Le soleil était harassant en cette fin de journée, encore plus en s'éloignant de la mine. Au moins, les pauvres bougres qui y œuvraient profitaient du couvert de la roche.
Joshua devait retourner à Bodie d'ici peu, la réunion des investisseurs organisée par Ferdinand Stanford ne tarderait pas à avoir une date. En attendant, il comptait bien honorer ses paroles et la proposition faite à Magon.
Un peu de dynamite pour le sabotage qu'il orchestrait avec le mexicain sur la ligne de chemin de fer ne serait pas de trop. Dès que la date de la réunion serait fixée, Joshua ne manquerait pas de la communiquer au señor. Une petite explosion le jour venu arrangerait bien ses affaires en réalité. Les hommes d'argents seraient frileux quant au projet s'il volait en éclat régulièrement, ce qui lui permettrait de racheter les parts à bas prix.
Une affaire rondement menée, qui le propulserait encore plus loin, jusqu'à Bodie, ville bien plus évoluée que la bourgade de Crimson. Certes, le joli minois de Victoria lui manquerait mais après tout, elle avait d'autres chats à fouetter et un époux à contenter avec de la marmaille à élever.
Peut-être reviendrait-il plus tard pour profiter de sa détresse et de sa peau douce ? Qui pouvait bien le savoir ?
En réalité, même s'il jugeait Crimson suffisamment prolifique, les Indes lui manquaient. Il rêvait de retourner là-bas et d'embrasser à nouveau la tiédeur de ses femmes exotiques aux mille couleurs.
Billy était parti devant, dans un petit chariot contenant une caisse de bâtons de dynamite, que Joshua avait allègrement volée. Certaines choses ne s'achetaient pas, surtout celles qui pouvaient laisser des traces et des noms.
Accompagné de Jasper, ils avaient quitté la mine à dos de cheval. Le mouvement de marche au pas du cheval était douloureux à son postérieur, lui qui montait rarement à cheval mais aussi à son bras, douloureux depuis l'attaque.
Tout semblait bien remis, son os était ressoudé mais la douleur persistait, latente et diffuse, comme un mauvais souvenir qui lui collait à la chair.
Jasper soudain lui indiqua un campement, phénomène assez commun avec toute cette ruée vers l'or. Il n'était plus rare de croiser des types venus chercher fortune. Cela tombait fort bien, Joshua avait bien besoin d'une pause et puis qui pouvait bien savoir, le type qui logeait là devait bien avoir un peu d'eau supplémentaire ? La gourde du New Yorkais n'en possédait plus que la moitié.
Ils descendirent de cheval et s'avancèrent vers l'espèce de campement de fortune. Un grand type brun semblait camouflé par une toile qui le maintenait à l'ombre. Peut-être était-il mort ?
Ce n'est qu'en s'approchant plus que Joshua le reconnut. Il cessa ses pas, presque incrédule face à l'image que lui renvoyait le fils Montgomery. Était-ce bien lui ? Difficile à dire avec cette poussière et cet accoutrement ridicule...se prenait-il pour un explorateur ?
Dès que l'homme ouvrit la bouche, le doute ne fut plus permis.
Joshua plissa légèrement les yeux, amortissant les paroles d'une impertinence et d'un mépris presque palpable. Le simple fait qu'il l'appelle par son prénom était intolérable. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire mesquin pourtant et son regard balaya les alentours avec une once de dégoût avant de se reporter sur l'apparence sauvage de son rival New Yorkais.
- Ça alors...Montgomery, répondit-il d'une voix traînante, ignorant la teneur de ses propos, j'ai presque manqué de vous reconnaître. Vous êtes vous perdu ? Avez-vous besoin d'aide ? Par tous les Saints, vous faites peur à voir...
Sean et lui se connaissaient de longue date et se détestaient, cordialement bien évidemment, comme tous gentilshommes. Combien de fois s'étaient-ils dérobé l'attention ? Le plus éloquent, le mieux accompagné, celui qui présentait mieux. Tout était sujet à se dépasser et à nourrir cette rivalité égocentrique. Combien de femmes s'étaient ils disputé ? Volés ?
Leurs ambitions et leur capacité à se hisser au plus haut avaient annihilé ce qui aurait pu devenir une amitié.
Joshua trouvait sa liberté dans ses voyages et sa quête de l'argent, Sean dans ses fouilles et ses connaissances.
Un moyen pour tous deux d'échapper à ce que la haute société attendait d'eux.
- Vos parents savent-ils que vous êtes ici ? Se moqua-t-il encore, pour appuyer sur l'idée que le retrouver ici ne pouvait être en accord avec sa famille et aussi, qu'il n'était pas apte à décider pour lui même.
L'arrogance suintait par tous les pores de sa peau. Il glissa une main dans ses cheveux parfaitement coiffé en replaçant son chapeau convenablement.
Cette rencontre l'électrisait en réalité, un nouveau challenger entrait en jeu.