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Des oiseaux de passage
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Sofia Ivanova

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Sam 26 Oct - 0:41

   

   
   
  • Type de RP: normal
       
  • Date du RP : 22 juin 1866
       
  • Participants :  @Thomas W. Powell
       
  • Trigger warning : Aucun
       
  • Résumé : C'est l'histoire d'une romanichelle qui a été recherchée, aujourd'hui jugée et libre, et d'un chasseur de prime qui n'a peut-être pas eu la nouvelle autour d'une table de poker.
       

   



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Sans argent, on ne peut pas faire taire les muets.

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Sam 26 Oct - 0:43



Des oiseaux de passage



Comme souvent, ce soir-là, la table de jeu m’avait appelée.

La Foire était repartie. Moi, j’étais restée. Je ne sais plus vraiment pourquoi, je n’aurais su l’expliquer mais il y avait quelque chose ici qui me donnait envie de mettre mon nez dans les affaires qui ne me concernaient pas vraiment. Le gros avantage était qu’on ne me connaissait pas. Je pouvais être qui je voulais. Et j’avais de l’argent à claquer. Alors, tout naturellement, le West Wild Saloon, solennel et fatigué au milieu de cette petite ville poussiéreuse m’avait appelée pour me mêler au bastion d’ombres et de murmures.

J’avais passé les portes battantes, branlantes et craquantes qui oscillaient au rythmes des allées et venues, qui, à chaque ouverture, laissait échapper un souffle chaud et enivré, un éclat de rires rauques et la troublante mélodie du piano qui jouait, sans trop me soucier du regard qu’on me portait. Je savais que certain m’avaient déjà abordée comme si je faisais partie des filles de l’établissement. Ils avaient vite compris qu’il n’y avait pas de concurrence : ça faisait des années que j’avais arrêté.

A l’intérieur, à la lumière des lampes à huiles était tamisée comme une brume fumeuse. Dedans, se perdaient les carrures des hommes accoudés au bas. Leurs visages burinés par le soleil et les épreuves grimaçaient entre chaque verre. Le comptoir de bois sombre, massif et bosselé, portait les stigmates des verres claqués, des bagarres qui l’avait amoché, des confidences glissées sous le murmure du whisky. Le patron de l’établissement, une silhouette trapue et silencieuse, paraissait toujours aussi étonnée de me voir entrer. Dans des gestes lents et répétés, il nettoyait les verres embués comme le gardien silencieux de cet endroit o les destins se croisent et se brisent.

Après avoir cherché à papoter avec un type qui était venu directement m’offrir un verre, je m’accoudais au piano pour regarder un temps le musicien jouer. Ses doigts osseux rebondissaient sur les touches. Une violoniste rousse avait entamé un air irlandais. Après avoir essayé de danser, je compris que personne n’avait envie de s’amuser. Alors, dépitée, je finis par errer entre les tables pour trouver un peu d’ébaudissement aux longues journées d’ennuie qui se succédaient depuis que j’étais partie.

Au fond de la salle, dans un recoin, des ombres plus épaisses s’ameutaient autour d’une d’able de jeu. Cet autel, voué à l’épreuve du hasard et des nerfs était surtout fréquenté par des hommes. Au centre, une lampe à huile vacillante éclairait les visages concentrés des joueurs.

Ils se tenaient dans un silence pesant voutés sur leurs cartes. Un vieux prospecteur, la barbe jaunie par la poussière et le tabac, gardait serrées entre ses doigts calleux. Il observait ses adversaire à travers ses yeux plissés, mi-clos, où brillait une lueur d’avidité contenue comme un loup qui attend patiemment le moment de mordre une proie à la gorge. A côté de lui, un jeune homme à la peau noire qui trahissait un passé d’esclave et à l’allure soignée contenait son agacement devant un jeu peu enviable. La mâchoire crispée, il dévisageait ses adversaire d’un regard presque aussi aiguisé que le couteau dissimulé dans sa botte.

Face à eux, un homme plus âgé, un joueur endurci, semblait faire corps avec la table marquée par les années et élimée à des endroits. Ses yeux perçant, d’un vert tendant vers le gris, me disait quelque chose. En fait, je le reconnus vite : je l’avais déjà croisé dans cette configuration à la Foire. Il avait vite quitté le jeu peu de temps après que j’eus rejoint la partie. A cause de moi ? Peut-être. Peut-être pas. Ce fut pour cette raison que, en particulier, je l’observais. Surtout sa façon de balayer les cartes, les mains et les visages, capturant les plus infimes mouvement, les respirations retenues, les tics nerveux. Sa main ferme avançait les jetons tandis que son visage paraissait rester aussi impassible que désabusé.

L’atmosphère autour de la table était tendue, saturée de défis et de secrets. C’était tout ce que j’aimais.

La partie se déroulait comme un duel silencieux. Chaque regard, chaque mouvement de main paraissait chargé de calculs et d'attentes. Le silence se ponctuait de chuchotements, d’un souffle retenu ici, d’un murmure là, et des rires étouffés de ceux qui, comme moi, dans l’ombre, pariaient sur l’issue de la partie. Parfois, le bruit sec d’un verre heurtant le bois du bar, ou le frottement sourd des bottes sur le sol couvert de sciure, résonnait dans le saloon. Mais rien ne semblait pouvoir perturber cette scène figée, ce cercle de regards et de mains où se jouait bien plus qu’une simple partie de cartes — peut-être des rêves, des colères, des vies entières, réduites au simple éclat d’un jeton glissant sur la table.

Du moins, jusqu’à ce que le prospecteur n’abandonne la partie. Là, un siège se trouva vide. Et je m’avançais pour prendre la place.

Moi, aussi, je voulais jouer.

Messieurs... saluai-je vaguement avec un petit sourire sournois au coin des lèvres.

Je n’oubliai jamais un visage. Mais allait-on me reconnaître ?



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Thomas W. Powell

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Lun 28 Oct - 11:50

Les évènements qui s’étaient déroulés sur la fin de la Foire de Crimson eurent un effet retentissant dans la ville, et sa sœur quasi-jumelle, Bodie. Horace Hudson et sa bande de criminels, avaient pu obtenir une grâce dont la provenance était, justement, digne d’un miracle pour eux – et une malédiction pour le restant de la population. Leur arrivée dans la cité, la chape de plomb qu’ils firent tomber sur les cieux comme sur les cœurs, et le sentiment d’insécurité naissant, changèrent autant l’ambiance que les comportements d’une population de plus en plus à cran.

Tous étaient armés, mais peu portaient leurs armes au quotidien avant cela. Du moins, de ce que Thomas avait pu en voir, en regardant ses contemporains. Mais, depuis, chaque citoyen et citoyenne que l’ancien confédéré avait croisé, portait à la ceinture une arme de poing, et peut-être plus, s’il était possible de voir sous les jupons. L’heure était grave… Et l’avenir, incertain. Le chasseur de prime, ancien rebelle sécessionniste, ancien General parmi les plus hauts gradés qui purent exister durant cette courte vie qu’eurent les Confederate States, ne se sentait aucunement proche de ceux qui faisaient déjà régner l’insécurité. La rébellion était chose différente du crime ; l’envie d’indépendance et la lutte pour le droit des Etats, étaient des combats autrement plus nobles que ceux qui pouvaient motiver ces rebus de la société : la richesse facilement acquise, la mort, la puissance obtenue par le feu, la douleur et la méchanceté.

Aussi, celui qui courait la prime, avait décidé de prendre le temps. Le temps d’observer, le temps d’attendre, le temps de se préparer. S’il possédait un pécule intéressant – voire impressionnant pour le commun des mortels – il devait faire dorénavant attention, car certaines des primes les plus juteuses de l’Etat avaient été graciées ou remboursées par ceux qui, aujourd’hui, déambulaient librement. Hudson et sa clique, à eux seuls, pouvaient représenter une fortune équivalente à celle amassée par la vie de propriétaire terrien et officier général de Thomas, avant la fin de la guerre. Une sacrée fortune envolée, donc… Et l’insécurité des chemins obligerait Thomas à se mouvoir de jour, dans des lieux où il pourrait anticiper toute réaction ennemie… Autrement dit, chasser la prime devenait complexe, et il lui faudrait vivre sur ses économies.

Alors, Thomas écumait le Saloon et dépouillait autant qu’il le pouvait, ceux qui venaient se frotter à lui. Oh, il ne gagnait pas toujours… Mais il savait se retirer des tablées lorsque la chance le quittait, ou que la fatigue se faisait un peu trop ressentir. Cela lui permettait aussi de garde à l’œil quelques êtres peu scrupuleux qui avaient gardé leurs mauvaises habitudes : des hommes de Hudson qui venaient dépenser un argent gagné on-ne-sait-comment à ces tablées de cartes et de hasard. Si l’un d’eux tentait quoi que ce soit, il saurait répondre du revolver plus rapidement qu’eux.

Mais aujourd’hui, il n’y avait pas de criminels. Il n’y avait que des gens, plus ou moins riches, plus ou moins louches, plus ou moins bons, qui allaient et venaient. L’un d’eux, un vieux prospecteur, perdait mises après mises dans des bluff franchement ratés. Thomas trouvait cela triste qu’un homme dont les revenus ne dépendaient que de ce qu’il trouvait sous terre, dilapide le peu qu’il pouvait posséder dans des jeux qu’il ne maîtrisait absolument pas… Mais ainsi allait la vie.

« Putain de bordel de merde ! Enfoiré ! » Dit-il, râlant, manquant presque de hurler sa frustration alors qu’il se défaussait de ses cartes et qu’il se levait d’un bond. « Foutu rebelle ! General ou pas, si j’te retrouve à rôder autant d’mes zones, j’te colle une balle ! Tricheur ! »

Puis, il s’en alla. Thomas le regardait s’en aller, un sourire en coin, s’en retournant alors à son jeu et ses piles de jetons avant de relever ses mirettes vers… Une femme. Et par n’importe laquelle, une femme qu’il avait déjà vue… Mais où ? Ah ! La partie de poker durant la fête foraine bien-sûr ! Enfin… Serait-ce ailleurs ? Mince…

« M’am. » Dit-il, froidement mais sans s’arrêter de dévisager la nouvelle arrivante. « Deux dollars l’entrée. Deux cent la p’tite blind ; quatre la grosse. Z’êtes la grosse, c’tour-ci. »

Point une insulte, bien que cela puisse être prit comme tel.

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Mar 29 Oct - 20:53
Le joueur au visage buriné par le soleil et les années que j’avais déjà croisé m’avertis que je rejoignais la partie tant que « la grosse ». « La grosse » pour « la grosse blind », j’avais compris. Ça tombait bien : j’étais, certes, un oiseau de passage mais j’étais un oiseau de passage blindé.

Toutefois, sortie du contexte, la phrase pouvait prêter à confusion, il fallait avouer. J’eus un rire amusé. Un rire qui se passait de commentaire, juste là pour dérider ces bons sieurs que je soupçonnais d’être fort ennuyeux.

Pas de commentaire d’autant plus que j’alignais les dollars sans sourciller, les sortant élégamment du petit sac de perles et de breloques qui fut négligemment posé à même le tapis vert de la table de jeu. Les quatre cents et les deux dollars furent glissés dans le pot avec un petit sourire ironique au coin des lèvres. Après tout, qu’est-ce que représentait cette somme sur les soixante-dix mille avec lesquels je me trimballais depuis la Nouvelle Orléans ?

L’argent, c’est fait pour être dépensé. Et j’ai toujours aimé jouer.

Après avoir croisés quelques regards en coin, plus ou moins hostiles, plus ou moins patibulaire, les cartes furent consciencieusement distribuées par le croupier.

JET DE DES "Chance" - REUSSITE (11)
JET DE DES "Cartes" : Sofia reçoit des cartes « Connecteurs avec potentiel de couleur »


Je jetai un œil discret au coin des cartes en les tordants un peu. Ce n’était pas le meilleur des jeux. Ce n'était pas le pire non plus. Au bluff, ça pouvait passer en fonction des autres cartes qui sortaient. Alors je tentais de garder un visage impassible. Ou plutôt, le sourire narquois que j’affichais ne s’atténua ni ne s’accentua pas.

J’attendis que les autres joueurs soient servis pour demander à mon voisin qui fumait allègrement :

Vous auriez une cigarette, s’il vous plait ?

Et comme je rejoignais la partie en tant que la grosse blind, j’attendis que les autres annoncent s’ils suivaient, relançaient ou se couchaient. Bien sûr, j’observais en détail les réactions des autres grognons pour trouver parmi eux, ceux qui feintaient et ceux qui, intérieurement exultaient, persuadés de gagner.

Pour ouvrir nonchalamment la discussion, je me risquais, l'air de rien, à une question :

Est-ce que cette place porte malheur ? Combien a perdu le bougre qui était ici ?

Perdre paraissait être le cadet de mes soucis. Par contre, difficile d’éviter d’évoquer la scène qui avait précédée sa sortie.



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Thomas W. Powell

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Mer 30 Oct - 17:13

Un visage. Un visage, au milieu de dizaines, de centaines d’autres. Un visage parmi tant d’autres, au final, un visage que l’on peut oublier. La jeune femme qui venait d’arriver à la tablée, était dotée d’un beau visage, et cela, pour certains, pouvait la rendre difficile à oublier. Un visage jeune, mais point juvénile ; un visage féminin, aux traits savamment travaillés, au sourire enjôleur mais à la jeunesse quasiment poignante. Oh, pourtant, dans cette société, marier une femme plus jeune n’est ni interdit ni rare, au contraire…

Mais Thomas ne s’arrêtait point au côté esthétique d’un visage hâlé. Encore moins, à une attitude désinvolte, une assurance surdéveloppée, une manière… Unique, de faire les choses et de se comporter. Thomas n’était point un excellent physionomiste. Il se souvenait surtout du contexte autour des rencontres, autour des gens et des visages. Et, s’il avait tout de suite reconnu le contexte de la rencontre la plus récente avec la jeune femme – la Foire, donc – une petite voix n’arrêtait point de lui dire qu’il connaissait cette jeune femme autrement.


JET DE DES "Chance" – ECHEC (14)



Cela, en plus de l’attitude de la jeune femme et des tensions qui s’exacerbaient de seconde en seconde autour de la tablée, firent presque oublier à Thomas que c’était maintenant à son tour de jouer. Se concentrant, quittant enfin les yeux de la jeune femme, le chasseur de prime entreprit de découvrir ses cartes… Et ne pu empêcher une moue de dégoût. Deux cartes qui ne donneront absolument rien, qui n’offriront rien d’autre qu’une nécessité de bluffer, voire même d’attaquer plus que de raison. Et si l’ancien officier Général n’était point pauvre et possédait une fortune personnelle de quelques milliers de dollars, il ne désirait point perdre ses gains trop rapidement. Après tout, il possédait actuellement le pot du perdant, en plus d’un gage personnel : une montre de mauvaise facture. Mais c’était déjà cela de prit !

« J’me couche. »

Il jeta alors ses cartes, face cachée bien-sûr, et vit disparaître la mise de départ obligatoire, puisqu’il était la petite blind. Il prit ensuite la flasque de whisky, qu’il gardait sous son blouson de cuir, et en prit une gorgée qui lui dérida le visage. Il devait ensuite attendre… Attendre que ne finisse le tour… Allait-elle gagner ?

Mais cette pensée intrusive ne s’arrêtait point. Alors, sous prétexte de vouloir fumer sa pipe en bois, le General déchu farfouilla de petits papiers qu’il gardait dans une autre poche encore. Il déposa sur la table, la pipe en bois dont la tête était vide de tout tabac. Sa blague à tabac de côté, le général détaillait cet instrument toxique qu’il trimbalait depuis le début de la guerre. S’il n’avait point pris le temps de graver un drapeau ou quoi que ce soit rappelant la Sécession, il avait tout de même gravé les premières lettres de son corps d’armée, juste sur le côté droit de la tête de bois. Il faudrait des yeux experts pour lire la gravure, et une connaissance pointue des évènements pour en deviner l’origine. Enfin, il allait regarder les papiers qu’il avait sorti, lorsque le croupier prit la parole, d’une voix ferme.

« General ! » Dit-il, s’arrêtant net. « Veuillez ranger vos papiers, s’il-vous-plaît. Chasseur de prime ou nous, vous êtes ici pour jouer sérieusement et nous ne tolérons aucune tentative qui s’apparenterait à la tricherie. »

Levant les deux mains en signe de compréhension et de paix, Thomas s’employait à ranger alors ses papiers. Il était persuadé qu’il avait dans ces coupures, une information concernant la jeune femme. Il avait déjà vu une photo, ou un portrait artistique dans une revue judiciaire… Il en était persuadé.

Sofia Ivanova

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Jeu 31 Oct - 17:04
Sur le tour de table, deux hommes s’étaient couchés. Un avait suivi. Je prenais le temps de le dévisager et de le jauger avant de relancer quand le croupier s’arrêta net. Il se mit à engueuler celui qui venait de passer son tour en rangeant ses cartes face contre le tapis.

Il l’appela « Général ». Un titre que le quarantenaire devait trainer de la récente guerre. Côté de la Confédération, si je jugeais à la blague à tabac et le numéro d’unité gravé sur la pipe en bois qu’il venait de sortir de ses poches. Un partisan de la Sécession, donc. J’aurais été incapable de dire précisément de quel corps d’armée il venait mais c’était bon à savoir. Voilà qui permettait d’un peu mieux cerner le lascar.

Le croupier reprochait au joueur de fouiller dans des papiers ; une maladresse qu’on aurait pu apparenter à de la triche. Comme un enfant pris les doigts dans le pot de miel, il montra la paume de ses mains afin de ne pas être évincé de la table. Alors il commença à ranger.

Ne voyant pas où se trouvait le problème, et étant d’humeur à essayer de taquiner pour déstabiliser, je voulais profiter de cette animation. Me croyant maline, je repris audacieusement le croupier avec un sourire charmeur pour apaiser un peu ce pauvre garçon qui passait sa journée à tourner les cartes sans profiter du frisson de la mise et du jeu :

Allons donc ! Qu’avez-vous donc dans les poches, m’sieur le chasseur de prime ? Vous ne voulez pas nous montrer ?

Ce ne fut que quand, un peu tard, je vis dépasser de sa pile un coin de l’esquisse de ma trogne qu’ils avaient trouvé utile de joindre au papier du New Orléans Times qui parlait de l'escroquerie dont on m'accusait, que je compris que mon effronterie me coûterait peut-être un peu plus qu'un regard de travers. Le revers de la médaille quand on avait une jolie gueule : parait-il que dans les faits divers, j’avais fait sensation au moment de mon incarcération. Peut-être même une raison pour envoyer ma gueule dans tous le pays pour les détraqués qui courraient après tous les malfrats que ces terres de dégénérés comptaient.

Je compris. Tout en essayant de garder la face, je blêmis, tirant machinalement sur la cigarette qu’on venait me de m’offrir et la recrachant lentement.

Alors ? fit l’autre joueur joueurs toujours en lice alors que, sous la table, sa jambe tressautait pour évacuer la tension du bluff que je le soupçonnais de mener.
Je relance, fis-je en rajoutant cinq dollars au pot.

Le geste paraissait machinal, désintéressé. Mais je ne lâchais pas cet ancien militaire de mes yeux noirs.

Avec un peu de chance, il avait oublié et il rangerait sa paperasse. Le papier remontait au moins à une bonne année et n’était plus d’actualité.

Si j’étais venue dans ce trou paumé, c’était avant tout pour faire oublier les frasques du procès. Alors j’aimais autant ne pas trouver quelques lettrés un peu trop bien informés pour en parler. Marre de me justifier.

Bosmuki, je n’avais pas fait tous ces miles en roulotte pour avoir encore à rejouer les séances qui s’étaient tenues au tribunal ! Le jugement était en ma faveur. Maintenant, j’avais le droit de dépenser les indemnités sournoisement gagnées…



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Thomas W. Powell

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Jeu 31 Oct - 19:40

Même dans un saloon miteux d’une cité miteuse fourrée au fin fond d’un désert point encore réellement conquis ni même sécurisé, une partie de poker ne se jouait jamais sans l’accord du croupier. De son professionnalisme dépendaient les statistiques ; de son agilité dépendait la maîtrise des cartes et la sécurité de celles-ci ; de son attitude dépendait l’ambiance des parties successives. Aussi, même au fin fond d’un saloon inconnu du grand public, lorsqu’un croupier haussait le ton et imposait l’arrêt et une règle… Tous devaient écouter. Du moins, ceux qui désiraient rester à la table sans perdre ses gains…

Thomas avait donc dû montrer patte blanche, avant de s’employer à ranger ses papiers. Quelques notes personnelles, mais surtout, des avis de recherche. Il regardait la jeune femme, la dévisageant avec une telle insistance qu’on aurait pu le croire sinon hypnotisé, au moins profondément touché. Par sa beauté ? Son attitude ? Ou simplement le fait qu’elle soit une femme à la tablée des hommes ? Allez savoir… Mais il ne pouvait s’empêcher de cogiter, encore, et encore… Il capta l’intérêt de la jeune femme pour cet amas de petits papiers plus ou moins jaunis par le temps, écornés par les poches intérieures de blousons de cuir, ou parfois franchement arrachés par quelques maladresses passées. Il fallait dire que cette phrase, invitant Thomas à ouvrir ses papiers et à tout dévoiler – après tout il n’y avait rien de secret dans tout cela – était un indice flagrant du fait que le chasseur de prime avait sans doute fait mouche…


JET DE DES "Chance" – ECHEC (14)


Mais la chance ne serait point de son côté. Car, à peine était-il en train de mettre ses pensées en ordre que le second joueur du duel en cours demanda à la joueuse de faire son prochain mouvement. Et la jeune femme s’exécuta immédiatement. Elle relançait, de cinq dollars… Soit deux fois et demi le montant de la cave – le montant pour entrer dans la partie, deux dollars – ou encore presque les deux-tiers du pot total à l’heure actuelle. Cinq dollars… Elle remettait cinq dollars de son propre porte-monnaie, la plaçant alors en tête de tablée.


JET DE DES "Charisme" – REUSSITE (11)


« M’am, peut-être aurais-je dû vous expliquer les règles. Le montant avec lequel vous jouez est de deux dollars. Vous ne pouvez relancez que de quatre cent, ou plus, mais pas plus de deux dollars. Jouez avec les jetons et le montant déposé à l’entrée s’il-vous-plaît. »

« Hey, croupier. » Intervint immédiatement Thomas, sentant une opportunité arriver. « Laissez-là donc rajouter cinq dollars si elle le veut. On a qu’a rajouter le même montant ? Comme ça, on aura tous le même stock de départ. Hum ? »

« Hum… D’accord. » Dit alors le croupier, ressortant de dessous la tablée, une autre cassette de jetons de couleur blancs, rouges, noirs et verts. « Le pot vient donc… Exceptionnellement de passer à sept dollars. Veuillez tous rajouter cinq dollars immédiatement, ou repartir avec vos gains. Ordonnait-il. Etonnamment, tous alignèrent les billets supplémentaires pour pouvoir rester en jeu, et le croupier, alors, distribua le montant correspondant en jetons. « Voilà. La miss relance donc de cinq dollars. Monsieur, vous suivez ? Ou vous vous couchez ? »

Le croupier attendait la décision du dernier joueur encore en lice. Thomas, lui… Dévisageait la jeune femme et attendait un faux-pas.

Sofia Ivanova

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Dim 3 Nov - 23:49
Désolée, j'ai de la monnaie à écouler, fis-je un sourire aux lèvres feignant la naïveté et la crédulité dès que le croupier se fendit d’un rappel des règles.

Il faut dire que la relance dépassait l’entrée. Et la diversion était bien suffisante pour faire oublier les papiers que monsieur le Général, puisque c’est ainsi qu’il se faisait appeler, rangeait dans la poche de sa veste.  Je m’attendais bien à ce que mon erreur intentionnelle fut relevée. Parce que j’aimais agacer mes camarades de jeux. Ils pensaient souvent pouvoir me plumer et, même si je ne gagnais pas, je ne perdais jamais la face ainsi, en prétendant ne rien connaître des règles et être incapable de manipuler et les joueurs et les esprits de la chance qui rôdaient autours de la table.

Grâce à l’argument de celui qui venait de se coucher, le pot fut exceptionnellement augmenté. Et j’aimais ce risque. Pour le dernier joueur qui ne s’était pas couché et attendait probablement le flop pour se décider, la tension augmentait d’un cran à mesure que les cartes sur la partie centrale se retournaient.

JET DE DES "CHANCE" – ECHEC critique (20)

Rien. Vraiment rien qui statistiquement pouvait m’appuyer. Cela dit, j’essayais de de pas paraitre le moins du monde déstabilisée en fixant mon adversaire. L’homme, pensif, paraissait prendre des distances pour ne pas avoir à croiser mon regard. Alors j’insistais. Espiègle, j’espérais l’agacer assez pour lui tirer un petit relâchement de nerfs.

Je suis, choisit l’adversaire.
Moi aussi, annonçai-je sans faire de suspens.

Le croupier pris les jeu et retourna le turn. Et là… ça commençait à être intéressant.

JET DE DES "CHANCE" – REUSSITE (4)

Ce fut la bonne couleur qui sortit. Et j’essayai de masquer mon léger sourire par une fausse moue agacée. Histoire qu’on croit que je cherchais à cacher une forme de déception pour le pousser à poursuivre. J’avais envie d’aller jusqu’au showdown, quitte à ce qu’il y ait une relance.

Je suis, refit l’homme, évitant toujours consciencieusement mon regard.
Moi aussi, m'engageai-je derechef.

Et le croupier retourna la river qui sonnait le glas de cette partie.

JET DE DES "CHANCE" – REUSSITE (12)

Encore de la couleur. J’étais garnie. A la révélation des cartes, le tirage était à ma faveur. Je gagnais la partie ; ce qui ne manqua pas de tirer une mine assurément crispée à celui qui se sentait maintenant flouée. Il pouvait croire qu’il s’agissait là de la chance du débutant mais je n’étais pas à mon coup d’essai.

Je récupérai les dollars du pot et remisai immédiatement en gardant cet air arriviste et faussement naïf de celle qui n’avait rien à faire ici mais qui parvenait, sur un coup de chance, à sortir les cartes qu’il fallait.

Ce n’était que ma première partie et, déjà, je sentais l’irritation autour de la table montrer d’un cran.

Comme une dame bien née, sans lâcher mon sourire satisfait, je me retrouvais à tirer sur ma cigarette comme une dame. Depuis que les esprits m’avaient ramené de belles sommes en proposant à des clients d’investir dans l’immobilier posthume, je n’avais pas manipulé de telles sommes récemment gagnées. Comme au bon vieux temps, je retrouvais cette petite part d’exaltation décidément oubliée.



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Thomas W. Powell

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Lun 4 Nov - 13:23

Thomas était un habitué de l’ordre, des prises de décisions et de cette aura indéfectible qui le saisissait et faisait de lui un être à part entière. Excellent meneur d’homme, combattant féroce et être doté d’une aura d’exception, il savait être écouté et respecté. Et surtout, il savait convaincre, et faire avancer les choses comme lui le désirait.

Ainsi, tous s’exécutèrent. Le pot fut largement augmenté, et le croupier, bien que visiblement agacé, fit suivre les tas de jetons de joueurs autour de la table. Les deux finalistes de ce duel – un parmi tant d’autre jusqu’au vainqueur final – tinrent bon, et s’affrontèrent, tentant de prendre le dessus l’un sur l’autre en jouant de fausses réactions, comptant sur la chance, tentant de prendre l’initiative afin que l’un puisse perdre plus d’argent que l’autre. Mais, au final, ce fut la jeune femme qui gagna la manche. Et le pot, gonflé, fit d’elle la chipleader de la partie. Thomas eut une moue d’approbation en voyant cela. Point qu’il appréciait ce qui se jouait, mais la jeune femme avait montré une chose : elle était à prendre au sérieux et n’était pas née de la dernière pluie. Ses réactions, ses machinations, ses initiatives, n’étaient donc pas à prendre à la légère… Et sûrement pas de malheureuses erreurs.



JET DE DES "Chance" – REUSSITE (7)


JET DE DES "Chance" – REUSSITE (10)


JET DE DES "Chance" – (11) - Obtention d'une suite appareillée.



La manche suivante commença bien rapidement, et Thomas, comme tous les joueurs, ne pensait qu’à une chose : ses cartes. Une… Puis une seconde, et sa main fut complète. Lorsqu’il souleva l’un des coins de ses cartes placée face contre la tablée, son regard et son attitude ne trahirent rien de ses intentions, mais il était satisfait. Il avait de quoi voir venir, et pouvait raisonnablement espérer voir une, deux, voire même trois cartes intéressantes tomber entre les mains du croupier. C’était là un des avantages à posséder les cartes qu’il avait à l’heure actuelle : point les plus fortes, mais assurément certaines des meilleurs à avoir pour un début de partie.

Sofia ayant été la « grosse blind », elle passait maintenant « petite blind » et devait attendre avant de parler. Le joueur à gauche de la « grosse blind » commença le premier, acceptant de suivre la mise de départ et plaçant alors quatre cent, somme de base pour pouvoir continuer. Thomas fut donc le suivant…

« Je relance. »



JET DE DES "Chance" – (4) - Obtention d'une suite appareillée.



Il n’eut point besoin d’indiquer de combien, car les jetons l’indiqueraient pour lui. Il relança de cinquante cent précisément, soit une somme rondelette pour l’époque et le prolétaire moyen. L’individu derrière lui hésita longuement… Et c’est alors qu’il se souvint.

La jeune femme avait ce regard intriguant que ceux qui mentent et trichent possèdent à longueur de temps. Mais surtout, elle possédait les attributs d’une population que d’aucun méprisait, et ses bijoux, ses atours et parures, rappelèrent au chasseur de prime ces choses qui le choquèrent la première fois qu’il vit l’avis de recherche… Son avis de recherche. Cette jeune femme était… Recherchée. Du moins l’eut-elle été il y a peu, mais aucune information contraire n’était parvenue aux oreilles et à la boite aux lettres du chasseur… Alors, c’est qu’elle était toujours recherchée par la justice !

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Mer 6 Nov - 21:23
Pluie de jetons. Hallalujah ! Des félicitations ? Ah non.

Je n’aurais rien demandé de mieux. Et, une victoire, ça rendait d’un coup plus supportable, à la table, toutes les aigreurs des autres vieux grincheux.

Nouveau tour. Nouvelle main. Tous se jetèrent sur leur cartes comme des vautours. Et, le coin d’œil toujours pétillant de malice, je m’amusais à les observer. Bon jeu ? Mauvais jeu ? Quoi qu’il arrive je venais de débarquer et je ne les connaissais pas assez pour en juger. Par contre, il y avait un tour que je connaissais pour les agacer.

Je ne regardai pas mes cartes. Pas une seule fois je ne les touchai. Posées face contre le tapis, j’attendais. L’une sur l’autre, les deux cartes restaient face contre terre, impeccablement droites et borgnes. L’homme à ma droite l’avait remarqué. Il me scrutait, les yeux chargés de reproches. Alors, joueuse, je lui rendis son regard avec une petite lueur de défi au fond de ma rétine noire comme le pique et le trèfle des cartes.

En face de moi, le Général, comme il se faisait appeler, relançait de cinquante cents. Une jolie petite somme, avouons. En homme avisé, je me doutais qu’il n’était pas du genre à bluffer sournoisement. Il avait quelque chose, sinon j’étais intimement persuadée qu’il ne l’aurait pas tenté.

A mon tour, sans savoir ce que j’avais, j’exposai la décision qui ponctuerait cette partie pour y mettre un peu de divertissement :

Je suis, fis-je.

Mon voisin, déjà agacé, maugréa, pour informer les autres, dans le cas où ça leur avait échappé :

Elle n'a pas regardé…

Alors, avec un sourire amusé, je le sondais en le dévisageant assez longtemps pour que ses traits se durcissent et se figent de mécontentement. A sa froideur, j’opposai un chaleureux sourire mesquin. Contrairement à d’autres, mes dents n’étaient pas gâtées et j’étais assez fière d’en découvrir l’émail brillant comme des crocs de louve.

Je crois que la chance et les esprits sont de mon côté, rétorquai-je sans animosité. Je n’ai pas besoin de m’en assurer.

Et, du bout des doigts remplis de bagues en argent et en étain, je poussais la mise vers le centre de la table vers le pot.



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Thomas W. Powell

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Mar 12 Nov - 0:30

Le regard du chasseur de prime ce fit plus dur encore qu’auparavant ; son attitude devint plus renfermée ; ses instincts, dignes d’un prédateur en chasse. Sans oublier le jeu qui se déroulait devant lui – car, bien que propriétaire d’une petite fortune, il n’était pas non plus du genre à sacrifier sept dollars sans y penser auparavant – l’homme adopta tout de même une posture plus défensive dans sa gestuelle. Il prit davantage appui sur sa hanche gauche, de sorte à pouvoir dégainer rapidement son arme à la hanche droite si quoi-que-ce-soit devait arriver. Il se mit à déchiffrer l’attitude, les habits, les réactions et les tics de sa cible : tout, chez elle, indiquait la nonchalance, l’éloignement de ces soucis et autres vicissitudes de bon aloi lorsque l’on vit dans de tels territoires dangereux. Même lorsqu’elle pu éventuellement reconnaître les avis de recherche dans les pognes du chasseur avant qu’il ne les range sur ordre du croupier, elle ne silla point, ni n’eut aucune réaction d’aucune sorte depuis… Elle devait être habituée à mentir depuis si longtemps que cela faisait partie de sa psyché dorénavant… Intéressant…

Je crois que la chance et les esprits sont de mon côté. Je n’ai pas besoin de m’en assurer.

Les esprits… La chance de son côté… Tout cela rappelait les brochures et autres articles sensationnels que le chasseur dû lire lorsqu’il prit l’avis-de-recherche dans les bureaux du tribunal voilà des mois, pour pouvoir connaître sa cible et le pourquoi de cette prime. Une romanichelle – ou d’une autre peuplade du même genre – vendant des propriétés spirituelles, des concessions dans le monde des morts, ou des choses de ce genre. Un préjudice estimé à plusieurs milliers de dollars, aux dernières nouvelles… Avait-elle fui, vers l’Ouest, pour se construire une nouvelle vie ? En cela, elle et lui ne seraient point différents, à ceci prêt que le rebelle, lui, n’était plus un ennemi de l’Etat, et surtout, il était rentré dans le droit chemin…

Puis, une idée lui vint… Une toute petite idée qui, chemin faisant, pourrait peut-être lui permettre de gagner la main, en plus de ce jeu de dupe.

« Peut-être avez-vous acheté cette chance moyennant une finance bien réelle, hm ? »

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Mar 12 Nov - 18:37
Dans la pièce sombre et enfumée, éclairée par une lumière vacillante, mon regards foncé oscillaient entre les différents joueurs, mais ils s’arrêtaient toujours sur le général. Son visage était dur, presque figé, comme sculpté dans la pierre. Les rides profondes, héritées de batailles et de nuits sans sommeil, renforçaient son expression impassible, lui donnant un air sévère, presque intimidant. Ses cheveux bruns, impeccablement coiffés, encadraient un regard perçant, où se mêlaient des nuances de gris et de vert. Ces ceux-là ne flanchaient jamais. Ils scrutaient chaque joueur autour de la table avec une froideur tranchante, comme s’il pouvait lire leurs secrets les plus sombres. Et, surtout, il me scrutait moi.

Sa carrure impressionnante lui conférait une présence imposante, et, bien qu’il soit assis, il dégageait une vigilance presque palpable. C’était pour ça que le croupier l’avait écouté sans chercher à le contredire. Chaque muscle de son corps semblait tendu, prêt à réagir au moindre signe de menace. Son habit, bien que vieilli et usé, ajoutait à son allure que je devinais autrefois martiale. Les boutons dorés ternis et les insignes effacés n’étaient pas là pour briller, mais pour rappeler silencieusement ses années de guerre et de commandement. Tout comme la blague à tabac qu’il avait ouverte.

Il se tenait dans une posture fermée, défensive, les épaules légèrement avancées, comme s’il s’abritait derrière une ligne de front invisible. Sa main gauche reposait près de ses cartes, mais c’était sa main droite qui attirait mon attention, car elle effleurait sa poche, avec une tension à peine contenue, comme s’il était prêt à en tirer une arme si la situation le demandait, ou ressortir encore ses foutus papiers. Tout dans son attitude était un avertissement : il ne se laisserait pas surprendre, et quiconque essayerait de l’affronter trouverait en lui un adversaire implacable.

Je tirai une nouvelle fois sur ma cigarette en ne le lâchant pas de mes yeux noirs. Lentement, je soufflai le nuage de fumée à l’arrière, sans chercher à indisposer les autres joueurs. Je pris le temps de me redresser, de poser un coude sur le tapis vers devant mes cartes en dédaignant toujours d’y jeter un œil.

Je fixai, ce « Général » suspicieux en articulant, avec une dose d’effronterie plutôt que de provocation :

Et vous pensez que la chance se monnaye, mon Général ?

Mon visage irrémédiablement souriant chercher à le déstabiliser. Je voulais qu’il aille au bout de ses allégations pour me libérer des soupçons qu’il avançait éhontément.



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Jeu 14 Nov - 1:20

« Hmpf »

L’ancien officier général eut une moue moqueuse. Il était certain, maintenant, d’avoir cerné la romanichelle et était prêt à la confronter. Il était certain qu’il avait face à elle, celle qui avait menti et vendu toutes ces choses aux faibles d’esprits pour préparer « l’après », et qui était recherchée. S’il doutait encore du caractère actif ou non de la recherche… Il désirait mettre la main sur elle, et ferait tout son possible pour cela.

Mais la donzelle était maline. A la pique lancée par le chasseur de prime, et qui, pensait-il, aurait provoqué l’ire de la jeune femme et l’aurait au moins suffisamment déstabilisée pour qu’il puisse tenter de prendre le dessus, Sofia répondit par une question… Ouverte, bien que douteuse. Cela, il ne l’avait pas prévu… Et cela le dérangeait, d’une certaine manière. Était-ce une défense de la part de la jeune femme ? Ou simplement, était-elle trop habituée à mentir pour être déstabilisée par si peu ?

Thomas se renfrogna et continua de jouer… L’heure du dénouement de cette main de poker était proche, mais, à mesure que les enjeux augmentaient et que la tension à la tablée se faisait de plus en plus palpable, le chasseur de prime allait tenter le tout pour le tout.

« La chance se provoque, mais ne s’achète pas. Il n’y pas… D’esprit, ou que sais-je encore. Ces choses relèvent davantage du charlatanisme qu’autre chose. Cela me rappelle cette… Femme… » Dit-il, pausant volontairement et regardant la jeune femme dans les yeux. « Qui exploitait les faiblesses de certains en vendant de places, des concessions à ceux qui étaient trop bête pour les acheter. Des concessions dans… Le monde d’après, je crois ? Que pensez-vous de cela ? »

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Jeu 14 Nov - 17:04
Systématiquement, je suivais. Les deux autres joueurs se couchèrent. Il ne resta plus que le Général et moi dans la partie. Et je voyais à sa mine renfrognée qu’il attendait le dénouement du jeu uniquement pour voir la tension encore monter. Peut-être était-ce un nostalgique de la guerre à qui la dose quotidienne d’adrénaline manquait ?

Soudain, sa remarque me fit tiquer. Selon lui, la chance se provoquait plus qu’elle s’achetait. Il affirmait bien for que les esprits n’existaient pas, qu’il s’agissait d’une forme de charlatanisme, avant d’évoquer une affaire d’idiots qui avaient achetés des concessions dans le monde d’après.

Mon regard noir frôla l’éclat des iris jades qui glissait sous ses paupières à demi-closes. Je voyais chez lui une forme de fierté le titiller. Il m’avait remise. Il avait compris que j’étais. Et à la façon dont les autres abrutis m’épiaient, je comprenais qu’il était bien le seul à comprendre de quoi il en retournait.

A vrai dire, je lui étais plutôt reconnaissante de ne pas m’avoir directement accusée frontalement. Les accusations mènent au doute. Et le doute, c’était tout ce que je fuyais en venant me perdre ici, où les publications contenant mon joli minois avait eu le temps de s’égrenait à tous vents. Il n’y avait que les adeptes de sensationnalisme et chasseurs de prime pour y faire attention.

Vous ne croyez pas aux histoires de fantômes, mon Général ? repris-je.

Un sourire narquois s’étirait sur mes lèvres qui découvrait l’émail de mes dents dans un sourire un peu carnassier. Je ne le laissais pas répondre tout de suite. La réponse, je pouvais la deviner : il avait tout d’un cartésien comme le sont souvent les hommes de guerre et les militaires. Alors, sans le laisser en caser une, j’avançais :

Moi, je ne crois pas au paradis promis par l’Eglise. Ma famille a toujours vu des choses. Et dans ses choses j’ai compris que le purgatoire ne ressemblait en rien à celui qu’on nous a toujours promis. Je crois que les lois de l’invisible sont infiniment plus nombreuses et complexes que celles sur lesquelles on s’accorde par commodité. Alors vous appellerez probablement des charlatans ceux que j’appelle des clairvoyants, personnellement.

J’étais une romani. J’en avais la dégaine et j’en avais le discours. Certains hommes autours de la table se signèrent, parce que, pour eux dans mes mots, il y avait parjure. J’attendais de voir ce que mon adversaire en dirait. Et pour finir de gratter le vernis de ce portait sinistre qu'il m'opposait, j’ajoutais :

Vous n’avez rien vu sur le champ de bataille pour vous faire douter des formes que peuvent prendre l’enfer ? Et si vous aviez pu l’éviter, ne l’auriez-vous pas fait ?

Pendant ce temps, le croupier retournait le flush. Je ne connaissais toujours pas le contenu de mes cartes.



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Ven 15 Nov - 19:57

« Vous détournez ma question, madame. »

« Une romanichelle dans toute sa splendeur » pensait l’ancien élève de West-Point, jugeant alors la jeune femme tant sur ses propos que sur son attitude, son phrase et ses habits. Par les temps chauds de l’été dans le désert Californien, il était plus confortable de s’habiller légèrement tout en couvrant la peau pour faire face au soleil de cette partie du monde. Les vêtements de la jeune femme criaient ses origines étrangères, et ce faisant, le filet se refermait de plus en plus sur elle…

« La religion n’a rien à voir là-dedans, n’est-ce pas ? » Reprit-il, tentant à nouveau de déstabiliser la jeune femme, qui ne l’avait point laissé répondre plus tôt. Puisqu’elle avait tenté de garder la parole sans laisser la moindre place à Thomas, ce dernier ferait la même chose, prestement. « L’enfer n’est rien d’autre qu’une création de l’être humain. J’ai connu l’enfer plus souvent qu’à mon tour… Lorsque nous battions les Yankees lors de la Second bataille de Manassas, notre artillerie déchaina les enfers sur les troupes fédérales, déchiquetant le moindre soldat qui osait traverser cette foutue plaine. Lorsqu’à la tête de mes troupes, j’ai chargé la colline de Little Round Top trois fois, ce n’était plus la terre ni la création de Dieu, mais l’enfer ! L’enfer et rien que l’enfer, lorsque les épées, les baïonnettes, les couteaux et les marteaux remplaçaient les fusils et que nous nous entretuions sans aucune pitié. » Rajoutait-il, laissant choir sa pogne sur le bois de la tablée, dans un bruit sourd et claquant, avant de reprendre. « Cet enfer n’était pas évitable, car ainsi arrivent les choses. Qu’aurais-je fait ? Aurais-je vendu des concessions hypothétiques, purement fabulées, moyennant finance pour que ceux qui, de toute manière, auraient dû se battre, puisse espérer y échapper un instant ? » Terminait-il, abattant ses cartes, dévoilant une main résolument fort et qui avait toutes les chances de gagner. « C’est ce que vous avez fait, Sofia. Sous couvert de charlatanisme, vous avez vendu des concessions « spirituelles » à des gens trop naïf pour mieux vous comprendre… Avouez. »

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Ven 15 Nov - 21:17
A la façon de laisser le poing mollement tomber sur la table et à abattre ses cartes, je comprenais que le joueur ne craignait pas le conflit. Rien d’étonnant chez un militaire, qu’on se le dise. Alors, patiemment, sans me démonter, j’écoutais ses arguments. Je le laissai parler et il causa longtemps pour parler de son expérience de la guerre qu’il associait irrémédiablement aux enfers.

Ce type n’avait rien d’un idiot. Pourtant, je trouvais quelques failles dans le discours qu’il utilisait. Il ne m’avait pas échappé qu’il voulait m’exposait tout en évitant soigneusement le fond du sujet. Très directement, il dévoila être persuadé d’avoir pratiqué le charlatanisme. Je ne pris pas la peine de m’offusquer, cependant mes lèvres s’étirèrent dans un sourire pincé.

Vraiment ? Il avait vraiment envie de rejouer un procès autour d’une table, au milieu des cartes à jouer ?

Il me fallut un court instant pour me remettre du fait qu’il m’avait appelé directement par mon prénom. Pour faire monter d’un cran la tension, je mis la mains sur mon jeu, prête à le dévoiler puisqu’il n’y avait plus que nous deux encore en lice pour ce tour.

Les autres joueurs de la table s’étaient suspendus à mes lèvres pour essayer de comprendre qui avait raison et qui avait tort.

Monsieur le Général… murmurai-je. Si vous affirmez que l’enfer une création de l’esprit humain, comment pouvez vous ensuite dire que vous les avez expérimentés à Little Round Top ? Il y a, pour moi, une sérieuse contradiction.

Je ne connaissais rien des visions infernales qui habitaient ce type. Nous autres, les gens du voyages, nous avons toujours été doués pour éviter les conflits. On parle un peu. On flouze beaucoup. Et on passe toujours entre les griffes des loups. Par contre, à défaut de connaître la guerre, j’avais ma petite expérience de la rhétorique. Mon cerveau a toujours très bien retenu les différents argument et il m’a souvent été facile de retrouver les sophismes et les paralogismes dans les discours de mes opposant. Alors, ce n’était plus tant le fond des problèmes qui comptait mais la forme.

Vous ne croyez pas que vous me jugez un peu rapidement monsieur … ?

Un général. Un général à Little Round Top. Il n’y en avait pas cinquante, nom de nom ! Et puis, tout au long de mes voyages j’avais déjà croisé des soldats et des officiers. Certains en avaient parlé. Vite, petite mémoire, vite ! Retrouve-moi le nom…

... Powell, finis-je, aussi naturellement que possible.

Pas besoin de lire des torchons pour savoir que je n’avais pas tué ou mené autant de gens que lui à la ruine et au néant.  

Autour de la table les autres joueurs commençaient à s’agacer et j’entendis un :

Bon, elle va enfin retourner son jeu, la voleuse de poules, là ?

Après avoir fusillé du regard le forcené, je me décidais à, dans un geste nonchalant, retourner mes cartes mollement.


JET DE DES "Cartes fermées de Sofia" - Rien (12)
JET DE DES "Avec les cartes du flop" - ECHEC (17)
JET DE DES "Avec les cartes du turn" - ECHEC (16)
JET DE DES "Avec les cartes de la river" - REUSSITE (3)  


Pas grand-chose. A peine une combinaison vague de couleur avec la river. Rien de bien fou. Ça ne battait pas le jeu de mon adversaire. Le pot était pour lui. Je passais à côté du gros lot.

Tant pis, aux jeux de la chance, il faut accepter d’être floué et la somme misée était encore dérisoire à côté de celle que je détenais. Il me restait une pirouette à trouver et c’était réglé.

Même depuis l’au-delà, vos hommes vous sont fidèles, lâchai-je. Vous les avez menés au martyr et, pourtant, leurs esprits semblent derrière vous. En parlant de profiter de gens naïfs, enrôlés à la chaîne, avec de beaux discours, sous couverts de grandes ambitions et de bons principes…  Je crois qu’ils n’étaient pas mauvais non plus, dans votre camp.

Je lui adressai un petit clin d’œil plein de sarcasme.

Ma'ame, Général, il serait peut-être de bon ton de continuer cette discussion ailleurs. Il serait préférable que le jeu reste sérieux... se vexa un peu le croupier.

Je serai bien restée pour discuter mais j’étais assez de son avis. En plus, derrière moi, un jeune homme, le regard fixe et calculateur, bien que sa cervelle dût un peu baigner dans les quelques whisky qu’il s’était enfilé trépignait à l’idée de prendre une place et je la lui accordais sans chercher à me battre. Comme la tournure que prenait la partie m’ennuyait, je décidais de lui laisser la place en récupérant une part infime de la mise du tour précédent. Un tout petit bénéfice, rien de bien méchant.

Je vous laisse donc, messieurs, murmurai-je. Bon jeu !

Et j’essayai de m’extirper de ce bourbier. Mais quelque chose me disait que le Général n’accepterait pas franchement de ne pas avoir le dernier mots après m’avoir ainsi publiquement accusée…



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Lun 18 Nov - 16:31

Un petit rire, moqueur, ricané, secoua l’ancien militaire cette fois. Plus possible pour lui de garder enfoui ce genre de pensées, de réactions, alors que la jeune femme lui apparaissait de plus en plus enfouie dans une désillusion charlatane, et de moins en moins honnête. Lorsqu’il entendit, de la bouche de cette usurpatrice, le nom de famille qui était au final le sien, l’ancien General fit une moue approbatrice, lui conférant la victoire sur ce point d’identification lequel était au final peu important. Lui, l’avait identifiée ; lui, l’avait au creux de ses pognes, avec un avis de recherche plutôt juteux.


JET DE DES "Cartes fermées de Thomas" - Rien (13)
JET DE DES "Avec les cartes du flop" - REUSSITE (4)
JET DE DES "Avec les cartes du turn" - REUSSITE (13)
JET DE DES "Avec les cartes de la river" - ECHEC (17)

Main : victoire de Thomas.


Il se tut toutefois, lorsque s’abattirent les cartes. Celle qui, jusqu’ici, avait placé sa fortune et son avenir au sein de cette partie entre les « mains des esprits », venait de perdre la manche face au General, lequel eut un sourire carnassier lorsqu’il pu le voir. Oh, l’avis du croupier était sans importance… Qu’il veuille que cette petite histoire entre eux deux se règle à l’extérieur était basique et attendu, et cela n’affecta point le moins du monde le chasseur de prime…

… La pirouette, tentée par la jeune femme, n’eut que pour effet de le faire sourire et ricaner un peu plus encore. C’était très bien vu de sa part, que d’utiliser le fait qu’il ait été un chef de corps et un chef militaire pour prouver un point. Les hommes – et les femmes – l’ont suivis dans les combats, dans l’horreur et la mort ; ont suivi les troupes pour prodiguer des soins à ceux qui mouraient davantage de la maladie, du froid, de la famine, que des réels combats… User cette corde sensible aurait pu marcher en d’autres moments, mais là, à cet instant, Thomas savourait sa victoire et sa position dominante face à la romanichelle…

Il allait répondre, mais le croupier, disions-nous, coupa court à toute réponse que le chasseur de prime aurait pu faire. Alors, lorsqu’elle entreprit de fuir avec classe et dignité, le chasseur de prime, lui, amassa ses gains sans bruits et sans heurts, et entreprit de poursuivre discrètement la jeune femme. Lui emboitant le pas à une distance respectable, il attendit d’être au milieu d’une des petites ruelles entourant le saloon pour tenir en joug la romanichelle patentée.

« Halte-là, la Romane. » Ordonnait-il, actionnant le chien du revolver qui, à moins de trente mètres, serait mortel pour n’importe qui. « Toute une vie au sein de ces foutaises familiales d’esprits et de vols t’ont peut-être corrompue, mais moi, tu ne m’auras pas. Tu es recherchée, donzelle. » De l’autre main, il montre l’avis de recherche. « J’veux que tu laisse tomber toutes tes affaires tranquillement, qu’tu lèves les mains en l’air et que tu te mette face contre le sol. J’tire si tu essaie quoi que ce soit d’autre. »

Sofia Ivanova

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Lun 18 Nov - 18:05
Après être passée régler honnêtement mes consommations auprès du tenancier, je décidais de m’en aller. L’endroit me renvoyait des mauvaises énergies. Je n’avais plus l’envie d’y trainer. Rien à voir avec le fait d’avoir perdu quelques deniers : j’avais l’impression que les ombres s’étiraient et que des mauvaises intentions se baladaient, s'étendaient et me rattrapaient pour m'avaler.

Quand je mis un pied à l’extérieur, dans la nuit sombre. Entre les habitations où ma lumière des lampes à pétrole s’étirait sous les ouvertures des fenêtres à battant, je distinguais un fin croissant de lune qui veillait sur les dormeurs, les somnambules et les quelques noctambules.

En m’enveloppant dans un manteau, je me jetais dehors, pressée de rejoindre ma roulotte où j’aurais été un peu plus en paix. Quand une voix, derrière moi, retentit pour m’arrêter.

C’était l’ancien Général. Le Powell. Il avait aussi quitté la table de jeu. Le bougre avait du coffre et, avec son air sévère et sa tronche de six pieds de long, il était d’un sérieux presque risible, s'il ne me tenait en joug. Au bout de son bras, je savais que son revolver était prêt à cracher. Un Roger & Spencer six coups si je voyais bien dans la pénombre. Sous mes jupons, ficelé contre ma cuisse dans une de ces vieux holster que l’on confectionnait pour les filles de joie, j’avais aussi un colt. Néanmoins, les instructions étaient claires. Lever les mains en l’air.  Et mettre une joue dans la poussière.

Je sentais des esprits flotter autour de celui qui avait été un maître de guerre. Pour une fois, je n’avais vraiment – mais de chez vraiment – pas envie de faire la fière et de mettre la face par terre.

Une arrestation en règle comme j’avais déjà pu l’expérimenter à la Nouvelle Orléans, quelques mois plus tôt. Pour cette raison je ne me démontai pas :

Je ne mettrai pas la gueule dans la poussière, mon Général, rétorquai-je avec aplomb, en me précipitant pour montrer mes mains désarmées, au-dessus de ma tête.

A part des ongles crochus, il n’avait rien à risquer. De toute façon, à part avec ses boules dans la poignes, je n’aurais pas pris l’ascendant physique sur un tel vétéran.

Je restais un moment figée et silencieuse. La respiration plombée à l’idée de me prendre une balle dans le front ou dans le ventre, j’essayais de réfléchir et de comprendre. Ce n’était pas dans ma nature de paniquer. Des armes, il y en avait déjà un paquet qui m’avaient pointée. Et, à la réflexion, ce n’était pas ici que j’aurais voulu mourir, : j’aurais simplement préféré ne pas finir dans une rue insipide, au fin fond de ce pays maudit, mais je n’avais nullement l’intention de m’écraser.

Alors je m’ancrais dans le sol sans bouger, en essayant de donner l’illusion de ne pas vouloir déguerpir et aller me planquer dans un trou comme une petite souris effrayée. Même si ma tripaille me disait de prendre la fuite, je savais que ça avait tout d’une mauvaise idée.

Qu’allait-il faire de plus ? M’abattre comme un chien affamé ? Je n’avais rien fait. Et pour ce dont on m’avait déjà accusée, j’avais déjà été proprement jugée.

Donc vous vous êtes reconverti en chasseur de primes, si je comprends bien, hein ? déduisis-je. Elle date un peu l'affichette que vous avez, non ?

Sinon, quel intérêt pour lui de poursuivre du gibier recherché ?

Vous arrivez un peu tard, m’sieur Powell. J’ai déjà été jugée. Et j’ai gagné. J’ai été relâchée le vingt-huit novembre dernier, affirmai-je les bras toujours levés au-dessus de ma tête. Blanche comme neige et avec les intérêts.

Je n’avais même pas à essayer de faire les yeux doux pour mentir : je disais l’absolue vérité. Une assurance qui ne m’empêcha pas de trembler quand je vis son canon légèrement osciller.

Si vous ne me croyez pas, j’ai des papiers du tribunal, affirmai-je en faisant un minuscule pas en arrière. Moi, je ne sais pas bien lire, mais je suis sûre qu’ils pourraient vous intéresser…

Et, avec une moue embêtée d'une enfant accusée d'une bêtise qu'elle n'avait pas commise, je lui tendais mes poignets pour lui montrer ma bonne foi. Cela n’aurait certainement pas été la première fois que me serais retrouvée menottée mais si c’était pour la bonne cause, et pour ne pas finir bêtement amenée au poste auprès des officiers, j’acceptai de m’y plier volontiers…



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Thomas W. Powell

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Mar 19 Nov - 9:00

Thomas était figé dans une posture de puissance. Une puissance rendue facile non grâce à sa stature, son âge, son charisme et sa prestance, mais aussi – voire surtout – grâce à l’arme pointé sur le corps gracile d’une jeune femme soudainement paralysée par la peur. Oh, oui, les armes rendent puissant. Elles renforcent le faible, enorgueillissent le lâche, justifient le pire. Elles font ressortir le pire chez l’être humain, qui, par orgueil, par effet de groupe ou tout simplement par faiblesse d’esprit et de cœur, pourrait assassiner père, mère et enfants ; massacrer quiconque se trouverait dans le champ de tir, uniquement par plaisir ou pour ressentir le frisson de la détonation. C’était grisant, de presser ce pontet de tir ; c’était tout puissant, que de pouvoir l’espace d’un instant, tordre l’espace et le temps par la seule prouesse de l’ingénierie militaire. C’était… Passionnant, de tuer. D’une certaine manière, Thomas pouvait comprendre certains hors-la-loi qui adoraient vivre de ces pulsions et de ces interdits franchis à grands renforts d’adrénaline… Mais là où eux cédaient à leurs pulsions, lui, gardait la raison, l’honneur et la parole.

Tirer sur cette femme ne lui procurerait ni peine, ni joie. Il n’en ressentirait ni fierté ni honte. Il n’aurait ni sensation grisante, ni habitude ennuyeuse. Il faisait ce qu’il devait faire pour rendre la justice, mais surtout, pour gagner sa croûte. Il eut donc un petit rire hoqueté quand la fougueuse Romano lui rendit une pique sur sa situation et cette « affichette ». Et il en eut un second lorsqu’elle mentionna un procès qu’elle aurait gagné. Oh, il n’avait point confiance en ces gens-là qui volaient poules et œufs dans les poulaillers au petit matin, pour repartir ensuite dans leurs roulottes, quelques biftons fourrés dans les jupons de leurs donzelles de sorte qu’une fois arrêtés par la foule populaire, l’on ne pense point à fouiller les femmes, par pudeur sans doute. Le seul endroit où il ne vit aucun de ces Romanichels ? La Virginie et ses champs de batailles, bien-sûr… Opportunistes, mais pas téméraires…

« Vous et moi, finalement, nous sommes pareils. » Dit-il, un petit sourire en coin et un hochement de tête réprobateur. « Vous faites ce que vous pouvez pour survivre là où on n’vous connait pas, ou là où on n’vous attend pas. Indésirable parmi les indésirables ; nuisible parmi la vermine ; invisible, parmi les rejetés. La seule différence entre vous et moi ? Être un Confédéré finira par s’oublier dans les esprits des autres. Vous, vous serez à jamais une Romano. Surtout si elle continue de se comporter comme telle, mais cela, il se gardait bien de le lui dire. « Laissez vot’ papier par terre et reculez de dix pas. Si c’que vous dites est vrai, alors je rangerais mon arme. Parole. »

Sofia Ivanova

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Mar 19 Nov - 10:44
Dès qu’on en comprenait les règles, on comprend vite que la vie est un jeu. Un jeu complexe, un jeu un peu fou mais un jeu quand même. Il y a ceux qui gagnent et ceux qui perdent. Et puis il y a ceux qui pensent avoir gagné alors qu’ils ont perdu… Le pauvre chasseur de primes ne savait pas encore qu’il appartenait à la dernière catégorie. Alors je lui pardonnais de passablement se montrer bien impoli. Aussi et surtout, parce que le canon de son revolver me pointait toujours. Et qu’à ce moment précis, je me sentais assez en sursis.

Il voulait nous trouver des points communs alors, se pensant sûrement grand seigneur, ils se mit à déblatérer quelques des généralités sur mon ethnie. Des clichés assez redondants de nuisible, de vermine, d’invisibles et de constamment rejetés. Je serrais un peu le poing pour essayer de contrôler la petite envie de lui répondre que, quand il s’agissait de faire le cirque, d’organiser de Foire, de fournir des travailleurs efficaces et informés ou des jolies filles toute bien dressées, là, personne ne nous traitait de poules. Au moins ma communauté a toujours semé plus de sourires qu’elle n’a jamais semé la mort. On ne pouvait pas en dire autant d’un confédéré.

Il me demanda de laisser le papier que j’avais évoquer par terre et de reculer. Comme si j’avais la tête ou la place dans mes vêtements échancrés de me balader avec toute la paperasse qu’on m’avait donnée à l’issue du procès…

Désolée, mon grand, je ne me trimbale pas le dossier sur moi, rétorquai-je en essayant de contrôler un rictus qui aurait trahis mon infortune.

Je veillais à garder les mains en évidence. Insolente, oui. Opportuniste, sûrement. Mais ni suicidaire, ni téméraire.

Et, à toute vitesse, je réfléchissais pour, dans le calme, trouver une solution. Et toujours crispée par la situation, je proposai :

Je crois qu’on a que deux solutions. Soit vous me suivez, je vous montre tout ça, que vous soyez rassuré sur l’idée qu’une méchante criminelle ne se trimballe pas dans les rues de votre charmante bourgade. Soit vous m’emmenez au bureau de shérif, vous envoyez un télégramme à La Nouvelle Orléans qui mettra des lustres à obtenir une réponse. Je pourrirai en prison. Vous n’aurez pas de prime parce qu’il n’y a plus de prime, et, pour vous comme pour moi, ça risque d’être bien long, bien ennuyant et finalement décevant. Enfin... Décevant pour vous, surtout, et ennuyeux pour moi, je crois.

J’essayai de ne pas parler trop vite, mais mon palpitant bondissait et me poussait à augmenter le début. En même temps, mes méninges s’activaient vite pour me sortir de cet étranger et inutile bourbier.

Il y a une autre possibilité, mon chou, proposai-je en faisant un petit pas en avant un peu craintif. Je crois que la rançon fixée par les Vanderbilt était de deux cents dollars. Je vous les offre et vous me lâchez la grappe ?

Du fric, j’en avais. Un peu trop même au vu de mon mode de vie et ce que je pouvais dépenser dans ce trou à rats reculé où il était facile de poser quelques collets et de cueillir dans bosquets. J’avais déjà investi dans les essentiels. Le reste, je pouvais le claquer sans trop regarder, avant qu’on me propose de correctement le placer.

Et rester de ce monde, ça me paraissait un investissement plutôt intéressant, il est vrai.

Vous en dites quoi, hein ? Vous ne voulez pas baisser votre putain de six-coups le temps qu’on discute ? grinçai-je. Je ne vais pas m'échapper... Parole !

Pas que j’étais particulièrement fatiguée de sentir ma vie tenir à un fil, mais je n’allais pas tenir les mains au-dessus de la tête toute la nuit…

Je n’étais pas un danger. Je n’allais pas déguerpir ou lui sauter à la gorge. Et il aurait fallu être fou pour mettre un ancien chef de guerre en joug…



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