom de Dieu ! Bougez-vous, et rendez la Virginie fière de vous et fière de nous ! »

Ça et là, il ouvrait la toile de tente, hurlant en-dedans pour terminer de réveiller quelques gros dormeurs. D’autres fois, il secouait la tenture, retirant les sardines pour que celles-ci s’affaissent sur les dormeurs ou les récalcitrants – car ils restaient des rebelles… Mais, enfin, au bout de trois quart d’heure, tout était prêt.

Faire ainsi se mouvoir une armée n’était pas chose aisée. A cette époque de la guerre – qui se déroulait depuis déjà une année – les armées des deux camps ne s’étaient encore pas dotés de véritables hôpitaux, ni de véritables commissions d’hygiènes et d’améliorations de l’ordinaire. Les troupes étaient souvent malades, atteintes du typhus, du choléra ou paludisme. Les maladies tuaient plus de soldats que les combats, durant les phases d’attentes… Toutefois, pour améliorer l’ordinaire, les soldats disposaient de systèmes postaux performants, de boutiques, de commerces, de coiffeurs et barbiers, et des initiatives personnelles comme la chasse par exemple. Nombreux étaient les soldats qui, dans la vie civile, étaient des agriculteurs ou des éleveurs. L’entraide était telle dans cette armée pourtant rebelle, et plus encore avec les habitants de l’état de Virginie, que les cas d’échanges et de dons étaient difficiles à compter : là, une épouse Sudiste donnait de bon cœur plusieurs bœufs pour nourrir les soldats ; ici, une autre faisait don de porcs, de volailles et de légumes. Mettre tout ce petit monde en ordre de marche n’était donc jamais réellement aisé.

Mais enfin, ils y parvinrent. S’étira alors sur une longue route, le corps d’armée de Longstreet, mené par Thomas lui-même. Droit sur son beau cheval, il donnait le rythme de la marche à suivre, protégée – ou devancée – par une avant-garde d’éclaireurs et de tirailleurs. Fusils à l’épaule, coudes en angles droits, les canons équipés de baïonnettes dépassaient presque Thomas, et le bruit des talons frappant la terre rendait à l’instant des airs… Graves. Les tambours de guerres frappaient, eux aussi, à l’unisson, donnant le rythme à cette marche infernale : il fallait avaler les six kilomètres le plus rapidement possible, avec plusieurs milliers de soldats les uns derrière les autres, sur des routes de terres et de poussières, chaotiques et caillouteuses, parfois encore pleines de boue à cause des pluies passées. De larges trous – provoqués par les batteries d’artilleries tractées par parfois huit à dix chevaux – provoquaient parfois des ralentissements, alors qu’un soldat tombait dedans, de la boue jusqu’aux genoux, ralentissant la cadence, obligeant alors à faire attention aux suivants qui pourraient lui marcher dessus ou chambouler toute la colonne.


Journal de guerre Gaines10


Au fur et à mesure qu’ils approchaient, ils pouvaient entendre les premières prémisses de la bataille. La canonnade ne fit que s’accélérer et s’accentuer, à mesure que les premiers contacts s’établissaient entre les troupes. A deux-heures et-demi de l’après-midi, les troupes menées par le Major General Andrew Powell Hill attaquent… Seules. Encore une fois, le Lieutenant General Stonewall Jackson est en retard, et A.P Hill attaque sans l’attendre. Soutenu par quelques batteries d’artilleries, et par celles de D.H. Hill, les assauts sont sanglants…

Une des unités de A.P. Hill, une compagnie de soldats de Caroline du Sud, perd 54% de ses effectifs en un seul assaut… Tous se battent non pas contre un ennemi en retraite, comme cela était prévu, mais contre un adversaire retranché derrière des renforts naturels, et des marais rendant les déplacements lents et difficiles. Profitant en plus de certaines hauteurs, les fusiliers fédéraux font mouche à chaque tir ou presque, et infligent de grandes pertes dans les rangs des rebelles.

Le tumulte de la bataille n’eut cependant point l’effet escompté sur le ressenti et les sentiments de Thomas. Point effrayé, ou anxieux, ou dans l’appréhension, il désirait plutôt arriver au plus vite et faire partie de tout cela. Il voulait se battre… Et bien qu’il sache que certains de ses hommes, eux, avaient peur de perdre la vie en ce jour, il était bel et bien décidé à les mener au combat, quoi qu’il arrive et quoi qu’il lui en coûte.


Journal de guerre Gaines11


Lorsqu’enfin, Thomas et Longstreet arrivent sur la droite des troupes de A.P. Hill, il est trois-heures trente de l’après-midi. Les pieds endoloris par une marche forcée, les soldats ne tardent point à se mettre en position sur le flanc gauche des fédéraux, de l’autre côté des marais. S’ils peuvent profiter d’une position haute, pendant un temps, les deux généraux se rendent compte d’une chose : pour rejoindre les lignes des tuniques-bleues, ils doivent parcourir 400 mètres de champs de blés, puis atteindre les marais, les traverser pour ensuite faire face à deux lignes de soldats fédéraux, situés plus hauts que les rebelles, et donc, capables de faire d’énormes dégâts.
« Nous ne pouvons pas attaquer seuls… » Dit Longstreet, scrutant les lieux aux jumelles. Il regarda ensuite sur la ligne, voyant alors certains étendards, et comprenant que Jackson n’était pas là.

« Nous pouvons… Mais ce serait du suicide, Général. Que fait Jackson nom de Dieu ! »

« Dieu seul le sait mon ami… Ordonnances ! » Un soldat se présente. « Tenez ! » Il griffonne quelques lignes sur un bout de papier, depuis sa selle, et le tend au soldat qui attend sa mission. « Faites parvenir ça au Général A.P. Hill voulez-vous ? Il doit savoir que nous sommes arrivés sur son flanc droit. Faites-lui aussi savoir que nous n’attaquerons que lorsque Jackson sera présent… Ce serait du suicide, autrement… »

Rongeant son frein, Thomas poursuivit l’organisation des futures attaques. Les divisions s’établirent alors sur deux lignes, et avancèrent jusqu’au milieu des champs de blés. Plutôt à couvert, et menacés par peu de canons de l’Union – massés au centre des lignes pour l’instant – ils entamèrent leurs missions de harcèlement de l’ennemi. La manouvre s’apparentait davantage à la guerre de Guérilla qu’autre chose : de petites lignes de quelques dizaines de soldats s’avançaient, parcourant ça et là entre 50 et 100 mètres, s’établissaient derrière des barrières et des haies, tiraient une à deux salves, et battaient en retraite, pour être remplacées sur une autre partie de la ligne par d’autres petites unités. Si ces volées ne firent que très peu de victimes – sans doute les malchanceux fédéraux qui allaient de ligne en ligne ou qui montraient un bout de torse ou de membre au mauvais moment – elles eurent au moins le mérite de forcer la réorganisation des lignes de l’Union, alors que leur commandant, le Brigadier General Porter comprenait qu’il risquait d’être encerclé s’il ne faisait pas attention. La situation ne s’améliora point, avant le début de soirée.


Journal de guerre Gaines13


Enfin, à dix-neuf heures ce soir-là, la situation changea. Il fallut attendre la fin d’après-midi pour que Stonewall Jackson arrive sur sa partie désignée du front. Ses soldats, épuisés par une marche erronée et une contre-marche faite à vitesse forcée, se mettent en position. Si, là encore, les premiers ordres sont d’une confusion extrême et conduisent à des assauts sporadiques qui tiennent plus aux coups de feu dans le lointain et sans grands dangers pour l’un ou l’autre des deux camps que pour de véritables volées rangées meurtrières, la rencontre entre Lee et Jackson permet enfin de rétablir les choses. Il faudra encore plusieurs heures, pour que les ordres de Lee soient ensuite distribués aux autres généraux de cette partie du front, mais, enfin, à 19h ce soir-là, l’assaut général fut lancé.

Comme convenu, Thomas quitta les côtés de Longstreet sitôt l’assaut lancé. Positionné au milieu du dispositif, sur son fidèle destrier, Thomas avançait fièrement. Les rangs serrés des soldats Virginiens qui s’étendaient à sa droite et à sa gauche, donnaient du talon comme les tambours donnaient du rythme. Les baïonnettes, dressées vers les cieux, rendaient des milliers de reflets d’un soleil couchant aux couleurs chatoyantes, tel autant de phares dans un ciel au soleil couchant. Magnifique… D’une martiale beauté…

« Dommage qu’il faille amocher ce tableau martial avec des balles… » Pensait alors le Général, regardant à sa droite et à sa gauche, gardant son pistolet à six coups pointé vers le ciel, le bras proche du corps.

Les hauts champs de blés rendaient la marche parfois chaotique. Certains rangs se déformaient, d’autres partaient trop à droite, rencontrant la ligne voisine, provoquant quelques accidents de marches et obligeant Thomas à doubler le galop pour remettre tout le monde dans le droit chemin. Mais, enfin, ils quittèrent ce champ de blé qui s’étendait alors loin derrière eux, et arrivèrent à l’orée du marécage… Et donc, à portée de tir des premières lignes fédérales. Marchant aux rythmes cadencés des marches militaires, fusils aux épaules, les rebelles avançaient, coudes-à-coudes, sans failles ni craintes.

Devant eux, pourtant, s’affairaient les fusiliers des troupes fédérales. Eux aussi assistés des tambours et des flûtes militaires, ils couraient ça et là, derrières leurs rocs et leurs talus creusés à la hâte, la terre encore humide sur le dessus des parapets. Ils devaient sans doute à peine terminer de creuser, quelques minutes auparavant. Et, maintenant, ils se préparaient à défendre chèrement cette parcelle de territoire capturée tout en sachant que, loin derrière eux, à plusieurs kilomètres sur leurs arrières, le Major General George McClellan avait déjà ordonné la retraite de son état-major pour la côte Sud de la Péninsule, le long de la James River et à proximité de Malvern Hill. La plupart d’entre eux ne voulait pas se battre et mourir pour cette parcelle de terrain déjà abandonnée par leur général en chef… Mais, pourtant, c’est ce qu’ils allaient devoir faire.

Lorsque les troupes rebelles arrivèrent à moins de cent mètres des lignes fédérales, et entrèrent dans l’eau jusqu’à mi-mollets, une détonation digne d’un orage déchira les airs. Aussitôt, les balles se mirent à siffler de toutes parts, claquant aux oreilles, sifflant aux tympans, et, pour beaucoup, meurtrissant les torses, les ventres, les bras et les jambes. A peine cette volée avait-elle détruit autant les corps que les oreilles des marcheurs offerts en pâtures, que deux autres détonations, plus lointaines mais autrement plus graves et sourdes, déclenchèrent deux explosions assourdissantes. Ces obus à percussions éclatèrent au beau milieu de la descente des champs, soit derrière la première ligne d’attaque et aux pieds de la seconde ligne. Légèrement en hauteur par rapport aux troupes du Sud, les fédéraux pouvaient assister à ce spectacle macabre comme l’on assiste à une pièce de théâtre… De leurs rangs s’élevèrent alors plusieurs clameurs, les unités s’encourageant les unes les autres.

Mais Thomas ordonna la poursuite de l’assaut. Toujours à cheval, l’officier général exhortait ses troupes à avancer, hurlant sa rage et sa détermination fanatisée, ses yeux bleus dardant de véritables éclairs. Tous pouvaient le voir et le comprendre : Thomas était un combattant né, et un ardent guerrier. Au milieu de la bataille, ses yeux s’illuminaient d’une lueur mauvaise, et il transpirait l’amour pour la bataille. La mort autour de lui, il n’en avait cure : ainsi allait la guerre, ainsi allaient les choses. Il avancerait coûte que coûte… Et ses troupes aussi. L’organisation était ainsi faite : le terrain gagnant en altitude, la première ligne devait continuer à avancer jusqu’à atteindre les lignes ennemies, ou se replier sur ordre ; dans le même temps, la seconde ligne, légèrement en retrait et en contre-bas des soldats fédéraux, offraient un minimum de couverture aux attaquants en tirant volées sur volées sur les premières lignes ennemies, tuant les soldats ou les forçant à se mettre à couvert. La tactique était efficace… Mais la première et la seconde ligne de l’Union – située plus haute encore – tiraient encore et encore, obligeant la première ligne d’assaut confédérée à battre en retraite.

Alors, la seconde ligne avança. Mais ils ne firent que deux pas lorsqu’à nouveau, deux détonations résonnèrent autrement dans ce concert de détonations, coups de feu et autres explosions. Les panaches de fumées des fusils à détonations et à poudre noire, provoquaient parfois de véritables brouillards, obligeant les soldats à soit temporiser, soit à tirer à l’aveugle… Parfois, ces tirs aveuglés provoqueraient des tirs alliés, et tueraient des soldats amis et non plus des soldats ennemis… Mais tous purent voir ces deux détonations plus puissantes que celles des fusils : deux obus, à nouveau, virent exploser au beau milieu des rangs de la seconde ligne d’assaut, laquelle éclata avant de battre en retraite.

En colère, Thomas fit demi-tour, et mit pied-à-terre. Rengainant son revolver, l’officier général courut derrière les fuyards, haranguant les officiers de reformer les lignes le plus rapidement possible pour reprendre l’assaut. En attendant, d’autres centaines de soldats continuaient à descendre de la colline aux champs de blés, pour rejoindre les marais et donc, reprendre l’assaut. A nouveau le Général Powell se plaça au milieu du dispositif, et attendit… Jusqu’à ordonner l’arrêt !
« Halte ! »

A moins d’une cinquantaine de mètres des lignes unionistes, deux lignes entières de fusiliers rebelles s’arrête, et pointe leurs fusils sur la ligne de défense adverse.
« En joug ! Tenez ! » Ordonnait-il en hurlant, de ne plus voir le bout des fusils bouger. Lorsqu’enfin, ils furent immobiles, l’ordre tomba. « Feu ! »

En une fraction de seconde, 400 fusils déchargèrent leurs munitions meurtrières sur à peine cent mètres de lignes. Le panache de fumées fut tel, qu’on aurait pu croire à un tour de magie fait pour disparaitre d’une estrade devant une foule ébaubie. Mais, au lieu d’une disparition, ce fut une charge implacable qui déchira la fumée. Les uns après les autres, les rangs confédérés chargèrent la maigre portion Unioniste, Thomas au milieu d’eux. Lorsqu’enfin ils mirent un pied derrière les positions tenues depuis le début de journée par les Yankees, Thomas ordonna la poursuite de l’assaut. Moins de cent mètres séparaient la seconde ligne adverse de celle conquise à l’instant : il fallait capitaliser. Mais, à nouveau, une volée de balles fédérales découpa la mêlée comme une faux dans un champ de blés. Thomas passa si prêt de la mort, qu’il reçu sur lui le corps d’un soldat malchanceux, tué d’une balle en pleine tempe alors qu’il s’apprêtait à reprendre l’assaut. Emporté par le poids mort qui avait tout son barda sur lui, le Général chuta en arrière et se réceptionna, occiput en premier sur un roc utilisé pour un ériger un petit mur de pierre. Sonné, contusionné, les acouphènes le rendirent presque sourd et le sifflement strident le rendait… Groggy. Il regarda alors à sa droite et à sa gauche : partout, des cadavres aux uniformes bleus gisaient là, dans de grandes flaques de sangs. Certains étaient presque dénudés, signe que leurs camarades avaient tenté de voir où ils avaient été touchés et déterminer si la blessure était grave ou non. Par-dessus, des corps aux uniformes grisâtres, rouges ou à chemises à carreaux, s’amoncelaient ça et là également… La guerre continuerait, avec ou sans lui.

Alors, il entreprit de se relever, poussant de toutes ses forces sur le cadavre qui l’avait bousculé et prenant appuis sur ce sol presque humain. Lorsqu’enfin, il pu s’agenouiller, deux soldats entreprirent de l’aider. Il refusa leur aide, et leur ordonna de repartir en avant.

L’assaut reprit de plus bel jusqu’à-ce que la nuit tombe. Les lignes fédérales éclatèrent en plusieurs points, provoquant la retraite désordonnée mais néanmoins efficace – grâce à la nuit tombée justement – des troupes Unionistes qui laissèrent toutefois 894 tués sur le terrain, 3000 blessés, et plus de 2800 soldats capturés. S’ils s’étaient évidemment bien battus depuis des positions renforcées, l’attaque générale Sudiste avait été implacable, mais autrement plus meurtrier : 1500 tués, plus de 6400 blessés et 108 disparus dans ces assauts sanglants. Oh, il ne fallut point longtemps pour que les rebelles revendiquent la victoire… Mais les pertes, elles, atteignaient presque 8000 soldats, soit le tiers des soldats engagés ce jour-là, et le dixième des soldats de l’armée de Lee.

La réputation de Thomas, elle, ne fit que croître. Son courage, son dévouement et sa propension à mener lui-même les assauts sur les lignes adverses et à saisir la moindre opportunité d’offensive, lui valurent plusieurs félicitations de la part de soldats et d’officiers, et une accolade amicale de la part de Lee et de Longstreet le soir même. Déjà, certains le surnommaient « le fer de lance »… Ou encore, « Spearhead ».

Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t797-dear-secessia https://crimsontown.forumactif.com/t808-thomas-w-powell#9309
Thomas W. Powell
Le Général Déchu
Thomas W. Powell
Date d'inscription : 28/02/2024
Messages : 73

Feuille de personnage
Disponibilité RP:
Dialogue: #
Age: 45
Métier:
Pépites d'or: 0
Caractéristiques:
Le Général Déchu
MessageSujet: Re: Journal de guerre   Journal de guerre EmptyJeu 25 Avr - 16:36


30 Juin 1862 | Théâtre Oriental des opérations | Campagne de la Péninsule.
Bataille des Sept Jours | Bataille de Glendale.




Journal de guerre Seven_15

Au lendemain de la bataille de Gaines’s Mill, la situation militaire sur cette partie du front continua à évoluer. Définitivement convaincu de faire face à un adversaire supérieur en nombre, le Major General George McClellan déménagea son état-major plus loin au Sud, pour finalement rejoindre l’un des navires de la marine fédérale dédié au blocus économique du Sud. L’USS Galena, un navire de guerre en bois – rendu obsolète au tout début de la Campagne de la Péninsule lors les deux premiers cuirassés du monde s’affrontèrent pour libérer le passage au Nord vers les eaux du Sud – était situé sur la James River, à des kilomètres en retrait des lignes de l’Union. Dans les jours qui suivirent, le général en chef de l’armée du Potomac ne fit presque aucune visite sur le front, se contentant de distiller des ordres depuis son quartier-général flottant. Pire, il ne nommera aucun commandant en second, laissant l’armée du Potomac sans chef, et livrée à elle-même.

Du 28 au 29 Juin, l’armée du Potomac en retrait n’a de cesse que d’être harcelée et combattue par quelques avant-gardes et batteries d’artilleries des confédérés. Mais, à nouveau, d’énormes problèmes de communication, des officiers timorés, et même, un Brigadier General John Magruder sous l’emprise de la morphine, provoqueront de mauvaises actions, voir, pas d’actions du tout. Au travers des batailles de Garnett’s & Golding’s Farm et de Savages’s Station, les plans du Full General Robert E. Lee, pourtant méticuleux, échouent en toute ou partie : l’armée fédérale n’est ni encerclée ni défaite, ni détruite ni en passe de l’être. A chaque fois, les troupes Unionistes refluent, se rapprochant au final de plus en plus des rives de la James River.

Le 30 Juin, Lee veut reprendre l’assaut. Les reconnaissances matinales réalisées par des groupes de tirailleurs et autres tireurs d’élites, rapportent à l’état-major de Lee que les troupes fédérales se sont retranchées sur une ligne aux reliefs irréguliers entre la petite ville de Glendale et la colline de Malvern Hill sur le flanc gauche, et derrière les marais de White Oak Creek, à l’Est. Au matin, alors que les troupes se mettent en ordre de marche, les ordres de Lee son clair : attaquer !

« James, Thomas. » Commença alors Robert Lee. « Il nous faut agir, et agir vite. Je ne reparlerais pas des… Errements, de ces derniers jours. Nous avons fait ce que nous pouvions étant donné les routes désastreuses, les cartes miteuses et les difficultés liées à la guerre. Mais aujourd’hui, je veux de la discipline, de l’ordre, et de l’efficacité. »

« Entendu mon Général. » Répondit le Major General James Longstreet.

« A vos ordres mon Général. » Rajouta ensuite Thomas, la mine toujours aussi renfrognée.

« James, vous prendrez le commandement de cette partie du front. A.P. Hill et ses troupes seront sous votre commandement pour ces attaques frontales. J’ai d’ores-et-déjà ordonné au Brigadier General Huger et au Lieutenant General Thomas Jackson de manœuvrer sur votre flanc Nord : Huger attaquera sur votre flanc Nord, là où Jackson, lui, devra frapper sur le flanc droit de l’Union. Pendant ce temps, vous concentrerez vos troupes pour frapper l’ennemi sur son frontal, à proximité de la petite ville de Glendale. General Powell ? » Demanda alors Robert Lee.

« Oui mon général ? » Répondit alors le Virginien.

« J’ai eu vent de vos prouesses et de vos actions offensives. J’aimerais que vous emmeniez la première brigade de la division de Longstreet, et que vous soyez notre fer de lance. Des objections ? »

« Aucune mon Général. La brigade se situe à environs deux kilomètres de notre position, puis-je la rejoindre ? »

« Vous le pouvez, général. Placez-vous au centre du dispositif, je vous veux en première ligne le plus rapidement possible ! »

Il n’en fallait pas plus pour Thomas. Aussitôt ordonné, l’officier général s’exécuta. Sans demander son reste, il quitta la zone pour reprendre son cheval et rejoindre l’unité dont il prendrait le commandement. Ces changements soudains de commandements, ces ajustements hiérarchiques, posaient parfois quelques problèmes… Mais la réputation de Thomas le précédait, et lorsqu’il se présenta au Colonel qui était en charge de commander la première brigade pour lui signifier qu’il prenait le commandement à sa place, l’officier reçu la nouvelle avec un certain enthousiasme… Mêlé de craintes. Il savait qu’en cédant le commandement de sa brigade à un général comme Thomas, cela signifiait qu’une attaque allait être menée, et donc… Que des pertes allaient être subies.

La matinée se déroula sans grands encombre sur cette partie du front, mais, plus loin, au Nord, les détonations résonnèrent depuis le milieu de matinée. Jackson avançait avec de grandes difficultés : épuisé, au bord du surmenage après sa campagne victorieuse dans la Vallée de la Shenandoah, le très célèbre général prenait des décisions peu éclairées, et se montrait… Timoré. Lorsque les canons fédéraux tonnent, Jackson fait arrêter son armée, et déplace son artillerie afin de se lancer dans un duel d’artillerie peu efficace. Dans ces échanges, le pont sur White Oak Creek est détruit, et si plusieurs passages à guai sont envisageable, Jackson perd un temps monstrueux à reconstruire le pont, sous le feu des fusiliers et de l’artillerie Nordiste.

Pendant ce temps, Huger, lui, tarde à lancer l’offensive. A deux heures de l’après-midi, Lee, Longstreet et le président des états confédérés, Jefferson Davis, alors en visite au front, se rassemblent pour discuter de l’avancée des opérations. Ancien général lui-même, Jefferson Davis comprends rapidement que les plans de Lee ne se déroulent pas comme prévu, lorsqu’un tir d’artillerie fédérale se déclenche autour d’eux. Epargnés, plusieurs chevaux et soldats sont toutefois tués.

Cela provoque une certaine colère de la part des officiers et du présent, et accélère alors les opérations suivantes. Au final, deux heures plus tard, les ordres tombent : Longstreet fait se mouvoir ses brigades les unes après les autres, parfois, avec plusieurs heures d’écart entre leurs différentes charges. C’est durant l’une de ces charges que Thomas continue de s’illustrer.



Journal de guerre Szopar10



« Mon général ? Mon général ! » Hurla le Colonel Abe Coldwell, l’un des chefs de régiments au sein de la Brigade que commandait Thomas pour la journée. « Une ordonnance, pour vous ! »

Thomas tourna le visage vers celui qui l’avait appelé avec tant de vigueur. Il se tenait là, debout, droit comme un « i » et fier comme un coq. De part et d’autre de lui, différents officiers supérieurs, lesquels commandaient les quatre régiments sous ses ordres et qui formaient sa brigade. D’autres, dédiés aux rôles logistiques et de commandement, attendaient, quelques cartes dressées dans leurs mains, analysant les situations qui pourraient se présenter. Devant eux, une épaisse frondaison végétale s’étendait sur plusieurs centaines de mètres et, de l’autre côté, les lignes adverses. Se saisissant de l’ordonnance, Thomas la déplia consciencieusement, avant de la lire, baladant ses mirettes bleutées de gauche à droite et de droite à gauche, relisant certains des mots qui lui semblaient parmi les plus cruciaux. Puis, lorsqu’il eut fini, il plaça le papier dans une des poches de son uniforme tâché de terres et de sang de la veille, et se tint droit, les mains dans le dos.

« Messieurs ! C’est l’heure ! » Dit-il, d’une voix forte et affirmée. « L’ennemi est là, de l’autre côté de ces arbres. Notre mission : franchir la forêt, et attaquer l’ennemi de front. N’ayez craintes : nous aurons Huger et Jackson sur notre flanc gauche, prêts à enfoncer les lignes adverses avec nous ! Colonels ! A vos régiments ! Je veux le premier et second régiment en ligne dans les bois, le troisième sur ses arrières, prêt à combler les trous en cas d’attaque ou de contre-attaque. Le quatrième régiment, qu’il se tienne prêt ! Si une opportunité s’annonce pour les déborder, ce sera alors son rôle ! Messieurs, exécution ! »

A ses ordres, encore une fois, tous obtempérèrent. Mais l’un des officiers d’état-major, sans plus éclairé que les autres – ou plus informé, de par son rôle de logisticien plutôt que de combattant – s’approcha de l’officier général, lequel trépignait déjà en tapotant le bout de son pied droit contre un petit bout de bois. En son for intérieur, Thomas détestait cette phase de préparation : son rôle était de demeurer en retrait, de là où il pouvait tout voir et tout anticiper. Lui ? Il préférait être en première ligne, là où les actions se déroulaient et où les légendes s’écrivaient. Le raclement de gorge de l’officier derrière lui, le rappela à la réalisé de l’instant.

« Désirez-vous me dire quelque chose, Colonel ? » Dit Thomas, sans quitter l’horizon végétal des yeux.

« Loin de moi l’idée de vous contredire mon Général, mais il me faut vous prévenir : lorsque j’étais auprès du président, et du Uncle Robert, j’ai pu voir les cartes de l’état-major de l’armée. Et il semblerait que ni Jackson, ni Huger, ne soient sur notre flanc gauche. Mon général… Nous risquons d’avancer seuls ! Et les autres brigades n’ont même pas encore reçu l’ordre d’avancer en même temps que nous… »

« Insinuez-vous, Colonel, que l’état-major se trompe dans cette tactique ? » Demanda alors Thomas, de trois quart, un sourire en coin.

« Vous connaissez le Général Lee et le Général Longstreet mieux que moi général, car vous les assistez tous deux depuis quelques temps maintenant. Je n’oserais jamais contredire leurs ordres ou leurs pensées, mais l’honneur me commande de vous avertir : nous serons seuls, dans cette offensive. Qui sait quand les autres brigades seront envoyées sur notre flanc droit ? Les Yankees auront toute latitude pour combler les trous que nous ferons dans leurs lignes, mais nous, personne ne pourra combler les nôtres. »

« Colonel, laissez-moi vous expliquer une chose… » Il se retourne enfin, et fait face à l’officier inquiet. « Loin de moi l’envie de dire que je connais les dessins du Tout Puissant, ni même, ceux de nos amis. Toutefois, je ne suis pas bête : aussi incisif soit-il, Uncle Robert ne parvient pas à réorganiser son armée avec suffisamment de cohérence pour réussir son entreprise. Si cela continue comme cela, nous ne parviendront pas à anéantir l’armée Yankee aujourd’hui, et ils continueront à se replier jusqu’aux abords de la James River où les cannons de leurs navires de guerres nous interdiront le chemin… Je ne sais pas ce qui… Motive, ou démotive notre fier et fort Stonewall Jackson, mais il est aux abonnés absents depuis le début de cette contre-offensive. Quant à Longstreet… Disons qu’il rumine encore certaines choses qu’il ne parvient pas à pardonner à notre gouvernement, et souhaite obtenir plus de responsabilités. Lui et moi sommes un peu en… Froid, après que je lui ai expliqué ma façon de penser l’autre jour. Je sais que je ne jure que par l’attaque, mais McClellan est un couard persuadé que nous sommes plus nombreux que toutes les légions de Satan réunies. Si nous ne le poussons pas jusqu’à l’abandon, il se retranchera dans cette partie de la Virginie. Nous avons besoin de victoires… Et de grandes victoires. »

« Bien-sûr Général, mais, aujourd’hui… »

« Aujourd’hui, Colonel, nous sommes seuls. » Reprit-il, coupant la parole à l’officier au visage inquiet et aux yeux tristes. Ce dernier souffla – couper la parole était tout de même irrespectueux – mais patienta, curieux d’entendre la suite. « C’est pour cela que je réduis notre ligne de front. Nous avons 4000 soldats, qui s’avancent devant nous. 3000 d’entre eux seront face à nos ennemis, qui, eux, sont disposés sur une plus longue ligne. Je compte sur notre effet de masse pour fragiliser leurs lignes avant d’utiliser le quatrième régiment pour flanquer notre adversaire. C’est pour cela que nous devons passer la forêt… Et voir notre ennemi. »

« Vous… Vous voulez vous rendre en première ligne ? »

« Affirmatif Colonel ! Allons ! Et préparez-moi plusieurs ordonnances ! Nous n’aurons qu’une, peut-être deux fenêtres de tir, pour réajuster notre dispositif. »

Tout au long des discussions, les unités mobilisées s’étaient mises en route. S’enfonçant dans la forêt pour disparaître derrière les arbres, les régiments, rythmés par les tambours de guerre, s’apprêtaient à faire face à l’adversaire. Tel un serpent grisâtre tacheté de rouge, de blanc et de bleu – car les uniformes Sudistes restaient hétéroclites – le bruit sourd et régulier des bottes frappant le sol de cette partie de la Virginie alerterait aisément l’adversaire… Mais cela n’enlevait rien à la beauté de l’instant. Fier, Thomas regardait ses hommes avancer en rangs serrés. Droits, seuls les bouts de métal étincelants des baïonnettes trahissaient des mouvements humains, dodelinant à droite et à gauche, disparaissant ensuite derrière les branchages et les feuillages de cette forêt dense qui neutralisait les tirs d’artilleries.



Journal de guerre Perso_13



Rapidement, Thomas s’enfonça lui aussi dans la forêt, rejoignant les arrières de ses propres lignes. Il fallut presque une demi-heure aux troupes rebelles pour pouvoir rejoindre l’orée du bois, mais, enfin, tout était en place. Même le quatrième et dernier régiment, avait réussi à traverser la route au Sud de Glendale pour se placer dans un petit trou dans les lignes fédérales. D’ailleurs, Thomas avait déjà anticipé sa lettre d’ordonnance, qu’il enverrait au chef de ce régiment pour lui ordonner d’avancer. Il savait, pourtant, que ni Huger ni Jackson ne réussirait à avancer de leur côté, et donc, que s’il parvenait, lui, à enfoncer les lignes Nordistes, il se retrouverait sans arrières garde. Si l’ennemi s’en rendait compte et décidait de faire demi-tour et d’abandonner leurs lignes face aux deux généraux plus au Nord, ils pourraient alors encercler Thomas, et le détruire. Aussi fallait-il être rapide…

« Première ligne ! » Hurla-t-il, au milieu de ses hommes. « En avant ! »

Aussitôt, les officiers répercutèrent les ordres, et les lignes s’avancèrent. Faire avancer 2000 hommes sur une ligne aussi réduite demandait une certaine poigne, et les Colonels – et leurs subordonnés moins gradés – envoyaient compagnies après compagnies, zyeutant la moindre faille dans le dispositif adverse – et leur propre dispositif – pour renvoyer d’autres unités les combler, ou, au contraire, agrandir celles qui pourraient se créer chez l’ennemi.

Enfin… Tel était le plan. Car, à peine les premières lignes sortirent de l’orée du bois, qu’ils furent accueillis par toute une batterie d’artillerie chargée d’obus à mitrailles. Les détonations qui s’en suivirent furent si fortes, si rapprochées et si nombreuses, que Thomas cru être soudainement projetées au milieu d’une ruche faite de millions d’abeilles. Les cris qui s’élevèrent de la mêlée déchiquetée, marqueraient assurément les survivants de la brigade pour des années et des années… Thomas, y compris. Les blessés hurlèrent, déchiquetés par la mitraille… Des jambes, des bras, des torses et des crânes, éclatèrent sous les assauts de centaines d’ogives tirées presque à bout portant. Certains soldats, qui avaient écris leurs noms sur les pans de leurs vêtements, devinrent méconnaissables. Déchiquetés, le reste de leurs cadavres souillés par des litres de sang et de viscères, ils n’avaient plus rien d’humain.

Aussitôt, les deux premières compagnies – fortes d’environ 100 soldats chacune – rebroussèrent chemin, ne cherchant point à se frotter à nouveau à un tel adversaire. D’autres compagnies furent alors envoyées pour remplacer les morts et les fuyards, espérant alors avoir le temps d’avancer un peu plus. Ainsi allaient les vagues d’infanterie : avançant tels des rouleaux sur l’océan, remplaçant les morts, grapillant quelques mètres avant de subir le feu à leur tour, exerçant une pression si forte qu’ils obligeraient l’ennemi à battre en retraite pour s’éviter un combat au corps-à-corps.

« Envoyez deux lignes de feu derrière l’assaut ! Je veux deux volées, avant une charge digne de ce nom ! Dieu est avec nous ! »

Plutôt que de se faire massacrer sans rien faire, Thomas voulait empêcher l’ennemi d’agir. Lorsqu’avancèrent les nouvelles compagnies de première ligne, d’autres se placèrent immédiatement sur leurs arrières, fusils chargés sur trois rangs. S’espaçant légèrement – pour laisser passer les fuyards qui ne tarderaient point à battre en retraite à leur tour – ils avaient une mission importante : éclaircir les rangs des fédéraux avant un assaut frontal et massif. Avant de se placer lui-même au cœur de ces rangs, Thomas ordonna que l’on transmette le message d’assaut au quatrième régiment, plus au Nord. Agressivité, et flanque, devaient être la solution gagnante d’une telle entreprise.

Dans les minutes qui suivirent cette réorganisation et cet ordre de mouvement, l’assaut reprit. Thomas était placé dans les lignes de feu, juste derrière les compagnies d’assaut. Ces dernières s’avancèrent, dépassèrent les cadavres et blessés confédérés qui hurlaient, demandaient à l’aide, appelaient leurs mères ou agonisaient en silence et continuèrent leur avancée. Ils un peu moins de vingt-cinq mètres, lorsque l’enfer s’abattit sur eux. A nouveaux, les fusils, et les quatre canons chargés de mitraille, tirèrent de concert, tonnant tel l’orage frappant dans le jardin d’une maisonnée. Aussitôt, les balles, éclats et autres mitrailles, se mirent à claquer aux oreilles des soldats en première et seconde ligne, sifflant ça et là, frappant les rangs comme une faux frappe les blés. D’une seconde à l’autre, les rangs compactés de soldats avançant au pas de charge, fusils chargés et baïonnettes à l’avant, disparaissaient ensuite, les corps s’étiolant alors au sol. Les survivants et les blessés qui pouvaient encore se mouvoir, firent alors demi-tour, traversant les rangs de feu qui attendaient, juste derrière.

« Soldats ! En joug ! » Ordonna Thomas, voyant alors les trois rangs – l’un à-croupis, les deux autres debout et disposés en quinconce – s’exécuter sans frémir. « Tenez la ligne ! » Criait-il, attendant que le dernier fuyard ne traverse enfin, pour que les fusiliers puissent aligner leurs tirs sur les fédéraux à peine soixante-mètres devant eux. « Feu ! »

Deux-cent cinquante fusils tonnèrent alors simultanément. Les fantassins fédéraux et les artilleurs, occupés à nettoyer leurs canons et à recharger leurs fusils, furent pris par surprise. La volée fut si efficace, que des groupes entiers disparurent, tués sur le coup. Frappés par la stupeur, les soldats fédéraux tardèrent à se réorganiser et à réagir, permettant alors aux rangs confédérés de recharger à nouveau, et à Thomas, d’ordonner que d’autres compagnies s’avancent, préparant la charge globale.

La seconde volée fut presque aussi efficace que la première. Les artilleurs furent presque anéantis, tous comme les premières lignes de l’Union, de plus en plus disparates. Thomas, conscient que la rapidité serait dorénavant la clé, ordonna l’assaut total… Aidé, au Nord, par le quatrième régiment qui venait enfin d’arriver. Il y eut alors une telle confusion dans les rangs Nordistes, qu’ils reculèrent sur presque deux kilomètres, avant de réussir à reformer une ligne.

Le restant de la journée fut autrement moins meurtrier. Ebranlés, les troupes Yankees mirent plusieurs heures à réajuster leurs effectifs, les généraux Keyes et Heintzelman réorganisant leurs compagnies de sorte à combler les trous de leurs premières lignes, enfoncées par Thomas. Au Nord, toutefois, aucune action ne fut tentée par les troupes fédérales pour arrêter Thomas, qui évita l’encerclement. Mais le manque de soutiens de la part des autres unités du Major General Longstreet, et la nuit arrivant à grands pas, obligea Thomas à… Battre en retraite… Et cela, malgré avoir enfoncé les lignes ennemies sur presque cinq kilomètres. Frustré, mais satisfait de la manière dont ses troupes auront conduis ces attaques, le général marmonna sa rancœur toute la soirée durant, alors qu’il dû rejoindre ses lignes originales après avoir perdu tant d’hommes…

A la fin de la journée, les fédéraux dénombrèrent 3800 pertes : 300 morts, 1700 blessés, 1800 prisonniers et disparus. Les confédérés, eux, affichaient des pertes similaires : 3700 pertes, dont 640 morts, 2800 blessés et 220 disparus. La Brigade de Thomas fut cruellement atteinte, mais nombreux furent les survivants à recevoir les bénédictions de leurs camarades. Car les assauts du jour, montés face à l’adversaire supérieur en nombre et armés de canons d’artilleries, firent rapidement le tour des troupes confédérées… Et le président lui-même, nomma Thomas dans ses rapports du jour. Un grand honneur, pour un officier du Sud.
Revenir en haut Aller en bas
https://crimsontown.forumactif.com/t797-dear-secessia https://crimsontown.forumactif.com/t808-thomas-w-powell#9309
Contenu sponsorisé
MessageSujet: Re: Journal de guerre   Journal de guerre Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
Journal de guerre
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Crimson Town  ::  :: Ailleurs-
Sauter vers: