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Faolán P. Riagal

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Ven 17 Mar - 11:41



  • Type de RP: Normal
  • Date du RP : 17/03/66
  • Participants : Judith/Faolan
  • Trigger warning : mort, tristesse, deuil, trucs pas chouettes
  • Résumé : Faolan n'aime pas son anniversaire

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Ven 17 Mar - 11:41
Cela faisait quelques jours déjà qu'il s'assombrissait. Que ses rides se creusaient sur son front et entre ses sourcils, que ses lèvres s'affinaient parfois, lui donnant un air sévère que l'on n'avait pas coutume de voir sur ce visage habituellement souriant. Mars n'était pas une bonne période pour lui. Quand tous se réjouissaient du retour du printemps et de l'approche de Pâques, lui retournait dans ses souvenirs.

Il n'avait jamais vraiment fêté sa naissance. Pendant des années, cela avait été un jour de deuil où la visite au cimetière était de mise. Un jour où on lui rappelait qu'il portait un péché en plus de l'originel, celui d'avoir tué sa mère en naissant. Et que toutes les vies qu'il sauvait, jour après jour, dans une quête incessante de rédemption ne pourraient, finalement, jamais ramené cette personne qu'il n'avait jamais connue, cette voix qu'il imaginait parfois, transposant des émotions sur le portrait dans la chambre de son père. Une femme aux cheveux chatains et aux yeux exactement comme les siens.

Ironie du sort ou du destin, c'était aussi un jour de fête partout ailleurs en Irlande. La célébration du premier saint patron de son île et tout le monde buvait, mangeait, fêtait l'anniversaire de son pays, lui qui était si loin.

L'Irlande lui manquait cruellement parfois. Quand les tables se poussaient au saloon pour une partie de cadrille, si proche et si différente des danses de son enfance. Quand il parlait gaélique et qu'on le regardait comme s'il venait d'insulter la personne en face. Il n'en parlait jamais. Pas même au louveteau qui ne le quittait plus. Et pourtant, l'absence était là, plaie suintante loin dans son esprit.

Il n'y pensait pas. Il s'épuisait à soigner son prochain, à aider l'autre sans rien demander en retour. Il n'avait pas à se plaindre. Il avait plus de moyen qu'il ne pouvait en dépenser, il était considéré et apprécié dans la ville, malgré la froideur du Gouverneur depuis mi février. Il laissait couler. La politique n'était pas dans sa to-do liste.

Se regardant dans le miroir, il soupira. Il vieillissait. Viendrait le temps, bientôt, de se poser. De prendre ses responsabilités et d'arrêter ses bêtises de jeunes homme, comme le lui rappelait sans concession le courrier en anglais de son aîné qui trainait sur le bureau de sa chambre. Il tira sur le gilet vert bouteille qu'il avait enfilé au dessus de sa chemise blanche, en hommage à son pays natal. D'habitude, il passait la journée à l'Eglise. Il n'y en avait pas ici. Il aurait pu aller à Bodie mais il ne s'en sentait pas la motivation.

Il n'était pas non plus descendu voir ses patients. Ceux-ci pouvaient bien survivre un jour sans soins du docteur quand même. En vérité, il n'était pas descendu, lui qui en général était dès l'aube dans son bureau. Il avait à peine touché son petit déjeuner. Judith râlerait. Ca, au moins, c'était habituel.

Grognant, il continua dans la bibliothèque, se servit un grand verre de whisky; garda la bouteille à portée de main et se laissa tomber dans son fauteuil. Sans livre de médecine. Les yeux dans le vague. Il avait bien le droit de se reposer de temps en temps, non ?

Judith Henley

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Lun 27 Mar - 1:07

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Trois mois. Voilà un peu plus de trois mois qu’elle s’était présentée sur le porche de cette demeure au trop grand nombre d’étages, espérant y rencontrer un homme qui saurait se montrer clément à son égard, qui saurait entendre sa demande d’asile. Jamais au grand jamais, elle ne s’était attendue à faire face à tant de générosité que fut la proposition de Faolán Riagal. Non seulement, il avait accepté de l’aider, mais en plus, il lui avait proposé une place dans son foyer, un travail honorable, le gîte et le couvert. Mieux encore, Judith faisait chaque jour ce qu’elle aimait faire le plus au monde, prendre soin de cette demeure avec soin, et de ses occupants. Les malades n’étaient pas rares et faisaient des bouches en plus à nourrir, des étrangers avec qui parler et à découvrir… Elle était un élément indissociables des lieux, désormais. Son sourire rayonnait dans l’hôpital quand elle menait à chacun son écuelle, veillant les moins capables pour les aider à se nourrir. Un ventre plein est le meilleur des remèdes.

La routine s’était instaurée dans ses journées. Cuisine, ménage, rangement… Et quelques apprentissages quand le médecin était disposé à se montrer patient face à ses difficultés en lecture. Elle était de bonne volonté, s’acharnant du mieux qu’elle le pouvait à décrypter les mots sur le papier. En échange de ses efforts… ? Le médecin avait accueilli un louveteau sous son toit, ennemi public numéro un de la jeune femme. Combien de fois avait-elle bataillé avec l’animal dans la cuisine alors qu’il cherchait à dérober toute sorte de chose. Judith apprenait à ne plus laisser traîner son matériel, à veiller les préparatifs avec plus de soin. Pour autant, quand bien même l’animal était effrayant par sa nature, il pouvait lui arriver de lui lancer un os encore couvert de viande, simplement pour qu’il puisse s’en occuper. Finalement, le cadre dans lequel elle évoluait était relativement fixe et elle appréciait tout ceci. Elle appréciait la simplicité de son existence.

Pourtant, ces derniers jours, elle avait croisé le maître des lieux avec une mine plus renfrognée que d’ordinaire. Quelque chose le tracassait-il ? Elle n’osait jamais poser ces questions, n’essayant que peu d’en savoir plus sur son maître, se contentant de faire son travail, quand bien même il s’agissait parfois d’aller le secouer sur ses livres pour l’encourager à dormir dans son lit, non sur son bureau. Elle était intransigeante sur un point : Il devait manger. Judith s’évertuait à cuisiner mieux que quiconque, son palais étant minutieux aussi, elle ne pouvait tolérer que Faolán se défile quand il s’agissait de se nourrir, de mieux découvrir ce qu’elle avait pris soin de préparer.

Elle était passée distribuer à chacun sa petite collation du matin et fut étonnée d’entendre les présents lui souligner que le médecin n’était pas passé, en cette journée. Fronçant les sourcils, elle s’inquiéta un instant. Etait-ce normal ? Se reposait-il enfin ? Elle avait fait mine de rien devant les patients mais, en ramenant son petit plateau en cuisine, elle s’inquiéta un instant. Alors, elle prépara du thé. Elle lui avait monté son petit déjeuner, comme chaque matin, avant même qu’il n’ouvre les yeux, prenant soin de le devancer pour qu’il n’ait pas à penser. Peut-être une deuxième rasade de la boisson chaude lui ferait le plus grand bien ? Se dirigeant vers le bureau, elle fut surprise de le trouver verrouillé. C’était plus inquiétant qu’elle ne le pensait. Alors, montant prudemment dans les escaliers, elle se fraya un chemin jusqu’à sa chambre. Elle s’arrêta un instant devant la porte, tendant l’oreille, espérant qu’elle ne l’interromprait pas dans son habillage ou… Que faisaient donc les hommes quand ils étaient seuls ?

Toquant quelques coups, elle n’eut pour seule réponse que le silence. Alors, elle ouvrit le battant et découvrit la pièce vide. Enfin, vide… La brioche dorée était là, intacte. Pinçant les lèvres, le regard plissé sur la victime d’un tel crime elle claqua la porte sauvagement, se décidant à fouiller de fond en comble la demeure s’il le faudrait pour mettre la main sur lui. A dire vrai, il ne lui fallut qu’un seuil franchi supplémentaire pour lui faire finalement face dans la bibliothèque. Interdite, elle l’observa là un moment, se demandant s’il allait s’animer ou non. Cillant, elle avisa son air perdu et… La bouteille de whisky. Inclinant doucement la tête, elle se fit plus sévère encore. « On peut savoir c’que vous foutez ? » Ah, le franc parler de Judith… Quelque chose de renversant, pour sûr. Posant sans ménagement aucun le plateau sur une petite desserte, elle s’avança vers lui, tendant la main vers le verre avec la ferme intention de s’en saisir. « Midi n’est pas encore passé, je crois que vous êtes le premier à recommander à bien du monde de ne pas abuser de ce genre de plaisir avant une certaine heure… D’autant plus avec le ventre vide. »

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Sam 22 Avr - 23:09
"Pas aujourd'hui, Judith. S'il vous plait." Il aurait pu grogner et pourtant, même à ses oreilles, son ton était las et triste. Il soupira. Il allait l'inquiéter. Il l'avait déjà inquiétée, en réalité. Doucement, il lui tendit son verre, puisqu'elle le demandait et lui désigna un siège.

"Je suis navré de vous avoir inquiétée, ce n'était pas le but." Encore heureux, aurait dit son père avant de le battre comme plâtre et de l'enfermer dans une tour pour "réfléchir". Combien de 17 mars il avait passés ainsi, à méditer, sans pain, sans eau, sans autre espoir de sortie qu'habillé de noir sur la tombe de sa mère qu'on lui imposait de désherber en pénitence de son acte. Se le pardonnerait-il jamais ? Probablement pas. Il savait, quelque part, qu'il avait été innocent de toute mauvaise pensée. Mais si les intentions suffisaient, alors l'enfer n'aurait pas de raison d'être. Il baissa les yeux, soupirant à nouveau. Il allait devoir s'expliquer. Il détestait ça. Il ne savait pas par quel bout commencer, d'autant plus qu'elle ne posait aucune question, véritablement.

"Je jeûne toujours le 17 mars." ça permettait au garçon de prendre en main, seul, ses punitions. Au moins elle n'étaient plus imposées par le paternel. C'était son choix. Cependant... "j'aurais du anticiper et vous prévenir, que vous ne travailliez pas pour rien. Je m'excuse."

Il s'excusait rarement, préférant grogner en général ou dire qu'il mangerait plus tard. Mais aujourd'hui, il n'avait pas envie de garder sa carapace. Pas l'énergie d'être le gentleman irlandais parfait qu'il s'efforçait d'être le reste du temps. Il voulait juste que la journée passe et qu'on en parle plus.

"Servez-vous un verre. C'est la fête nationale dans mon pays."

Judith Henley

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Ven 5 Mai - 19:42

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Qu’est-ce que c’était que ce ton ? Pas aujourd’hui, Judith. S’il vous plaît. Ce n’était pas qu’il était d’ordinaire malpoli, mais il lui semblait soudainement étonnant qu’il en vienne presque à la supplier de ne pas en rajouter. Haussant d’abord un sourcil curieux, elle finit par froncer les deux barres de poil roux qui venaient se poser sur le bas de son front. Etait-il souffrant ? Pour ne pas manger et pour se montrer aussi fatigué alors que la matinée ne faisait que se dérouler, elle le crut un instant. Pour autant, il ne fit pas preuve de résistance quand elle s’empara de son verre, humant le liquide ambré qui lui brûla les narines. {Je suis navré de vous avoir inquiétée. « Avant, j’étais inquiète… Maintenant, je suis à ça de paniquer. » Elle avait rapproché son index et son pouce pour illustrer la mince barrière qui la séparait de cette émotion. Sans crier garde et l’ayant déjà vu faire auparavant, tout comme ses parents le faisaient avec ses cadets ou elle-même, elle posa une main sur le front de l’homme, cherchant à vérifier qu’il n’avait pas de fièvre. Non parce que seule la fièvre pouvait expliquer de tels délires, n’est-ce pas ? « A trop soigner les malades, vous avez fini par le devenir, c’est ça ? Je vous ai refait du thé, ce sera toujours mieux que du Whiskey. »

Prenant place dans le fauteuil qu’il lui avait indiqué, elle plissa les yeux, ne le quittant pas du regard. Il espérait vraiment s’en sortir de la sorte ? Elle lui ferait manger la brioche en l’enfournant de force dans sa bouche, s’il le fallait. Je jeûne toujours le 17 mars. Ah, donc c’est un problème récurrent en plus ? Qu’est-ce que c’était que cette idée de refuser de s’alimenter par choix ? Elle ne le comprendrait jamais, ayant connu la faim, ayant dû faire face au manque. Manger est un luxe agrémenté d’un plaisir qu’elle éprouvait grandement alors refuser un plat était un affront qui méritait certainement une bonne baffe ou deux… Pour autant, l’homme était son employeur et le gifler risquait de sonner la fin de leur collaboration ouvrière. J’aurais dû vous prévenir. « En effet, parce qu’il est hors de question que ce que je vous ai préparé finisse donné à je ne sais quelle bestiole de passage. » Les lèvres pincées, elle se montrait intransigeante. Il avait intérêt à suggérer quelque chose et rapidement.

Servez-vous un verre. Ah. Bon. Très bien. Avisant celui qu’elle avait déjà en main, elle le toisa du regard, lui adressant un air de défi. « Et donc pour la fête nationale… On ne mange pas chez vous ? Déjà que votre langue est une barbarie pour les oreilles, cette coutume n’a absolument aucun sens. Mais bon, puisqu’il faut célébrer… » Levant le verre, elle le porta à ses lèvres, buvant une gorgée de whisky avant de grimacer. Cet alcool n’était que flammes se glissant dans le gosier et, l’espace d’un instant, elle se demanda si elle n’allait pas se consumer sur place, toussant pour essayer de retrouver son souffle. Quand cela fut fait, elle soupira, l’observant avec intensité. « Je suis supposée dure quoi, à vos patients ? Que vous êtes visiblement trop triste de célébrer la fête nationale de votre pays ? A moins que ce soit parce que vous ayez envie d’y retourner, soudainement ? »

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Mar 9 Mai - 21:13
Un sourire triste vint éclairer son visage alors qu'elle illustrait son inquiétude. Ce n'était pas grave. Il savait que cette humeur chez lui disparaitrait à la première urgence médicale. Le fond de mélancolie qui était du à son enfance sans mère ne partirait pas et en savoir la cause ne pouvait pas le guérir. Il aurait cette blessure toute sa vie. Ce manque. Et cette culpabilité lancinante qu'on ne lui avait pas laissé soigner.

"Je ne tombe pas malade", soupira-t-il sans trop insister. Ce n'était pas tout à fait vrai. Il avait une santé de fer et la volonté qui lui permettait de travailler quand bien même la fièvre le rongeait. Au fond, il restait humain et avait déjà subi les rhumes et autres angines qui échauffent les humeurs des corps même sains. Il la laissa poser sa main sur son front, comme étonné de ce geste familier. Il allait bien, physiquement parlant. Encore une fois, il sourit tristement. L'allusion au louveteau était trop flagrante pour ne pas être notée. Et puis le sujet revint et il soupira une troisième fois.

"Mon pays me manque, oui. J'ai parfois envie de revoir ses collines, les pierres grises affleurant sous l'herbe blanchie par le sel. Tout est trop rouge ici, on dirait le sang sur les champs de bataille." Il haussa les épaules. "Mais ce n'est pas à ce point." Il attrapa la tasse de thé et la tint comme il le faisait avant de son verre d'alcool. La chaleur dans sa main diffusait une douleur qui ne lui faisait pas de mal.

"La coutume de mon pays veut que l'on boive, le jour de la fête nationale. Bière et whisky. Puis que l'on danse toute la nuit, sous les étoiles, jusqu'au lever du jour ou bien l'épuisement. Les chants doivent se faire entendre jusqu'à Londres ou plus loin. La journée sert à préparer la soirée et à décorer le monde autour de nous." Il n'avait personne avec qui danser et il semblait bien qu'on n'allait pas le laisser sombrer dans l'alcool. Nouveau soupir.

"Mais le 17 mars est aussi le jour anniversaire de la mort de ma mère." un silence. "Et celui de ma naissance."

Elle comprendrait. elle était femme. Elles savaient toutes depuis l'enfance quel était le risque pour une fille d'Eve de donner la vie. Le Seigneur avait été cruel, en ce jour de Génèse. Il transformait joie en douleur et en peine. En culpabilité pour les fils d'Adam, regardant impuissant leurs compagnes se déchirer du fruit de leurs plaisir.

Et Victoria était enceinte. Et il ne la voyait plus. Un mal pour un bien. Elle serait mieux suivie par un autre. Il baissa les yeux.

"Je jeûne ce jour en mémoire de la vie que j'ai prise. Et je bois au souvenir de l'île que j'ai quittée."

Il ne pleurait pas. Sa voix, calme, contenait une tristesse qu'il refusait d'épancher en pleurs ou en gémissements. C'étaient des faits. Neutres. Médicaux, presque. Il aurait pu parler de quelqu'un d'autre sans l'immense lassitude qu'il laissait deviner par le noeud dans sa gorge.

Judith Henley

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Jeu 11 Mai - 17:01

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Je ne tombe pas malade. Bien sûr. Dieu avait donné au médecin le droit de se prendre pour lui, alors pourquoi s’acharnerait-il sur ses fidèles en leur offrant la maladie ? Quelle idiote, réellement, de penser qu’il puisse avoir de la fièvre ou bien qu’il puisse ne plus être capable de manger… Le sarcasme se promenait dans son esprit alors qu’elle lui offrait un regard désabusé. Engouffrée dans le fauteuil à ses côtés, soupirant longuement en faisant tournoyer l’ambre du liquide qui se trouvait dans le verre qu’elle lui avait dérobé, elle se montrait plus insolente que d’ordinaire. Il pouvait être ronchon, bougon et elle savait faire face à ces comportements enfantins. Pourtant, il lui semblait volontiers que les choses étaient différentes cette fois. La preuve, il ne lui grognait pas dessus en retour, demeurait terriblement calme et empreint de cette tristesse qu’elle ne comprenait pas.

Elle espérait qu’il s’agissait d’un mal du pays qui saurait être rapidement balayé, dès le lendemain de cette journée. La fête nationale était nécessairement quelque chose qui ne pouvait que le rappeler à ses terres natales aussi, dès que se lèveraient les lueurs matinales du jour suivant, tout ceci ne serait qu’un mauvais souvenir qu’il pourra vite oublier. Tout est trop rouge, ici, on dirait le sang sur les champs de bataille. Le sang. La terre ocre avait disparu sous la neige quand elle était arrivée, se faisant oublier de la jeune femme. Mais elle ne se souvenait que trop bien du premier sentiment qui l’avait envahi, le mois passé, quand le blanc s’était effacé sous ses pas pour laisser une boue rougeâtre couvrir le sol. Elle l’avait remarqué, elle aussi, cette couleur sanguine qui hantait ses souvenirs, ses mains semblant encore imbibées de cette peinture écœurante, tatouée sous sa peau.

A son plus grand plaisir, il s’était emparé de la tasse de thé, renonçant visiblement à l’idée de lui reprendre le verre qu’elle avait toujours en main. Evoquant cette journée, enne le comprit pas le moins du monde comment et pourquoi il pouvait se montrer aussi taciturne. N’était-ce pas des célébrations de joie ? D’allégresse ? Bon Dieu, mais pourquoi semblait-il sur le point de mettre un genou à terre ? Le jeun lui allait-il si mal ? Voulait-il simplement un peu plus de jovialité ? Devait-elle s’enquérir d’aller trouver un musicien de saloon pour venir le mettre en joie, voire se sacrifier et tenter quelques pas de danse ? Mais le 17 mars est aussi le jour anniversaire de la mort de ma mère. Et celui de ma naissance. Ah. Oui. D’un coup, tout devenait limpide. Cillant face à cette information, elle le dévisagea longuement. Elle aurait pu répliquer quelque chose qui aurait incriminé le manque d’informations en sa possession mais quand et comment aurait-elle pu discuter de cela avec lui ? Il était son employeur. Ne devaient-ils pas se contenter de garder une distance sur leur vie personnelle sinon… Sinon elle serait forcée de lui expliquer les véritables raisons de sa présence à Crimson, et ce n’était pas souhaitable.

Soupirant doucement, elle déglutit longuement, alors qu’il expliquer les raisons de sa mélancolie, de son jeun et de ce verre d’alcool. « Je suis désolée. » Pouvait-elle vraiment s’excuser de ce qu’elle ignorait. Elle laissa le silence reprendre sa place, avant de se lever, reposant le verre sur le plateau, à côté de l’emplacement où se trouvait la tasse. Qui était-elle pour le priver d’un tel rituel ? Devait-elle en créer un, elle-même, concernant le sinistre jour où sa vie avait été emportée ? Quand était-ce exactement ? Pouvait-elle en retrouver la date ? « Ce n’était pas… Votre faute. » Peut on reprocher à un nourrisson la cruelle mort de sa mère ? Cela semblait possible quand elle l’entendait parler. Mais elle ne le voyait nullement comme cela. « je vais… M’arranger pour les repas. Et m’occuper du reste des choses que j’ai à faire. Je ne vous dérangerais que si… Que si quelque chose requiert votre présence. » A moins qu’il ne souhaite briser sa tranquillité, elle n’avait plus rien à faire là, non ?

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Dim 14 Mai - 18:25
Désolés, ils l'étaient tous quand ils comprenaient pourquoi il ne fêtait pas son anniversaire de naissance. Et il ne leur en voulait pas. Il n'était pas de ceux qui hurlent que c'est bien facile et des autres qui s'excusent en expliquant que ce n'était pas de leur faute. Faolan savait que Judith ne se sentait pas coupable pour sa mère. Elle n'avait aucune raison de le faire et ne faisait que tenter de partager sa peine à lui.

Ce n'était pas de sa faute. Cette phrase revenait souvent également mais si elle était vraie, d'où venait cette profonde culpabilité qu'il ressentait ? C'était de sa faute. S'il ne l'avait pas déchirée en naissant, s'il n'était pas venu au monde, alors sa mère serait toujours vivante. Teagan aurait eu une maman pour le conseiller pour son mariage et lui expliquer comment enfanter un héritier, chose dont il semblait incapable. Peut-être même que leur père ne serait pas mort.

C'était de sa faute. Il l'avait expiée chez les bons pères. Il l'avait expiée à chaque anniversaire quand il jeunait, désherbait la tombe familiale puis finissait la journée en prières. Il l'expiait moins depuis qu'il avait pris son indépendance. Pas qu'il oubliait sa culpabilité mais plus personne ne l'obligeait à porter le deuil d'une femme dont il n'avait reçu que son premier prénom. Faolàn. Le loup. Il soupira.

"Merci, Judith. Pour votre compassion et votre compréhension."

Il hésita à la retenir. Sous quel prétexte ? Et pour quoi faire ? Elle avait sa propre vie à mener. Tout ne pouvait pas s'arrêter sous prétexte qu'il était de mauvaise humeur. Il regarda le feu. C'était comme si ce jour avait étouffé toute la flamme en lui. Cette force vitale qui le faisait d'habitude cavaler toute la journée.

Judith Henley

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Sam 20 Mai - 1:13

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Merci Judith. Elle avait hoché la tête, ne sachant quoi ajouter. Quittant la bibliothèque, elle avait pourtant laissé le petit plateau avec le thé pour qu’il puisse s’éviter de ne boire que l’alcool liquoreux et ambré qui se trouvait dans son verre. Si l’inquiétude ne la quitta pas vraiment, son employeur s’étant montré véritablement mélancolique, elle avait bon nombre de tâches à réaliser en cette journée.

S’affairant tout d’abord aux nécessités de la maison en une matinée déjà bien avancée, elle prit la peine de ranger les pièces communes, s’interdisant machinalement de jeter des regards autant inquisiteurs qu’inquiets au sein de la bibliothèque. L’homme avait besoin de tranquillité et non que celle qui avait la charge de la tenue de sa maison ne vienne l’épier depuis l’encadrement d’une porte. Chaque objet avait une place attribuée dans l’esprit de la jeune femme et, chaque jour, elle prenait garde à ce qu’un objet ayant été bougé retrouve naturellement sa place. Le seul meuble qu’elle n’osait débarrasser était le bureau du médecin, trop souvent couvert de livres, ouverts ou non. Elle craignait perturber ses réflexions et ses recherches et rangeant les choses et n’avait reçu, à ce sujet, aucune remarque. D’ailleurs, profitant de l’absence du médecin dans son bureau, elle en profita pour le nettoyer un peu plus qu’à l’accoutumée.

Puis, midi sonna à l’horloge de la cuisine et elle prit le temps d’aller à la rencontre des patients, menée de ses écuelles et de ses cuillères. Un ragout de lapin les attendait et tous la complimentèrent pour la délicieuse odeur qui se répandit bien assez vite dans la large pièce. Comme à son habitude, elle resta avec eux, le temps du repas, s’inquiétant de savoir s’ils se portaient mieux, s’ils se remettaient. Ils n’étaient que deux, à cette heure, et un peu de compagnie favorisait le bien être mental. Judith appréciait ce moment où elle apprenait finalement à découvrir certains habitants de la ville, autrement. Et eux réalisaient que la jeune rousse n’était pas qu’une demoiselle qui servait autrement leur médecin que par sa fonction attribuée. Elle était une cuisinière de talent. Les abandonnant à leur digestion, elle se retira dans son antre, s’asseyant maladroitement sur la table en bois, son bol de ragout entre les mains. Attiré par la nourriture, le louveteau qui hantait cette maison ne tarda pas à montrer le bout de son museau, couinant à ses pieds, levant parfois ses pattes pour mieux obtenir son attention. Soupirant longuement, elle finit par céder. Elle n’avait aucune idée de si cela était bon pour lui, mais profitant de l’excès de viande, elle lui en glissa quelques morceaux dans un bol. « Si on te demande qui t’a donné ça, ce n’est pas moi, vilaine bête. Tâche de t’en souvenir le jour où tu auras envie de me manger ! » Déposant le contenant sur le sol, elle s’en retourna à ses occupations.

Les journées de Judith étaient toujours bien remplies. Profitant des températures les plus hautes de la journée, elle se dirigeait presque quotidiennement vers la rivière pour laver le linge et ramener de l’eau. Le poids de la brouette lui avait valu une stature plus athlétique, taillée autrement qu’à son arrivée, son corps ayant alors été éprouvé par des mois de marche. Aujourd’hui, elle était plus forte sur certains aspects, et mangeait à sa faim. Quand le linge était fait, Judith étendait les draps sur la petite parcelle de terrain qui était attenante à la maison. Son cauchemar principal demeurait la poussière qui, quand viendrait l’été, se soulèverait et viendrait gâcher son travail. Elle réfléchissait déjà à une manière pour elle d’éviter ce problème. Puis, les tâches de la maison étant prête, elle s’était affairée à son nouveau projet. Ses mains rencontrèrent la terre rouge et dure, encore tenue par le froid. A l’aide des quelques outils qu’elle avait en sa possession, elle avait retourné la matière, la mélangeant alors avec du crottin de cheval qu’elle avait pu récupérer aux écuries. Ses pratiques pouvaient sembler étrange mais, à bien y regarder, quiconque aurait compris ce qu’elle tentait d’accomplir. Il était temps de faire les premiers semis, la douceur du printemps approchant. Ainsi, elle saurait récolter les premiers légumes d’ici quelques mois. Organisant les allées, elle construisait le potager, ne dépassant pas les normes que lui avaient donné Faolan dans la délimitation de ce travail. D’un revers de manche, elle s’essuya le front, étalant la terre ocre sur son front, ses joues. Elle ne s’arrêta que lorsque le soleil fut trop bas pour lui permettre de voir encore ce qu’elle faisait.

De retour dans la maison, elle passa un temps à se laver les mains. L’hygiène avait grande place dans cette demeure et Judith s’était pliée à ses règles, n’omettant que de laver ses cheveux, les boucles rousses étant bien trop pénibles à réorganiser et à peigner. Changeant son tablier, elle ne tarda pas à passer dans chacune des pièces de la maison pour en allumer une lampe. C’est ainsi que, pensant le médecin de retour dans sa chambre, certainement en train de se recueillir, elle entra dans la bibliothèque, une lampe entre les mains, pour récupérer son plateau afin d’en laver la tasse. Et qu’elle ne fut pas sa frayeur quand, dans le noir, elle perçut la silhouette encore affalée de l’homme dans son fauteuil. Retenant un cri, son cœur fit un bond et elle eut le sentiment de l’empêcher de s’enfuir par sa bouche en plaçant une main devant ses lèvres. « Nom de Dieu ! Mais vous êtes fou de rester dans le noir, comme ça ! » Le souffle court, cherchant à calmer les ardeurs de son palpitant, elle fronça les sourcils. « Attendez, mais vous êtes resté là toute la journée ? » Elle voulait bien comprendre les raisons de son jeun, mais elle était dépassée par un tel état végétatif. Non, là, c’était trop.

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Mar 30 Mai - 20:01
Il avait bu le thé. Avec une certaine dose d'alcool à l'intérieur. Si, d'ordinaire, il tenait plutôt bien, la fatigue et le jeûne le grisaient toujours plus vite ce jour là. Il n'avait pas fallu longtemps pour que les pensées arrêtent de tourbillonner sous son crâne et que la voix paternelle cesse ses injonctions et ses reproches.

D'aussi loin qu'il se souvienne, Faolan n'avait pas été désiré. Sa petite enfance avec du être plutôt heureuse. Il avait été en nourrice, probablement choyé au vu de sa taille et de sa constitution actuelle. Il avait survécu, du moins, ce qui était tout à l'honneur de sa mère de lait et avait du bien ennuyer le paternel.

Les enfants assassins ont une vitalité qui ne peut leur venir que du Diable.

C'était les premières paroles qu'il se souvenait avoir entendues de la bouche de son père. Il avait été envoyé aux Bons Pères la semaine suivante.

"En espérant qu'ils arrivent à faire quelque chose de ton âme." avait-il conclu en guise d'au-revoir.

Alors qu'il regardait, pensif, les ténèbres s'étirer par les fenêtres de sa maison de bois, il revoyait le crépuscule au travers des vitraux de l'église. Sa véritable enfance, il l'avait passée là. Au milieu des bancs, grattant pour jouer la cire coulée des cierges aux âmes passées. Il avait admiré la Vierge comme on se perd dans des portraits de famille, cherchant dans son visage doux, comme le reflet de ses traits d'enfant.

"Ne la regarde pas ! Tu ne mérites pas de la salir de tes yeux !"

Il était déjà devenu un homme...ou presque - lorsqu'il avait découvert le vrai visage de sa génitrice sur une toile dans la galerie menant aux appartements paternels. Depuis que Teagan avait repris le château familial, elle avait d'ailleurs retrouvé sa véritable place, dans le salon. Il n'avait pas compris alors la force du rejet dans la voix de son père. Ce n'est que plus tard qu'il avait admis la puissance des mots prononcés par la plupart des tenanciers.

"Vous avez les yeux de votre mère."

Et bien ils ne devaient jamais avoir eu cet éclat, les yeux de sa mère, parce qu'il doutait fort qu'elle boive autant.

Le cri de Judith vrilla dans son crâne. Il lui fallu quelques secondes pour comprendre où il était. Quand il était. Et qu'on lui parlait en anglais.

"An bhfuil sé trathnona chena féin ?" Il n'avait pas entendu le temps passer. Son corps, se rappelant à lui, lui confirma qu'il était resté bien trop longtemps assit. Il voulu se lever, grogna. Tituba. Se rattrapa tant bien que mal au dossier.

"Ta tu ceart. Vous avez raison." Il n'alluma pas plus la lumière, pas pressé de se faire agresser les rétines. "Vous voulez voir le cadeau que je me suis fait ?"

Il lui avait fallu des années avant d'accepter de se faire à lui-même des cadeaux d'anniversaire mais le souvenir des efforts des bons pères et leurs encouragements d'alors à accepter les présents avaient finalement gagné la partie et il se gâtait maintenant plus facilement qu'alors.

Judith Henley

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Dim 11 Juin - 18:41

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Encore saisie par la surprise, la chandelle chancelante entre ses doigts, elle cilla quand, en guise de réponse, il baragouina dans ce langage qu’il lui avait affirmé ne pas être démoniaque. D’un autre côté, quand bien même elle l’eut cru, Judith ne se rendait que trop bien compte de la foi de cet homme et de ses prières adressées à un Dieu qu’elle peinait à imaginer parmi eux. Le docteur Riagal était homme trop pieu et trop généreux pour cultiver l’esprit du Malin sous son toit, elle en était persuadée.

Il tenta de se lever, titubant, usant de ses mains pour mieux se rattraper. Machinalement, elle avait posé le bougeoir sur la table d’appoint pour mieux s’avancer vers lui. « Vous avez vraiment passé l’ensemble de votre journée à boire ? » C’était affligeant. Comment un homme tel que lui pouvait s’être laissé aller à ce point. Elle entendait les raisons qui pouvait le rendre morose ce jour mais il n’était plus capable d’endosser les responsabilités qui étaient les siennes à cette heure. Si quiconque se présentait en danger de mort, Judith n’aurait d’autre choix que de leur signifier que ce soir n’est pas le bon soir… Grand Dieu, personne ne devait savoir.

Les sourcils froncés, elle se promit intérieurement de tout faire pour que le médecin ne soit vu par quiconque et que sa réputation puisse être salement amochée. Ce n’était pas le moment. Vous avez raison. Et cela l’étonnait-il vraiment ? Judith avait bien plus souvent raison qu’il n’oserait le croire seulement, parce qu’elle n’avait pas été instruite comme d’autres jeunes filles de son âge, on ne lui prêtait que très peu souvent une oreille attentive. La main de la rouquine s’était alors emparée de son bras, prête à faire face à l’éventualité d’une chute. Mieux valait l’en préserver car le rapport de carrure ne lui donnait pas raison et il y avait fort à parier que l’homme resterait à terre pour la nuit s’il devait s’y laisser tomber.

Vous voulez voir le cadeau que je me suis fait ? Voilà une bien étrange coutume. D’ordinaire, les anniversaires étaient gâtés par ceux qui nous aimaient. Judith se souvenait avoir reçu de belles aiguilles à tricoter ou bien un bracelet de cuir. Maintenant qu’elle était seule… Devrait-elle, elle aussi, s’offrir ses propres présents ? Soupirant doucement, elle hocha la tête. « Vous savez, vous m’auriez averti d’une telle chose, j’aurais pu prendre mes précautions pour ne pas me présenter à vous les mains vide, même si mon idée principale aurait été de tenter quelque chose de l’ordre de la pâtisserie… Mais soit, montrez-moi donc ce que vous avez choisi pour vous-même. En revanche, prenez garde à ne pas tomber parce que je risque d’être bien moins aimable si je dois me casser le dos à tenter de vous relever. »

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Jeu 15 Juin - 17:13
"C'aurait été du gâchis." Qu'un autre dépense son temps ou son argent pour lui le dépassait. Les Bons Pères avaient pourtant régulièrement tenu à lui offrir des livres de prières enluminés, des herbiers secs qu'il avait toujours dans son bureau, des plumes et de l'encre de la meilleure qualité possible. C'étaient les Bons Pères. Le Seigneur leur donnait un coeur et une miséricorde qui échappait au commun des mortels. Non, il ne méritait pas que qui que ce soit dépense son temps et son argent. Pas pour lui. Pas pour cette occasion. QU'on célèbre la naissance du Sauveur en s'échangeant des babioles était un chose. Les cadeaux d'alors était une façon de se réjouir de celui, immense, qu'avait fait le Seigneur à l'Humanité en lui donnant son Fils Unique.

Sa naissance à lui n'avait rien dont on pouvait se réjouir. Même la fête du Saint Patron de l'Irlande était toujours entâchée par le rappel de la domination anglaise sur l'île de ses ancêtre. Serait-elle libre un jour ? Il l'appelait de ses voeux. Il posa sa main libre sur l'épaule de Judith, s'appuyant plus sur elle qu'il ne l'aurait fait en pleine possession de ses moyens. Embrumé par l'alcool, il avait du mal à suivre ses propres pensées. Il s'était levé pour une raison. Laquelle déjà ? Il ferma les yeux pour que le monde cesse de tourner un instant. Tourner. tour. Ah oui.

"Merci." Fit-il, en un grognement avant de se soutenir à sa bibliothèque, plus solide. Il avança d'un pas hésitant jusqu'à un recoin d'où il tira une grosse caisse de bois. L'effort le fit grogner à nouveau mais il arriva à la trainer jusqu'au milieu du salon. Il s'assit alors sur le tapis, oubliant tout décorum et révéla un gramophone(tm) démonté ainsi que quelques disques.

"Savez-vous ce dont il s'agit ?" Il était extraordinairement fier de ce cadeau.

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Sam 8 Juil - 21:40

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C’aurait été du gâchis. Si elle n’avait pas été informée au préalable de ce jeun qu’il s’imposait, certainement, oui. Pour autant, elle se souvenait de son plaisir à recevoir quelques petites choses le jour de son anniversaire, même s’il s’agissait de bien peu de chose, d’une pensée ou d’une attention. Elle aurait aimé pouvoir faire de même avec le docteur Riagal et espérait que lui annoncer son avancée dans le jardin, sur ce potager qu’elle lui avait promis dès ses premiers instants, saurait lui mettre un peu de baume au cœur.

Seulement, elle ne s’était pas attendue à le trouver ainsi, maugréant quelque chose en une langue qu’elle ne comprenait pas le moins du monde, à demi somnolent dans le noir à cause de l’alcool qu’il avait pu ingurgiter. Priant pour parvenir à l’épauler au mieux dans de telles circonstances, elle avait cédé à sa demande un peu folle, n’espérant que le voir rester sur ses deux pieds et non s’effondrer à terre en raison de son équilibre qui semblait soudainement moins assuré que d’ordinaire. L’aidant autant que possible dans l’assurance de tout cela, elle ne releva pas son remerciement. Elle ne faisait que son travail, veillant sur le maître de la maisonnée comme elle veillait sur cette maison elle-même. L’observant se mouvoir avec peine jusqu’à la bibliothèque, elle se retint de tout commentaire, ne souhaitant pas le rendre plus morne qu’il semblait déjà l’être.

Attrapant une grosse caisse de bois, il poussa Judith à froncer les sourcils. Elle s’avança, prête à lui venir en aide, restant en retrait quand elle constata que malgré toutes les peines du monde, il parvint à extirper le contenant de son recoin. Et alors, il se laissa aller au sol et la jeune rousse soupira avec force. « Bon Dieu mais vous êtes plus têtu que Goldie ! N’espérez pas me voir vous relever ! » Croisant les bras, elle se fit alors curieuse quand il ouvrit la boite, révélant un objet des plus étranges. Fronçant les sourcils, elle s’avança vers la chose, la lumière vacillante des bougies pour unique guide. Savez-vous ce dont il s’agit ? Elle le regarda, lui et sa fierté, ce sourire presque enfantin s’étirant sur les lèvres d’un homme pourtant bien adulte. Observant l’objet, se penchant un peu plus vers lui, elle remarqua les disques sur le côté. « Quoique ce soit, si ce sont des roues, je vous déconseille de les utiliser, elles sont bien trop fines et se briserait en moins de temps qu’il ne faut pour le dire… A moins que ce ne soit… Une fileuse ? Mais je n’en ai jamais vu de telle… » Où donc était la quenouille ? Comment filer correctement avec ce qui semblait tourner à même le sol ? Ses hypothèses étaient plus loufoques les unes que les autres mais, d’un autre côté, pouvait-on en vouloir à celle qui n’avait jamais réellement connu ce luxe et cette technologie par le passé ? Au moins, elle essayait.

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Mer 12 Juil - 21:48
Devant les déductions de Judith, le médecin éclata d'un rire simple, joyeux, presque enfantin. L'alcool laissait tomber le verni de bonne éducation que son père lui avait inculqué à coup de ceintures et il se laissait aller à l'âme chaleureuse et passionnée qui était la sienne. C'était un son rare dans cette demeure. Faolan souriait beaucoup. Il riait peu. Tout comme il était rare de le voir triste. Ses émotions allaient en général du contentement à la gravité, parfois une colère plus ou moins feinte où se devinait le feu de son caractère réel.

"Ce ne sont pas des roues !" et encore moins une fileuse. Il n'en avait pas vu beaucoup mais pour transformer la laine en fil ne fallait-il pas quelque chose de plus large ? Et en bois ? Et fondamentalement différent ?

"Ce sont des disques." En effet, ça en avait la forme. Il sortit avec peine l'objet de son emballage, leva la tête de lecture pour y glisser un disque de son pays. Il n'en avait que quatre mais c'étaient quatre morceaux de son île qui venaient à lui.

Avec des gestes incertains, tant à cause de la boisson que de la nouveauté de l'objet qu'il ne voulait pas briser, il fit les manipulations qu'il avait lues dans l'après-midi, entre deux ruminations. Cependant, il se rappela, avant de lancer le mécanisme, qu'elle ne savait toujours pas de quoi il s'agissait.

"C'est un appareil...merveilleux." ses yeux brillaient presque fiévreux "il fait de la musique. Comme si on avait un piano et quelqu'un qui en jouait. Sans en jouer. Je ne sais pas faire de piano. Et vous ?"

Victoria jouait très bien. Il aurait adoré s'acheter un instrument et l'inviter jouer pour lui tandis qu'il travaillait. Elle ou une autre femme, silhouette gracile, fragile. Vie délicate. Il se rappela de la première femme qu'il avait aimée et qu'il avait laissée à des océans de là, dans un cercueil de noyer, à côté d'un enfant mort né. Il ne riait plus. Ses yeux s'étaient embués de larmes qu'il retenait à grand peine.

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Dim 16 Juil - 16:02

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Il rit, le bougre. Sans retenue aucune, il se laissa aller à cette simplicité, se moquant ouvertement d’elle qui plissa le regard, pinçant les lèvres. Être moquée n’avait rien d’appréciable mais l’être par un homme sous emprise de l’alcool était bien désagréable. Mais Judith se fit une réflexion étrange : Avait-elle déjà entendu un son pareil ? Le docteur de Crimson Town avait-il seulement déjà ri en sa présence ? Si elle était vexée, elle était au demeurant davantage surprise d’un tel constat, accueillant la chose en cillant, sans réellement comprend pourquoi elle songeait à cela. Ce ne sont pas des roues. Cela, elle aurait aisément pu le deviner avec le rire qu’il venait de pousser. Après tout, elle s’était trompée, et il l’avait largement fait remarquer. Elle fronça ses sourcils orangés. Bon, à quoi bon tout ce suspens ? Ne pouvait-il pas tout simplement lui apporter une réponse ?

Ce sont des disques. « Des… Quoi ? » Judith n’était pas la jeune femme la plus instruite de la ville, bien au contraire. Elle luttait contre la bêtise et l’analphabétisme chaque semaine grâce aux apprentissages donnés par mademoiselle Krajnc. Elle n’était pas mauvaise élève mais tout ceci prenait bien du temps et il lui semblait parfois ne pas avoir la patience nécessaire pour apprendre quelque chose d’aussi intellectuel que la lecture. Alors un disque… C’était une chose qui lui était tout bonnement inconnue car elle n’en avait jamais vu auparavant. Il en sortit un, le manipulant avec douceur. La rouquine songea qu’avec sa dextérité, elle risquait probablement d’en casser un avant qu’il n’ait pu servir…

Il sembla un peu gauche dans ses mouvements, Judith mettant cela sur la boisson plus que sur son manque de connaissance de l’objet. Elle garda le silence, observant l’objet avec sa bougie, la curiosité prenant le pas sur le reste. Il plaça le disque sur une autre, plus large, et sembla vouloir bouger une aiguille minuscule. Allait-il percer des trous dans son précieux disque ? A quelles fins ? C’est un appareil… Merveilleux. Elle voulait bien le croire mais en l’état actuel des choses, c’était compliqué vu qu’elle ne se figurait aucunement à quoi il pouvait bien servir. Il fait de la musique. Fronçant à nouveau les sourcils, elle observa l’engin, cherchant les cordes… Ou bien les tuyaux qui laisseraient passer l’air en conséquence. Mais à part ce large pavillon, rien n’indiquait par où il fallait souffler. Parlant du piano, il perdit définitivement la jeune femme. « Comment un piano peut-il entrer là-dedans ? » La question pouvait sembler idiote, à nouveau, mais elle était teintée d’une naïveté innocente. Je ne sais pas faire de piano. Et vous ? Elle hocha la tête de gauche à droite. Le piano était un instrument luxueux et les Henley n’auraient pu se permettre une telle chose. Elle n’en avait vu que chez d’autres.

Un silence accueillit cette question et, d’un regard vers le médecin, elle sentit une nouvelle forme de nostalgie en lui. Bon Dieu, il n’allait tout de même pas pleurer ? C’était inconvenant ! Toussotant légèrement, elle tenta de aire tant bien que mal barrage à l’oppression de ce silence. « Hum… Mon frère avait une guitare… J’ai déjà essayé de la lui emprunter mais je n’en ai rien tiré… Il disait qu’il fallait un donc pour ce genre de chose et que le mien était dans la cuisine. » Une réflexion qui aurait pu frustrer une jeune femme de sa trempe mais, à dire vrai, elle comprenait ce qu’il avait voulu dire par là. Elle avait le don de créer une alchimie certaine avec les aliments qu’on lui donnait. C’était là son talent. « Bon et… Comment ça marche ? » Elle avait fini par prendre place à côté de lui, prenant garde de ne pas trop approcher la chandelle quoique désireuse de mieux découvrir cet objet insolite.

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Lun 24 Juil - 14:40
Comment ça marche ? Il savait faire fonctionner l'appareil, ça c'était certain, enfin ça ne devait pas être si compliqué. Par contre le procédé scientifique lui était inconnu. Il n'avait pas eu le temps de se renseigner ni de connaitre les théories qui avaient mené à cette découverte. La médecine lui prenait quasiment tout son temps dit libre. Il arrivait bien à dévorer quelques romans au passage, mais, en réalité, ces derniers étaient surtout là pour remplir sa bibliothèque et les prêter à qui voulait. Sur ses vieux jours peut-être qu'il aurait plus de temps. S'il avait des vieux jours un jour. Bref.

"C'est un français. Il a trouvé comment écrire le son." Pas écrire les notes. Ca on savait le faire depuis tellement longtemps qu'il ne vint pas à l'esprit embrumé de l'homme de le préciser. Mais le son. L'écrire. Et le reproduire tel quel. En réalité, c'était magique. Encore un miracle que le Seigneur leur avait permis de produire grâce à l'intelligence qu'IL leur avait donné .C'était ça, être à l'image de Dieu. Pouvoir créer des outils et des concept. Améliorer le monde qu'on leur avait donné avec ce que le Tout Puissant dans sa sagesse avait dissimulé dedans justement pour qu'ils apprennent seuls, comme un père donne des exercices a ses enfants.

"L'appareil lit ce qui est écrit sur le disque et le son sort de l'amplificateur, là."

Il posa la tête de lecture et lança le mécanisme. C'était un ave maria poignant, avec l'accent irlandais, probablement enregistré par les plus grandes églises de son pays. Il joignit les mains, maladroit, et se mit à prier.

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Sam 19 Aoû - 23:37

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C’est un français. Il a trouvé comment écrire le son. Ces gens mangeaient bien des grenouilles alors, finalement, écrire le son… C’était bien plus normal, non ? Elle le regarda faire alors qu’il s’agitait, tâchant de mettre en route l’engin sous le regard inquisiteur de la rousse qui prenait, tout de même, garde à ne pas trop approcher la bougie pour éviter d’abimer l’appareil par une goutte de cire intrusive. Elle n’osait plus rien dire, attendant simplement qu’il ne vienne à bout de ses préparatifs pour mieux découvrir, à ses côtés, ce petit miracle de technologie.

L’appareil lit ce qui est écrit sur le disque et le son sort de l’amplificateur, là. Elle hochait machinalement la tête. Et finalement, dans un cliquetis, la patine se mit à tourner, forçant Judith à l’admirer en ouvrant la bouche. Puis, il approcha cet étrange bâton et, finalement, le miracle se fit. Là, dans la pénombre, une voix aiguë se fit entendre, prononçant les mots liés à un Ave Maria qu’elle n’avait que rarement entendu. Judith n’était plus pieuse depuis que le malheur l’avait étreint et pourtant, les intonations de cette voix la firent frissonner. Un instant, elle sembla être capable d’imaginer celle qui la possédait. C’était… Magique. Qu’importe comment cet engin pouvait fonctionner, finalement. Elle pouvait entendre cette musique. Elle pouvait la voir.

A ses côtés, le médecin s’était muré dans un silence respectueux, les mains jointes. Elle n’osa plus bouger, cherchant à garder l’intensité de cet instant profondément marquée en elle. Et finalement, après de longues minutes, le silence se fit à nouveau. Judith, alors, cilla, se réveillant de l’état second dans lequel elle avait plongé. « C’était… Merveilleux. » Relevant ses yeux clairs sur l’homme à ses côtés, elle lui offrit un sourire ému. « Merci… De m’avoir présenté ce cadeau. »

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Mar 22 Aoû - 16:32
Les mots saints résonnaient dans le salon, passant au travers de l'alcool pour le plonger dans la méditation qui le prenait souvent dans les églises. Sa petite enfance s'était passée au milieu des oraisons mais ça avaient été des voix d'hommes, graves et sourdes. La femme qui chantait avait une légèreté extrême qui donnait l'impression de se fondre avec les anges. Son accent nord-irlandais rendait encore plus beaux ses modulations aux oreilles de l'expatrié.

Le temps sembla se répandre. Un peu à la façon d'une flaque d'huile dans l'eau agitée. Il y eut un silence, puis la voix de Judith, qui sembla bien rauque après tant de beautés. Le médecin tourna la tête et la regarda. Elle avait les larmes aux yeux. Ce moment partagé n'appartiendrait qu'à eux deux. Il prit sa main dans la sienne et la serra un peu, essayant de passer sans mot toute la sympathie qu'il avait pour celle qui partageait sa vie à présent, même s'il faisait attention à ne jamais s'autoriser aucune privauté.

"De rien. Merci d'avoir été là pour que je ne le vive pas seul."

Ses mots avaient été bien articulés, dans un anglais parfait qu'il n'utilisait pas d'habitude. Il s'amusait à torturer la langue des envahisseurs de son accent natal. C'était une façon pour lui de montrer qu'il n'abandonnerait pas la lutte. Mais pour cette fois, il avait simplement oublié qu'il était en guerre. Entouré du souvenir de la prière à la Mère du Christ, celui qui s'était sacrifié pour l'Humanité, il n'avait pas la foi de jouer à ce jeu puéril.

Il arrêta le mécanisme, rangea le disque comme on range un trésor puis se releva difficilement, s'aidant d'un fauteuil.

"Je vais me coucher. A demain, Judith."

Fit-il simplement avant de tituber au mieux vers sa chambre.

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